Beaucoup de bailleurs de fonds internationaux et d’ONG congolaises croient qu’il suffit de « capaciter » les femmes et les candidates pour qu’elles soient élues et siègent en plus grand nombre dans les institutions. Or, il n’en est rien. Le « renforcement des capacités », véritable dada des ONGI et pain béni des perdiemistes professionnel.le.s congolais.es, n’a qu’un très faible impact sur l’augmentation de la participation politique des femmes. Partout dans le monde, ce sont les mesures de discrimination positive inscrite dans la Constitution ou dans la Loi (électorale) qui ont permis de faire passer le nombre de femmes siégeant dans les institutions à plus de 30 ou même 50%. Or, en RDC, la loi électorale ne contient aucune de ces mesures de discrimination positive. Au contraire, cette loi ne contient que des mesures de discrimination négative à travers un certain nombre de dispositions qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République, particulièrement de son article 14 et qui sont autant d’obstacles à l’implication des femmes dans le processus électoral et donc à leur élection. Cet article se penche sur ces discriminations négatives à abolir. Un prochain article se penchera sur les discriminations positives à introduire d’urgence dans la loi électorale.

La représentation paritaire sur les listes : de la rigolade

En premier lieu, l’article 13 de la loi attaquée, après avoir défini ce que l’on entend par liste électorale, précise, à l’alinéa 3 relatif à sa présentation, que « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap ». Mais il ajoute à l’alinéa 4 que « La non-réalisation de la parité homme-femme ou la non-présence d’une personne vivant avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ».
Cet article impose une obligation pour aussitôt tolérer le non-respect de cette obligation. Résultat qui a pu être vérifié lors du dépôt des candidatures aux élections provinciales : un très petit nombre de femmes figurent sur les listes de candidat(e)s des partis politiques à ces élections. Cet article doit donc être modifié pour introduire une sanction, comme par exemple, l’irrecevabilité de la liste.

 Une condition d’éligibilité contraire  à la Constitution

Deuxièmement, l’imposition de « frais de dépôt de candidature » comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections est une violation de la constitution.

Plusieurs articles de la loi électorale fixent les montants des frais que les candidats doivent verser « dans le compte du trésor public ». Auparavant appelé « caution non remboursable » ils ont été rebaptisés  « frais de dépôt de candidature non remboursables ». Tous ces articles violent l’article 5 de la Constitution qui fixe, de manière limitative, les conditions d’éligibilité : – être Congolais, – de l’un ou l’autre sexe, – être âgé de 18 ans révolus, – jouir de ses droits civils et politiques.
On ne peut donc pas accepter de voir une Loi ajouter des conditions d’éligibilité supplémentaires à celles qui ont été fixées de manière volontairement limitées par le Constituant. Or, ce dernier n’a pas inscrit l’imposition d’un paiement de sommes d’argent, quel qu’en soit le montant, comme une des conditions d’éligibilité, ce qui aurait constitué une mesure discriminatoire instaurant un traitement différencié des Congolais selon qu’ils sont ou non fortunés. La loi électorale, en ajoutant cette imposition, institue un système censitaire manifestement contraire au principe du suffrage universel décidé par la Constitution en son article 5.
L’imposition de ces « frais de dépôt de candidatures » viole aussi l’ Article 13 de la Constitution : « Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa …condition sociale, … ». Or, les articles attaqués n’instaurent pas en réalité une obligation de paiement de « frais de dépôt de candidatures » mais bien une discrimination digne d’un système électoral censitaire, c’est-à-dire qui « subordonne la capacité électorale des citoyens au paiement d’un impôt », à « la possession d’une certaine fortune ou d’un certain revenu », afin de « permettre de faire en sorte que la classe politique soit tout entière issue des classes les plus aisées ».

Une autre condition tout aussi contraire

Troisièmement, la possession d’un titre académique ou scolaire comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections est aussi une violation des articles 5, 13 et 215 de la constitution.
Plusieurs articles de la loi électorale révisée début 2015 ajoutent, sous peine d’irrecevabilité de la candidature, l’obligation d’être porteur d’un diplôme. Tous ces articles violent également l’article 5 de la Constitution qui, comme on vient de le voir, fixe de manière limitative les conditions d’éligibilité. Or, la Constitution n’a pas inscrit la détention d’un diplôme, comme une des conditions d’éligibilité.

Des mandats politiques à vie et héréditaires

Enfin, quatrièmement, des dispositions de la loi électorale porte gravement atteinte au droit de tout citoyen – et surtout de toute citoyenne – de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays.
Chose passée inaperçue aux yeux de beaucoup, la loi électorale ne prévoit pas que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies » soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres du Conseil de chefferie élus comme c’est le cas pour les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « Communes » et les Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « Secteurs », qui sont, eux, élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections locales.
Conséquence de cette discrimination : le chef de chefferie exercera des attributions comparables à celles des Bourgmestres et des Chefs de secteur, mais  en ne répondant pas de ses actes devant le Conseil de chefferie, et sans devoir passer, comme le feront les autres responsables d’ETD, par la sanction périodique des élections. Le Chef de Chefferie est en effet désigné à vie. Il gérera donc l’entité territoriale décentralisée «Chefferie », la plus répandue dans certaines provinces, avec quasi les mêmes attributions, sans avoir reçu un mandat électif mais en ayant été « désigné selon la coutume locale» c‘est-à-dire par un système archaïque de dévolution héréditaire du pouvoir coutumier, de surcroit le plus souvent réservé aux mâles, et susceptible par ailleurs d’engendrer à l’avenir de nombreux conflits de succession.
Cette discrimination liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie est contraire à la Constitution en son article 12 : «Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».
Elle est également contraire à l’Article 13 : « Aucun congolais ne peut en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ». En effet, un citoyen satisfaisant les critères d’éligibilité fixé à l’article 5 de la Constitution et désireux d’accéder à la fonction publique de Chef de l’ETD chefferie fait l’objet d’une mesure discriminatoire résultant de la loi électorale puisque cette loi le prive de son droit à se porter candidat(e) et donc de son droit d’accès aux fonctions publiques garanti par l’article 13.
Cette discrimination liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie est enfin contraire à la Constitution en son article 14 qui affirme le principe de la parité et garantit le droit des femmes à une représentation équitable dans les institutions. Les femmes sont doublement privées de ce droit en ce qui concerne l’institution ETD « Chefferie » puisqu’elles ne peuvent non seulement accéder, par élection, à la fonction publique de Chef de l’ ETD « Chefferie », mais aussi puisqu’elles ne peuvent accéder à l’autorité coutumière, « dévolue conformément à la coutume locale », qui, à de très rares exceptions dans quelques tribus ou ethnies de la RDC, ne prévoit la dévolution de cette autorité coutumière qu’aux personnes de sexe masculin.

Pour toutes ces raisons, l’Observatoire de la parité, à travers une requête introduite par sa Directrice, Espérance Mawanzo, a demandé, il y a plus de 18 mois ( !!!)  à la Cour Constitutionnelle de déclarer recevable et fondée la requête introduite et d’ordonner le retrait de toutes les dispositions de la loi électorale contraires à la Constitution ainsi que leur correction.

La Cour Constitutionnelle, composée de 9 juges hommes, se refusant à statuer sur cette requête, le Parlement congolais doit prendre ses responsabilités et réviser la loi électorale pour en écarter toutes ces discriminations négatives. Dans un sens complètement contraire, il doit intégrer dans la loi des discriminations positives qui sont les plus susceptibles d’augmenter la représentation des femmes dans les institutions élues comme le démontre l’exemple de presque tous les pays voisins de la RDC. A lire la semaine prochaine dans la suite de cet article.