Ce jeudi 18 avril, le Président Félix Tshisekedi s’est rendu à Mukwija et a décrété le vendredi 19 avril “journée de deuil national”, une journée de tristesse et de solidarité à l’égard des familles éprouvées, qui coïncide donc avec le vendredi saint. Ces deux actions du successeur de Joseph Kabila sont remarquables et attirent l’attention nationale et internationale sur des drames à répétition sur le lac Kivu et sur les nombreuses autres voies navigables de la RDC. Malheureusement plusieurs des mesures prises ou envisagées par le Président seront insuffisantes pour empêcher le renouvellement de telles tragédies à l’avenir.

Un drame extrêmement fréquent et des causes bien connues

« Le transport fluvial et lacustre est l’un des plus usités en RDC, qui dispose de nombreux cours d’eau. Le plus important étant le Congo long de 4.700 km, suivi de son affluent, la rivière Kasaï, longue de 2.361 km. Il y a aussi des lacs (Albert, Edouard, Kivu, Tanganika) situés aux frontières est du pays. La navigation compense largement un réseau routier peu dense et en très mauvais état. Alors, hommes, marchandises et bétail empruntent les voies navigables ». Selon un site internet spécialisé, celui de l’ASSOMAR (Association des Officiers de Marine),  10.000 navires circulent dans le bassin du Congo.
Dans un reportage « RD Congo, un transport fluvial de tous les dangers », France TV Info dresse une liste, bien loin d’être exhaustive, des principaux naufrages ayant touché le pays ces dernières années :
Mai 2018, rivière Momboyo : 50 morts, nombre indéterminé de disparus. Causes du naufrage inconnues. Navigation de nuit.
Février 2018, 14 disparus sur le fleuve Congo : Navigation de nuit. Naufrage de plusieurs embarcations. Mauvaises conditions météo, notamment des vents violents.
Juillet 2017, 27 morts et 54 disparus sur la rivière Kasaï : Navigation de nuit. Une pirogue motorisée. Surcharge et ivresse des pilotes sont les deux causes du naufrage. Les victimes sont en majorité des écoliers se rendant en vacances.
Décembre 2014, 6 morts et plus de 100 disparus, fleuve Congo Kisangani : L’embarcation a coulé après avoir heurté une roche en pleine nuit.
Juin 2011, dix morts et une dizaine de disparus, lac Albert : 25 passagers sur une pirogue motorisée, 6 ont été secourues. Mauvais temps et surcharge sont à l’origine du drame. Deux mois avant, deux autres naufrages sur le lac Kivu et la rivière Kasaï avaient fait plus de 100 morts. Des accidents qui ont coûté sa place à la ministre des Transports, Marie-Laure Kawanda.
Juillet 2010, 138 morts rivière Kasaï : Surcharge du bateau, vétusté, conditions de navigation. Le navire s’est brisé dans les remous.
Etc.

Mauvais temps, surcharge du bateau, absence de bouées ou de gilets de sauvetage, navigation de nuit, méconnaissance du Code de navigation, etc. les causes de ces naufrages et noyades sont bien connues

Une absence d’informations fiables et une relation de « l’accident » complètement « aveugle au genre »

Une simple lecture de quelques-uns des nombreux articles et reportages consacrés au dernier naufrage met en évidence une information journalistique complètement « aveugle au genre ». La preuve par quelques exemples :

1er exemple : Une centaine de personnes disparues sur le Lac Kivu  Par Esther N’sapu correspondante à l’Est de la RDC  :

« Nonante-neuf personnes portées disparues, 37 sauvées de justesse ce lundi 15 avril, c’est le bilan catastrophique relevé suite au chavirage sur le Lac Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo, d’une pirogue motorisée. Les faits se sont déroulés vers 16h lorsqu’une embarcation en provenance d’un port appelé Kituku, situé en ville de Goma, se rendait à Mukwija, un village situé en territoire de Kalehe, province du Sud-Kivu. A son bord une centaine de petits commerçants qui font habituellement la navette entre les deux lieux. Les petits commerçants des villages situés en territoire de Kalehe font régulièrement le commerce des produits agricoles comme les maniocs, des légumes, les fruits, qu’ils revendent à Goma à travers le port de Kituku. Le marché de Kituku est fréquenté par de nombreux petits commerçants en provenance de différents villages aux alentours de Goma au Nord-Kivu »

2ème exemple : RFI : RDC: des morts et des dizaines de disparus dans un naufrage sur le lac Kivu   Publié le 17-04-2019 :

« Un bateau qui assurait la liaison Goma-Kalehe a fait naufrage dans la nuit du 15 au 16 avril. Le nombre de passagers est encore inconnu mais les rescapés indiquent qu’il était très surchargé.

3ème exemple :

« Près de 150 vies en effet ont été fauchées dans le naufrage d’une embarcation motorisée le lundi 15 avril dernier sur le lac Kivu. Ce navire de fortune transportait plusieurs commerçants qui effectuent des navettes chaque lundi entre Mbinga-Nord et Kituku, à Goma, en passant par Mukwidja”, attestent plusieurs médias en ligne. Des sources concordantes font état de 114 disparus, 13 corps repêchés et 37 rescapés recensés, comme le confirme l’administrateur du territoire, Muamba Cibwabwa ».

4ème exemple : Le bilan du naufrage ne cesse de s’alourdir – Le Souverain libre 18/04/2019 Arlette Boroto

« Jusque dans la mi-journée de ce 18 avril, un bilan provisoire de 151 victimes est établi suite à l’incident malheureux qui a frappé les régions de Mukwija, Buzi, Minova et Kalehe. Parmi ces victimes, seules 104 personnes ont déjà été recensées. Les noms de toutes ces personnes sont donc disponibles ».

Où est le problème ?

A la lecture de ces articles ou à l’audition de ces reportages il n’y est question que de « personnes », de « passagers », de « commerçants » ou « petits commerçants », d’«enfants », de « victimes », de « disparus », de « rescapés », de « corps », etc.  sans qu’il soit donc possible de préciser s’il s’agit d’hommes ou de femmes, de garçons ou de fillettes. Or, il est parfaitement légitime de se poser des questions : parmi ces « passagers », combien de « passagères », parmi ces « petits commerçants », combien de « petites commerçantes » ?

Faisons passer, dans le premier exemple ci-dessus, quelques mots du masculin au féminin :

« A son bord une centaine de petites commerçantes qui font habituellement la navette entre les deux lieux. Les petites commerçantes des villages situés en territoire de Kalehe font régulièrement le commerce des produits agricoles comme les maniocs, des légumes, les fruits, qu’elles revendent à Goma à travers le port de Kituku. Le marché de Kituku est fréquenté par de nombreuses petites commerçantes en provenance de différents villages aux alentours de Goma au Nord-Kivu »

Cela change tout et cela correspond à la réalité : ce ne sont pas les hommes qui font sur les marchés le petit commerce des produits agricoles ! Ce sont les femmes, les « mamans » !

D’où d’autres questions légitimes : parmi ces « victimes », parmi ces « corps », parmi ces « rescapés », combien de femmes ? combien d’hommes ? Parmi ces « enfants », combien de filles ? Combien de garçon ?

Car il n’est pas vrai que « nous sommes tous égaux devant la mort ». Certes, nous mourrons tous.  Mais dans certaines situations, hommes et femmes, garçons et filles ne sont pas à « égalité de chances » face à la mort, par noyade.

Dans le cas précis de ce naufrage, ni les médias et encore moins les autorités, ne fournissent des informations « genrées », par exemple des données désagrégées par sexe, sur les passagers et passagères du boat ou encore sur les « victimes » de ce drame et aussi sur les « rescapés » ou les « rescapées ».

Les investigations menées par www.deboutcongolaises.org permettent de découvrir que la grande majorité des « passagers » du boat coulé sont en réalité des « passagères », pour la plupart probablement des « petites commerçantes » faisant le petit commerce entre le Territoire de Kalehe et Goma. Cela peut être aisément vérifié en parcourant la « Liste des personnes disparues dans l’incident malheureux de la noyade d’une pirogue motorisée ce lundi 15 avril 2019 dans les eaux du Lac Kivu à Kasunyu », liste établie le 17/04/19 par la Société civile de Mbinga-Nord :

Il apparait que la grande majorité des victimes sont (et seront) aussi des femmes et des enfants.

Ceci est confirmé par un reportage de RFI, publié le 21-04-2019  « Le naufrage survenu en début de semaine sur le lac Kivu a fait plus de cent disparus. Samedi 20 avril, des corps, portés par le courant, ont été repêchés à Gisenyi, localité rwandaise frontalière de la RDC ».

«Quinze corps de victimes du naufrage d’une pirogue motorisée sur le lac Kivu, dans l’est de la RDC, ont été retrouvés samedi côté Rwanda. C’est notamment la Croix-Rouge et la police marine rwandaise qui se sont attelées à récupérer les dépouilles. Dyrckx Dushime, président de la Croix-Rouge rwandaise pour le district de Rubavu, était sur place. Il raconte cette opération : « Nous avons mobilisé cinq bateaux et nous avons commencé le travail très tôt le matin à 6h30 en collaboration avec la police marine côté rwandais. Au total, nous avons retrouvé quinze corps : treize femmes et deux hommes…  »

(Pour le reportage complet, CLIQUEZ ICI)

D’autres sources parlent de 13 femmes dont une enceinte, d’1 homme et d’1 enfant.

Cette « catastrophe » met en lumière la grande différence de vulnérabilité entre hommes et femmes face aux risques de la navigation sur le lac Kivu lorsque se conjuguent des aléas « naturels » (une tempête, des vents violents, des grosses vagues) et des graves fautes et manquements « humains ».

Femmes et hommes ne courent pas les mêmes risques face à de tels « accidents » qui ne doivent rien à la fatalité. Leurs chances de survie dans une telle combinaison des aléas de la nature et des « erreurs » humaine sont très inégales.

Cette « inégalité des chances » a été soulignée, ces dernières années, par de nombreuses études sur la dimension de genre dans les vulnérabilités et les risques liés aux catastrophes

Le Manuel « Intégration de la dimension de genre dans la réduction des risques de catastrophes Politiques et directives pratiques », une publication conjointe de l’UNISDR, du PNUD et de l’UICN (Genève, Suisse, juin 2009) explique que « Les catastrophes majeures qui se sont produites au cours des dix dernières années, telles que le tsunami qui a touché l’océan indien, l’ouragan Katrina ou le tremblement de terre dans la région du Cachemire ont mis en avant la dimension de genre dans les vulnérabilités et les risques liés aux catastrophes ». Qu’est-ce que cela veut dire ?

« Les différences dans les rôles sociaux attribués aux hommes et aux femmes entraînent l’apparition de compétences différentes au sein des deux groupes, qui sont susceptibles d’accroître la vulnérabilité des femmes aux catastrophes (Neumayer and Plümper, 2007).  Dans bon nombre de pays, le rôle traditionnel des femmes consiste à s’occuper des enfants et des personnes âgées et à les protéger, à assumer les tâches ménagères et à prendre soin des biens de la famille. Les limitations imposées aux femmes par le rôle social qui leur est attribué signifient bien souvent qu’elles ne disposent pas des compétences requises pour survivre en cas de catastrophe majeure, comme par exemple, pratiquer la nage ou l’escalade, savoir interpréter les signaux d’alerte et y répondre ou participer à la prévention des catastrophes. (Castro García and Reyes Zúñiga, 2006; Neumayer and Plümper, 2007).

Dans un grand nombre de régions, seuls les garçons apprennent à nager ou à grimper aux arbres, ce qui réduit considérablement les chances de survie des femmes en cas d’inondation ou d’autres événements de nature hydrométéorologique. (Genanet, 2004) ».

Existe-t-il en RDC des statistiques fiables désagrégées par sexe sur les capacités des hommes et des femmes, des garçons et des filles en matière de natation ?

Pas à notre connaissance. De manière empirique, on peut supposer que la plupart des femmes congolaises, même celles qui vivent en bordure d’un fleuve, d’une rivière ou d’un lac, n’ont jamais appris à nager. Sur les rives du lac Kivu, par exemple, on voit bien plus souvent des garçons tout nus s’ébattre et apprendre à nager que des fillettes, à qui ce jeu ou ce sport est « interdit » en raison de coutumes et de stéréotypes sexistes.

Il existe donc bel et bien une différenciation fondée sur le genre en matière de « catastrophes » et de vulnérabilité qui a de graves implications pour les femmes

Le Manuel  « Intégration de la dimension de genre dans la réduction des risques de catastrophes » , à travers des  exemples récents, montre que, dans de nombreuses situations, les aléas naturels soudains (comme les tempêtes, inondations, cyclones, tsunamis, coulées de boue, etc.) ont des impacts et des implications spécifiques pour les femmes :

  • Il y a plus de femmes que d’hommes qui perdent la vie lors de la survenue de catastrophes naturelles.
  • Les femmes sont exposées à un risque plus important de blessures ou de mort en raison des restrictions et des rôles sexuels imposés par la société.
  • Dans certaines cultures, la nage ne fait pas partie des compétences que les filles et les femmes sont encouragées à acquérir.
  • Dans certaines régions, les vêtements traditionnels des femmes limitent leur mobilité.
  • Dans certaines cultures ou sociétés, les femmes ne peuvent pas répondre aux alertes ni quitter leur domicile sans être escortées par un accompagnateur de sexe masculin.
  • Etc.

Les statistiques tirées des bilans établis au cours de précédentes catastrophes, telles que le tsunami dans l’océan Indien ou le cyclone qui a balayé le Bangladesh en 1991, ont montré que les femmes tuées étaient surreprésentées parmi les victimes.

Selon le même manuel, en matière d’accès aux alertes rapides et de capacités à répondre aux catastrophes, il existe aussi de grosses différences et inégalités entre H et F :

  • Dans bon nombre de situations, les femmes ne sont pas prévenues en cas d’alerte.
  • Les femmes ne sont pas suffisamment sensibilisées au comportement à adopter en cas d’alerte.
  • Les femmes manquent de compétences en matière de sauvetage, comme par exemple en ce qui concerne la pratique de la nage ou de l’escalade.
  • Les femmes ont tendance à prendre la responsabilité de conduire les enfants et les personnes âgées en lieu sûr.
  • Etc.

Durant le tsunami de 2006, le nombre de femmes tuées à la suite de la catastrophe était supérieur à celui des victimes de sexe masculin. À titre d’exemple, en Indonésie et au Sri Lanka, les survivants hommes étaient en plus grand nombre que les survivantes femmes, dans un rapport de 3 ou 4 à 1.

Les constats exposés ci-dessus montrent que « les femmes sont confrontées à divers niveaux de risques, souffrent de différents types de vulnérabilité et pâtissent d’un manque de capacités d’adaptation résultant des inégalités axées sur le genre qu’elles subissent sur le plan politique, culturel et socioéconomique, et qui sont persistantes partout dans le monde ».

Les réponses à apporter aux « catastrophes » qu’elles soient d’origine naturelle ou qu’elles soient aggravées par l’action des hommes (comme les catastrophes liées au réchauffement climatique ou, à plus petite échelle, le naufrage d’un bateau sur un lac congolais) doivent non seulement en « limiter les dégats » mais doivent aussi en prévenir la répétition, tout en mettant en pratique les principes et la méthodologie formulées dans le Manuel  « Intégration de la dimension de genre dans la réduction des risques de catastrophes ». Donnons ici un exemple d’une réponse à une catastrophe « intégrant la dimension de genre à travers une analyse participative : Un projet mené dans les îles Andaman et Nicobar a pris en compte les différences H/F par le biais d’une analyse participative de la vulnérabilité, qui a permis de renforcer la sensibilisation des femmes en leur offrant l’opportunité d’échanger leurs expériences, de bénéficier d’une formation à l’acquisition des compétences utiles dans ce domaine et de constituer des groupes de femmes. Les besoins exprimés par les femmes durant cette analyse ont été pris en compte par ActionAid qui a financé la mise en place de cours collectifs d’apprentissage de la nage et de la pêche ainsi que d’une formation en gestion financière et économique à leur intention.

Kalehe : Des remèdes proposés insuffisants et très discutables

 Au regard de ce qui précède, on peut légitimement questionner les mesures prises par le chef de l’Etat ainsi que celles qui sont promises pour un avenir plus ou moins proches.

Une enquête en vue d’établir les responsabilités

S’adressant à la population du territoire de Kalehe, le chef de l’Etat s’est engagé à diligenter une enquête pour tirer au clair les causes de ce drame, en vue d’établir les responsabilités pour que pareil accident ne se reproduise à l’avenir. ”Nous allons ouvrir une enquête et poursuivre sûrement les responsables de cette embarcation qui a donné la mort, parce qu’on ne peut pas embarquer, au nom du gain, des vies humaines comme ça et risquer, comme c’est le cas aujourd’hui. Le propriétaire de cette embarcation devra donc être interpellé et rendre des comptes

Certes une enquête judiciaire est absolument indispensable mais elle ne doit pas se limiter à poursuivre « les  responsables » ou « le propriétaire de cette embarcation ». Il faut interpeller tous ceux qui ont permis que se produise ce naufrage (qui n’a pas pour cause principale le vent et les vagues) et qui portent donc une lourde responsabilité, non seulement le capitaine de l’embarcation mais aussi tous les agents de l’Etat qui n’ont pas rempli leur rôle de contrôleur du respect des règles de navigation. Ou encore, ceux qui se seraient indûment ingéré dans cette affaire. Dans un article intitulé « Naufrage sur le lac Kivu en RDC : un colonel de la Force Navale épinglé », Jeune Afrique écrit ceci : « Sans le citer, c’est sur les conclusions du rapport préliminaire dressé par les services de l’État, que Jeune Afrique a pu consulter, que le président congolais s’est appuyé. Un rapport qui pointe de nombreux manquements. Le bateau n’avait ainsi pas été contrôlé, et n’avait rempli aucune des formalités obligatoires avant de quitter le port. Surtout, ce rapport établi notamment par le commissariat fluvial, l’Agence nationale de renseignements et les services de police, pointe la responsabilité présumée d’un colonel de la force navale. Le bateau, « appartenant à Godeline Katembo et géré par Soleil Kasole » était, de fait, « sous influence du colonel de la Force Navale Bahati », selon les enquêteurs. Celui-ci, en conflit avec les autorités portuaires, « ne considère personne et fait ce qu’il veut » et, le soir du drame, se serait « autorisé à appareiller » sans autorisation à en croire le témoignage du commissariat lacustre de Goma ». L’identification et la poursuite en justice de tous les présumés auteurs ou complices de plusieurs infractions à la réglementation en vigueur n’a pas que des implications pénales. Elles doivent aussi permettre aux familles des victimes de porter plainte et de se constituer parties civiles dans un procès qui pourrait déboucher sur un jugement de condamnation des différents responsables mais aussi d’octroi aux victimes de dommages et intérêts à charge des auteurs mais aussi  de l’Etat congolais. En effet, celui-ci pourrait bien être condamné solidairement au payement de ces dommages et intérêts si des agents de l’Etat étaient jugés pénalement responsable mais se trouvaient en situation d’insolvabilité. Les montants à payer aux parties civiles pourraient se révéler bien supérieur à l’enveloppe remise par le chef de l’Etat pour les familles éprouvées.

Des gilets de sauvetage.  Félix Tshisekedi a donné instruction aux autorités qualifiées de ne plus permettre qu’une embarcation se déplace sans que les passagers ne soient munis d’un gilet de sauvetage. Il a remis,à titre symbolique,1000 gilets de sauvetage au Gouverneur intérimaire de la province du Sud-Kivu.

« Pour le court terme (…) et pour éviter les catastrophes, comme celle que nous venons de connaître, j’ai apporté 1.000 bouées de sauvetage que, désormais, les voyageurs devront porter. Et j’insiste auprès des autorités locales que, désormais, aucune embarcation ne peut partir sans que ses passagers n’aient porté les bouées de sauvetage ».  Ce don de gilets de sauvetage est inapproprié dans ce contexte. 1000 gilets de sauvetage permettent tout au plus d’assurer la sécurité des personnes de 8 ou 9 boats autorisés à embarquer plus d’une centaine de passagers et passagères, alors que, chaque jour et chaque nuit, plusieurs dizaines de boats quittent les ports de Goma, Bukavu, Kalehe, Idjwi, etc. Plus grave encore, il est de la responsabilité des armateurs des bateaux de fournir le nombre de gilets de sauvetage nécessaires aux passagers. Ce cadeau aux armateurs, et non pas à la population, contribue à la déresponsabilisation des armateurs alors qu’il est urgent et capital de leur rappeler qu’ils ont l’obligation de fournir ces équipements de secours et qu’ils doivent être interdit de naviguer s’ils font défaut.

La construction de quatre ports. Le chef de l’Etat a annoncé la construction, dans le long terme, de quatre ports pour permettre aux grands bateaux d’accoster et éviter les embarcations de fortune.Ainsi, ne pourront accoster ici que de grands bateaux qui sont plus sécurisés… Cela, bien entendu, dans le but recherché de ne plus devoir subir ces pertes, qui ne sont pas du tout dues à la fatalité, mais plutôt à la négligence humaine, voire à la cupidité de certains opérateurs économiques qui fabriquent ces embarcations qui donnent la mort aux citoyens”,

Comme dit un proverbe grec : « Les plus grands prometteurs sont ceux dont le pouvoir est le plus borné » …

De plus, actuellement, beaucoup de grands bateaux n’accostent pas aux quais situés sur l’île d’Idjwi (Bugarula, Momvu, etc.) alors qu’ils sont de construction récente et cela pour diverses raisons (tirant d’eau insuffisant, faible rentabilité de telles escales, etc.).

Asphaltage de la route Goma – Bukavu .  Le Président a aussi promis la réhabilitation, à moyen terme, de la route Goma-Kalehe-Bukavu.

Dernière promesse :Kalehe sera doté d’un bateau moderne afin d’éviter que ce genre des drames ne se reproduisent.

Comme dit un proverbe écossais : «  Les promesses faites en plein air sont emportées par le vent » …

Une enveloppe

Les familles des victimes ont bénéficié d’une enveloppe (57.000$) de la part de l’État Congolais.

Cette mesure charitable ne doit en aucun cas se substituer à la justice et à l’octroi de dommages et intérêts aux familles des victimes. (Voir ci-dessus)

Des mesures draconiennes réclamées

Certains observateurs « s’accordent à saluer les récentes mesures du chef de l’Etat visant la sécurisation des passagers des embarcations, y compris la journée de deuil national, ils sont toutefois d’avis que ces décisions ne doivent pas rester ponctuelles. Des mesures structurelles doivent être prises pour que pareil drame ne se répète. Il faudra, dès lors, mettre un terme à l’octroi fantaisiste des documents portant autorisation des embarcations. Occasion également de revigorer les entreprises telles que la Régie des Voies fluviales (RVF) et l’ex-Régies des Voies Maritimes (RVM) qui ne sont restées que l’ombre d’elles-mêmes. Sinon, si rien n’est fait, on ira de deuil national en deuil national »

D’autres mesures, intégrant la dimension de genre, sont indispensables

En plus d’une enquête réellement indépendante et de poursuites judiciaires contre le capitaine, l’armateur, les responsables des contrôles, etc. l’Observatoire de la parité préconise d’autres mesures dont plusieurs intègrent la dimension de genre. «Intégrer une démarche d’équité entre les sexes, c’est évaluer les incidences pour les femmes et pour les hommes de toute action envisagée, notamment dans la législation, les politiques ou les programmes, dans tous les secteurs et à tous les niveaux. Il s’agit d’une stratégie visant à incorporer les préoccupations et les expériences des femmes aussi bien que celles des hommes dans l’élaboration, la mise en œuvre, la surveillance et l’évaluation des politiques, des programmes, des projets, des actions, des mesures, etc. dans tous les domaines — politique, économique et social — de manière que les femmes et les hommes bénéficient d’avantages égaux et que l’inégalité ne puisse se perpétuer. Le but ultime est d’atteindre l’égalité entre les sexes» .

Ces mesures, projets, actions, etc. sont développées ici de manière succincte et seront décrites plus amplement dans un Rapport approfondi en préparation sur le même sujet :

  • Une Assistance judiciaire aux victimes, entre autres en vue de la constitution de partie civile.
  • Un contrôle renforcé de la mise en application effective des mesures de sécurité en matière de navigation fluviale et lacustre.
  • Une mise à jour de la réglementation en partie obsolète sur le transport fluvial et lacustre.
  • Des mesures de précaution et de sauvetage additionnelles (Itinéraire longeant les berges du lac ,« Bidon de sauvetage », etc.)
  • Un mécanisme citoyen de lancement d’alerte « Opération Safe Boat » c’est-à-dire une surveillance, une observation citoyenne, par des lanceurs d’alerte, par les OSC de défense des droits des femmes, par les passagères et passagers, etc. du respect des mesures de sécurité (gilets de sauvetage pour chaque passager, pas de surcharge de l’embarcation, etc.)   par l’envoi de SMS ou messages WhatsApp accompagnés de photos de boat surchargé, sans gilet de sauvetage, etc.) pour interpellation des autorités responsables.
  • Un apprentissage de la natation pour les enfants particulièrement les filles
  • Une formation sur le Cadre d’action de Hyogo 2005-2015 – Pour des nations et des collectivités résiliantes face aux catastrophes (2005) (le Cadre d’action de Hyogo stipule qu’une perspective liée au genre devrait être intégrée dans toutes les politiques et dans tous les plans et processus décisionnels relatifs à la réduction des risques de catastrophes, notamment dans ceux concernant l’évaluation des risques, l’alerte rapide, la gestion de l’information, ainsi que l’éducation et la formation.)
  • Une utilisation de  données et de statistiques désagrégées par sexe dans l’examen de l’impact des catastrophes,
  • Des évaluations de la vulnérabilité, des risques et des capacités tenant compte de la notion de genre et élaboration des indicateurs sensibles au genre pour surveiller et mesurer les progrès accomplis dans ce domaine.
  • Une formation des professionnel.le.s des médias en « journalisme sensible au genre »
  • Une formation à l’ « Analyse participative des risques, de la vulnérabilité et des réponses à apporter ». Il est important de reconnaître que les femmes et les hommes ont des besoins et des vulnérabilités spécifiques. Une approche participative est donc nécessaire pour garantir la participation égalitaire et sensible au genre des femmes et des hommes dans l’analyse des risques, afin d’aboutir à des prises de décision plus avisées et une conception de programme mieux adaptée.
  • Un renforcement de la sensibilisation du public et des médias à l’égard des vulnérabilités aux catastrophes et des capacités à y faire face en tenant compte de la dimension de genre et mettant en lumière les besoins et les préoccupations spécifiques au genre dans la réduction et la gestion des risques de catastrophes.
  • Etc.

 

 Joseph MUKUBWA, correspondant Debout Congolaises / Sud-Kivu en collaboration avec Prof. Luc Henkinbrant, Conseiller éditorial Debout Congolaises.

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