Ce vendredi, les jeunes de 1.325 villes, dans 98 pays, déserteront leurs salles de classe pour dire aux adultes qu’ils doivent agir pour faire baisser la fièvre dont souffre la Terre. Il s’agira de la plus grande manifestation étudiante jamais vue. Et Greta Thunberg, jeune Suédoise de 16 ans, n’est pas étrangère à ce succès.

Je ne m’arrêterai pas. Pas tant que les émissions de gaz à effet de serre ne seront pas descendues sous le niveau critique. » Si l’humanité remporte un jour le combat contre le changement climatique, elle pourra bien remercier cette jeune Suédoise têtue. Armée de son bonnet en laine et de ses tresses, elle a réussi là où des milliers de scientifiques et militants ont échoué, malgré leurs graphiques et leurs slogans : nous confronter à la gravité d’une crise sans précédent, à l’urgence d’agir pour stopper le réchauffement global. Si en revanche l’humanité échoue, le regard de Greta Thunberg lui rappellera à jamais qu’elle a été incapable de changer les choses. Même si elle n’est encore qu’une enfant, cela fait longtemps que ses yeux ont vu ce que la majorité des adultes s’obstinent à ignorer : la planète et le futur de l’humanité sont en danger.

En août dernier, Greta Thunberg, qui a fêté ses 16 ans le 3 janvier, a décidé de secouer les « grands » : chaque vendredi matin, au lieu d’aller à l’école, elle se poste devant le Parlement suédois en brandissant un panneau sur lequel est écrit « Grève scolaire pour le climat ». Ses parents, la chanteuse d’opéra Malena Ernman et l’acteur Svante Thunberg, la laissent faire. Depuis, sa popularité n’a cessé de croître et elle a participé à des sommets internationaux où elle n’a pas hésité à « maltraiter » les leaders, politiciens et magnats du secteur. Si tous sont d’accord avec elle en théorie, personne ne passe à l’action. Greta Thunberg a donc décidé de s’adresser aux jeunes de son âge : « Suivez mon exemple, faites grève pour le climat. » Un succès retentissant. Ce vendredi, les jeunes de 1.325 villes, dans 98 pays, déserteront leurs salles de classe pour dire aux adultes qu’ils doivent agir pour faire baisser la fièvre dont souffre la Terre. Il s’agira de la plus grande manifestation étudiante jamais vue. Mais si Greta Thunberg est satisfaite, elle ne compte pas en rester là.

Greta Thunberg, avez-vous un message à faire passer aux jeunes du monde entier qui, demain, suivront votre exemple et feront « grève pour le climat » ?

C’est fantastique. Nous nous mobilisons tous ensemble pour notre futur : si suffisamment d’enfants et de jeunes parviennent à tenir sur la durée, nous pourrons assister à de réels changements. C’est pourquoi j’encourage tous les jeunes à participer. Dites-le à vos amis et ne rendez jamais les armes, jamais. Il n’est jamais trop tard pour faire notre possible.

Et que diriez-vous aux étudiants qui ne savent pas encore s’ils descendront dans les rues ?

Je les inviterais à analyser la crise climatique que nous sommes en train de traverser. Je leur dirais d’étudier le problème ou au moins d’écouter les scientifiques. Car c’est un combat qui risque de bouleverser toute notre vie. Mais également celle de nos enfants et de nos petits-enfants.

Comme ils votent aux élections et ont – pour certains d’entre eux tout du moins – des responsabilités politiques, les adultes sont les seuls à pouvoir changer les choses aujourd’hui. Si vous descendez dans les rues demain, c’est pour envoyer un message à vos parents ?

C’est tout à fait ça. Mais je pense aussi qu’il faut envoyer un message à tous les habitants de la Terre : nous sommes en pleine crise. Et c’est la plus urgente et la plus grave que le genre humain ait jamais eu à affronter. Nous sommes en train de scier la branche sur laquelle nous sommes assis et la majeure partie de la population mondiale n’a aucune idée des conséquences possibles de notre incapacité à agir.

Pensez-vous que la marche des jeunes de ce vendredi incitera les gouvernements à prendre des mesures ?

Je ne sais pas. Mais ce que je pense moi n’a aucune importance. Ce qui compte, c’est que nous fassions tous tout ce qui est en notre pouvoir pendant le temps nécessaire.

Quel est l’homme politique qui vous a le plus énervée ces derniers mois ?

Je répondrais très probablement Donald Trump. Mais Trump n’est qu’un fou très dangereux. Je pense que le véritable danger vient des politiciens qui disent qu’ils font suffisamment de choses pour le climat alors qu’ils ne font qu’aborder le problème en surface. Toutefois, je pense que la majorité des politiciens sont de bonnes personnes qui essaient de faire de leur mieux. Mais les changements dont nous avons besoin sont si grands que leur mise en place est tout sauf simple.

Avez-vous déjà planifié les prochaines étapes de votre combat personnel pour le climat après le 15 mars ?

Non. Tout ce que je sais, c’est que je continuerai tant que les émissions de gaz à effet de serre n’auront pas commencé à descendre suffisamment rapidement pour limiter le réchauffement de la planète à moins de 1,5 degré. Mais pour l’instant, cet objectif est si lointain que je n’arrive même pas à me l’imaginer.

Vendredi prochain, vous vous posterez donc à nouveau devant le Parlement suédois ?

Bien sûr. Car je ne vois absolument aucun changement à l’horizon. Les émissions continuent à augmenter et la majorité des gens n’ont pas encore pris conscience des conséquences que cela aura.

A quoi pensez-vous durant les nombreuses heures que vous passez sur cette place de Stockholm avec votre panneau « Grève pour le climat » ?

Au début, j’étais seule et je passais le temps en lisant des livres ou en faisant mes devoirs. Mais aujourd’hui, je ne suis plus seule dans mon combat, je suis sans cesse entourée de nombreuses personnes.

En plus de faire grève pour le climat, vous êtes devenue végane et vous ne prenez plus l’avion. Vous avez également convaincu votre famille d’en faire autant. Que diriez-vous aux adolescents du monde entier pour les convaincre de suivre votre exemple ?

Je leur dirais seulement d’étudier le problème et d’en parler avec d’autres personnes. Quand on comprend vraiment ce qui se passe, on met spontanément en place les changements nécessaires.

Vous avez dit aux puissants du Forum de Davos : « Notre maison est en feu. » Ce sont les adolescents de 16 ans comme vous qui éteindront l’incendie ?

Non, nous ne sommes pas ceux qui sauveront le monde. Car le temps presse et nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre de devenir des adultes dotés d’un pouvoir d’action pour que les choses changent. Ce sont les adultes d’aujourd’hui qui doivent agir.

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 PAR LUCA FRAIOLI ET GIACOMO TALIGNANI (LA REPUBBLICA)

Source : Le Soir