L’avortement clandestin est une pratique courante dans plusieurs provinces de la République Démocratique du Congo particulièrement à Goma dans la province du Nord Kivu. Pourtant La loi congolaise n’autorise pas l’avortement sur l’ensemble du territoire congolais. Le droit pénal congolais punit sévèrement tout avortement provoqué, sur soi-même ou par autrui. Ceci ressort aux articles 165 et 166 du Code pénal congolais livre Deux, qui répriment de 5 à 10 ans de servitude pénale un avortement sur soi-même, et de 5 à 15 ans celui par autrui nous explique Maitre Alain Lushule Avocat au barreau de Goma.

Centre de santé à Goma RDC par Julien Harneis sur Flickr CC-license-BY)

La situation à Goma à l’est de la République démocratique du Congo, devient très préoccupante, Alain Wandiwoji explique :

Depuis décembre dernier, 11 fœtus ont été ramassés dans des caniveaux, et trois bébés étranglés retrouvés dans des poubelles publiques de certains quartiers de Goma : “Trop c’est trop ! Laisse entendre un pasteur de la ville de Goma.

A Goma, le nombre des cas de décès enregistré de suite de ces avortements clandestins accroit de jour en jour. Plusieurs fœtus ont été ramassés ces dernières semaines dans certains quartiers de Goma où cette pratique est courante.  Le chef du quartier Mapendo Victorine est très inquiet vis-à-vis de cet acte qu’elle qualifie de criminel. Elle nous informe lors d’un échange par email: Il y a une semaine dans le quartier Mikeno à Birere un de plus grands quartiers de la ville de Goma un fœtus de 5 mois a été retrouvé emballé dans un sachet dans une poubelle publique.  La mère ou jeune fille responsable de cet acte est  inconnue.

Une mère qui est venue voir ce fœtus emballé dans un sachet en plastique s’indigne et nous dit: « La personne qui a commis cet acte doit être recherchée par la police et être punit sévèrement pour ce meurtre. Des enfants ont été les premiers à découvrir cet enfant alors qu’ils pensaient trouver un ballon. Entendant cette foule nombreuse du quartier autour de ce fœtus, il y a une forte tristesse mais personne ne veut comprendre et s’interroger sur le pourquoi de ces pratiques d’avortement qui prennent de plus en plus de l’ampleur. Tout le monde condamne cet acte » .

Fortuna lufungula, un activiste de Droit de l’homme à Goma explique par email : « Les traditions africaines et congolaises sont fondées sur des principes selon lesquelles avorter est un meurtre. Nul n’est censé tué et personne n’est autorisé de mettre fin à une vie d’un fœtus même quand celui-ci est d’un jour. Si on l’élimine, c’est un meurtre et il doit être sanctionné ».

Peut-on dire qu’avorter est un crime sans pour autant déceler les causes, les issues et aboutissements de cet acte commis par des nombreuses jeunes filles et même certaines femmes mariées à Goma ?  Quelles sont les causes majeures qui poussent ces jeunes filles à avorter ?

Les challenges des femmes à Goma

par Passy Mubalama sur Uhaki News

La fermeté des parents

Déjà beaucoup des parents en République Démocratique du Congo ont encore du mal à accepter de voir leurs filles enceintes même si celles-ci ne sont pas mineures c’est à dire ont atteint l’âge de la majorité. A Goma lorsque les parents d’une fille apprennent qu’elle est enceinte, elle est directement chassée du toit paternel par ses parents et doit forcément aller rejoindre le responsable de sa grossesse pour commencer obligatoirement sa nouvelle famille.

Mwamini Bujiriri, une mère de famille rencontré à Goma qui a chassé sa fille de 14 ans qui a été engrossée par un jeune homme de la même ville qui l’a aussi abandonnée,  explique :

« Je ne peux pas rester avec ma fille lorsqu’elle est enceinte car elle m’a ridiculisé elle doit aller rejoindre son mari responsable de sa grossesse. Nous ne pouvons pas rester deux femmes dans la même maison c’est impossible». Beaucoup des parents ne veulent pas entendre le mot « avorter »car selon les convictions de la majorité,  avorter signifie tuer.

L’irresponsabilité des garçons à prendre en charge les grossesses.

L’irresponsabilité des auteurs de grossesse, mais aussi les croyances religieuses poussent de nombreux jeunes filles à l’avorter dans la clandestinité voire à l’infanticide. Une jeune fille qui n’a pas voulu  nous donner son identité nous donne son témoignage : « Lorsque je suis tombée enceinte, je n’ai pas eu le courage d’en parler à mes parents car ils devraient seulement me chasser de la maison et ou me tuer. J’ai décidé de me taire. En même temps, le garçon responsable de ma grossesse ne voulait pas croire que c’était lui le vrai responsable. Je me suis alors retrouvé entre deux mondes car je ne pouvais rien dire à mes parents et en même temps je n’avais nulle part où aller. C’est ainsi que j’ai décidé d’avorter, mais en même temps aussi je ne pouvais pas aller à l’hôpital car l’avortement n’est pas autorisé dans notre pays et donc les médecins ne pouvaient pas accepter de le faire. Je suis donc partie voir un médecin qui a fait la procédure dans la clandestinité loin de mon quartier ».

Comme cette jeune fille, des nombreuses autres jeunes femmes se font avorter dans la clandestinité avec tous les risques que cela encourt allant parfois jusqu’aux décès. Alors qu’officiellement l’avortement est interdit par la loi congolaise, il est encore très pratiqué dans la clandestinité et serait à la base des plusieurs décès de jeunes filles. Au dispensaire CONDE dans la commune de Karisimbi à Goma de nombreux cas sont enregistrés. « Au mois de mars dernier, une jeune fille d’une vingtaine d’année est morte de suite d’un avortement qu’elle a provoqué. Elle est arrivé à l’hôpital dans un très mauvais état. Elle a provoqué la grossesse. On a tout fait pour l’aider mais elle a fini par mourir », nous explique un médecin de ce dispensaire qui a demandé à garder l’anonymat. « Beaucoup de jeunes filles meurent simplement parce qu’elles ont tenté d’avorter clandestinement».

Garder les grossesses par conviction

Par peur de commettre un péché en avortant, de nombreuses jeunes filles qui ont été violées par des hommes armés gardent leurs grossesses pour ne pas pécher contre Dieu.  Ces jeunes filles souffrent en silence de grossesses non-désirés et de la volonté de ne pas aller à l’encontre de leurs convictions religieuses. Une victime de violence sexuelle nous raconte au centre Lydia, où elle est prise en charge, son calvaire.  Ce centre encadre des femmes victimes de violence sexuelle crée par l’association ASLPC (Action Sociale pour la promotion des Laissés Pour Compte) à Goma. Elle explique : « Quand j’ai été violée, c’était insupportable à vivre et très douloureux pour moi.  Malheureusement quelques mois après je me suis retrouvé enceinte. Je n’ai pas su quoi faire.  Je ne voulais même pas avorter car c’est un péché. Mais comme je ne peux pas avorter, je garde quand même mon bébé. Même si quand je le vois je me rappelle de beaucoup de choses douloureuses »

Des médecins spécialistes résument la situation.  

Un médecin gynécologue de l’hôpital Provinciale de Goma donne son point de vue : « La jeune fille devrait pouvoir avoir le droit, dans le cas où elle se sent pas prête moralement et physiquement d’avoir un enfant, de choisir d’avorter.Vu l’ampleur de la situation, il semble que le gouvernement congolais devrait considérer une alternative à la loi actuelle ».

Le gynécologue explique: “Les victimes sont encore trop souvent sujettes à recourir aux avortements dans la clandestinité qui comporte  beaucoup de risques. Que le gouvernement autorise officiellement l’avortement afin que tous ces actes cessent  et que si on veut avorter,  qu’on le fasse sans aucune crainte dans des hôpitaux qui peuvent assurer une bonne prise en charge médicale. Il faut aussi  renforcer la sensibilisation des femmes et des jeunes filles sur l’utilisation des méthodes contraceptives, afin d’éviter les grossesses indésirables ».

Ecrit par Passy Mubalama 

Publié le 22 Avril 2012

Vous pouvez aussi lire cet article sur le site Global voices où il a  été publié le 22 avril 2012, EN CLIQUANT ICI. 

  Le problème des avortements clandestins à Goma