Françoise, 26 ans, porte sur sa tête un bassin en plastique rempli de casseroles, d’assiettes et de quelques pagnes. Françoise vient d’arriver au camp de déplacés de Katanika 2, fuyant Katibili, un village situé au bord du Lac Tanganyika.

« J’ai fui les affrontements qui ont repris entre les militaires et les milices pygmées mais je ne sais pas où sont mon mari et mes enfants. Avec nos enfants, mon mari et moi avions pris la direction de la ville de Kalemie. Nous sommes restés pendant deux semaines dans une école primaire du quartier Kamokolobondo. Ensuite, comme nous n’avions pas de famille d’accueil dans la ville, nous avons rejoint le camp de Katanika 2. Quand nous sommes arrivés au camp, nous n’avons reçu aucune assistance. Pour la survie de ma famille, je coupais et de venais du bois, je transportais du sable et parfois je faisais la lessive en ville. Je gagnais entre 1000 et 16000 francs congolais [environ 1 USD]. La vie dans le camp était vraiment intenable dans le camp. »

Françoise n’a toujours pas de nouvelles de son mari et de ses enfants

Avec l’accalmie observée dans le village de Katibili et ses environs, Françoise et son mari ont décidé de rentrer chez eux pour exploiter à nouveaux leurs champs. Malheureusement, l’insécurité persistait à Katibili. Comme il était imprudent d’aller seule au champ, Françoise se faisait toujours accompagner par son mari afin de dissuader toute attaque des miliciens. Un jour, Françoise a réussi à convaincre son mari d’aller seule au champ pour rapidement cueillir quelques feuilles de manioc. « Quelques temps après mon arrivée au champ, j’ai aperçu plusieurs maisons du village en feu. Je me suis précipitée chez moi mais mon mari et mes trois enfants n’étaient pas là. Ils avaient déjà pris fuite mais je ne savais pas dans quelle direction. »

Françoise devait fuir elle-aussi. Tout au long du chemin, la jeune maman ne cessait de poser des questions aux habitants des villages qu’elle traversait pour demander s’ils n’avaient pas aperçu son mari et ses enfants. Toutes les réponses étaient toujours négatives mais Françoise gardait espoir en pensant qu’ils étaient directement venus sur Katanika 2. Françoise n’a toujours pas de nouvelles de son mari et de ses enfants. Fatiguée et le regard désespéré, Françoise avait peine à parler en pensant à ce qui aurait pu arriver à son mari et ses enfants. C’est en sanglot que la jeune maman a détaillé les circonstances dans lesquels elle a quitté Katibili  pour rejoindre Katanika 2 sans son mari et ses trois en enfants.

Si la situation perdure, les villages resteront orphelins de leurs femmes et de leurs enfants et c’est toute la communauté de demain qui va disparaître.

Plus d’informations sur le conflit au Tanganyika :

Depuis des années, la Province du Tanganyika fait face à un conflit interethnique entre des groupes de miliciens pygmées et bantous. Au mois d’août 2017, Françoise avait déjà pris la fuite suite à d’intenses combats opposant les pygmées aux bantous. Des habitants de son village avaient été tués, les maisons saccagées, les écoles détruites et les églises brûlées.

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SOURCE : PONABANA

Par Basile Lange

Basile Lange est licencié en planification et organisation sociale de l’ISDR de Bukavu. Après 10 ans passés en tant qu’animateur communautaire dans la zone de santé urbaine de Lemba, ville province de Kinshasa, il est aujourd’hui Administrateur à la communication pour le développement au sous Bureau Unicef Kalemie.