Cette vidéo que nous vous livrons, sans l’avoir montée ou sous-titrée, a été filmée par l’Observatoire de la parité à Bugarula, Territoire d’Idjwi, Province du Sud-Kivu, RDC, le 10 novembre 2018, lors d’une célébration de la Journée internationale de la femme rurale. A cette occasion, la CENI a fait une présentation à la population de la machine à voter. Quelques femmes ont été invitées à utiliser la machine. LES IMAGES PARLENT D’ELLES-MEMES. CLIQUEZ ICI.

Ces femmes rurales sont totalement incapables d’utiliser la machine et d’exécuter la procédure de vote sans l’assistance d’une autre personne. Elles ne savent pas où introduire le bulletin de vote dans l’imprimante. Elles ne savent pas qu’il faut toucher l’écran tactile ni comment confirmer ou invalider leur choix. Elles mettent plus de 4 minutes pour réaliser leur vote. Surtout, elles doivent être guidées, du début à la fin, par les instructions données par un.e « assistant.e », dans ce cas, par un agent de la CENI.

La vidéo démontre à l’évidence que la plus grande partie des électeurs-trices de la RDC, qui n’ont jamais été en contact avec les technologies utilisées par la machine à voter (imprimante, écran tactile, etc.), seront placé.e.s dans la situation de « l’électeur qui se trouve dans l’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote », prévue à l’article 58 de la loi électorale. Le même article prévoit que cet électeur incapable de voter seul « a le droit de se faire assister par toute personne de son choix ayant la qualité d’électeur ».

On ne peut imaginer que ni la CENI, ni le pouvoir actuel, connaissant le taux d’analphabétisme « ordinaire » et d’analphabétisme « technologique » d’une très grande partie de l’électorat congolais, n’ont pas anticipé ou n’ont pas prévu que cette situation « d’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote » allaient se reproduire, à très grande échelle, de millions d’électeurs, le jour du scrutin. Cela ne relève donc pas de la paranoïa d’imaginer qu’un plan existe et que des instructions ont été données pour que ces millions d’électeurs-trices se trouvant « dans l’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote » puissent se « faire assister par une personne de leur choix » qui pourrait bien être … un électeur « sympathisant » de la majorité présidentielle actuelle, qui se trouverait opportunément à l’entrée du bureau de vote prêt à « assister » les électeurs-trices incapables d’utiliser la machine à voter et donc « d’effectuer seul l’opération de vote ». C’est dire si la manipulation des électeurs-trices et le détournement des votes sont possibles à très, très grande échelle.

Ce « piège à votes » ne sera pas simple à déjouer. Empêcher que les votes ne soient capturés ou détournés au profit des candidats d’un camp nécessitera la présence dans chaque bureau de vote de témoins des partis et regroupements politiques et/ou d’observateurs-trices accrédités par la CENI très attentifs à ce risque « d’assistance orientée ». Un tel déploiement n’est pas facile à réaliser dans l’ensemble du pays, surtout dans les territoires ruraux et enclavés.

 Le plus grand risque de fraude ne se trouve pas uniquement dans ce « vote assisté ».

Les plus grandes fraudes lors des élections passées se sont produites lors des opérations de transmission et de compilation des résultats, des centres locaux de compilation des résultats (CLCR) vers les centres provinciaux et de ces derniers vers Kinshasa. A ce stade, la machine à voter ne peut plus jouer le rôle de machine à tricher. Pourquoi ? Parce que, après la clôture des opérations de vote, le dépouillement et le calcul des voix obtenues  par chaque candidat n’est pas fait par la machine à voter ou, même si ce calcul peut techniquement être fait par la machine, les opérations de dépouillement se déroulent « manuellement », comme lors des élections de 2006 et 2011 conformément aux articles 62 à 67 de la loi électorale (ouverture de l’urne, lecture et classement des bulletins, calcul du total des voix obtenues par chaque candidat,  consignation des résultats dans le relevé du dépouillement, mise sous enveloppes scellées et envoi au centre de compilation de la CENI). Si les témoins des partis et regroupements politiques, les observateurs-trices, les journalistes, etc. sont présents, le risque de fraude ne se situe pas lors du dépouillement. Même si la machine à voter et son logiciel sont à même de sortir des résultats, ceux-ci devront être comparés avec les résultats issus du comptage manuel. En cas de discordance, il devra être procédé à un nouveau comptage qui devra faire foi. Le risque de fraude se situe après, durant les opérations de transmission et de compilation qui se déroulent le plus souvent sans témoins.

Ce très grand risque de fraude peut-il être contrecarré ?

Oui, si l’on met en place un vaste réseau d’observation citoyenne du processus électoral et plus particulièrement de cette phase très critique de la transmission et compilation grâce à un système de comptage parallèle ou rapide des résultats.

De quoi s’agit-il ? De mettre en place un vaste réseau d’observation citoyenne du processus électoral  (les « SentinELLES  des élections) dans lequel des milliers d’observateurs-trices peuvent le jour du scrutin, photographier avec leur smartphone les résultats affichés devant le bureau de dépouillement conformément à l’article 68 de la loi électorale : « Aussitôt le dépouillement terminé, le résultat est immédiatement rendu public et affiché devant le bureau de dépouillement« ). Les photos et d’autres informations sont envoyées à une plateforme de comptage et de compilation parallèle des résultats, permettant ainsi de déjouer les tentatives de fraude électorale. Pour en savoir plus sur ce qu’est le « comptage parallèle (et rapide) des résultats »CLIQUEZ ICI ou sur l’image ci-dessous.

Un tel système de surveillance citoyenne des élections  peut être techniquement et rapidement mis en œuvre par l’Observatoire de la parité et son magazine en ligne www.deboutcongolaises.org en reposant sur une plate-forme web inspirée du logiciel  www.ushahidi.com . Ce type de plateforme, reposant sur l’exercice actif de la« citoyenneté numérique » mise en action par des « E-citoyen.ne.s » a été développé en Afrique ces dernières années , par exemple au Libéria (2011), Sénégal (2012), Kenya (2013),Mali (2013), Ouganda (2016), Ghana (2016) etc. Ce système  permet le partage rapide de l’information, notamment les résultats affichés des votes, chaque observateur-trice pouvant communiquer  très simplement et rapidement à une « salle de veille » pour les femmes « Women’s situation Room » (WSR) ce qu’elle ou il  a constaté en utilisant son mobile ou son smartphone et en envoyant des SMS, des emails,  des messages WhatsApp, de préférence accompagnés de photos ou vidéos (à titre de preuves) à la salle de veille.

Attention ! Un tel système de surveillance citoyenne des élections n’est crédible et efficace que s’il repose sur la participation de milliers d’observateurs-trices qui peuvent  seulement être mobilisé.e.s par des organisations de la société civile ayant un très fort ancrage dans la population, comme l’Eglise catholique, les Commissions Diocésaines Justice et Paix (CDJP), etc.

 

Pour plus de détails sur le réseau d’observation citoyenne du processus électoral  (les « SentinELLES  des élections ») aller sur http://deboutcongolaises.org/bientot-vous-serez-les-sentinelles-des-elections/