UN ARTICLE PARMI DES CENTAINES :

 

Dans les guerres modernes, c’est un moyen utilisé pour réduire des peuples à néant.

Extrait : République démocratique du Congo:

«Les pires violences sexuelles au monde»

  • 17.500 viols estimés en 2009 (ONU).
  • 40.000 viols dans la province du Sud-Kivu entre 2003 et 2008 (International Rescue Committee).

CE GENRE D’ARTICLE REFLETE-T-IL LA REALITE DE LA VIOLENCE SEXUELLE EN RDC ?

NON ! C’EST UNE PRESENTATION REDUCTRICE DES VIOLENCES SEXUELLES ET DES VIOLENCES BASEES SUR LE GENRE EN RDC : LA VIOLENCE SEXUELLE EN RDC =  ARME DE GUERRE

Le Dr Denis Mukwege, fondateur de l’hôpital de Panzi au Sud-Kivu, spécialisé dans le traitement des victimes de violences sexuelles, a beaucoup contribué, à travers le discours des médias et de certaines organisations internationales (agences des Nations Unies, ONG Internationales, etc.), à décrire la violence sexuelle en RDC principalement à travers la notion de « viol arme de guerre »

Interview du Dr. Mukwege :

En quoi le viol est-il une arme ?

Il est utilisé comme stratégie de guerre contre la population pour la déshumaniser, détruire son identité, détruire le tissu social. Parce que les viols ont généralement lieu en public, devant le mari et les enfants de la victime. Après, les mères ne se sentent plus mères, les maris ne se sentent plus hommes. Cela crée un traumatisme profond.

Cela entraîne un déplacement massif de la population, comme dans les guerres classiques, mais aussi une réduction de la démographie : la destruction de l’appareil génital des femmes réduit sa capacité reproductive; la transmission de maladies, dont le VIH, fait d’elles des réservoirs à virus, qui se répandent dans la société.

Parler du viol comme arme ou tactique de guerre vise donc à mettre en évidence le fait que le viol n’est pas un dégât collatéral accompagnant toute situation de guerre, mais une action délibérée et commandée pouvant concourir non seulement au déroulement des combats mais aussi un élément de destruction des personnes, des familles et surtout des communautés sociales.

MAIS

LA REALITE EST QU’UNE PETITE PARTIE SEULEMENT DES VIOLS COMMIS EN RDC ENTRE DANS CETTE CATEGORIE DES VIOLS « ARME DE GUERRE »  

  • LES VIOLS COMMIS EN RDC NE SONT PAS TOUS LIES AU CONFLIT

La plupart des provinces et Kinshasa sont « hors zone de conflit ». Les viols qui y sont commis ne peuvent donc pas entrer dans cette catégorie.

  • LES VIOLS COMMIS EN ZONE DE CONFLIT (EST DE LA RDC) NE SONT PAS TOUS LIES AU CONFLIT

Un très grand nombre de viols commis en zone de conflit sont commis par

  • Des civils
  • Des hommes armés (FARDC, PNC, groupes armés, etc.) sans l’intention de détruire une communauté, une nation.
  • TOUS LES VIOLS COMMIS PAR DES PORTEURS D’ARMES NE SONT PAS DES « VIOLS ARMES DE GUERRE »

Dans un article “Why Do Soldiers Rape? Masculinity, Violence, and Sexuality in the Armed Forces in the Congo (DRC)”  Maria Eriksson Baaz montre que les militaires FARDC distinguent 2 types de viol :

Rape () there are different types of rape. They are all forbidden.

  • There is the rape when a soldier is away, when he has not seen his women for a while and has needs and no money. This is the lust need rape [viol ya posa].
  • But there are also the bad rapes, as a result of the spirit of war () to humiliate the dignity of people. This is an evil rape”.

(Male, Lt.).

Cela montre “how the soldiers differentiate between and simultaneously refer to two intertwining discourses of rape :

  • one in which rape is essentially sexual, driven by the male libido;
  • and a different discourse according to which rape is not about sexual desires but is instead an expression of anger and rage”.

Lire aussi « Sexual violence as a weapon of war ? »

CONCLUSION :

RIEN NE PERMET D’AFFIRMER QUE LA PLUPART DES CRIMES SEXUELS A L’EST DE LA RDC SONT UTILISES COMME « ARME DE GUERRE »

UN AUTRE EXEMPLE DE PRESENTATION DEFORMANTE ET REDUCTRICE :

Extrait  de la préface du Rapport « DONNER LA PRIORITÉ AUX AFFAIRES DE CRIMES INTERNATIONAUX À CARACTÈRE SEXUEL EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO » publié en novembre 2015 par le Centre for International Law Research and Policy

« Il est entendu par tous et par les auteurs du Rapport, que la plupart des crimes sexuels commis à l’Est de la RDC, compte tenu du contexte de conflits de masse dans lequel ils sont commis, sont constitutifs des crimes graves définis par le Statut de Rome.

En d’autres termes, les crimes sexuels constitutifs de génocide, de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité sont en première position dans l’ordre d’importance et doivent bénéficier de la priorité d’enquête et de poursuite, afin de concentrer les ressources nécessairement limitées, à la construction des affaires complexes et fastidieuses »,(Professeur  NYABIRUNGU, Doyen honoraire de la Faculté de Droit de l’Université de Kinshasa)

CETTE AFFIRMATION QUE LA PLUPART DES CRIMES SEXUELS A L’EST DE LA RDC SONT CONSTITUTIFS DE CRIMES INTERNATIONAUX NE REPOSE SUR AUCUNE DONNEE STATISTIQUE FIABLE.

DE CETTE PREMISSE FAUSSE ET REDUCTRICE DECOULE UNE ORIENTATION TRES DISCUTABLE : CONSACRER PRIORITAIREMENT LES RESSOURCES A L’ENQUETE ET A LA POURSUITE DE CES CRIMES SEXUELS « INTERNATIONAUX »

QUELLES SONT LES NOMBREUSES CONSEQUENCES DANGEREUSES / LES EFFETS PERVERS DE CETTE PRESENTATION FAUSSEE ET REDUCTRICE DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES EN RDC ?

  1. UNE MAUVAISE ANALYSE DES CAUSES CONDUIT A DES SOLUTIONS ILLUSOIRES : LE RETOUR A LA PAIX = FIN DES VIOLENCES SEXUELLES

Les violences sexuelles à l’Est de la RDC sont présentées comme produites essentiellement par la guerre et l’invasion de l’Est :

Interview du Dr. Mukwege

Qui sont les principaux agresseurs ?

Il y a quinze ans, c’étaient les armées étrangères qui avaient envahi le Congo.

Aujourd’hui, ce sont beaucoup plus les FDLR, les forces gouvernementales et les milices congolaises. Le viol est une arme utilisée par tous.

Qu’est-ce qui manque au Kivu pour mettre fin à ces horreurs ?

La paix. Et la volonté politique. Nationale et internationale –

MAIS

LA GUERRE N’A FAIT QU’AMPLIFIER LA VIOLENCE SEXUELLE PREEXISTANTE EN RDC.

LE RETOUR DE LA PAIX ENTRAINERA PEUT-ETRE SA DIMINUTION MAIS CERTAINEMENT PAS SA DISPARITION

Comme le dit la Rapporteure Spéciale des Nations Unies en matière de violences à l’égard des femmes :

« La guerre a pris fin dans de nombreuses autres parties du pays, mais les femmes n’y ont pas gagné la paix. La violence sexuelle reste monnaie courante dans l’ensemble de la République Démocratique du Congo »

  1. UNE SOUS-ESTIMATION DES VIOLENCES SEXUELLES NON LIEES AU CONFLIT

Actuellement, les violences sexuelles (dues à l’insécurité et dans les ménages) sont commises dans toutes les provinces, y compris dans celles non touchées par les conflits armés, et les femmes, quelle que soit leur catégorie sociale, en sont toujours les cibles principales.

Selon l’EDS (Etude Démographie et santé 2013) :

  • Près de trois femmes sur dix (27 %) ont déclaré avoir subi, depuis l’âge de 15 ans, des violences sexuelles à un moment donné de leur vie.
  • Au cours des douze mois avant l’enquête, cette proportion est de 16 %.
  • les femmes qui ont été les plus fréquemment victimes de violence sexuelle sont celles qui vivent en milieu rural
  • 12 % de femmes ont déclaré avoir subi leur première expérience de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans et 4 % avant 15 ans.
  • le pourcentage de femmes de 15-49 ans ayant subi des actes de violence sexuelle à un moment quelconque de leur vie est comparable ou supérieur dans des provinces peu ou pas affectées par le conflit comme le Kasaï Occidental (36,3 %), le Maniema (34,1) et le Bandundu (31,1 %) par rapport aux provinces les plus affectées par le conflit comme le Nord Kivu (27,6%) et le Sud-Kivu (34,5 %)
  • le pourcentage de femmes de 15-49 ans ayant subi des actes de violence sexuelle au cours des 12 mois ayant précédé l’enquête est supérieur dans des provinces non affectées par le conflit comme le Kasaï Occidental (24 %) et le Bandundu (23 %)  par rapport aux provinces les plus affectées par le conflit comme le Nord Kivu (14,6%) et le Sud-Kivu (18,3%)

Les pourcentages de femmes ayant subi des actes de violence sexuelle selon l’auteur de ces actes  montrent que,

  • parmi les femmes non célibataires, c’est le mari/partenaire, qu’il soit actuel ou précédent, qui est cité comme l’auteur principal des actes de violence sexuelle.
  • La moitié des femmes célibataires ont cité le petit ami ou l’ex petit ami (51 %).
    • dans 17 % des cas, l’auteur des actes de violence sexuelle selon les femmes célibataires est un ami ou une rencontre et
    • dans 15 % des cas, un inconnu.
  • Parmi les femmes de 15-49 ans ayant subi des actes de violence sexuelle,  1,1 % ont déclaré que des militaires ou des policiers étaient les auteurs de ces actes,
  1. UNE SOUS-ESTIMATION DES AUTRES FORMES DE VIOLENCES SEXUELLES AUTRES QUE LE VIOL COMME LE MARIAGE FORCE ET PRECOCE
  • En RDC, la proportion de femmes en union est de 21 % chez les 15-19 ans.
  • Un très grand nombre de jeunes filles sont mariées précocement dès 15-16 ans.
  • Très peu de programmes se préoccupent de ce problème qui contribue beaucoup à la marginalisation de la femme.
  1. UNE SOUS-ESTIMATION DES AUTRES FORMES DE VIOLENCE CONTRE LES FEMMES COMME LES VIOLENCES DOMESTIQUES ET CONJUGALES, LE HARCELEMENT SEXUEL, ETC.

En RDC,

  • 46 % de femmes, en union ou en rupture d’union, ont déclaré avoir subi à un moment quelconque des actes de violence physique de la part de leur mari/partenaire actuel ou le plus récent,
  • 37 % de la violence émotionnelle et
  • 26 % des actes de violence sexuelle.

Pour évaluer le degré de tolérance vis-à-vis de la violence conjugale, on a demandé aux femmes et aux hommes s’ils pensaient qu’il était justifié qu’un mari batte sa femme quand elle

  • Brûle la nourriture
  • Argumente avec lui
  • Sort sans le lui dire
  • Néglige les enfants
  • Refuse d’avoir des rapports sexuels avec lui

Trois femmes sur quatre (75 %) pensent que pour au moins une des raisons citées, il est justifié qu’un homme batte sa femme.

  1. UNE SOUS-ESTIMATION DES CAUSES PROFONDES A LA BASE DES VS&BG : LES STEREOTYPES, COUTUMES, CROYANCES RELIGIEUSES SEXISTES

Certains comportements dominateurs du mari/partenaire (produits souvent des stéréotypes, coutumes, croyances religieuses sexistes) peuvent être précurseurs d’actes de violence contre la femme.

Pour mesurer ce niveau de contrôle des maris/partenaires sur les femmes, on a demandé aux femmes congolaises en union ou l’ayant été si leur mari/partenaire avait manifesté un certain nombre de comportements :

  • Dans 69 % des cas, les femmes ont déclaré que leur mari/partenaire était jaloux ou en colère si elles parlaient à d’autres hommes.
  • dans 63 % des cas leur mari/partenaire insiste pour savoir à tout moment où elles se trouvent.
  • Environ deux femmes sur cinq (41 %) ont déclaré que leur mari ne leur permettait pas de rencontrer leurs amies.

Il ressort des résultats de  l’ « Etude sur la masculinité en RDCongo » que dans l’imaginaire collectif dans les provinces enquêtées, l’homme est appréhendé à partir des caractéristiques qui consacrent la masculinité hégémonique, c’est-à-dire qui

  • font de l’homme le point central de la société,
  • magnifient les pratiques de genre visant le patriarcat et la domination des hommes sur les femmes et
  • exaltent la puissance dans les rapports de l’homme à l’homme.

Toutes ces caractéristiques sont idéalisées et acceptées aussi bien par les hommes que les femmes, les adolescents et les adolescentes et sont le fondement de la violence exercée par les hommes sur les femmes.

Ces perceptions et conceptions  Cette masculinité hégémonique est le  produit  d’un long processus de socialisation, à travers l’éducation familiale, scolaire, religieuse, etc.

La violence à l’encontre des femmes est entretenue par la socialisation différentielle des garçons et des filles ;  on apprend aux filles dès le plus jeune âge à tolérer et même parfois à accepter son statut inférieur et même la violence à son encontre.

TRES PEU DE PROGRAMMES SONT MIS EN ŒUVRE POUR COMBATTRE CES CAUSES PROFONDES A LA BASE DES VS&BG ET DES INEGALITES H/F

  1. UN FINANCEMENT INTERNATIONAL MAL ORIENTE QUI APPUIE TROP PEU LES PROJETS ET PROGRAMMES QUI S’ATTAQUENT AUX CAUSES PROFONDES DE LA VIOLENCE CONTRE LES FEMMES

LES PROJETS ET PROGRAMMES qui luttent contre les stéréotypes sexistes, les coutumes, les croyances religieuses, etc.

  • qui non seulement « facilitent » les VSBG
  • mais aussi contribuent fortement
    • aux discriminations,
    • à l’absence de parité,
    • aux inégalités de chance entre H/F, F/G,

SONT PEU APPUYES ET FINANCES.

LES PISTES DE SOLUTION :

L’Observatoire de la parité en RDC veut que plus de moyens soient consacrés à mettre sur pied des programmes qui pourraient :

  • au niveau de la famille,
    • encourager les hommes à adopter les valeurs positives de la masculinité vis-à-vis de leurs épouses, de leurs enfants et des autres hommes,
    • sensibiliser les femmes en tant que principal agent de socialisation à les transmettre aux enfants (garçons et filles).
    • inviter les parents
      • à témoigner les mêmes considérations à l’endroit des filles et des garçons,
      • à leur accorder les mêmes chances à l’éducation scolaire et
      • à les initier indistinctement à toutes les tâches les préparant à la vie d’adultes.
    • Mettre en place un Projet « Parents pour une éducation égalitaire filles-garçons » sensibilisant les parents, pour une socialisation basée sur l’égalité des sexes des filles et des garçons dans les ménages.
  • au niveau de l’école,
    • travailler avec les enseignants pour qu’ils changent leurs attitudes et comportements pédagogiques pour contribuer à une plus grande égalité des garçons et des filles
    • Mettre en place un « Observatoire du droit de l’enfant à l’éducation équitable » pour s’assurer que les filles et les garçons bénéficient d’une éducation favorisant l’égalité des chances
  • au niveau des églises, la religion étant un des facteurs majeur dans la construction de la masculinité hégémonique et de la légitimation des violences principalement conjugales,
    • initier des programmes de sensibilisation d’égalité de genre, de proscription des violences sexuelles et basées sur le genre amenant les chefs religieux à bannir les discours et pratiques qui favorisent les formes hégémoniques de la masculinité
    • travailler avec les comités des jeunes et les communautés ecclésiales de base en faveur de l’adoption des valeurs alternatives de la masculinité.
  • Au niveau des médias, appuyer, à l’instar de la Coopération suisse, le magazine en ligne multimédia « DEBOUT CONGOLAISES ! », édité par l’Observatoire de la parité, prônant l’égalité des chances H / F, F/G
    • Qui soit un modèle en matière d’intégration de la dimension de genre en prenant en compte le genre non seulement dans la gestion du magazine « Debout Congolaises ! »  mais aussi et surtout en intégrant une dimension ou perspective de genre dans tous les sujets traités par ce média
    • Qui mette en place une « plateforme de partage de productions »
      • accueillant sur le site du web magazine les productions radiophoniques sensibles au genre issues du vaste réseau de radios communautaires et de proximité de la RDC et
      • mettant ces productions à la disposition de toute radio intéressée par leur téléchargement.
    • Qui renforce les capacités des producteurs et productrices des médias (radios communautaires et rurales, presse écrite, etc.) à réaliser des productions de qualité qui prennent en compte le genre de façon systématique.
    • Qui renforce l’accès des femmes et des jeunes filles aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication (NTIC)

 

 AUTEUR :

Prof. Luc HENKINBRANT, Docteur en droit

Conseiller technique de l’Observatoire de la parité

luc.henkinbrant@gmail.com