Alors que les pays de l’ensemble du continent africain se préparent aux élections qui se dérouleront au cours des prochains mois, les femmes ont un rôle proactif pour garantir des élections pacifiques et une participation significative, par le biais des « salles de gestion de crise » pour les femmes.

Nous sommes le 28 mars 2015 — jour des élections au Nigéria — et de nombreuses et nombreux rapporteurs sur les incidents impliquant des jeunes travaillent jour et nuit pour enregistrer les plaintes, les observations et les questions sur les actes de violence à l’égard des femmes, répondant à des appels des quatre coins du pays passés sur une ligne gratuite. Le retentissement incessant des sonneries de téléphone et le rythme croissant des crescendos de voix emplissent cette salle particulière, que l’on appelle la « salle de gestion de crise pour les femmes ».

Travaillant jour et nuit, 40 rapporteuses et rapporteurs sur les incidents impliquant des jeunes ont répondu aux appels du public et des observatrices électorales de l’ensemble du Nigéria, du 25 mars au 3 avril 2015. Photo: UN Women/Khadidja Sall

« La « salle de gestion de crise » pour les femmes … [place] l’accent sur [l’élimination des] les obstacles à la participation des femmes aux processus électoraux, en particulier la violence contre les femmes sous toutes ses formes, qui a été identifiée comme l’un des principaux obstacles à l’implication des femmes dans les affaires politiques », explique Grace Ongile, représentante d’ONU Femmes auprès du Nigéria et de la CÉDÉAO.

Parce que les femmes sont confrontées à davantage de menaces et de barrières dans le cadre des élections, des interventions précoces sont essentielles pour réduire et anticiper toute émergence de  violence lors des élections ou pour prendre des mesures décisives le cas échéant. La « salle de gestion de crise » pour les femmes vise à s’assurer que les élections sont pacifiques et que les femmes et les jeunes peuvent jouer un rôle proactif dans le maintien de la paix.

À la fin du mois et mars et en avril 2015, une « salle de gestion de crise » physique a été mise en place dans un hôtel d’Abuja pendant neuf jours lors des élections générales au Nigéria, qui avaient été reportées à plusieurs reprises, du fait de l’intensification des actes de violence dans le pays. Dans ce centre opérationnel, 40 rapporteuses et rapporteurs sur les incidents impliquant des jeunes se répartissent le travail en deux équipes, celle de jour et celle de nuit, pour répondre aux appels. Elles et ils ont répondu à 2 748 appels du public au cours de cette période. 300 personnes supplémentaires, toutes des femmes remplissant les fonctions d’observatrices électorales, ont été déployées dans 10 États ciblés pendant deux jours lors des élections et ont signalé près de 5 000 incidents.

Ces observatrices ont recueilli des informations sur les incidents par le biais de questionnaires, dressant des rapports sur des problèmes variés, depuis les plaintes relatives aux élections jusqu’aux incidents de violence basée sur le genre. Les rapports sur les incidents ont été transmis à la « salle de gestion de crise » des  Eminent Women  (femmes éminentes) – huit femmes reconnues à l’échelle nationale qui sont intervenues et ont mené des actions de médiation, mis en relation et impliqué les principales parties prenantes, y compris les leaders des partis politiques, les institutions dans le secteur de la sécurité et les leaders d’entités confessionnelles, afin d’obtenir leur soutien actif et d’intervenir face aux situations spécifiques.

Le concept de la « salle de gestion de crise » pour les femmes a été lancé par le Centre international Angie Brooks pour garantir l’autonomisation des femmes, le développement du leadership, la paix internationale et la sécurité pendant les élections présidentielles et législatives d’octobre 2011 et lors du dernier tour des élections présidentielles en novembre 2011 au Libéria.

L’initiative comprenait un vaste éventail d’activités visant à assurer l’implication active des femmes dans la promotion de la paix, les interventions, la coordination, l’analyse politique, le suivi et la documentation. De tels efforts ont contribué à l’instauration de la paix et de la stabilité avant, pendant et après les élections sur l’ensemble du continent africain. Ces plateformes efficaces d’instauration de la paix réunissent les femmes, les jeunes, les médias, les parties prenantes, les professionnelles et professionnels, les personnalités religieuses et traditionnelles et les institutions pour garantir un processus électoral transparent et pacifique.

Dans le cadre des élections générales au Nigéria, la « salle de gestion de crise » pour les femmes a reçu plus de 7 000 appels provenant du public et des observatrices électorales, dressant des rapports sur des incidents variés, depuis les plaintes relatives aux élections jusqu’aux actes de violence basée sur le genre. UN Women/Ikechukwu Attah

Au Sénégal en février 2012, la plate-forme des femmes contre la violence a formé, avec l’appui
d’ONU Femmes, 50 femmes leaders d’Afrique de l’Ouest pour remplir le rôle d’observatrices lors des élections dans le pays. En collaboration avec ONU Femmes, le PNUD et plusieurs organisations de la société civile, cette même équipe a ensuite rejoint d’autres équipes du monde entier pour la mise en place de plateformes similaires.

Le Sénégal a été suivi par la Sierra Leone en novembre 2012, le Kenya, en mars 2013, le Mali, en mai 2013, et la Guinée-Bissau, en avril et mai 2014. En 2015, les organisations de la société civile ont mené le processus nigérian de manière dynamique par le biais de la National Women Platform for Peaceful Elections (NWPPE – plate-forme nationale des femmes pour des élections pacifiques), coordonnée par la Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté (WILPF), et avec le soutien du Centre international Angie Brooks.

Parmi les stratégies innovantes adoptées au Nigéria figurait l’intégration des bureaux de police et de la commission électorale indépendante (INEC) dans la « salle de gestion de crise ». Les plaintes reçues par téléphone ont été transmises à ces fonctionnaires, qui ont contacté leurs bureaux dans les différents États afin de résoudre les problèmes et de soumettre des rapports aux Femmes éminentes.

« Si une situation survient sur le terrain — comme l’émergence d’actes de violence dans un État spécifique pendant que [des femmes] participaient à l’élection — nous pouvons obtenir des réponses de la police », a expliqué Turrie Akerele Ismael, la première femme solliciteure générale au Nigéria et l’une des Femmes éminentes. « Nous intervenons immédiatement en contactant l’organe gouvernemental concerné, l’INEC ou la police, pour affronter la situation. S’ils sont sur place dans la salle, c’est bien sûr plus simple et plus rapide  ».

Ce système d’établissement de rapports en temps réel, ainsi que la résolution des conflits et les médiations de paix, a été mis en place dans la « salle de gestion de crise » pour les femmes au Nigéria, non seulement le jour des élections, mais aussi avant, pendant et après les élections.

Compte tenu du succès manifeste des « salles de gestion de crise » pour les femmes, d’autres seront établies dans un certain nombre de pays où des élections seront organisées dans un avenir proche, y compris en Guinée en octobre 2015, et éventuellement en République centrafricaine, en Ouganda et au Burkina Faso au cours des prochains mois.

Date : vendredi 9 octobre 2015

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