« Debout Congolaises ! » présente dans cet article de notre dossier consacré aux avortements clandestins et à risques, la synthèse d’une étude vraiment indispensable : « Grossesse non désirée et avortement provoqué au Burkina Faso : causes et conséquences ». Pourquoi indispensable ?

Premièrement, parce que cette étude permet à chacun.e d’entre nous de comprendre quels sont les causes et surtout les graves conséquences des grossesses non désirées et des avortements à risques dans un pays africain, le Burkina Faso, dont les réalités sociologiques sont assez proches de celles de la RDC.

Deuxièmement, parce qu’une telle étude devrait d’urgence être impérativement réalisée dans notre pays pour pouvoir en tirer toutes les implications politiques et programmatiques qui découleraient des résultats d’une telle recherche. Vu la similarité des situations du Burkina et de la RDC, il est probable que toutes les recommandations formulées en conclusion de cette étude seraient applicables à notre pays :  Il faudrait toutefois y ajouter au minimum la dépénalisation de l’avortement dans les cas prévus à l’article 14 du Protocole de Maputo (ratifié par la RDC et qui estdonc entré dans son droit interne) : « xxxxxxxxxxxxxxx »

Au Burkina Faso, l’avortement n’est autorisé que pour sauver la vie et protéger la santé de la femme enceinte, et dans les cas de viol, d’inceste ou de graves malformations fœtales. Par conséquent, la grande majorité des femmes qui mettent fin à leur grossesse le font dans le secret, par peur des poursuites, et pour éviter la stigmatisation sociale qui entoure la pratique. C’est pourquoi la plupart des avortements clandestins se produisent dans des conditions à risque, qui mettent en danger la santé des femmes, et parfois leur vie. Ce rapport présente une estimation du nombre d’avortements et du taux d’avortement au Burkina Faso en 2008 et 2012, mais aussi des grossesses non intentionnelles (principale cause qui incite les femmes à avorter), et décrit les conséquences de l’avortement à risque sur les femmes, leurs familles et la société.

L’incidence de l’avortement

  • A partir des conclusions tirées de trois enquêtes nationales, nous pouvons désormais présenter une estimation des chiffres de l’avortement au Burkina Faso. En 2008, le taux était de 25 interruptions de grossesse pour 1 000 femmes âgées de 15 à 49 ans. Ce taux était de 23 pour 1 000 dans les zones rurales, et 28 pour 1 000 à Ouagadougou, et plus élevé dans les zones urbaines autres que Ouagadougou—42 pour 1 000.
  • Les différences significatives entre les zones urbaines et rurales en termes de niveaux de grossesses non intentionnelles et d’avortements sont dues à des facteurs culturels, religieux et démographiques qui façonnent les comportements en matière de santé sexuelle et de la procréation. L’importance qu’attachent les couples à avoir une famille nombreuse est un facteur particulièrement pré- gnant. La taille de la famille désirée est par exemple, en moyenne, de 5,9 enfants dans les zones rurales, contre 2,8 à Ouagadougou.

Au Burkina Faso, un tiers de toutes les grossesses ne sont pas intentionnelles, et un tiers de ces grossesses non intentionnelles se terminent par un avortement.

  • Les femmes qui ont recours à l’avortement n’ont pas le profil-type de toutes les femmes en âge de procréer. Elles ont tendance à être plus jeunes et plus longtemps scolarisées, et elles sont plus susceptibles de vivre en zone urbaine, de ne pas être mariées et de n’avoir aucun enfant.

Les conditions et les conséquences de l’avortement à risque

  • Entre la moitié et les deux tiers de l’ensemble des femmes qui avortent sollicitent des praticiens traditionnels sans compétence particulière ou non formés, ou bien elles utilisent leurs propres méthodes souvent dangereuses. Environ un avortement sur sept est pratiqué par un médecin (3%) ou un assistant de santé formé (12%). Ces procédures sûres sont en grande majorité utilisées par les femmes aisées qui vivent en ville. Alors qu’un quart des avortements sollicités par ces femmes sont pratiqués par un médecin et un autre quart par un assistant de santé formé, les avortements médicalement assistés sont quasiment inexistants chez les femmes pauvres des zones rurales. Seulement un avortement sur onze y est pratiqué par un assistant de santé formé.
  • On estime que quatre femmes sur dix qui ont recours à un avortement à risque subissent des complications qui peuvent menacer leur santé et même leur vie. Alors que cette proportion est d’une sur quatre chez les femmes aisées habitant la ville, elle est d’une sur deux chez les femmes pauvres habitant la campagne.
  • On estime que près de six femmes sur 10 qui sollicitent des praticiens traditionnels et la moitié de celles qui avortent seules connaissent des complications, contre environ une femme sur cinq de celles qui font appel à une sage-femme, un assistant de santé formé ou d’autres personnels de santé, et seulement une sur 10 de celles qui se rendent chez un médecin.
  • Certaines femmes subissant des complications ne reçoivent pas les soins post-avortement dont elles ont besoin. A l’échelle nationale, presque quatre femmes subissant des complications sur 10 ne reçoivent pas de soins. Cette proportion est plus grande chez les femmes pauvres vivant en zones rurales que chez celles qui sont plus aisées et qui vivent en ville, ce qui illustre le fait que les services et soins post-avortement sont plus accessibles dans les villes que dans les campagnes (dans le cas où les femmes ont les moyens de les payer).
  • La moitié des femmes qui reçoivent des soins pour des complications liées à un avortement à risque sont traitées dans des établissements de santé primaire, un quart dans un centre médical avec antenne chirurgicale ou dans un centre médical plus basique.

Grossesses non intentionnelles

  • La taille moyenne de la famille est importante au Burkina Faso, même si elle s’est réduite, passant de 6,9 enfants en 1993 à 6 enfants en 2010. Cependant, la taille moyenne de la famille en 2010 était seulement de 3,4 enfants à Ouagadougou, ce qui est moins que dans d’autres zones urbaines (4,4) et que dans les zones rurales (6,7).
  • Les conditions qui permettraient à la plupart des femmes d’éviter les grossesses non intentionnelles ne sont actuellement pas réunies au Burkina Faso. L’utilisation de la contraception est très faible : en 2010, seules 16% des femmes mariées en âge de procréer utilisaient une méthode de contraception. Certes, le niveau général d’utilisation de la contraception a doublé depuis 1993—il était de 8%—et l’utilisation des méthodes modernes a triplé au cours de cette même période. Néanmoins, le faible niveau d’utilisation de la contraception est la principale raison qui explique le taux élevé de grossesses non intentionnelles au Burkina Faso.
  • Les besoins non satisfaits en contraception sont élevés au Burkina Faso. Ils l’ont toujours été sur les 10 dernières années En 1998–1999, 26% des femmes mariées âgées de 15 à 49 ans ne désiraient pas d’enfants dans un futur proche ou dans l’absolu et n’utilisaient aucune méthode de contraception. En 2010, cette proportion n’avait presque pas changé (24%).
  • Parmi les femmes célibataires mais sexuellement actives dans la même tranche d’âge, les besoins non satisfaits sont encore plus importants—35% en 1998–1999 et 38% en 2010.

Implications politiques et programmatiques de ces résultats

  • L’utilisation de la contraception doit s’intensifier si l’on veut que plus de femmes burkinabè puissent éviter de tomber enceintes lorsqu’elles ne le souhaitent pas. Réduire le nombre de grossesses non intentionnelles est la solution primordiale pour faire baisser le niveau actuel d’avortements à risque dans le pays.
  • Parmi les stratégies possibles pour faciliter une plus grande adoption des méthodes modernes de contraception au Burkina Faso se trouvent l’extension et la promotion des programmes de planification familiale à travers les services nationaux de santé primaire, et la fourniture de méthodes de planification familiale en tant qu’étape incontournable des soins post-avortement.
  • Le coût élevé des services de planification familiale semble constituer, pour de nombreuses femmes pauvres, un obstacle important que les décideurs politiques du Burkina Faso devraient réduire. Aujourd’hui, dans les cliniques de santé publique, les femmes doivent s’acquitter du prix des produits contraceptifs et des accessoires— même si ce prix est subventionné.
  • Compte tenu du fait que les femmes qui avortent sont de façon disproportionnée jeunes et non mariées, une attention particulière doit être accordée au fait de leur fournir une éducation sexuelle dès un âge relativement jeune, à l’école et en dehors de l’école, et des services de planification familiale accessibles et dépourvus de tout jugement de la part du personnel.
  • Sept femmes sur 10 en âge de procréer au Burkina Faso ne sont jamais allées à l’école. Il est peu probable que le niveau d’utilisation de la contraception augmente de façon substantielle si un effort concerté au niveau national n’est pas consenti dans le but d’améliorer l’éducation des femmes.
  • Afin de réduire les niveaux de morbidité sévère et de mortalité liées à des complications post-avortement, il est nécessaire d’améliorer l’accès aux services et aux soins post-avortement. Des efforts sont requis pour subventionner le prix des soins pour des complications post-avortement, quels que soient les types de soins. Conseils et produits contraceptifs doivent être également fournis dans le cadre des services post-avortement, afin d’aider les femmes à prévenir les grossesses non désirées dans le futur.
  • Comme l’avortement n’est légal au Burkina Faso qu’à certaines conditions, des efforts sont nécessaires pour s’assurer que les femmes éligibles ont accès à un avortement légal et sûr, dans les limites de la loi. Tous les étudiants en médecine, et tous les praticiens médicaux (y compris le personnel de niveau intermédiaire) travaillant dans les hôpitaux doivent être formés à satisfaire cet objectif grâce à l’utilisation adéquate de la technique d’aspiration manuelle—technique qui présente un risque très faible