Le Mouvement « Rien sans . les femmes » (RSLF), tient à Bukavu, du mercredi 20 au vendredi 22 novembre une  importante réunion dont les objectifs sont les suivants :

  • Faire la restitution des réunions tenues dans chaque point de coordination, des résultats des élections et des autres actions importantes depuis la réunion précédente tenue en mai.
  • Élire ou revalider des postes nationaux du mouvement : la porte-parole nationale, l’organisation responsable de la communication de RSLF, l’organisation responsable de la gestion du compte Twitter et Facebook ainsi que l’organisation responsable de la gestion du site Web
  • Valider officiellement la charte de RSLF
  • Sur base des priorités identifiées lors de la réunion de coordination du mois de mai, développer conjointement les actions à mettre en œuvre pendant les prochains mois au niveau local, national, régional et international.

A l’occasion de cette réunion et de futures Journées de Planification Stratégique du Mouvement RSLF, l’Observatoire de la parité à souhaité apporter sa modeste contribution au débat sur les orientations stratégiques futures du mouvement .  Voici cette contribution  :

LES DEFIS AU SEIN DU MOUVEMENT RIEN SANS LES FEMMES

Contribution au débat sur le bilan et les perspectives du Mouvement RSLF

A. LE PROBLEME : LA FAIBLESSE DES RESULTATS OBTENUS APRES 5 ANNEES D’ACTION DE RSLF :

  1. En matière d’élections et de participation politique de la femme :

Très peu de progrès significatifs constatés entre les cycles électoraux de 2006, 2011, 2018.(Voir https://deboutcongolaises.org/rapport-final-de-lobservatoire-de-la-parite-sur-limplication-de-la-femme-dans-les-elections/  et l’ « Etat des lieux de la parité en RDC après le cycle électoral 2018-2019 » (à paraître prochainement)

  1. En matière de nomination de femmes dans les institutions nationales (gouvernement national, cabinets ministériels, entreprises publiques, Conseils et Comités divers, etc.) provinciales (gouvernements provinciaux, cabinets ministériels, etc.) et locales (Entités Territoriales Décentralisées (Communes, Secteurs, Chefferies, etc.) et Déconcentrées. (Territoires, Groupements, Villages, Quartiers, etc.)) :
    1. Des « Etats des lieux de la parité », outils de base indispensables, n’existent que pour 2 provinces (Nord et Sud-Kivu) et leurs Territoires et n’ont pas pu être réalisés dans d’autres provinces faute de moyens humains et financiers.
    2. Là où ils existent et ont pu être mis à jour (après 2-3 ans), ces états des lieux ne montrent que de très faibles progrès vers la parité.
    3. Là où ils existent et ont pu être mis à jour, ces états des lieux de la parité :
      1. n’ont pas pu être mis à la disposition des acteurs intéressés en version papier faute de moyens.
      2. n’ont que très rarement pu faire l’objet d’ateliers de validation et d’élaboration d’un « Plan d’action triennal pour la parité et l’égalité H/F » sur base du « Guide pratique d’élaboration d’un rapport annuel et d’un plan d’actions pluriannuel en matière de parité et d’égalité femmes / hommes» disponible à l’adresse http://riensanslesfemmes.org/dossiers/dossier-redevabilite/rapport-devaluation-guide-pratique-explications/
      3. n’ont pas pu faire l’objet d’un suivi/évaluation annuel, toujours faute de moyens.
  1. En matière d’élection ou de nomination de femmes dans les instances de prise de décision des différents secteurs sociaux, économiques, culturels, etc. :   L

Les mêmes lacunes et faiblesses décrites dans le paragraphe précédent existent aussi

  1. La faiblesse de ces résultats, en termes d’élection ou de nomination de femmes, a été accentuée par l’acceptation du renforcement de la « particratie », c’est-à-dire le renforcement du rôle des partis politiques dans ces processus d’élection ou de nomination.

L’instauration du seuil électoral, par ex., a eu pour conséquences :

  • D’obliger tout.e candidat.e à passer par l’adhésion à un parti politique ou à un regroupement politique, ce qui a pour effet de décourager les candidatures féminines puisque les femmes répugnent à s’inscrire dans des partis qui se distinguent par leur « machisme », leur « ventriotisme », etc.
  • D’empêcher toute candidature à un mandat électif en tant qu’indépendant.e , non affilié.e à un parti. Cette disparition des candidat.e.s indépendant.e.s aura un effet décourageant encore plus désastreux lors des (prochaines ?) élections locales. En effet, à ce niveau. Des élections dans les ETD (communes, secteurs, chefferies) les potentiel.le.s candidat.e.s ne voient pas du tout l’intérêt de devoir passer par l’inscription à un parti politique pour se porter candidat.e conseillère communale, conseillère de secteur ou de conseillère de chefferie. D’autant plus qu’à ce niveau local, les partis politiques sont le plus souvent soit inexistants soit inactifs.

B. LES CAUSES :

  1. Un plaidoyer du Mouvement qui ne porte pas suffisamment sur l’instauration des quotas obligatoires de femmes
    1. En matière d’élections :
      • Les efforts de RSLF ont d’avantage porté sur l’encouragement des candidatures féminines et le renforcement des capacités des candidates. Or, nulle part dans le monde ces moyens ne se sont révélés suffisants pour faire progresser vers la parité. Seules les mesures spéciales temporaires. (ou de discriminations positives ou de quotas obligatoires de femmes) inscrites dans la Constitution et dans la législation ont fait preuve d’efficacité (notamment dans presque tous les pays voisins de la RDC).
      • Dans certains cas, le plaidoyer de certains organisations membres du mouvement a consisté en un soutien ponctuel et individuel à des candidatures que d’autres organisations membres considéraient comme « douteuses » (par ex. celle de la candidate à la présidence de l’AN ou celle de la candidate au poste de gouverneur du Sud-Kivu). Cela a contribué à créer des divisions au sein du mouvement.
      • Le Mouvement a bien suggéré ou évoqué des pistes ou des options envisageables en matière de législation électorale principalement dans l’étude « De la parité de droit à la parité de fait » (http://riensanslesfemmes.org/dossiers/dossier-legislation/analyse-critique-de-la-loi-parite/) MAIS le mouvement n’a pas su développer un plaidoyer précis et efficace, par exemple, de suppression des dispositions de la loi électorale qui freinent les candidatures féminines ou d’introduction dans la même loi électorale de dispositions de discrimination positive qui garantissent l’élection de 30-50% de femmes (par ex. les listes zébrées/bloquées, la candidature en duo ou binôme H/F, etc.)
      • 2. En matière de nominations :
      • Les efforts déployés par le Mouvement ont été principalement centrés sur un plaidoyer consistant à obtenir « l’engagement » des autorités nationales, provinciales ou locales à « nommer des femmes » (à travers des activités telles que la rencontre avec une autorité, la signature d’actes d’engagement, la remise de trophées, etc.). Il faut bien constater que la plupart de ces « engagements » n’engagent à rien et qu’ils ne sont le plus souvent pas respectés.
      • Dans certains cas de processus de nomination, le plaidoyer consistant en un soutien apporté à une personne particulière peut poser le même problème évoqué ci-dessus (Point 1.a.ii.)
  • En comparaison avec ces deux formes de plaidoyer évoquées ci-dessus, le plaidoyer pour l’adoption de mesures spéciales temporaires, de quotas obligatoires de femmes dans les instances de prises de décision (par ex. Comité de direction, Conseil d’administration, etc.) a été quasi inexistant. Or, l’adoption de telles mesures coercitives rendrait inutiles le plaidoyer au cas par cas.
  • Les seuls « succès » obtenus sont l’inscription dans certains textes de la nécessité de « tenir compte du genre » lors des nominations dans certaines instances de décision. Mais le caractère vague et non contraignant de cette mention la rend concrètement inopérante et inefficace. S’agit-il donc véritablement d’une victoire ou d’un succès.
  1. Un plaidoyer qui ne repose pas sur une mobilisation sociale, sur une pression de la base
  • La plupart des actions de plaidoyer entreprises par le mouvement consiste à envoyer une délégation de quelques dirigeantes d’organisations membres du Mouvement auprès d’une autorité (depuis le Président de la République jusqu’à un chef de groupement ou de quartier) avec une demande, une pétition, un cahier des charges, etc. L’autorité en question écoute attentivement, approuve, promet, s’engage, etc. et … ne fait rien !
  • Très peu d’actions de plaidoyer ou de démarches revendicatives sont appuyées par un soutien populaire, des actions de masse (grève, marche, sit-in, etc.), une mobilisation du réseau des membres et sympathisants des organisations membres du Mouvement RSLF (pour celles qui disposent effectivement d’un tel réseau…).
  • En l’absence d’un tel soutien de masse,  reposant sur le militantisme et l’activisme d’un grand nombre, les autorités approchées savent qu’elles peuvent dormir tranquilles et ne pas tenir leurs promesses.
  1. Un plaidoyer qui n’utilise pas suffisamment les outils de formation, sensibilisation, travail collaboratif, plaidoyer/redevabilité, mobilisation, etc. mis à disposition  par les  nouvelles technologies  de l’informations et de la communication (TIC)
  • Malgré la pénétration de. plus en plus forte et inexorable des NTIC (Internet, Smartphones, WhatsApp, applications diveres, etc.) au sein de divers milieux de la société congolaise (décideurs, influenceurs, leaders d’opinion, dirigeant.e.s d’OSC, jeunesse étudiante, etc.) le Mouvement ne recourt encore, dans ses différents domaines d’activité, que très faiblement à ces outils fournit par les NTIC qui pourtant offrent de multiples avantages en termes d’impact, d’efficacité et aussi de coûts, par rapport aux moyens traditionnels.
  • En d’autres mots, le Mouvement est loin d’avoir opéré sa « révolution » ou sa « transition » numérique et d’utiliser toutes les ressources des « civic techs » et de la « citoyenneté numérique »
  1. Face au renforcement du « système particratique » évoqué ci-dessus, le Mouvement est resté sans voix.
  • Ce silence ou passivité ne permet pas de contrecarrer une évolution dangereuse de la démocratie parlementaire à la congolaise qui est pourtant très défavorable pour la participation politique de la femme.

C. LES SOLUTIONS : 

  1. Un plaidoyer qui porte essentiellement sur l’instauration des quotas obligatoires de femmes
    • En matière d’élections :
      1. Formuler un projet ou une proposition de loi modificative de la loi électorale qui :
        • Supprime tous les articles faisant obstacles à la. candidature/élection des femmes (condition de diplômes, condition de caution/frais de dépôt de candidatures, etc.)
        • Introduire des dispositions
      2. Formuler un projet ou une proposition de loi modificative de la loi sur les ETD ouvrant à l’élection le mandat politique de Chef d’ETD Chefferie, à l’instar du mandat de maire, de bourgmestre, de chef de secteur.
      3. Formuler un projet ou une proposition de loi modificative de la loi sur la CENI
    • En matière de nominations :
      1. Veiller à ce que toute loi, édit, ordonnance, etc. créant une institution, un Comité, un Conseil, une Agence, etc. contienne des dispositions obligatoires prévoyant un quota de 30-50% de femmes dans les instances de prises de décision
      2. Veiller à faire introduire des dispositions obligatoires semblables pour les instances de prise de décision dans les différents secteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle, etc.

2. Un plaidoyer qui repose sur une mobilisation sociale, sur une pression de la base

    1. Développer des actions de revendication et de plaidoyer qui reposent sur une véritable mobilisation sociale
    2. N’inscrire comme OSC membres du mouvement RSLF que celles qui apporte la preuve de leur capacité de mobiliser une base de membres/sympathisant.e.s/activistes/militant.e.s disposé.e.s à participer volontairement et bénévolement à des actions du Mouvement.
    3. Rendre au 8mars son caractère revendicatif de « Journée internationale des droits de la femme » et non de « Fête des femmes ».

3. Un plaidoyer « revendicatif » qui utilise efficacement les outils de formation, sensibilisation, travail collaboratif, plaidoyer/redevabilité, mobilisation, etc. mis à disposition (à très faible coût) par les NTIC

    1. En interne:
      • Pour les réunions via. Skype, webinaire, etc.,
      • Pour la communication interne via WhatsApp, Messenger, etc.,
      • Pour la formation
      • Pour les autres formes de travail collaboratif
      • Etc

               2. En externe :

      • Pour la sensibilisation,
      • Pour l’information (via le site web et newsletter plus régulière et fréquente)
      • Pour le plaidoyer/redevabilité, interpellant les autorités
      • Pour la mobilisation,
      • etc.