L’Observatoire de la parité en RDC assure, comme son nom l’indique, une observation, une surveillance, un monitoring des progrès de la parité (consacrée par l’article 14 de la Constitution) dans tous les secteurs de la vie sociale, économique, culturelle et aussi politique. Les résultats de cette observation sont régulièrement publiés dans des « états des lieux de la parité » établis dans certaines Provinces (celles du Nord et Sud-Kivu) et dans leurs Territoires. L’augmentation de la « participation politique de la femme » ou sa présence dans les institutions politiques sont donc évidemment au centre des préoccupations de l’Observatoire de la parité pour qui les élections sont un des moyens les plus essentiels pour faire progresser cette participation. Il était donc normal que l’Observatoire … observe le processus électoral en cours et concentre son observation sur l’implication de la femme congolaise dans le processus électoral, non seulement en tant qu’électrice, mais aussi en tant que candidate, agent de l’organe de régulation, observatrice, etc.

Dans cette optique, et pour faire face aux nombreux risques de fraude au cours de ces élections, l’Observatoire de la parité s’est joint au Comité Laïc de Coordination (CLC), à l’Association Congolaise pour la Justice (ACAJ), à la Nouvelle Société Civile Congolaise (NSCC) et a mis au point un réseau d’observation électorale citoyenne dénommé « Tous électeurs, tous observateurs ». Ce réseau de proximité a invité les électeurs et électrices à se transformer activement  en observateurs et observatrices en vue de la surveillance des opérations électorales et de la compilation des résultats du vote dans les centres et bureaux de vote du pays, dans les Centres Locaux de Compilation des Résultats (CLCR), etc.

Le Protocole de partenariat du réseau autonome d’observation électorale citoyenne « Tous électeurs, tous observateurs » donnait pour tâche à l’Observatoire de la Parité d’être « plus spécialement attentif à la participation des femmes aux différentes opérations électorales ainsi qu’aux violences psychologiques, physiques et sexuelles dont elles peuvent être victimes durant les élections ». C’est sur ces deux points donc que se focalise ce Rapport préliminaire en présentant les principaux constats issus de cette observation citoyenne du processus électoral.

Pour d’autres domaines de l’observation électorale (les violations des droits de l’homme, les infractions à la loi électorale, les incidents le jour du scrutin, etc.), l’Observatoire de la parité  préfère renvoyer le lecteur à des Rapports préliminaires déjà publiés par des OSC, des Missions d’observations électorales (MOE) ou des ONGI de défense des droits de l’homme. Citons, sans être exhaustif :

Pour opérer cette observation électorale citoyenne de proximité de manière plus rapide et efficace l’Observatoire de la parité a fortement préconisé le recours aux technologies de l’information et de la communication (TIC), l’exercice de la « citoyenneté numérique » et l’utilisation des « civic tech »[1] en faisant appel, en plus des observateurs accrédités par la CENI (et de tous ceux qui ont été empêché de recevoir leur accréditation en raison des mesures dilatoires de la CENI), à tout électeur et à toute électrice, à tout citoyen et à toute citoyenne soucieux de la transparence et de l’intégrité du processus électoral.

METHODOLOGIE

Ce rapport final repose sur la collecte de données en provenance de différentes sources :

  1. Les données collectées par l’Observatoire de la parité durant ces dernières années, mois et semaines.
  2. Les données collectées dans le cadre du Réseau «Tous électeurs, tous observateurs » qui a lancé, à l’occasion du scrutin, les mots d’ordre suivants :
    1. « Je vote et je reste » sur le site pour observer les incidents et autres pratiques nuisibles à l’intégrité et à la crédibilité du scrutin. Par exemple, la non ouverture du bureau de vote, des problèmes divers survenant avec la machine à voter, la manipulation des électeurs et électrices incapables de voter seul, le non-respect de l’obligation d’affichage de la fiche de dépouillement des résultats devant le bureau,les violences psychologiques, physiques, envers les femmes, etc.
    2. Avec mon smartphone, « Je photographie la fiche des résultats » qui doit obligatoirement être affichée devant le bureau de dépouillement et « je communique les résultats » obtenus par les 3 principaux candidats à travers un des canaux de communication suivants :
      • le No/Groupe WhatsApp +243 999 999 519 Tous électeurs Tous observateurs,
      • le formulaire d’alerte et de rapport sur deboutcongolaises.org
      • l’adresse e-mail tousobservateurs@gmail.com,
      • l’application MISO POLELE  («  les yeux ouverts ») téléchargeable sur smartphone via le Google Play Store,
      • les N° de téléphone communiqués par les autres missions d’observation électorale, de la Justice et Paix Congo/CENCO, du Comité Laïc de Coordination (CLC), de la SYMOCEL, etc.
    3. Les données collectées par la mission d’observation électorale (MOE) Justice et Paix Congo JPC/CENCO et publiées dans la « Déclaration préliminaire » sur l’Observation des élections présidentielle, législatives nationales et provinciales du 30 décembre 2018 en République Démocratique du Congo

LE CADRE JURIDIQUE

Depuis 2006, la loi électorale a été modifiée quatre fois : la première fois en juin 2011, la deuxième en février 2015, la troisième en décembre 2017 et la toute dernière, en juin 2018. Aucune de ces modifications de la loi électorale n’a apporté d’améliorations  significatives favorables à la participation politique de la femme congolaise. Au contraire, ces modifications n’ont fait qu’accroître les obstacles à cette participation.

Ces obstacles ont été décrits de manière prémonitoire dans une publication de l’Observatoire de la parité : Sans révision de la loi électorale, il n’y aura pas en 2017-18 plus de femmes élues qu’en 2006 et 2011 :

En premier lieu, l’article 13 de la loi, après avoir défini ce que l’on entend par liste électorale, précise, à l’alinéa 3 relatif à sa présentation, que « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation paritaire homme-femme et de la promotion de la personne vivant avec handicap ». Mais il ajoute à l’alinéa 4 que « La non-réalisation de la parité homme-femme ou la non-présence d’une personne vivant avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ». ­

Cet article impose une obligation pour aussitôt tolérer le non-respect de cette obligation. La conséquence directe, qui a pu être vérifié lors du dépôt des candidatures aux dernières élections : un très petit nombre de femmes sur les listes de candidat(e)s des partis politiques. Cet article 13 doit donc être impérativement modifié pour introduire une sanction, comme par exemple, l’irrecevabilité de la liste.

Deuxièmement, l’imposition de « frais de dépôt de candidature » comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections est une violation de la Constitution.

Troisièmement, la possession d’un titre académique ou scolaire comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections est aussi une violation des articles 5, 13 et 215 de la constitution.

Enfin, quatrièmement, des dispositions de la loi électorale portent gravement atteinte au droit de tout citoyen – et surtout de toute citoyenne – de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays. Chose passée inaperçue aux yeux de beaucoup, la loi électorale ne prévoit pas que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies » soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres élus du Conseil de chefferie, comme c’est le cas pour les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « Communes » et les Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « Secteurs », qui sont, eux, élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections locales[2]. Cette discrimination, si elle n’est pas abolie rapidement,  entrainera des conséquences extrêmement graves pour la participation politique de la femme lors des prochaines élections locales prévues en septembre 2019.

Pour toutes ces raisons, l’Observatoire de la parité, par l’entremise de sa directrice, Mme Espérance MAWANZO, a introduit, en août 2015, une Requête en inconstitutionnalité de la loi électorale, sur laquelle la Cour Constitutionnelle n’a  pas encore statué à ce jour.

ADMINISTRATION ELECTORALE

La CENI, régie par la Loi organique n° 10/013 du 28 juillet 2010 modifiée en avril 2013, doit assurer l’administration des élections (et donc des scrutins combinés du 30 décembre 2018) en garantissant l’impartialité et la transparence des opérations électorales. Elle est aussi tenue de contribuer à l’implication de la femme dans tous les aspects et étapes des processus électoraux, en commençant par veiller à cette implication de la femme en son sein c-à-d dans son personnel.

Nombre d’agents CENI femmes

Dans un Communiqué du 8 septembre 2018 n°027/CENI-RDC/18 relatif notamment au recrutement de ses agents opérationnels, la CENI a encouragé vivement la candidature des femmes. Malheureusement, les bonnes paroles ne suffisent pas si elles ne sont pas suivies de mesures efficaces. Il a été constaté que le nombre d’agents femmes est demeuré très faible aussi bien dans les Antennes, les Bureaux de Réception et Traitement des Candidatures (BRTC) que, lors des récentes élections, dans les Bureaux de Vote et de Dépouillement .

Selon la JPC/CENCO, « Dans les BV observés à l’ouverture, le nombre de femmes variait entre 1 et 3. Cependant, 10,14% de rapports signale l’absence de femmes parmi les membres du bureau de vote ». Les observatrices mandatées par l’Observatoire de la parité ont pu constater que, dans les BVD de la circonscription de Bukavu-Ville, quelques bureaux de vote comptaient en leur sein une, deux et parfois trois femmes. Cette observation limitée ne permet pas de tirer des conclusions générales. Il appartient à la CENI de produire des statistiques générales et complètes sur le nombre d’agents de sexe féminin dans l’ensemble des bureaux de vote de la République. Il en va de même pour le nombre d’agents femmes parmi les techniciens- informaticiens des BVD dont le nombre semble, à première vue, plus limité encore, si pas proche de zéro

Utilisation d’un langage inclusif, égalitaire  dans la communication publique de la CENI

Par langage inclusif, on entend le fait de s’exprimer, à l’oral comme à l’écrit, d’une façon non-discriminante, quels que soient le sexe ou l’identité de genre de la personne dont on parle ou à qui l’on s’adresse, sans véhiculer de stéréotypes de genre. Comme la langue a le pouvoir de faire évoluer les attitudes culturelles et sociales, l’emploi d’un langage inclusif est un bon moyen de promouvoir l’égalité de genre et de lutter contre les préjugés. Par exemple, le préjugé que les fonctions politiques sont l’apanage des hommes, qu’il soit « candidat », « président », « député », « gouverneur », « conseiller communal », etc. puisque l’on utilise que le masculin et jamais le féminin.

L’Observatoire de la parité constate que ni la communication publique de la CENI (communiqué  de presse, conférence de presse, décisions, mesures d’application de la loi électorale, etc.)  ni celle du gouvernement et du parlement congolais n’emploient un langage inclusif dans toutes les situations de communication, à l’écrit comme à l’oral, dans un cadre officiel ou informel.

INSCRIPTION ET VOTE DES ÉLECTEURS ET ELECTRICES

Selon les Chiffres avancés par le Président de la CENI lors de la réunion de l’Assemblée plénière extraordinaire de la CENCO, Kinshasa, 15 février 2018, à la fin des opérations de Révision du Fichier Electoral, 46.057.894 électeurs ont été inscrits sur la Liste électorale dont 52% hommes et 48% femmes. Cet écart entre les sexes pose problème et nécessiterait que soit conduite des études approfondies afin d’en déterminer les causes pour pouvoir y apporter des solutions à l’avenir.

L’Observatoire de la parité n’est pas en mesure de déterminer le nombre de votants femmes et hommes. C’est le rôle de la CENI de produire ce genre de statistiques désagrégées par sexe, ce qui n’a pas été fait lors de la proclamation des résultats provisoires. Si les BVD n’ont pas comptabilisé le nombre de votant.e.s selon le sexe, il sera compliqué, voire impossible, de préciser le nombre exact d’électeurs et d’électrice.

Par contre, l’Observatoire a pu constater que de très nombreux votant.e.s ont mis un temps énorme à rechercher sur les listes électorales où se trouvait le BVD où ils ou elles devaient voter. Cette difficulté a pu décourager un grand nombre d’électeurs et surtout d’électrices et les conduire à l’abstention, sans savoir si cette « abstention forcée » a frappé plus fortement les femmes que les hommes.

CANDIDATURES DES FEMMES AUX ELECTIONS

Election présidentielle

Une seule femme s’est portée candidate à l’élection présidentielle.

Elections législatives nationales

Seulement 11,6 % de femmes se sont portées candidates aux élections législatives nationales.

Provinces  Sièges Candidats Hommes % H Candidates Femmes % F Total 
Haut-Katanga 21 583 82,8 121 17,2 704
Haut-Lomani 15 358 86,5 56 13,5 414
Tanganyika 15 365 89,0 45 11,0 410
Lualaba 13 277 89,9 31 10,1 308
Kasai-Oriental 15 387 88,4 51 11,6 438
Lomami 14 368 92,5 30 7,5 398
Sankuru 13 290 90,6 30 9,4 320
Kasai-Central 23 623 89,0 77 11,0 700
Kasai 19 480 93,8 32 6,3 512
Equateur 12 303 91,0 30 9,0 333
Nord-Ubangi 8 176 95,1 9 4,9 185
Sud-Ubangi 15 391 91,8 35 8,2 426
Tshuapa 10 200 91,3 19 8,7 219
Mongala 12 364 91,7 33 8,3 397
Bas-Uele 6 110 86,6 17 13,4 127
Haut-Uele 12 194 89,4 23 10,6 217
Ituri 28 654 88,9 82 11,1 736
Tshopo 11 275 90,8 28 9,2 303
MaiNdombe 11 234 93,6 16 6,4 250
Kwango 12 432 89,8 49 10,2 481
Kwilu 14 1197 88,1 162 11,9 1359
Sud-Kivu 32 897 92,9 69 7,1 966
Nord-Kivu 44 1081 88,4 142 11,6 1223
Kinshasa 55 2121 81,8 471 18,2 2592
Kongo-Central 24 739 90,0 82 10,0 821
Maniema 13 357 91,5 33 8,5 390
TOTAL 467 13456 88,4

1773

11,6

15229

Elections législatives provinciales

En général, moins de 10% de femmes se sont portées candidates aux élections législatives provinciales.  Le tableau  ci-dessous présente  les chiffres de femmes candidates aux élections provinciales dans 5 des 26 provinces :

TABLEAU : CANDIDAT(E) S AUX ELECTIONS PROVINCIALES  DANS 5 PROVINCES

Provinces Nombre total de candidat(e)s Candidats Candidates % F
Sud-Kivu 1256           1139       117 9.3%
Nord-Kivu 1161 1048 113 9.7
KasaÏ Oriental        624             545              79        12.6
KasaÏ Central 741         673  68 9.7
Maniema 574 520 54 9.4

Sur base de cet échantillon de 5 provinces (probablement représentatif des autres provinces de la RDC), les constats et commentaires de l’Observatoire de la parité sont les suivants :

  1. A l’exception du KasaÏ Oriental (12,6%), le pourcentage de candidatures déposées par les femmes, au regard du total des candidatures déposées, n’atteint pas 10%: 9,3 % au Sud-Kivu, 9,7% au Nord-Kivu, 9,7% au Kasaï Central et 9,4% au Maniema. La situation est presque inchangée par rapport aux chiffres de 2006 (et de ceux du dépôt « provisoire » des candidatures de 2015). La conséquence a été malheureusement la même que lors des élections provinciales de 2006 : un nombre très faible de femmes élues députées provinciales.
  2. A l’intérieur des provinces, les circonscriptions urbaines, comme celles de Bukavu (13,5), Goma (22,5%), Beni Ville (14,7%), Mbuji May (17,6%), Kananga (13,3%), affichent des pourcentages plus élevés mais toujours très en-deçà du seuil de 30%.Explication possible : les femmes en milieu urbain remplissent un peu plus facilement certaines des conditions fixées dans la loi électorale (et qui sont contraires à la Constitution selon l’Observatoire de la parité). Par rapport aux Territoires ruraux, on trouve en ville plus de femmes possédant un diplôme d’enseignement supérieur ou universitaire, plus de femmes disposant des moyens financiers nécessaires pour payer la caution non remboursable (abusivement dénommée « frais de dépôt de candidature »), plus de femmes alignées sur les listes des partis, etc.
  3. Les circonscriptions rurales affichent des pourcentages allant, par ex. au Sud-Kivu, d’un minimum de 3,7% (Kalehe) à un maximum de 11,7 (Mwenga) ou au Kasaï Oriental, de 2% (Kabeya Kamwanga) à 11,7% (Tshilenge) sans qu’il soit aisé à ce stade de fournir les explications d’un tel écart (situation sécuritaire ? campagne de sensibilisation ? Autres ?). La plupart des territoires ruraux se situent au niveau de 7 à 9 % de candidatures féminines.
  4. L’Observatoire de la parité considère qu’une des causes principales de ces résultats catastrophiques réside dans les obstacles, renforcés par les dernières modifications de la loi électorale, placés sur le chemin des femmes menant à la candidature à des mandats publics. C’est pour éliminer ces obstacles que l’Observatoire de la parité a introduit, A DEUX REPRISES, une requête en inconstitutionnalité de la Loi électorale sur laquelle, jusqu’à ce jour, la Cour constitutionnelle s’obstine à ne pas statuer, s’enfonçant ainsi dans un véritable déni de justice. (Lire l’article sur ce sujet EN CLIQUANT ICI).
  5. L’Observatoire de la parité considère qu’une autre cause principale de la faible participation politique des femmes, et plus largement de leur faible présence dans les organes de décision, se trouve dans le refus des dirigeants et hommes politiques congolais de mettre en place les diverses formules de quotas obligatoires de femmesqui se sont révélées être le moyen efficace et incontournable, dans de nombreux pays, dont presque tous les voisins de la RDC, pour progresser vers la parité.

CAMPAGNE ELECTORALE

Il est généralement admis que les femmes, pour plusieurs raisons, ont plus de difficultés pour mener une campagne électorale. Quelques initiatives ont été développées pour pallier à ce handicap.

La Clinique électorale en ligne mise en place par l’Observatoire de la parité destinée à toutes les femmes désireuses de s’engager en politique et à toutes celles qui voudraient mener une campagne électorale. Elle  fournit des conseils, des modules de formation, des fiches techniques, des exercices à réaliser, autour de trois thèmes principaux : préparer votre campagne, organiser votre campagne, mener votre campagne. Cette Clinique électorale en ligne est donc déjà opérationnelle, moyennant quelques adaptations et ajouts, pour renforcer les capacités des candidates aux prochaines élections, les élections locales dans les Entités Territoriales Décentralisées (Villes, Communes, Secteurs, Chefferies)[3]

Le N°/Groupe WhatsApp  Camp RSLF aux élections mis en place par GEDROFE, organisation membre du Mouvement « Rien sans les femmes » » (RSLF) a servi de plateforme de conseils, échanges, encouragements aux femmes candidates, etc.[4]

FONCTIONNEMENT DES BUREAUX DE VOTE ET DE DEPOUILLEMENT

Selon la MOE CJP/CENCO, l’affichage de la liste des candidats, de la liste de votants par dérogation et de la liste électorale dans les BVD n’était pas systématique. 66 % de rapports indique que, jusqu’à 9h30’ du jour des scrutins, la liste électorale, la liste de votants par dérogation, le registre de vote par dérogation, l’urne, les bulletins de vote, la machine à voter, l’isoloir et l’encre indélébile se retrouvaient dans le BVD. 37,72%desdits rapports indique par contre que l’un ou l’autre matériel manquait. Tandis que 0,11% atteste que tous ces matériels manquaient.

Difficultés à identifier son bureau de vote

L’absence de la liste électorale ou son affichage tardif ont eu des conséquences très néfastes pour les électeurs et plus particulièrement les électrices, notamment les analphabètes et personnes âgées. A Bukavu, par exemple, la liste des électeurs n’a été affichée que la veille ou le jour même de l’élection. Un grand nombre d’électeurs dans les sites de vote comptant plusieurs centres de vote et plusieurs bureaux de vote (plus de 30 au Collège Alfajiri à Bukavu) ont du déambuler de bureau en bureau pour trouver celui où ils ou elles devaient voter.  Cela a pu conduire au faible taux de participation et à l’abstention, un nombre indéterminé d’électeurs et surtout d’électrices découragé.e.s ayant fini par quitter les lieux sans avoir voté. D’autres n’ont pas trouvé leur nom sur les listes.

Il s’agit bien d’une forme de violence psychologique qui frappe d’avantage les femmes (analphabètes en plus grand nombre) pendant les élections. Cette faute d’organisation (volontaire ?) de la CENI explique en partie le taux d’abstention très élevé lors du scrutin du 30 décembre puisque le taux de participation proclamé par la CENI n’a été que de 47,76 %. Cela signifie qu’à peine 1 électeur/trice sur 2 a pris part au vote.

Electeurs et électrices incapables de voter seul

Dans une publication sur son magazine en ligne, datée du 22 novembre 2018, La vidéo qui montre comment la machine à voter est un des moyens de la fraude massive l’Observatoire de la parité est une des rares OSC engagées dans l’observation des élections à avoir attiré l’attention sur plusieurs effets nuisibles de l’utilisation de la machine à voter (MAV) particulièrement pour les électrices. Cette vidéo, filmée par l’Observatoire de la parité à Bugarula, Territoire d’Idjwi, Province du Sud-Kivu, le 10 novembre 2018, faisait clairement apparaître que les femmes rurales invitées à tester la machine étaient incapables d’utiliser la machine et d’exécuter la procédure de vote sans l’assistance d’une autre personne. Cela a été largement confirmé le jour du scrutin. Selon la MOE CJP/CENCO « Pour des raisons d’handicaps, d’analphabétisme et des difficultés d’utiliser la machine à voter, plusieurs rapports attestent qu’il y avait des électeurs qui demandaient généralement l’assistance ». D’autres vidéos tournées par l’Observatoire le jour du scrutin montrent aussi que des « mamans » mettent jusqu’à 10 minutes pour exécuter leur vote et cela même avec l’assistance d’un agent de la CENI et parfois d’un témoins.

Tout cela  démontre à l’évidence qu’une grande partie des électeurs-trices de la RDC, qui n’ont jamais été en contact avec les technologies utilisées par la machine à voter (imprimante, écran tactile, etc.), ont été placé.e.s dans la situation de « l’électeur qui se trouve dans l’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote », prévue à l’article 58 de la loi électorale. Le même article prévoit que cet électeur incapable de voter seul « a le droit de se faire assister par toute personne de son choix ayant la qualité d’électeur ».

On ne peut imaginer que ni la CENI, ni le pouvoir actuel, connaissant le taux d’analphabétisme « ordinaire » et d’analphabétisme « technologique » d’une très grande partie de l’électorat congolais, n’ont pas anticipé ou n’ont pas prévu que cette situation « d’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote » allaient se reproduire, à très grande échelle, de millions d’électeurs, le jour du scrutin. Cela ne relève donc pas de la paranoïa d’imaginer que des instructions ont été données pour que ces millions d’électeurs-trices se trouvant « dans l’impossibilité d’effectuer seul l’opération de vote » puissent se « faire assister par une personne de leur choix » qui a bien pu être … un président de BVD ou un électeur « sympathisant » de la majorité présidentielle actuelle, qui s’est trouvé opportunément à l’entrée du bureau de vote prêt à « assister » les électeurs/trices incapables d’utiliser la machine à voter et donc « d’effectuer seul l’opération de vote ». C’est dire si la manipulation des électeurs-trices et le détournement des votes ont été possibles à très, très grande échelle le 30 décembre sans qu’il soit aisé d’en administrer la preuve, surtout dans les BVD ruraux sans la présence d’observateurs et de témoins de partis. « Sur 84 930 électeurs interviewés, 81,70 %affirme avoir librement opéré leur choix à la suite de cette assistance » dit le rapport CJP/CENCO. Cela signifie-t-il que les 18,30 % restant, c’est-à-dire presque un.e électeur/trice sur 5 n’ont pas « librement opéré leur choix » ?

Il s’agit aussi dans ce cas d’une pratique négative de la CENI assimilable à une forme de violence psychologique envers les femmes pendant les élections.

Transmission des résultats

Selon le rapport de la MOE JPC/CENCO, « 92,31 % de rapports atteste que les résultats de la machine à voter étaient conformes à celui du dépouillement manuel. Tandis que 7,09 %de rapports affirme que ces résultats n’étaient pas conformes à celui du dépouillement manuel ». Ce n’est donc pas principalement à ce niveau du dépouillement que la machine à voter a pu servir de « machine à voler » comme beaucoup le craignait. Le danger de fraude se situe à un autre niveau d’utilisation de la MAV, celui de la TRANSMISSION et de la COMPILATION des résultats par voie électronique.

Malheureusement, ni les témoins des partis, ni les observateurs des MOE, y compris celle de la CJP/CENCO n’ont fourni aucune donnée concernant le processus de transmission des résultats à travers la MAV. L’observation de cette opération de transmission électronique des résultats ne figurait malheureusement pas dans le formulaire « Dépouillement » du Cahier de l’observateur JPC/CENCO et n’a donc pas été surveillée adéquatement.

La CENI a constamment affirmé que les résultats du vote ne seraient pas transmis à travers la machine à voter. L’Observatoire de la parité est en mesure d’affirmer que  contrairement aux déclarations de la CENI, tous les résultats des trois scrutins ont été transmis immédiatement après le dépouillement, par voie électronique, vers le serveur central de la CENI par les techniciens en charge de la machine à voter, dans chaque bureau de vote. Cette transmission s’est faite conformément à l’article 69 des mesures d’application de la loi électorale qui prévoit que « Le technicien du centre de vote procède à la transmission de la fiche des résultats de chaque scrutin au centre local de compilation de résultats et au siège de la Commission électorale nationale indépendante, à l’aide d’un dispositif de transmission approprié. ». Cette transmission a été effectuée électroniquement à l’aide des cartes SIM de différentes sociétés de télécommunication, à partir de chaque machine à voter immédiatement après la clôture des votes. Les observatrices mandatées par l’Observatoire de la parité ont constaté que les techniciens informaticiens, dans les BVD où elles observaient, ont partout procédé à cette transmission vers le serveur central de la CENI. Des instructions fermes dans ce sens avaient d’ailleurs été données aux techniciens lors de leur formation et figurent clairement au chapitre du manuel du technicien consacré à la transmission des résultats, dont la copie est disponible sur les réseaux sociaux. Il a été aussi constaté que l’Internet et les réseaux de communication ont été coupés seulement après que cette opération de transmission électronique ai pu être réalisée. La CENI a donc été en possession des résultats des scrutins dès le soir du 30 ou la matinée du 31 décembre.

L’Observatoire de la parité, avec les organisations membres du réseau de surveillance citoyenne des élections « Tous Electeurs – Tous Observateurs », s’est montré profondément préoccupé par la grande opacité du processus de dépouillement et de transmission des résultats des scrutins du 30 décembre au serveur central de la CENI,  et a sonné l’alerte, dans un communiqué du 03/01/2019, sur le grand danger que les résultats soient modifiés lors de ce processus de transmission et de compilation électronique des résultats. Le serveur central en effet n’est contrôlé par personne, en dehors de la CENI, et toutes les manipulations et falsifications des résultats ont donc été rendues possibles à ce niveau.

C’est seulement dans la nuit de la proclamation des résultats de la présidentielle et des législatives provinciales que le Président Corneille Nangaa a, pour la première fois après des mois de dénégation, déclaré que les clefs USB avaient été utilisées pour effectuer la compilation des résultats.

C’est donc bien la transmission et surtout la compilation TRAFIQUEE des résultats au niveau du serveur central qui ont permis la proclamation de résultats non conformes à la vérité des urnes. C’est le même processus de transmission et compilation électroniques qui a permis, la même nuit, la proclamation des résultats des législatives provinciales, alors que des CLCR partout dans le pays n’avaient pas terminé, ou parfois même commencé, la compilation manuelle des résultats des provinciales.

L’Observatoire de la parité s’inquiète de l’énorme naïveté des MOE ainsi que des partis politiques de l’opposition qui ont complètement négligé ce processus de transmission et de compilation électronique des résultats qui a été l’outil principal de la CENI dans la falsification des résultats non seulement pour l’élection présidentielle mais aussi pour les élections législatives nationales et provinciales[5].

L’Observatoire regrette aussi que lors des recours introduits devant la Cour Constitutionnelle, les plaideurs n’ont fait aucune allusion à ces violations de la loi électorale, se privant ainsi d’un moyen solide pour revendiquer l’annulation du scrutin ou le recomptage des résultats.

Affichage des résultats

Selon la CJP/CENCO « 79,68 % de rapports atteste qu’une copie de la fiche des résultats conforme était directement affichée devant le BDV. Par contre 16,85 % atteste cette fiche n’était pas directement affichée devant le bureau de vote ». Cette absence d’affichage concerne près d’une dizaine de milliers de bureau de vote et de dépouillement, ce qui peut être la source d’une fraude importante.

Autres incidents

Selon la CJP/CENCO, 88,03% des incidents se sont passés à l’intérieur des sites de vote.  Ci-après les incidents collectés par catégorie :

Certains de ces incidents ont occasionné des retards dans le déroulement du vote mais la plupart des incidents de cette liste ne peuvent avoir affecté sensiblement les résultats du scrutin. Le danger de fraude se situe donc, comme signalé plus haut, au niveau du processus de transmission et de compilation des résultats au niveau du serveur central de la CENI qui échappe à toute observation et à tout contrôle indépendant.

NOMBRE DE FEMMES ELUES  

Electeurs attendus : 38542138.

Votants :  18329318

Taux de participation :  47,76%

Elections présidentielles    

La seule candidate femme, Marie-José Ifoku a obtenu 27313 voix soit 0,14%. Ce score extrêmement faible conduit à s’interroger sur les causes de cet échec.

Primo, il est évident que la polarisation du scrutin présidentiel sur 3 candidats (Fayulu,Tshisekedi, Shadary) a conduit à marginaliser tous les autres « petits » candidats (qui se situent presque tous en dessous de la barre de 50.000 voix obtenues) et donc aussi la candidate Ifoku. Deusio, le slogan « Voter une femme » n’a visiblement pas fonctionné. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas été suffisamment communiqué aux électrices et électeurs ? Parce que « les femmes ne votent pas pour les femmes » ? A ces explications traditionnelles, on peut en préférer d’autres. Lorsque l’enjeu de l’élection est la victoire de l’opposition et la défaite de la majorité présidentielle, les électrices veulent « voter utile » et ne pas gaspiller leur voix. De plus quand l’enjeu est de rejeter un « dauphin » et , à travers lui, celui qui l’a désigné (ce qui s’est effectivement produit puisque 3 électeurs/trices sur 4 ont voté pour les candidats de l’opposition), allez-vous donner votre voix à une femme qui doit sa courte carrière politique à la majorité présidentielle ?

En effet,  Marie-Josée Ifoku a fait son entrée en politique en étant nommée au poste de Commissaire spéciale adjointe de la Tshuapa (province issue du démembrement de la grande province de l’Equateur) avant d’y exercer les fonctions de Vice-gouverneur  et par la suite celle de Gouverneure jusqu’aux élections. On peut aussi craindre que sa candidature ne soit, comme celle de beaucoup de « petits » candidats, qu’une « candidature de positionnement » très fréquente en RDC, dans laquelle le candidat ou la candidate n’espère pas vraiment être élu mais plutôt se positionne pour monnayer son désistement ou encore négocier sa nomination dans un gouvernement, une entreprise publique  ou une autre institution. Les observateurs avertis ont pu noter qu’après la confirmation de Félix Tshisekedi comme président par la Cour constitutionnelle, la  première à féliciter le président Félix Tshisekedi via son compte twitter a été madame Marie José Ifoku : « Incroyable, le peuple congolais pour la première fois de son histoire est en train de vivre une alternance. Félicitation à Félix Tshisekedi le 5ème président de la RDC« ,

Cela conduit inévitablement à s’interroger sur la validité du mot d’ordre « Voter femme ». Est-il raisonnable, pour les organisations qui luttent pour la parité et l’égalité H/F,  d’appeler l’électrice (et l’électeur) à donner sa voix à une femme uniquement parce qu’elle est une femme ? Surtout lorsqu’on examine attentivement le mode d’émergence de certaines candidatures féminines. On constate malheureusement que beaucoup de candidates sont « la femme de… » ou « la sœur de… » ou la « fille de… » ou n’ont été placées sur la liste d’un parti que pour y faire de la figuration. Doit-on continuer à encourager les femmes (et les hommes) à voter pour ce type de candidates. S’il faut bien sûr combattre les stéréotypes, les préjugés, les coutumes rétrogrades, etc. qui nuisent à la participation politique de la femme, il est tout aussi urgent de faire émerger, notamment en vue des prochaines élections locales, des candidatures de femmes solidement implantées à la base, compétentes et ayant fait preuve de capacités de leadership et qui auront vraiment à cœur la défense des intérêts de leur communauté.

Elections législatives nationales

Le tableau ci-dessous fournit, dans les 26 provinces de la RDC, le nombre de femmes élues par rapport au nombre de sièges à pourvoir à la députation nationale, ainsi que le pourcentage de femmes élues députées nationales par province.

Provinces           F élues/Sièges           %

Bas-Uele                      2/7                        = 28,5%

Equateur                     0/12                      = 0%

Haut-Katanga            6/30                     = 20%

Haut-Lomami            3/16                     = 18,7%

Haut-Uele                    1/11                     = 9%

Ituri                              3/28                   = 10,7%

KasaÏ                           2/19                    = 10,5%

Kasaï Central               1/19                  = 5,2%

Kasaï Oriental             1/14                  = 7%

Kinshasa                     6/55                   = 10,9%

Kongo Central             1/24                 = 4%

Kwango                       0/12                  = 0%

Kwilu                            5/29                 = 17%

Lomami                        1/15                 = 6,6%

Lualaba                        3/13                 = 23%

Maï Dombe                  0/12                 = 0% (sans l’élu.e de Yumbi)

Maniema                      2/13                 = 15,3%

Mongala                      2/12                  = 16,6%

Nord-Kivu                     4/48               = 8,3% (sans les élu.e.s de Beni, Beni Ville, Butembo Ville)

Nord-Ubangi                1/8                   = 12,5%

Sankuru                       0/14                  = 0%

Sud-Kivu                     2/32                  = 6%

Sud-Ubangi                 2/16                 = 12,5%

Tanganika                   1/15                   = 6,6%

Tshopo                        1/16                   = 6%

Tshuapa                      0/10                  = 0%

TOTAL                        50/485             = 10,3%

Ces chiffres et pourcentages sont susceptibles de légères variations en raison des élections reportées en mars à Beni, Beni Ville, Butembo Ville et Yumbi (15 sièges à pourvoir) et des recours introduits devant les tribunaux.

Sans les circonscriptions de Beni, Beni ville, Butembo ville et Yumbi, le nombre de sièges à pourvoir était 485.  Sur ce total, les femmes élues provisoirement députées nationales sont au nombre de 50, soit 10,3%

5 provinces n’ont envoyé aucune femme à l’Assemblée Nationale.

8 provinces : 1 femme

6 provinces : 2 femmes

7 provinces : 3 femmes et plus

Pour les résultats complets, CLIQUEZ SUR LE LIEN CI-DESSOUS :

Résultats élections nationales par province

Elections législatives provinciales

Le tableau ci-dessous fournit, dans les 26 provinces de la RDC, le nombre de femmes élues par rapport au nombre de sièges à pourvoir à la députation provinciale, ainsi que le pourcentage de femmes dans chacune des 26 assemblées provinciales.

Provinces       F élues/Sièges                %

Bas-Uele                      3/17                    = 17,6%

Equateur                     1/19                    = 5%

Haut-Katanga            9/44                   = 20,4%

Haut-Lomami            4/26                   = 15%

Haut-Uele                    4/18                  = 22%

Ituri                              3/44                   = 6,8%

KasaÏ                           1/29                    = 3%

Kasaï Central               2/30                 = 6,6%

Kasaï Oriental             2/22                 = 9%

Kinshasa                     8/44                  = 18%

Kongo Central             4/37                 = 10,8%

Kwango                       2/19                  = 10,5%

Kwilu                            5/44                 = 11,3%

Lomami                        2/24                 = 8%

Lualaba                        3/20                 = 15%

Maï Dombe                  1/19                 = 5% (sans l’élu.e de Yumbi)

Maniema                      1/20                 =  5%

Mongala                      3/19                   = 15,7%%

Nord-Kivu                     2/44                = 4,5% (sans les élu.e.s de Beni, Beni Ville, Butembo Ville)

Nord-Ubangi                2/17                 = 11,7%

Sankuru                       0/23                  = 0%

Sud-Kivu                     3/44                  = 6,8%

Sud-Ubangi                 0/26                 = 0%

Tanganika                   7/23                  = 30,4%

Tshopo                        2/26                  = 7,6%

Tshuapa                      1/17                   = 5,3%

TOTAL                    65/700             = 9,2%

Ces chiffres et pourcentages sont susceptibles de légères variations en raison des élections reportées au mois de mars à Beni, Beni Ville, Butembo Ville et Yumbi, des recours introduits devant les tribunaux et de la cooptation des chefs coutumiers.

Sans les circonscriptions de Beni, Beni ville, Butembo ville et Yumbi, le nombre de sièges à pourvoir était de 700. Sur ce total, les femmes élues provisoirement députées provincales sont au nombre de 65, soit 9,2%

Une seule Province (Tanganika) atteint les 30% de femmes élues (ce qui mériterait de réaliser une étude sur ce cas).

Deux Provinces dépassent les 20%.

Neuf se situent entre 10 et 20%.

Le plus grand nombre, quatorze, se situent entre 0% (Sud-Ubangi, Sankuru) et 10%

Pour les résultats complets, CLIQUEZ SUR LE LIEN CI-DESSOUS :

Résultats élections provinciales

Cooptation des chefs coutumiers

(en cours)

Election des gouverneurs de Province

(en cours)

 Election des sénateurs

(en cours)

VIOLENCES PSYCHOLOGIQUES ENVERS LES FEMMES

Bien que les femmes représentent plus de la moitié de l’électorat en RDC, les études, les recherches, les projets et programmes sur la violence électorale n’ont en général pas tenu compte de la dimension genre ; et ils n’ont pas fait cas du fait que la forme, la nature et les conséquences de la violence subie par les femmes, dans le processus électoral et politique, ne sont pas les mêmes que pour les hommes. Malgré son importance, la violence à l’égard des femmes dans les élections est restée en marge des actions et projets d’observation du processus électoral en raison de plusieurs « manques » décrits dans une publication du magazine en ligne www.deboutcongolaises.org : Les « SentinELLES » contre les violences envers les femmes pendant les élections : un projet de l’Observatoire de la parité

L’observatoire de la parité a voulu attirer l’attention sur ces formes de violence trop méconnues et souvent « invisibles ». Pendant ce scrutin trois formes de violences, à caractère essentiellement psychologique, ont pu les priver leur droit au libre exercice de la liberté de vote :

  1. Le vote familial

La violence psychologique envers les femmes les plus répandues se manifeste sous la forme de pression conjugales et/ou parentales visant à influencer voire forcer les choix politiques et de vote de la conjointe/partenaire ou de la fille. Il s’agit donc d’un choix de vote forcé ou encore de ce qu’on appelle le « vote familial ». Cette violence psychologique est très répandue en RDC comme dans d’autres pays où règne une culture de soumission à l’autorité   maritale. Elle est évidemment très réelle en RDC mais très difficile à documenter puisque les femmes et filles victimes ont beaucoup de difficulté à la dénoncer.

Dans la perspective des prochaines élections locales, il y a urgence à se préoccuper de cette forme cachée de violence (psychologique) envers les femmes et les filles pendant les élections.

  1. La recherche épuisante et décourageante du bureau de vote

Cette forme de violence a été expliquée plus haut et a pu conduire un nombre incalculable de femmes à se décourager et donc à ne pas exercer leur droit à choisir librement les candidats de leur choix. La CENI porte une très grande responsabilité dans cette « abstention forcée » puisqu’elle aurait pu afficher les  listes électorales  en temps opportun et prendre des mesures appropriées pour empêcher un chaos électoral d’une telle ampleur.

  1. L’«assistance orientée» aux électeurs/trices dans l’incapacité de voter seule.

Cette autre forme subtile de violence psychologique a été largement explicitée ci-dessus. La possibilité que le vote de beaucoup d’électeurs/trices a pu être « influencé » voire même « détourné » par un « assistant » est réelle, mais elle aussi très difficile à documenter.

L’enjeu est donc, pour l’Observatoire de la parité, d’attirer l’attention et de sensibiliser sur ces diverses formes de violences psychologiques envers les femmes pendant les élections, dans la perspective prochaine des élections locales de septembre 2019 durant lesquelles ces formes sournoises de violences envers les femmes devront absolument être combattues.

CONCLUSIONS ET PRECONISATIONS

La loi électorale, modifiée à quatre reprises, ne contient quasiment aucune dispositions favorable à la participation politique de la femme congolaise. Au contraire, les modifications apportées n’ont fait qu’accroître les obstacles à cette participation.

L’Observatoire de la parité recommande :

Au Gouvernement et au Parlement, de :

  • Introduire dans la législation congolaises des « mesures spéciales temporaires » (ou de discrimination positive) sous la forme de quotas obligatoires de femmes,
  • En vue des prochaines élections locales, modifier d’urgence la loi électorale pour introduire le « scrutin binominal » (ou en duo H/F), grâce auquel les candidat.e.s aux élections se présentent en binôme, chaque binôme étant composé d’une femme et d’un homme[6].
  • Modifier la loi électorale afin que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies » soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres élus du Conseil de chefferie, comme c’est le cas pour les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « Communes » et les Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « Secteurs », qui sont, eux, élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections locales
  • Eriger ou transformer certaines agglomérations et entités territoriales décentralisées (ETD) actuellement Secteurs ou Chefferies en ETD Villes ou Communes (urbaines ou rurales).

A la société civile et aux organisations de défense des droits des femmes et de promotion de la parité et de l’égalité H/F de :

  • Procéder à une évaluation autocritique de la stratégie et des actions mises en œuvre depuis 15 ans qui n’ont produit quasiment aucun progrès en matière de participation politique de la femme et de parité dans les institutions politiques et autres
  • Elaborer une « Stratégie pour la parité » qui ne soit pas focalisée que sur le renforcement des capacités, le leadership féminin, etc. mais aussi et surtout sur l’adoption  de « mesures spéciales temporaires » (ou de discrimination positive) sous la forme de quotas obligatoires de femmes, afin de faire aboutir rapidement les changements législatifs préconisés ci-dessus, en vue notamment des prochaines élections locales.

Les électeurs et électrices se sont mobilisé.e.s pour accomplir leur devoir civique, et cela malgré les différents incidents, les retards, le chaos observé dans les Centres et Bureaux de vote, dont la plupart relève de la responsabilité de la CENI.

Quelques mesures « cosmétiques » de la CENI n’ont eu qu’un impact dérisoire, ou parfois même négatif, sur la participation de la femme au processus électoral en tant que candidate, agent électoral, observatrice et électrice. Dans toutes ces formes d’implication des femmes dans le processus électoral, les femmes sont restées extrêmement minoritaires.

La CENI a « organisé la désorganisation » des scrutins du 30 décembre avec pour conséquence de  pousser des millions d’électeurs/trices à l’abstention. Elle a démontré son inféodation au pouvoir en sabotant  l’observation électorale nationale et internationale

Elle  a trompé effrontément les congolais.es en tentant de dissimuler par des mensonges le processus de transmission et de compilation électronique des résultats à partir de la machine à voter. En conséquence, elle a perdu la confiance de l’immense majorité des électeurs/trices.

L’Observatoire de la parité partage l’analyse de la MOE de la CJP/CENCO selon laquelle « les irrégularités relevées ci-dessus n’ont pas pu entamer considérablement le choix que le Peuple congolais a clairement exprimé dans les urnes. » Les résultats proclamés par la CENI pour les 3 scrutins ne sont pas conformes aux votes exprimés par les électeurs et électrices.

L’Observatoire de la parité recommande :

A la CENI, de :

A court terme :

  • Produire des statistiques générales et complètes sur le nombre d’agents CENI et de techniciens-informaticiens de sexe féminin dans les BVD  lors des élections du 30 décembre
  • Donner accès au serveur central de la CENI pour permettre aux observateurs indépendants de procéder à une comparaison des résultats transmis et compilés électroniquement avec les résultats enregistrés le jour des scrutins par les observateurs des différentes MOE.
  • Présenter ses excuses au peuple congolais pour l’organisation chaotique et frauduleuse des élections
  • Démissionner

A la future nouvelle CENI :

A moyen terme :

  • Proposer des mesures susceptibles de contribuer efficacement à une implication des femmes dans le processus électoral en tant qu’électrice , candidate, agent CENI, observatrice, etc.
  • Ne plus saboter, lors des prochains processus électoraux, l’observation indépendante des scrutins par les observateurs internationaux et nationaux, à court ou long terme.
  • Lors des prochains scrutins, en cas de compilation « manuelle », publier les résultats des élections dans le respect de la vérité et de la justice en adoptant le shéma suivant :
    • Ne tenir compte que des résultats issus du comptage manuel qui avaient été publiés et affichés devant les bureaux de vote et de dépouillement ;
    • S’assurer que le contrôle de cohérence au niveau des Centres locaux de compilation des résultats (CLCR) s’effectue en présence des observateurs et des témoins.
    • Publier les résultats bureau de vote par bureau de vote.
    • En cas de transmission et compilation électronique des résultats, donner accès au serveur central de la CENI aux observateurs nationaux et internationaux indépendants afin de pouvoir vérifier que les résultats enregistrés dans le serveur correspondent effectivement à ceux issus du comptage manuel enregistrés par les observateurs des différentes missions d’observation électorale.

Aux Partis politiques

  • Intégrer les femmes dans l’activité des partis, y compris dans les postes de direction,
  • Promouvoir les diverses formes de « mesures spéciales temporaires » susceptibles d’augmenter radicalement la participation politique de la femme (voir ci-dessus).

Aux  juridictions compétentes et particulièrement à la Cour constitutionnelle :

A court terme :

  • En cas de contestation des résultats provisoires devant les juridictions, de les traiter en toute impartialité, neutralité et indépendance.
  • De statuer sur la requête en inconstitutionnalité introduite, il y a plus de 3 ans, par la Directrice de l’Observatoire de la parité, Mme Espérance Mawanzo, demandant de déclarer recevable et fondée la requête introduite et d’ordonner le retrait de toutes les dispositions de la loi électorale contraires à la Constitution ainsi que leur correction.
  • De poursuivre en justice les auteurs présumés d’infractions à l’article 89 de la loi électorale :« Est puni d’une servitude pénale principale de six mois à cinq ans et d’une amende de 500 000 à 1 000 000 de francs congolais ou d’une de ces peines seulement :
  1. toute personne qui soustrait des bulletins ou pose des actes susceptibles de fausser les résultats du vote ;
  2. tout membre du centre de compilation qui altère ou tente d’altérer l’agrégation des résultats électoraux en modifiant les résultats d’un candidat ou d’une liste ;
  3. tout membre de la Commission électorale nationale indépendante ou de sa représentation locale qui facilite la fraude au cours du déroulement des opérations électorales au bureau de vote, dans le centre de vote, dans le centre de compilation ou au niveau du Bureau de la Commission électorale nationale indépendante.

Il est, en outre, puni de la déchéance de ses droits de vote et d’éligibilité politiques pendant une période de six ans ».

Aux organisations de la société civile

A court terme :

  • Ne reconnaître les résultats enregistrés dans le serveur central de la CENI que s’ils ont pu être confrontés aux résultats sortis des urnes et dûment constatés et enregistrés par les observateurs des différentes missions électorales citoyennes
  • Exiger la démission de la CENI
    • qui a persévéré à mentir sur la machine à voter et sur sa capacité de transmission électronique des résultats,
    • qui a « organisé la désorganisation » des scrutins et, par ce chaos, a empêché un nombre incalculable d’électeurs et d’électrices à prendre part au vote,
    • qui a proclamé des résultats provisoires manifestement contraires à la vérité des urnes.
  • Poursuivre en justice les auteurs présumés d’infractions à l’article 89 de la loi électorale
  • Faire de la place aux femmes, y compris au sein des organisations de la société civile, parce que si les femmes n’émergent pas dans la politique, c’est en partie aussi parce qu’elles rencontrent de grosses difficultés et obstacles pour émerger dans les organisations de la société civile et pour y occuper les postes de responsabilité.
  • Faire preuve de moins de naïveté dans l’observation électorale et de plus de discernement et d’efficacité pour mieux détecter où se situent les plus grands risques de fraude, notamment électronique, afin de pouvoir les déjouer.
  • Exiger la révision de la Loi organique n° 10/ 013 DU 28 Juillet 2010 portant organisation et fonctionnement de la commission électorale nationale indépendante pour en faire une institution d’appui à la démocratie réellement neutre, transparente et indépendante.
  • Utiliser plus intensivement les « civic tech » pour un exercice dynamique de la « citoyenneté numérique » par les citoyens et LES CITOYENNES congolais.es, par exemple, en renforçant, , en vue des prochaines élections locales, la Clinique électorale en ligne, mise en place par l’Observatoire de la parité, afin d’encourager les candidatures féminines et d’augmenter les chances des candidates d’être élues conseillères communales, de secteur, de chefferie, bourgmestres, etc.
  • En cas de fraude électorale avérée, faire preuve d’honnêteté, de responsabilité et d’éthique et mettre en œuvre l’article 64 de la Constitution : « Tout Congolais a le devoir de faire échec à tout individu ou groupe d’individus qui prend le pouvoir par la force ou qui l’exerce en violation des dispositions de la présente Constitution ».

Elle est également contraire à l’Article 13 : « Aucun congolais ne peut en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ». En effet, un citoyen satisfaisant les critères d’éligibilité fixé à l’article 5 de la Constitution et désireux d’accéder à la fonction publique de Chef de l’ETD chefferie fait l’objet d’une mesure discriminatoire résultant de la loi électorale puisque cette loi le prive de son droit à se porter candidat(e) et donc de son droit d’accès aux fonctions publiques garanti par l’article 13.
Cette discrimination liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie est enfin contraire à la Constitution en son article 14 qui affirme le principe de la parité et garantit le droit des femmes à une représentation équitable dans les institutions. Les femmes sont doublement privées de ce droit en ce qui concerne l’institution ETD « Chefferie » puisqu’elles ne peuvent non seulement accéder, par élection, à la fonction publique de Chef de l’ ETD « Chefferie », mais aussi puisqu’elles ne peuvent accéder à l’autorité coutumière, « dévolue conformément à la coutume locale », qui, à de très rares exceptions dans quelques tribus ou ethnies de la RDC, ne prévoit la dévolution de cette autorité coutumière qu’aux personnes de sexe masculin.

____________________________________

[1] Ces deux notions ont été explicitées dans plusieurs articles publiés par le magazine en ligne de l’Observatoire de la parité www.deboutcongolaises.org :

[2] Conséquence de cette discrimination : le chef de chefferie exercera des attributions comparables à celles des Bourgmestres et des Chefs de secteur, mais  en ne répondant pas de ses actes devant le Conseil de chefferie, et sans devoir passer, comme le feront les autres responsables d’ETD, par la sanction périodique des élections. Le Chef de Chefferie est en effet désigné à vie. Il gérera donc l’entité territoriale décentralisée «Chefferie », la plus répandue dans certaines provinces, avec quasi les mêmes attributions, sans avoir reçu un mandat électif mais en ayant été « désigné selon la coutume locale» c‘est-à-dire par un système archaïque de dévolution héréditaire du pouvoir coutumier, de surcroit le plus souvent réservé aux mâles, et susceptible par ailleurs d’engendrer à l’avenir de nombreux conflits de succession.
Cette discrimination liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie est contraire à la Constitution en son article 12 : «Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois ».

[3] Pour plus de détails voir le Rapport spécial de l’Observatoire de la parité : « L’utilisation des NTIC pendant les élections : le pire (beaucoup) et le meilleur (un peu)

[4] Ibidem.

[5] Pour plus de détails voir le Rapport spécial de l’Observatoire de la parité : « L’utilisation des NTIC pendant les élections : le pire (beaucoup) et le meilleur (un peu)

[6] Pour plus de détails sur le scrutin binominal, lisez