Profil du pays en matière d’égalité de genre 2014 de la RDC

« Debout Congolaises ! » entame  la publication d’une série d’articles consacrés à l’égalité de genre en RDC en utilisant le «  Profil du pays en matière d’égalité de genre » commandé par l’Ambassade de Suède à Kinshasa, en collaboration avec le Département Britannique de Développement International (DFID), la Délégation de l’Union Européenne et l’Ambassade du Canada à Kinshasa. Ces bailleurs de fonds placent l’égalité des sexes et/ou les femmes et les filles au cœur de leur tâche visant à promouvoir et créer les conditions nécessaires pour réduire la pauvreté en République Démocratique du Congo (RDC).

L’objectif de cette étude était de fournir aux bailleurs de fonds et à une large communauté, incluant les autorités nationales et les autres internationaux, une évaluation de la situation actuelle des relations de genre en RDC dans le but de les améliorer en renforçant l’égalité hommes‐femmes. Cela signifie garantir que les femmes et les filles jouissent de leurs droits humains, sociaux, politiques et civiques. Ce profil du pays en matière d’égalité de genre peut servir dans les évaluations, programmations et analyses des interventions en matière de coopération au développement, ainsi que dans le dialogue politique en RDC. Il a été communiqué au gouvernement de la RDC, aux sièges des organisations des bailleurs de fonds, aux agences des Nations Unies, aux acteurs internationaux, aux autres bailleurs de fonds bilatéraux et ambassades ainsi qu’à la société civile (y compris les organisations de femmes et les réseaux d’hommes) et aux médias. « Debout Congolaises ! » craint toutefois que beaucoup d’organisations de la société civile et beaucoup de médias de proximité n’ont pas eu accès à ce rapport essentiel et c’est pour cette raison que l’Observatoire de la parité a décidé de le mettre à leur disposition grâce à son web magazine qui compte déjà plus de 3000 abonnés dont des centaines d’organisations de femmes et de radios de proximité.

Comme le dit Mme Annika Ben David, Ambassadeur de Suède en RDC, dans l’avant-propos du Rapport : « Nous devons exploiter le potentiel de chaque citoyen congolais  ‐  femmes, filles, garçons et hommes confondus  ‐  et contribuer à l’instauration d’une société dans laquelle ce potentiel peut être traduit en actions afin de changer leur vie. Cela ne sera possible que si la problématique de l’égalité des sexes est bien comprise, correctement traitée et suffisamment financée et si nous faisons tous montre d’un véritable engagement en faveur de cette cause. Alors seulement, la situation des femmes et des filles pourra s’améliorer en RDC ».

Ce premier article présente les principales conclusions du « Profil genre ». Le suivant présentera les recommandations générales de ce rapport. D’autres entreront plus en détail dans certaines problématiques.

Les obstacles à l’égalité des sexes en RDC: principales conclusions du « Profil genre RDC »

  1. Qui sont les « femmes congolaises »?

La définition dominante ‐ explicite ou non ‐ perçoit les femmes comme des mères et/ou des parentes de membres masculins de la famille. Les ressortissants nationaux et internationaux voient rarement les « femmes » comme des êtres à part entière. Il en résulte une incompréhension des différents besoins et attentes des femmes et des filles et, dès lors, l’incapacité à concevoir des programmes et politiques efficaces.

Les programmes nationaux et internationaux perçoivent majoritairement les femmes comme des êtres pauvres et « vulnérables » (c’est‐à‐dire inactifs) vivant dans des zones rurales. Peu semblent désireux de savoir comment les femmes acquièrent, maintiennent, exercent et perdent le pouvoir. Les acteurs nationaux et internationaux manquent d’esprit critique lorsqu’ils émettent des suppositions et qu’ils construisent leurs perceptions des «femmes», de leurs besoins et de leurs priorités.

Le rapport identifie les tendances suivantes en termes de perceptions et de suppositions:

  • Les femmes sont traitées comme des objets de charité, et non comme des titulaires de droits

Cela alimente la tendance à privilégier les mesures palliatives plutôt que les mesures préventives, à savoir: améliorer de façon marginale le sort des femmes individuellement, mais ne pas changer le statu quo. Les programmes visant à atténuer la souffrance des femmes se substituent bien souvent aux fonctions essentielles de l’État : un solide engagement politique pourrait entraîner un changement systémique permettant aux femmes d’accéder systématiquement aux services auxquelles elles ont droit.

  • Les programmes de «lutte» contre la violence sexuelle s’efforcent d’atténuer certaines conséquences de la violence masculine, mais non de la prévenir.

Ainsi, les femmes bénéficient de la charité, alors qu’elles devraient être traitées en tant que citoyennes, dont les droits doivent obligatoirement être protégés par le gouvernement, en premier lieu, et par la « communauté internationale », de manière indirecte.

  • Les femmes sont responsables des inégalités entre les sexes  

Le discours sur l’égalité hommes‐femmes en RDC tend à rejeter implicitement la faute des inégalités entre les sexes sur les femmes,soit en tant qu’éducatrices des enfants (pérénisant les valeurs morales), soit en raison de leur manque de «solidarité» entre elles, soit en raison de leur «trop grande ignorance» pour faire valoir leurs droits.

  • Le lourd fardeau de l’égalité des sexes

Les femmes ont de lourdes charges de travail ainsi que de lourdes responsabilités domestiques et communautaires à assumer ; et elles ne peuvent s’autoriser que peu de repos. Les femmes au pouvoir sont supposées être plus compétentes que leurs homologues masculins, résister à la corruption et faire preuve de solidarité envers les autres femmes. Les attentes dont les femmes font l’objet sont tout simplement trop élevées : leurs efforts ne peuvent qu’être voués à l’échec.

  • Les hommes doivent agir  

En dépit du fait que les hommes soient au cœur de l’(in)égalité entre les hommes et les femmes, le discours sur l’égalité des sexes ne fait pas mention d’une quelconque action de leur part. L’action et le pouvoir des hommes à perpétuer ou combattre la discrimination et l’exclusion doivent être reconnus et intégrés dans le discours de l’égalité hommes‐femmes.

  1. Absence d’appropriation et de priorisation de la problématique du «genre»

Les différents acteurs emploient la notion de «genre» différemment et, quoique populaire au sein de leurs sièges, cette notion a fréquemment perdu toute signification le moment de sa mise en œuvre venu. Les politiques nationales sont transmises de Kinshasa dans les provinces sans les capacités requises pour leur mise en œuvre. Compter les femmes parmi les participants aux politiques et programmes exécutés est considéré comme une action en faveur de l’égalité des sexes, indépendamment du fait que ces politiques et programmes aient changé ou non les conditions de vie des femmes ou l’application effective de leurs droits.

  1. Paramètres intégrés : les femmes en tant que mères, comportement approprié  

Bon nombre de programmes sont fondés sur la conception que la femme est une mère et sur des suppositions quant au comportement approprié pour une femme. Les acteurs non étatiques sont indispensables pour la prestation des services. Les normes en matière de genre qu’ils maintiennent par la (non‐)fourniture de services sont susceptibles de perpétuer la discrimination et l’exclusion.

  1. Que se passe‐t‐il ? Les statistiques, leur absence et leur utilisation  

Il est difficile d’obtenir des données statistiques fiables en RDC. Et même si elles existent, il est difficile de démontrer des changements qualitatifs positifs dans la vie des femmes. Pourtant, les bailleurs de fonds, les ministères et les ONG s’appuient sur des chiffres pour montrer les progrès réalisés, et les évaluateurs ont pour mission de mettre en exergue les réalisations, et non d’identifier les problèmes ou les failles. Il en résulte une image exagérément optimiste qui guide de manière cyclique les processus d’élaboration des politiques et de conception des programmes.

  1. La problématique du « genre » ne se confond pas avec celle de la violence sexuelle

Réduire la problématique du « genre », voire de la violence sexiste, à celle de la violence sexuelle sape les efforts visant à promouvoir l’égalité des sexes et à mettre un terme à la violence sexuelle perpétrée par les hommes.

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