Bien que les femmes représentent plus de la moitié de l’électorat en RDC, les études, les recherches, les projets et programmes sur la violence électorale n’ont en général pas tenu compte de la dimension genre ; et ils n’ont pas fait cas du fait que la forme, la nature et les conséquences de la violence subie par les femmes, dans le processus électoral et politique, ne sont pas les mêmes que pour les hommes. Malgré son importance, la violence à l’égard des femmes dans les élections est restée en marge des actions et projets d’observation du processus électoral en raison de plusieurs « manques » décrits ci-dessous. Les efforts pour développer un cadre pour l’analyse, la prévention, la répression, etc. de la VEFE se heurtent en effet à plusieurs obstacles.

Le manque de définition/compréhension de la VEFE

La violence électorale, telle qu’on a pu la concevoir jusqu’ici, reste encore très indifférente aux questions de genre, car elle omet la réalité des expériences particulières vécues par les femmes, comme l’intimidation et la violence psychologique.  La plupart des analyses de la violence électorale sont centrées sur la sphère publique et négligent en grande partie les formes potentielles de violence privée ou familiale. La nature spécifiquement liée au genre de la violence publique a été négligée ; et la nature politique de la violence à l’égard des femmes qui a lieu dans la famille et la communauté est largement invisible. Les types et la fréquence des violences électorales subies par les femmes diffèrent fondamentalement de l’expérience de violence vécue par les hommes. Si la violence physique à l’égard des femmes dans les élections existe bel et bien, la violence politique à l’égard des femmes est le plus souvent de nature psychologique ou sexuelle. La recherche a montré que les femmes subissaient trois fois moins d’agressions physiques directes que les hommes, mais qu’elles étaient trois fois plus susceptibles d’être victimes de violence psychologique.  > D’où le 1er OBJECTIF : redéfinir et vulgariser la notion de « risque électoral » pour qu’elle comprenne « toute situation qui compromet l’intégrité d’un processus électoral, y compris les situations qui menacent, limitent ou font obstacle à la participation des femmes en tant qu’électrices, candidates et dans tout autre rôle électoral». Ainsi, il deviendra possible de collecter de meilleures données concernant la VEFE.

Le manque de données collectées pour mesurer la prévalence et l’incidence de la violence.

En raison de ce premier manque de définition de la VEFE et de l’absence d’indicateurs standards, il n’y a pas eu jusqu’à présent de collecte systématique de données concernant les incidents de VEFE et la proportion de femmes qui en sont victimes en RDC.   > D’où le 2ème OBJECTIF :  disposer d’un outil de collecte de données sur les VEFE.

Le manque de signalement des incidents par les femmes victimes de violences liées aux élections.

Les victimes ne signalent pas suffisamment les incidents. Cette insuffisance de signalement de toutes les formes de violence à l’égard des femmes est un problème bien connu et il s’étend à la VEFE.  Les femmes candidates peuvent dissimuler des menaces ou même des agressions physiques à leur encontre afin d’éviter de paraître « faibles » ou inaptes au monde politique. > D’où le 3ème OBJECTIF : mettre en place une plateforme d’alerte et de réponse rapide aux VEFE.

Le manque de couverture médiatique en raison des préjugés dans les médias.

En raison d’une méconnaissance générale du phénomène de VEFE et du silence qui l’entoure, ce type de violence n’est pas suffisamment couvert ou investigué par les médias congolais, ou il est éclipsé par la couverture de la violence physique électorale qui est plus facilement vérifiable. De plus, les femmes sont généralement sous-représentées parmi les rédacteurs, producteurs et dirigeants des médias d’information en RDC, et ce sont donc surtout des hommes qui décident de ce qui constitue l’actualité et de la façon dont celle-ci est présentée dans la production quotidienne. > D’où le 4ème OBJECTIF : communiquer largement sur les VEFE à travers les médias.

Le manque de volonté politique pour lutter contre la VEFE.

Le manque de volonté pour s’attaquer à la question engendre un cercle vicieux dans lequel le manque d’information sur la VEFE entraîne l’inaction, et le manque de volonté pour faire face à cette violence perpétue la culture du silence et le manque d’information. > D’où le 5ème OBJECTIF à plus long terme : augmenter la volonté politique pour lutter contre la VEFE.

Qu’est-ce que la violence à l’égard des femmes dans les élections (VEFE) ?

Il n’existe pas de définition internationalement reconnue de ce qui constitue « la violence à l’égard des femmes en politique »  Nous retenons la définition d’ONU-Femmes : « La violence à l’égard des femmes dans la vie politique définit tout acte ou menace de violence sexiste qui entraîne un préjudice ou des souffrances physiques, sexuels, ou psychologiques pour les femmes, qui les empêche d’exercer et de réaliser leurs droits politiques, dans la sphère publique comme privée, y compris le droit de voter et d’occuper des fonctions publiques, de voter en secret et de faire librement campagne, de s’associer et de se réunir, et de jouir de la liberté d’opinion et d’expression. Une telle violence peut être perpétrée par un membre de la famille, un membre de la commu-nauté ou par l’État.

D’après cette définition d’ONU-Femmes, la violence à l’égard des femmes dans les élections (VEFE) est donc une forme de violence destinée à influencer la réalisation des droits politiques des femmes dans un contexte électoral. Cela inclut la participation des femmes en tant que candidates, électrices, activistes, militantes de parti, observatrices, agents électoraux ou agents de la fonction publique.

Quelles sont les différentes formes de la violence à l’égard des femmes dans les élections ?

Les femmes peuvent être victimes de VEFE à de nombreux titres, y compris en tant que candidates, militantes de parti, électrices et membres de la famille de candidats. Les auteurs de cette violence peuvent relever d’un contexte politique, sociétal ou individuel. On distingue 3 types de violence :

  1. La violence psychologique

D’après les données disponibles, les sévices psychologiques et l’intimidation sont les formes de violence les plus fréquemment utilisées à l’égard des femmes dans les élections. La violence psychologique peut être définie comme « un comportement visant à intimider et à persécuter, qui prend la forme de menaces d’abandon ou de sévices, d’interdiction de quitter le domicile, de surveillance, de menaces de retrait de la garde des enfants, de destruction d’objets, d’isolement, d’insultes et d’humiliation constante ».

Quelles sont les formes psychologiques de la VEFE ?  De toutes les formes de VEFE, la violence psychologique est la plus diverse et la plus subtile. Elle peut se manifester par des menaces explicites de violence physique ou par le harcèlement notamment à l’égard des candidates, des militantes de parti, des électrices et des agents électoraux. Les menaces implicites et explicites d’exclusion sociale, de divorce et de rejet peuvent dissuader les femmes d’envisager de briguer un poste, de voter contre le candidat préféré d’un clan ou d’une famille, ou tout simplement de voter. La violence psychologique a un effet dégradant, démoralisant ou déshonorant pour la victime. Les menaces précèdent souvent la violence physique. Comme pour les autres formes de violence à l’égard des femmes, la violence psychologique peut se produire à la maison, dans la communauté et en public, y compris sur Internet. L’essentiel de la violence psychologique intervient dans le contexte domestique. Une part de plus en plus importante des sévices psychologiques a lieu dans le cadre d’Internet et des forums publics, y compris à travers les réseaux sociaux comme Facebook, WhatsApp, et par le biais des téléphones mobiles. Pratiquement tous les auteurs de VEFE commettent des actes de violence psychologique. Il se peut que la femme connaisse très bien l’auteur de la violence psychologique, par exemple lorsque ce sont des membres de sa famille, de son groupe confessionnel ou de sa communauté qui y ont recours pour décourager ou dicter sa participation. Les acteurs que la victime ne connaît pas personnellement, tels que l’État, les partis politiques et les groupes armés, peuvent également infliger des souffrances psychologiques.

  1. La violence physique

Une autre forme courante de VEFE est la violence physique. Cela inclut l’usage prémédité de la force physique susceptible d’entraîner la mort, des blessures ou des préjudices. Ces actes incluent, entre autres, les bousculades, bourrades, poussées, accrochages, étranglements, secousses, gifles, coups de poing, coups, brûlures, l’immobilisation ou l’usage de son corps ou de sa force physique contre une autre personne, et l’utilisation d’une arme ou la menace d’en utiliser une.  Cela peut également inclure l’enlèvement et la détention arbitraire, le passage à tabac, la lapidation et l’abandon physique ou le déplacement forcé.

  1. La violence sexuelle

Bien que rarement reconnue et souvent difficile à documenter, la violence sexuelle est partie intégrante de la VEFE. La violence sexuelle comprend tout acte sexuel non consensuel, tentative d’obtenir un acte sexuel, commentaires ou avances sexuels déplacés, ou acte de trafic sexuel, ou tous les actes sexuels autrement imposés, contre la sexualité d’une personne par la contrainte, par une personne, indépendamment de sa relation avec la victime, dans toutes circonstances, notamment, mais pas forcément, à la maison et sur le lieu de travail.

Quelles sont les victimes  de la violence à l’égard des femmes dans les élections ?

Les électrices qui constituent plus de la moitié de l’électorat en RDC, sont des cibles courantes de la violence liée aux élections. La violence visant les électrices – que ce soit pendant les périodes d’enregistrement, dans les bureaux de vote, à la maison ou en lien avec d’autres activités civiques – a pour but : de les dissuader de s’inscrire sur les listes, de voter, de participer à des meetings ou à des événements politiques, de venir le jour du scrutin, ou d’influencer leur choix de vote, ou encore de les punir d’avoir voté. Les femmes congolaises peuvent également être contraintes à voter contre leurs convictions personnelles à travers le « vote familial ». Au sens large, le vote familial désigne la situation dans laquelle les chefs de famille (le plus souvent des hommes) influencent la façon de voter des autres membres de la famille. Il est couramment pratiqué dans la plupart des régions de la RDC ayant une tradition de structures familiales coutumières. Le vote familial peut empêcher une femme de voter selon son propre choix, ou elle peut se sentir obligée, en raison d’une forte pression culturelle, d’obéir à son mari ou à son père et de voter pour le candidat ou le parti pour lequel elle a reçu l’ordre de voter.

Les femmes candidates sont souvent vulnérables à la violence parce que, comparativement aux hommes, elles ont moins de réseaux de soutien et de financement politique pour appuyer leurs candidatures, et elles sont plus susceptibles de faire l’objet de discrimination sexiste. Il est probable qu’elles aient moins de contacts influents à des postes de pouvoir ou moins accès à des décideurs qui puissent les protéger des risques de violence éventuels. Il se peut que les forces de sécurité de l’État ou les appareils judiciaires ne reconnaissent pas les formes de violence que subissent les femmes ou bien qu’ils n’aient pas la capacité ou la volonté d’y répondre.

Les militantes politiques et membres des équipes de campagne  peuvent être prises pour cibles dans des lieux publics, tels que des meetings, des défilés et des réunions de campagne, mais elles peuvent également être visées dans des contextes privés pour avoir fait campagne pour des femmes candidates et pour avoir défendu des opinions politiques différentes de celles de leur partenaire intime, de leur famille ou de leur clan.

Les agents électoraux, personnels des bureaux de vote, observatrices , à cause de la persistance d’une culture du sexisme et de la violence à travers des actes de harcèlement sexuel ou d’autres attaques sexistes dans la vie publique, peuvent généralement être découragées se présenter à des emplois à la liés au processus électoral. Par exemple : le personnel féminin employé par la CENI, les personnels des bureaux de vote,  et même les observateurs électoraux.

Les femmes occupant des fonctions politiques peuvent aussi être victimes de la violence à l’égard des femmes qui se produit à toutes les phases du cycle électoral et dans différentes sphères, y compris dans la période postélectorale, une fois que les femmes élues prennent leur siège au parlement. Cette dimension est également appelée violence à l’égard des femmes en politique. Cette violence vise à faire taire les voix des femmes dans les organes décisionnels en les empêchant d’exercer leurs mandats politiques, en les empêchant de briguer des postes de responsabilité au parlement, etc.

Qui sont les auteurs de la violence à l’égard des femmes dans les élections ?

Il est essentiel d’identifier et de comprendre qui sont les auteurs des actes de VEFE afin de prévenir et d’endiguer la violence. Les auteurs de VEFE peuvent être classés en trois catégories : acteurs politiques, étatiques ou issus de la société.

En République démocratique du Congo, le témoignage d’une candidate à l’élection présidentielle relate les intimidations et agressions physiques qu’elle a subies de la part de son mari, de son chef religieux et de sa famille élargie en représailles à sa candidature. La famille et le chef religieux l’ont accusée d’être une « prostituée » pour s’être exposée à une campagne publique et l’ont forcée à « choisir entre [son] mariage et [ses] enfants ou [son] ambition politique ». Les menaces à l’encontre de sa famille l’ont obligée à envoyer ses enfants à l’étranger et elle n’a plus de contact avec sa famille ou son ex-mari.

Les médias peuvent aussi faire le lit de la VEFE et en donner le ton en dénigrant ou en humiliant des femmes candidates ou élues en fonction de leurs vêtements, de leur apparence, de leurs choix de vie, etc. En présentant les candidates en ces termes, les médias jettent les bases de la VEFE, aiguisant la négativité, les préjugés et l’agressivité à l’encontre des femmes occupant des fonctions publiques ou d’élues.  De plus, les nouvelles technologies de la communication et les réseaux sociaux, notamment les réseaux comme Facebook, WhatsApp et Twitter, offrent des plateformes et des opportunités supplémentaires pour attaquer les femmes, et ils apparaissent désormais comme un problème majeur aux implications sérieuses, y compris en RDC.  Les femmes sont 27 fois plus susceptibles d’être victimes de violence en ligne que les hommes, selon un rapport sur ce sujet.

Quelles sont les actions pour prévenir et éliminer  la violence à l’égard des femmes dans les élections ?

En fonction de ce contexte et de tous ces besoins, l’Observatoire de la parité met en œuvre une série d’activités pour répondre à la VEFE. Il propose des activités ciblées pouvant être mises en œuvre d’urgence à des stades particuliers du cycle électoral pour prévenir ou éliminer la VEFE.  Parmi toutes les activités possibles pour prévenir et éliminer la VEFE, l’Observatoire de la parité se limite, dans la perspective du 23 décembre, à des actions urgentes qui peuvent être mises en œuvre dans la  phase électorale (de la campagne électorale) et de la phase post-électorale.

Les activités concernant la phase pré-électorale (par ex. : Adopter des dispositions légales et règlementaires pour la prévention et la lutte contre la VEFE ; Prévenir et limiter la VEFE à travers les dispositions électorales ; Travailler avec les partis politiques pour prévenir et réduire la VEFE, etc.) ne peuvent plus être mises en œuvre en cas d’élections organisées le 23 décembre 2018 mais pourraient être reprogrammées en cas de report de ces élections et surtout pourront être mises en œuvre en prévision des élections locales planifiées pour le mois de septembre 2019.

Les activités mises en œuvre à court terme sont concentrées sur :

  1. La sensibilisation sur les VEFE et la modification des normes culturelles.
  2. L’intégration de la VEFE dans l’observation citoyenne des élections et la surveillance de la violence .
  1. Les activités de sensibilisation sur la nécessité d’une bonne compréhension par le plus grand nombre du phénomène des VEFE à travers
  • L’information du public à travers les médias et les réseaux ayant un fort ancrage dans la population
  • la sensibilisation des observateurs-trices des réseaux d’observation citoyenne des élections (le réseau de la CENCO/CDJP (40.000 observateurs court terme), le réseau SYMOCEL (20.000 observateurs court terme), etc. et des autres acteurs électoraux

Cette sensibilisation indispensable porte des messages centrés sur ce qu’est la VEFE, les différentes formes, psychologiques, physiques, sexuelles, de la VEFE, les différents incidents de VEFE les plus répandus en RDC (comme, par exemple, le « vote familial ») Ils soulignent aussi pourquoi la question de la VEFE est urgente et pertinente pour les élections en cours en RDC. Cette sensibilisation doit inclure, notamment dans les messages diffusées dans les médias, des  informations, des échanges, des débats sur les réponses appropriées que les individus, les OSC et les institutions peuvent apporter pour prévenir et limiter la violence et pour s’occuper des victimes.

Outre la cible des femmes candidates, une des cibles principales de la sensibilisation aux VEFE est celle des simples électrices qui comptent parmi les victimes les plus fréquentes de la VEFE.

L’éducation de ces femmes sur ce sujet présente des défis uniques, particulièrement dans les milieux ruraux et les quartiers populaires. Les faibles niveaux d’alphabétisation, les tabous culturels, l’impossibilité pour les femmes d’assister à des activités éducatives à cause de leurs obligations, la peur et l’intimidation peuvent tous freiner la sensibilisation. La stratégie de sensibilisation conçue pour atteindre ce public large et peu alphabétisé doit être adaptée  au thème de la VEFE, et , vu l’urgence et la modicité des moyens disponibles,  passe principalement par :

  • Les médias nationaux (basés à Kinshasa) et les médias de proximité (radios) essentiellement sous la forme d’émissions et de spots radio (les panneaux d’affichage, les campagnes d’affiches, le théâtre communautaire, les boîtes à images, etc. ne pouvant plus être utilisés faute de temps et d’argent).
  • La Radio Okapi
  • Les réseaux sociaux et les médias sociaux, notamment les groupes WhatsApp et les pages Facebook
  • Le magazine féministe en ligne deboutcongolaises.org
  1. Les activités d’intégration de la VEFE dans l’observation citoyenne des élections et la surveillance de la violence à travers

La mise en place d’une « plateforme de veille des femmes » comme mécanisme d’alerte et d’intervention rapide,

Ce type de plateforme de veille[1] permet aux victimes de VEFE, aux témoins de VEFE, aux observateurs, aux simples citoyen.ne.s, etc. de communiquer les incidents de VEFE  à une « Salle de veille des femmes » qui après une première vérification, transfère ces incidents auxorganisations, institutions et  acteurs appropriés, qui peuvent à leur tour tenter de résoudre les incidents ou de limiter les risques et orienter les victimes vers les services dont elles ont besoin. Aux fins de collecter les incidents et de mesurer la VEFE, le projet utilise les outils de collecte et de visualisation traitant des données provenant de sources participatives et ouvertes (crowdsourcing) grâce à une plateforme internet permettant de collecter et de visualiser les incidents de VEFE – une première étape dans la collecte de données afin de comprendre l’ampleur du problème et d’y remédier. Le projet utilisera l’outil de collecte de données et de visualisation de la violence électorale le plus largement reconnu : la plateforme de cartographie à source ouverte (open source) Ushahidi, qui signifie « témoin » ou « témoignage » en swahili. Elle repose sur des données de source participative recueillies auprès du grand public, envoyées par SMS, WhatsApp, Facebook, YouTube, appels téléphoniques, e-mail, etc. Les données sont transmises à une plateforme internet et reportées sur des cartes géographiques en accès libre, telles que Google Maps.[2] Ce mécanisme implique la mise à disposition d’outils sur la façon d’intégrer les systèmes d’alerte précoce et la VEFE dans les formulaires de rapport, les formulaires de signalement des incidents et les listes récapitulatives (checklists) utilisés par les observateurs.

Des conseils doivent être aussi prodigué sur la façon de recenser et de stocker les données, les méthodes de transmission des données (notamment les SMS, les appels téléphoniques, les applications spécialisées et la remise de documents en mains propres) et la protection des données et des victimes. Ces conseils permettent notamment :

  • de s’assurer que toute surveillance de la VEFE examine les différences dans la façon dont les femmes et les hommes sont pris pour cibles ou affectés par la violence,
  • de prêter attention aux formes spécifiques de violence auxquelles les femmes peuvent être confrontées
  • de s’assurer que ces informations soient largement diffusées, constituant ainsi une mesure d’atténuation.

Les acteurs pouvant intervenir dans la prise en charge et le suivi des incidents de violence envers les femmes pendant les élections qui sont signalés et rapportés sont, en fonction du type d’incident rapporté  :

  • les acteurs de la sécurité (notamment la PNC),
  • la justice (parquet des tribunaux)
  • le BCNUDH
  • la Commission Nationale des Droits de l’Homme
  • la CENI
  • le CSAC
  • les OSC, particulièrement les ONGDH (ACAJ, Nouvelle Société Civile, etc.) ainsi que les organisations de défense des droits des femmes (notamment celles membres du Mouvement « Rien sans les femmes »
  • les médias
  • les prestataires de services aux victimes (notamment de services juridiques ou médicaux).

[1] Les « plateformes de veille des femmes » (Women Situation Room en anglais) ont d’abord joué un rôle dans les élections présidentielles et législatives de 2011 au Liberia, avant d’être déployées dans plusieurs pays d’Afrique. Les plateformes de veille des femmes se concentrent sur les activités de plaidoyer, de réaction rapide, de formation, de suivi et de médiation pendant les périodes électorales, et s’appuient sur des équipes « de surveillance » déployées le jour du scrutin. Ainsi, les plateformes travaillent en partenariat avec des organisations et des acteurs communautaires et régionaux – en particulier avec les femmes et les jeunes – afin de surveiller les élec- tions et de signaler les incidents de violence électorale, tout en offrant une médiation. La plateforme s’établit dans un local avant le jour du scrutin, qui sert de poste de commandement central pour recevoir les rapports des observateurs sur le terrain. Les informations sont envoyées aux autorités compétentes, notamment à l’OGE et aux forces de sécurité, qui peuvent répondre rapidement aux incidents signalés. Les plateformes de veille des femmes représentent une opportunité majeure pour la collecte des données sur les incidents de violence à l’égard des femmes pendant les élections.  Étant proches du terrain, les plateformes peuvent contribuer au suivi de cas de violence qui pourraient par ailleurs ne pas être signalés par les médias ou par les victimes elles-mêmes. Tandis que les plateformes recueillent des informations sur les incidents et les plaintes issues du public au moyen d’une ligne téléphonique spécialement consacrée à cet effet ; les formulaires de collecte des données omettent généralement d’inclure la collecte explicite d’information sur les incidents de violence sexiste ou de VEFE, même si certaines données sont ventilées par sexe.

[2] La plateforme constitue un recueil de données empiriques cruciales et permet la participation de citoyens ordinaires qui n’ont peut-être pas d’autres moyens de dénoncer la violence et l’injustice. Les incidents de VEFE peuvent être signalés à travers un formulaire en ligne ou par SMS, e-mail, WhatsApp ou Facebook. Après vérification du cas signalé, il est reflété sous la forme d’un point rouge placé sur une carte, donnant au problème une image visuelle claire.Le public peut cliquer sur n’importe lequel des points rouges sur le site internet, facilement accessible, et voir les détails de chaque rapport.