La Coupe du monde approche. Eh oui, la Coupe du monde de foot des femmes. On ne peut pas retirer aux médias français d’avoir décidé de se saisir du sujet. TF1, qui retransmet les matchcins, fait un max de pub pour l’événement, la composition de l’équipe nationale a été dévoilée lors d’une mise en scène au niveau de celle des hommes. Mais voilà, en parler c’est bien, mais comment? Les différentes rédactions ont réfléchi aux termes à employer pour commenter cette compétition. Voyons-y une nouvelle victoire des reloues de l’écriture inclusive (oui, c’est nous).

Premier problème: parler de foot féminin. Le foot, c’est le foot. C’est un sport. Il n’y a pas de foot féminin versus un foot universel qui serait en mode par défaut masculin. La Fédération française de football et les médias qui lui ont emboîté le pas ont donc décidé de parler de compétition féminine et non de foot féminin, c’est bien. (Point historique: le foot féminin a existé d’une certaine manière. Quand le sport s’est développé chez les femmes au début du XXe siècle, les médecins se sont inquiété·es. Des femmes qui transpirent en courant ça ne pouvait que détraquer leur utérus. Alors on a inventé des règles spécifiques. Des matchs moins longs, interdiction des contacts, etc.) Mais, et en cela je rejoins des collègues de Libération, dire de la Coupe du monde qu’elle est «féminine» me dérange un peu. Parce que féminine, ce n’est pas un terme neutre qui renvoie uniquement au fait qu’il y ait des femmes. C’est extrêmement connoté comme dans «être féminine». J’ai l’impression que la Coupe du monde va venir défiler en talons aiguilles. Je préfère «Coupe du monde femmes» dans les cas où on a besoin de préciser de quelle compétition on parle.

Ensuite, les journalistes ont réfléchi aux noms des postes. Ailière, gardienne, attaquante, aucun problème. Buteuse et passeuse a priori ça passe aussi. Mais ça commence à coincer avec défenseuse. Pour la fédération, c’est «défenseure».

Pour L’Équipe, c’est un coup «défenseuse» (dans l’édition numérique),

l’autre coup «défenseure» quand on clique sur la fiche de la joueuse.

Libé choisit logiquement «défenseuse».

Mais là où ça bute vraiment, c’est sur entraîneuse. L’Equipe, Libé, la Fédération refusent tous en bloc entraîneuse. Ce sera entraîneure ou entraineur, ce qui est absurde dans la mesure où les autres termes sont au féminin.

Et pourquoi entraineuse ça ne va pas? Parce que d’après le Larousse une entraîneuse c’est une femme dont le travail est d’inciter les clients d’un bar à boire. C’était sans doute vrai. En 1954.
J’ai fait un rapide test autour de moi: j’ai demandé à des ados et des jeunes ce qu’était une entraîneuse. Pour 100% c’est une femme qui entraîne une équipe. Il y a vraiment un enjeu générationnel. Même pour moi une entraîneuse pour parler des bars c’est extrêmement désuet. Ca m’évoque exactement l’esthétique de l’affiche du film L’Entraîneuse, sorti en France en 1940.

D’ailleurs, dans la bande-annonce on comprend mieux ce qu’est une entraîneuse.

Le terme est désormais peu usité –franchement, quand avez-vous parlé d’une entraîneuse de bar pour la dernière fois? Sans doute le même jour où vous avez évoqué les résultats électoraux de René Coty. C’est donc dommage de refuser de parler d’une entraîneuse de sport à cause d’un vieux sens qui tombe dans l’oubli. On dit bien joueur sans que ce terme, qui peut aussi signifier «accro au casino», ne pose un problème. Notre langue est polysémique, c’est comme ça.

En réalité, le problème n’est pas que le terme existe déjà, c’est qu’il désigne une activité à connotation sexuelle. L’entraîneuse séduit pour pousser à la consommation. On la soupçonne même de coucher. C’est ce côté travail du sexe qui met tous ces gens mal à l’aise. Entraîneuse, c’est sale. Honteux. Les entraîneuses sont des femmes de petite vertu. Ça donne à certains l’impression de faire des sous-entendus sexuels sur l’équipe de France. Comme si l’entraîneuse était une mère maquerelle et les joueuses ses filles.

Un simple conseil: arrêtez de voir du sexe partout. Les femmes peuvent être entraîneuses d’une équipe sportive sans la transformer en réseau de prostitution.

Vous me direz, la Fédération va encore plus loin en refusant également sélectionneuse. Ce sera sélectionneur. Sans «e» final. Pourquoi? Aucune idée. (On notera que ce sont les postes décisionnaires qu’ils ont le plus de mal à passer au féminin… Joueuse ne pose aucun problème.) Corinne Diacre elle-même a déclaré préférer être appelée «sélectionneure» que sélectionneuse. Je la comprends. Moi aussi j’avais du mal avec autrice. Quand j’étais petite je voulais être auteur, pas autrice. Mais sa responsabilité c’est de faire du mot sélectionneuse un terme aussi valorisé et valorisant que sélectionneur.

De toute façon, il y a fort à parier que, comme «la ministre» s’est imposé, la logique de la langue l’emportera et que l’usage consacrera «sélectionneuse» et «entraîneuse».

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