C’est à l’occasion du forum Luxury Connect Africa emmené par la consultante en luxe, Uche Okonkwo-Pézard, qui s’est tenu dans le tout aussi luxueux Hôtel Bristol à Paris, que nous avons rencontré la femme d’affaires. Fulani braids, petite robe noire élégante rehaussée d’un blazer à imprimé wax, sac-banane griffé à incrustation bijoux, le ton est donné. Valerie Obaze est à l’image de sa marque et de sa clientèle – essentiellement composée d’usagers du web et d’Instagram – entre tradition africaine et tendance internationale…

Née à Londres de parents ghanéens, et mariée à un Nigérian, cette « panafricaine » – comme elle aime se définir – a créé la marque de cosmétiques de luxe, R&R Luxury, en 2010. Une gamme de soins naturelle à base de karité non raffiné, certifiée bio. Packaging sophistiqué, huile de karité précieuse, savons noirs d’Afrique de l’Ouest, bougies naturelles et fragrances d’intérieur… L’univers est glamour. Mais c’est à l’excellence des produits, mais aussi à la rareté de l’offre que la marque doit son positionnement premium. C’est en étudiant le marché de la cosmétique au Nigeria, que l’entrepreneure et mère d’une petite Rebecca Rose – qui a donné naissance au nom de baptême de sa marque – constate l’absence de produits made in Africa labellisés luxe dans le secteur de la beauté.

Elle sait pourtant qu’il y a une place à se faire dans le pays le plus industrialisé du continent africain. « Quand mon mari et moi nous sommes installés là-bas, les industries créatives étaient déjà bien développées : de grandes fashion weeks et designers, une scène musicale installée, sans compter l’industrie du cinéma », se souvient-elle. L’ancienne public relations y voit alors l’occasion de se frayer un chemin dans le secteur de la beauté.

La premiumisation du made in Africa

Elle met d’abord ses connaissances en communication au service des marques, avant de lancer sa propre société en respectant la procédure de certification. « Il n’y avait à l’époque aucune PME certifiée dans le secteur de la beauté. Seules les grosses sociétés dominaient le paysage au Nigeria », révèle-t-elle. En l’absence de modèles de petites entreprises sur lesquels s’appuyer, Valerie Obaze fait face à l’art de la débrouille, mais parvient à monter sa structure en prenant à contre-pied le positionnement des géants industriels internationaux et celui des marchés locaux basé sur la vente de matières premières brutes (la noix de karité en tête).

 

Elle est ainsi la première à participer à la « premiumisation » des cosmétiques naturels venus d’Afrique. « Premièrement, tout le monde en Afrique peut acheter du beurre de karité et s’introniser marque spécialiste du karité. Pour autant, on ne s’improvise pas cosmétologue comme ça, il faut respecter des protocoles, rappelle celle qui s’est entourée de spécialistes pour élaborer ses gammes d’huiles essentielles. En outre, les ingrédients de luxe sont destinés à l’exportation, donc l’accès aux produits locaux est quasi impossible pour les autochtones », complète-t-elle. Elle décide alors de travailler en direct avec celles qui maîtrisent comme personne l’or vert : les femmes issues de coopératives « organisées » officiant dans des villages dédiée à la culture de la production du beurre de karité.

L’estampille luxe qu’elle associe à sa marque réside aussi dans le processus de fabrication. « Au nord du Ghana, tout le monde fait du karité. Il y a des gens en bord de route qui en produisent. Les femmes avec qui nous travaillons sont toutes qualifiées et on veille à ce qu’elles soient rémunérées à leur juste valeur ». Processus de fabrication – sans intermédiaire – et produits de qualité, main-d’œuvre expérimentée et conditions de travail éthiques : une chaîne de production noble. S’il est encore difficile de déterminer le profil des consommateurs locaux à forts pouvoir d’achat, Valerie Obaze a su trouver en la génération Y, un partenaire de choix.

La digitalisation de la distribution

Malgré une première tentative dans la distribution physique, c’est en flairant le potentiel du e-commerce au Nigeria que Valerie Obaze a su développer sa marque. Mais c’était sans compter sur la puissance des réseaux sociaux. Avec ses quelque 13000 followers sur Instagram, l’entrepreneure a su toucher la population de millennials essentiellement composée de femmes – âgées entre 25 et 34 ans selon ses statistiques Instagram – venues de Lagos à Abuja, en passant par Port Harcourt. Mais aussi du Royaume-Uni, du Canada et de l’autre côté de l’Atlantique. « Le monde entier commence à regarder ce qu’il se fait en Afrique, en particulier au Nigeria dû à son économie et au nombre d’habitants important », constate-elle.

Valérie se constitue un réseau de blogueuses et vlogueuses, des égéries nouvelle génération qui avec leur milliers de fans ont contribué à accroître la notoriété de R&R Luxury. Intuitive, l’entrepreneure y voit très vite le moyen de faire reposer sa politique de distribution. « Grâce aux influenceuses, qui ont testé nos produits, nous avons bénéficié d’une exposition internationale. Nous avons un partenariat depuis trois ans avec une blogueuse aux États-Unis qui vend ses produits R&R Luxury préférés en ligne, sur sa plateforme, et vide ses stocks en un temps record », avoue-t-elle. Et de compéter : « Son influence est telle que ses followers s’empressent de passer commande ». Forte d’une demande toujours plus croissance au Royaume-Uni, Valerie Obaze s’apprête à lancer un e-shop dédié à la livraison en Europe – en plus de celui réservé au continent – sur son propre site.

Mais la business woman n’en oublie pas les canaux de distribution traditionnels et rêve de voir sa marque dans les échoppes de luxe, boutiques bio, spas, instituts et autres drugstores… En attendant que la Britannique de naissance vive son african dream, elle fait vivre la production africaine locale en la faisant rayonner à l’international…