Si les élections constituent bien l’épicentre de la démocratie représentative, elles n’en restent pas moins des processus compétitifs pouvant provoquer des conflits ou alimenter des antagonismes préexistants. La violence électorale reste donc un défi majeur pour ceux qui sont chargés d’organiser des élections et pour la démocratie en général, particulièrement sur le continent africain. La République démocratique du Congo (RDC) n’échappe pas à cette réalité.

Structurellement fragile depuis son indépendance, la RDC reste un État dont les organes, qui incarnent la souveraineté ainsi que leurs représentants (autorités politiques et administratives, magistrats, forces de sécurité), sont régulièrement contestés par les populations. L’existence de nombreux groupes armés violents dans l’Est du pays en est le témoignage le plus emblématique et ce malgré la présence de missions de maintien de la paix et de stabilisation de l’Organisation des Nations unies (ONU) depuis plus de 20 ans. En outre, les trois derniers cycles électoraux en RDC ont tous connus, à des degrés divers, des épisodes de violences électorales, y compris celui de 2018/2019, pourtant conclu par une première alternance du pouvoir à la tête de l’État. Dans ce contexte l’aggravation des conflits intervenue au cours des deux dernières années, notamment au Nord Kivu et en Ituri, vient souligner à quel point la question de la sécurité est difficile à surmonter en RDC, où les conflits se nourrissent le plus souvent les uns des autres.

En parallèle à cette situation sécuritaire dégradée, des tensions autour des réformes électorales et des conditions d’organisation des prochaines élections générales (nationales, provinciales et locales) ont commencé à se faire jour, posant avec acuité la question des risques de conflits durant le cycle électoral à venir.

C’est pourquoi, dans le cadre de son soutien à une préparation d’élections apaisées en 2023/2024, le Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en RDC a mandaté deux experts afin d’analyser les facteurs de risques, les protagonistes et les foyers potentiels de conflits que l’organisation de ces élections pourraient générer à travers le pays. En effet, les élections sont des instants de grande fébrilité sociale pendant lesquels la violence peut se déclencher à tout instant :

i) avant l’élection, lorsqu’une des parties constate que l’autre partie établit de manière unilatérale des règles du jeu qui la favorisent (RDC 2015/16, Bénin 2021) ;

ii) pendant le scrutin, lorsqu’un déficit de confiance existe entre les citoyens et les autorités en charge des élections (Guinée 2010 et 2020) ;

iii) après les élections, au moment de la proclamation des résultats (Kenya 2007/08, Côte d’Ivoire 2010).

Réalisée largement en amont des prochains scrutins, prévus dans un an et demi, cette étude du PNUD devrait permettre à la fois l’identification des acteurs et des évènements politiques ou électoraux qui suscitent et façonnent la violence en RDC depuis le cycle électoral post-transition démocratique de 2003/2006, mais aussi de tenter d’en mesurer l’intensité.

Elle intégrera une première cartographie de ces conflits (localisation des zones d’affrontements et des territoires particulièrement à risques) ainsi qu’une liste de premières recommandations permettant de les prévenir, de les atténuer et de les gérer.

L’objectif poursuivi est que les autorités nationales congolaises, dont celles plus spécifiquement en charge des élections, puissent s’appuyer sur ce travail et l’utiliser comme un instrument d’aide à la décision et à la prévention des risques, dans le cadre de leur politique d’amélioration de la crédibilité et de la sécurité des prochains scrutins. De récentes expériences, tant en Afrique de l’Est (Kenya, Ouganda) qu’en Afrique de l’Ouest (Burkina Faso, Ghana), ont démontré, en effet, la nécessité d’analyser ces phénomènes de violences électorales dès le début du cycle électoral afin notamment de pouvoir les prévenir ou à défaut les atténuer. Les mécanismes d’alerte précoce des risques de conflits et de crises mis en place à l’occasion des récents processus électoraux kenyan ou ghanéen en attestent, plus tôt les risques de violences électorales sont identifiés, plus efficace peut être l’action de prévention.

Une étude voulue par le PNUD-Kinshasa

Dans le cadre de sa politique d’appui au cycle électoral congolais, le PNUD-Kinshasa a lancé une étude visant à identifier et cartographier les risques de conflits et de violences pouvant survenir avant, pendant ou après les scrutins prévus pour décembre 2023. Cette initiative qui se déroule en parallèle avec les missions onusiennes d’évaluation des besoins (dite Need Assessment Mission) et d’identification des appuis électoraux souhaités par la RDC (requise par la Division de l’assistance électorale des Nations unies à New York), permettra de mettre à la disposition des autorités politiques et électorales de la République démocratique du Congo un outil supplémentaire d’analyse ainsi que des recommandations utiles à la pacification du climat électoral et à la prévention de violences potentielles.

Les élections attendues pour 2023 s’inscrivent dans un contexte historique, politique et sécuritaire complexe que le présent rapport s’emploie à clarifier avec la volonté constante d’identifier, à des fins opérationnelles et non polémiques, les protagonistes, les évènements et les lieux qui sont les plus susceptibles d’agir, de déclencher où d’héberger des épisodes de violence électorale. Il comprend donc, outre un chapitre introductif consacré à une étude générale de la notion de violence électorale, quatre grandes parties centrées sur l’analyse :

  • des violences survenues au cours des trois précédents cycles électoraux congolais (2006, 2011 et 2018) ;
  • des menaces sécuritaires les plus sérieuses que constituent les conflits armés en cours à l’Est du pays et le danger que représentent les mouvements insurrectionnels ou sécessionnistes dans certaines régions ;
  • des principaux protagonistes de violence, individus ou communautés, pouvant être retenus sur la base de l’expérience vécue par le pays au cours des dernières décennies ;
  • des évènements particuliers qui, au cours du déroulement de l’actuel processus électoral, apparaissent comme les plus susceptibles de déclencher des conflits et des violences.

La conclusion du rapport s’accompagne d’une série de recommandations pratiques destinées aux autorités nationales, en vue de garantir des élections pacifiques et apaisées.

Des facteurs récurrents de violences en période électorale

La RDC entame actuellement son quatrième cycle électoral. Les trois qui l’ont précédé se sont déroulés dans des conditions politiques extrêmement différentes : élections post-conflit très encadrées par la communauté internationale en 2006, dangereuse montée de l’autoritarisme en 2011, résistance populaire au troisième mandat et au glissement du calendrier en 2018. Toutefois, ces cycles électoraux ont en commun d’avoir tous engendré d’importants moments de violence ayant entrainé la mort de nombreux Congolais.

L’étude comparative de ces épisodes électoraux, étalés sur plus de quinze ans, nous autorise à signaler dès à présent certains facteurs récurrents de violence dans le contexte électoral particulier du pays.

D’abord la persistance de groupes armés actifs à l’Est du pays qui entretiennent l’insécurité et font peser sur le processus électoral avenir un risque majeur de perturbations et de désordres ;

ensuite, le comportement inadapté et brutal des forces de sécurité à l’occasion des élections qui oblige le plus souvent à les classer parmi les facteurs de risques plutôt que comme des outils de régulation des violences.

Même si les trois élections passées n’ont pas été particulièrement marquées par des affrontements violents entre communautés, le soulèvement meurtrier « Kamina Nsapu » au Kasaï, en 2016, est venu rappeler, en même temps que les évènements de Yumbi (Maï-Ndombe), en 2018, que les antagonismes intercommunautaires peuvent à tout moment être ravivés et déboucher en période électorale sur des violences graves.

Enfin l’étude nous éclaire utilement sur les moments électoraux et les provinces du pays qui paraissent les plus conflictogènes. En 2006 et 2011, les épisodes les plus violents étaient clairement liés à l’annonce des résultats : résultats décevants pour le candidat Kabila au premier tour de 2006 suivis d’affrontements armés dans la capitale, résultats définitifs de 2011 qu’il fallait imposer par la force aux opposants, sans se préoccuper du nombre des victimes. En revanche, les violences électorales de 2018 se sont principalement concentrées dans la période pré-électorale dite du « glissement », au moment où les forces politiques et la CENI devaient définir le cadre juridique et arrêter le calendrier de l’élection.

La dernière information utile concerne les endroits où les violences ont eu lieu. Trois cartes intégrées à cette première partie font apparaître que la capitale Kinshasa a été au cours des trois cycles antérieurs l’endroit où les violences électorales ont été à la fois les plus graves et les plus nombreuses.

Mais d’autres grandes agglomérations ont également été exposées aux violences électorales. C’est le cas de Lubumbashi, des villes du Kivu (Beni, Butembo, Goma, Bukavu, Uvira), de Mbuji-Mayi et Kananga au Kasaï et des villes du Kongo-Central. Du point de vue géographique, les trois cartes semblent grossièrement se recouper, traçant apparemment une frontière entre un pays électoralement paisible au Nord et à l’Ouest (Kinshasa et Kongo-Central exceptés) et un pays électoralement violent au Sud et à l’Est.

La dégradation de la situation sécuritaire à l’Est et le risque d’une amputation partielle de l’électorat

Les prochaines élections générales seront organisées dans de nombreuses provinces du pays sous la menace des conflits qui s’y déroulent où qui y sommeillent. Dans les quatre provinces de l’Est (Ituri, Nord-Kivu, Sud-Kivu et Tanganyika), ce sont plus de 120 groupes armés qui, en complicité avec des réseaux de contrebande et de trafics (locaux et transnationaux), font régner l’insécurité depuis la fin de la première guerre du Congo (1996-1997). Le plus souvent solidement ancrés dans les communautés des territoires où ils sévissent, ces groupes constituent, par leur présence et leurs activités, des entraves directes à l’organisation des élections et à l’expression libre des citoyens lors des scrutins. Leur emprise armée sur les villages, les barrages qu’ils établissent sur les routes, l’intimidation des populations et les déplacements qu’elle engendre, les relations ambigües qu’ils entretiennent avec les chefs coutumiers et les responsables politiques (locaux et nationaux), sont autant d’obstacles au déroulement normal d’un processus électoral.

Depuis deux ans, l’activité de ces milices a connu un accroissement tel que le Président de la République a décidé la mise en place d’un « état de siège » dans l’Ituri ainsi que le Nord-Kivu et autorisé le déploiement de l’armée ougandaise dans la région de Beni. Ces mesures, qui militarisent totalement ces provinces et y limitent l’exercice des libertés publiques par les citoyens, compliquent encore un peu plus les conditions d’organisation et de mise en œuvre des prochaines opérations électorales.

Comme lors des élections précédentes, le risque est grand de voir les groupes armés prendre partie dans le scrutin et en fausser les résultats, par la menace et la violence. Certes, tous les territoires de ces quatre provinces ne sont pas menacés de la même manière, mais les risques de violence paraissent particulièrement élevés dans les territoires d’Irumu et de Djugu (Ituri), de Beni, de Butembo, du dMasisi et du Rutshuru (Nord-Kivu), d’Uvira, de Fizi et de Mwenga (Sud-Kivu).

La menace pesante des mouvements insurrectionnels

Plusieurs provinces congolaises vivent également avec la hantise de voir se réveiller à l’occasion des prochaines élections, des affrontements armés à l’initiative de groupes sécessionnistes ou politico-religieux qui se sont manifestés violemment par le passé. Ces milices politiquement très motivées ont aujourd’hui plus ou moins trouvé un modus vivendi avec les autorités gouvernementales, mais n’ont ni désarmé ni rallié franchement le pouvoir central.

C’est le cas des adeptes du Bundu dia Kongo qui, dans le Kongo-Central et à Kinshasa, répondent aux mots d’ordre de leur chef spirituel et politique, le Muanda Nsemi. Fortement réprimé en 2007/08, ce mouvement aux confins du politique et du religieux continue d’avoir des revendications autonomistes et xénophobes ainsi que des ambitions provinciales. Son attitude jusqu’à présent très critique à l’égard de la nouvelle administration électorale fait craindre une irruption violente et dangereuse dans le processus en cours.

Au Kasaï-Central, le traumatisme de la révolte des « Kamina Nsapu », avec ses 3 380 victimes, continue de hanter les populations et de produire un exode massif vers Kinshasa et le Katanga. Cinq ans après ces évènements tragiques, en dépit de l’accession au pouvoir de Félix Tshisekedi Tshilombo, les désirs de revanche contre l’administration centrale et les forces de l’ordre ne sont toujours pas apaisés. Le grand désarroi économique et social qui s’est emparé de l’ensemble des provinces du Grand Kasaï (Kasaï, Kasaï-Central, Kasaï-Oriental, Sankuru et Lomani) est venu aggraver un sentiment d’injustice et d’abandon qui pourrait se traduire par des mouvements spontanés de révolte électorale, particulièrement dans des villes en plein déclin comme Tshikapa ou Mbuji-Mayi.

Enfin, l’histoire du Katanga est marquée par le sécessionnisme ; le découpage en 2015 de la grande province en quatre « provincettes » a ravivé ce mouvement qui a trouvé dans la milice tribale Kata Katanga de Gédéon Kyungu son bras séculier et parmi certains membres du clan de l’ancien Président Joseph Kabila Kabange des sponsors sans scrupule. Comme en 2011 et 2018, le décor est en place pour que des incidents violents viennent perturber les élections dans des provinces déjà traversées par des antagonismes ethniques historiques et profonds. Aussi, le Haut-Katanga, sa capitale et ses grandes villes en particulier devront faire l’objet d’une attention sécuritaire renforcée pendant la prochaine période électorale.

Des protagonistes de la violence électorale aisément identifiables

L’analyse des violences électorales congolaises fait apparaître le rôle central joué par les individus, les groupes sociaux et les communautés dans leur déclenchement. Dans un pays où les conflits sont multidimensionnels et enchevêtrés, l’affrontement électoral n’est souvent que la traduction d’antagonismes plus profonds et plus anciens qui trouvent généralement leur origine dans des problèmes d’accès aux ressources ou des affrontements pour le leadership. Ainsi, l’identification des principaux protagonistes de la violence électorale a permis de les classer dans quatre catégories :

  • Les « Politiciens entrepreneurs » ou « Big men», terme utilisé par le professeur Jean-François Médard pour désigner certains politiciens placés au centre de réseaux faits de relations politiques et commerciales, de liens de parenté et de solidarités géographiques, destinés à la distribution d’avantages ou de privilèges. Le moment électoral étant critique pour le « Politicien entrepreneur », certains n’hésitent pas alors à se transformer en entrepreneurs de violence, le temps d’une élection.
  • L’appartenance ethnique/communautaire reste en RDC un facteur de division et d’inégalité ; les antagonismes qui opposent les communautés continuent de jouer un rôle politique et social important et constituent à l’évidence un risque pour l’organisation d’élections apaisées. Ainsi, trois niveaux de rivalités ethniques ont été identifiés :
    • (i) les rivalités « historiques », comme celles qui opposent Twas et Lubas au Tanganyika, le plus souvent ancrées dans l’histoire coloniale du pays ;
    • (ii) les nouvelles rivalités « géo-démographiques » qui voient s’affronter des communautés à la suite des immenses bouleversements démographiques ayant affecté des régions entières après vingt années de guérilla permanente ;
    • (iii) l’apparition, après la récente accession de Félix Tshisekedi Tshilombo à la Présidence de la République, d’un phénomène inquiétant pour le prochain processus électoral, à savoir la grande colère contre les Kasaïens qui semble s’installer dans la population.
  • Les forces de sécurité (FARDC, PNC, ANR) comptent parmi les protagonistes principaux de la violence politique et électorale selon les différents rapports d’observation des élections passées et les statistiques publiées par les organismes de défense des droits humains. Les problèmes de cohésion interne et de commandement dont elles souffrent depuis deux décennies, la question de leur loyauté et plus largement de leurs relations difficiles avec le chef de l’État obligent à se poser la question du risque que pourrait faire courir un disfonctionnement de ces services au cours du prochain processus électoral

 

  • Une quatrième rubrique tente d’identifier parmi d’autres groupes d’individus (chefs traditionnels, militants politiques, Kuluna, Wewa), ceux pouvant constituer une menace pour les futures élections. En effet, la question de la violence est de plus en plus souvent au cœur des dynamiques de mobilisation partisane en RDC. Aussi, et dans un environnement socio-économique dégradé, plusieurs groupes de citoyens, de plus en plus désabusés par un système qui les exclut en pratique, se tourne alors vers d’autres formes de régulation sociale, dont la violence en temps d’élection sur fond de récupération par les acteurs politiques. En outre, relais irremplaçables entre le pouvoir politique urbain et le monde rural, situés à l’intersection des intérêts locaux, provinciaux et parfois nationaux, les chefs coutumiers sont aussi à l’épicentre des conflits et des crises, dont ils peuvent d’ailleurs être les acteurs comme les victimes.

Un nouveau cycle électoral à haut risque

La RDC s’apprête à organiser le quatrième cycle électoral de son histoire récente avec la tenue prochaine de scrutins présidentiel, législatifs, provinciaux, et locaux. Ces scrutins sont d’autant plus attendus que les résultats des trois derniers cycles électoraux ont alimenté de nombreux conflits et largement contribué à la crise de légitimité qui touche le pays. Or ces élections, attendues a priori pour la fin 2023, s’insèrent dans un contexte politique et social complexe, caractérisé à la fois par un manque général de consensus entre les parties prenantes, par une certaine démotivation des citoyens vis-à-vis du processus électoral ou encore par une forte volatilité du système partisan à la suite de la recomposition de la majorité parlementaire. À moins de 18 mois des élections, des divergences majeures entre les parties prenantes subsistent aussi bien sur les institutions en charge d’organiser les scrutins que sur les règles devant encadrer la compétition électorale, ce qui rend le contexte préélectoral actuel particulièrement conflictogène.

De manière générale, le processus électoral en cours laisse émerger de nombreuses inquiétudes dont :

i) celle d’une volonté du pouvoir en place de contrôler strictement les institutions en charge des élections (CENI, Cour constitutionnelle) ;

ii) celle d’un possible report des élections pour des raisons logistiques et techniques (comme en 2016/2018 lors du « glissement ») ;

iii) celle de la persistance d’un climat général d’insécurité dans plusieurs provinces du pays, rendant partiellement ou totalement impossible l’organisation des scrutins (particulièrement à l’Est) ;

iv) celle de la montée des clivages intercommunautaires et des discours de haine.

Malgré toutes ces limites, les autorités en place peuvent toujours décider d’aller coûte que coûte aux élections afin de respecter les délais constitutionnels et ce malgré l’impossibilité de plus en plus évidente de réaliser correctement l’ensemble des activités préparatoires aux scrutins d’ici la fin de 2023. Toutefois, ce scénario ne serait pas moins porteur de conflits. En fait, pousser pour des élections d’ici à 2023 pourrait obliger l’administration électorale à faire fi de leur qualité, probablement de leur inclusivité et donc de leur crédibilité.

À partir de l’ensemble de ces éléments et compte tenu des conditions très conflictuelles ayant présidé au démarrage du cycle électoral actuel, toutes les phases du processus apparaissent, à des degrés divers comme porteuses de risques.

À l’évidence, la meilleure prévention de ces risques réside aujourd’hui avant tout dans une organisation sans faille des prochains scrutins. Les étapes de la loi sur la CENI et de la loi électorale n’ayant permis ni de créer un consensus parmi les acteurs, ni de rétablir la confiance des électeurs, le rôle de la CENI et de son président va être essentiel pour le déroulement futur du processus et aussi pour la prévention des violences.

Les phases que nous retenons pour des raisons opérationnelles comme potentiellement les plus dangereuses sont celles de :

i) la définition/finalisation du cadre juridique ;

ii) l’enrôlement des électeurs et de la cartographie électorale ;

iii) l’annonce éventuelle d’un glissement du calendrier électoral ;

iv) l’inscription des candidats ;

v) du choix des modalités du vote par la CENI ;

vi) la campagne électorale ;

vii) des opérations de vote ;

viii) des opérations d’établissement des résultats et de l’annonce des résultats provisoires ;

ix) la gestion du contentieux et de la proclamation des résultats définitifs.

Il va de soi qu’elles devront faire l’objet d’une attention toute particulière de la part des autorités nationales mais également des partenaires internationaux de la RDC.

Premières pistes de recommandations

Afin de contribuer à la pacification du climat électoral, de réduire le risque d’avoir à faire face à des scrutins frauduleux et de prévenir toute situation de violence électorale, l’équipe d’experts formule les recommandations suivantes :

1. Encourager les institutions congolaises à organiser des élections inclusives, transparentes et apaisées afin d’en renforcer la crédibilité et d’éviter les violences.
1.1 Appuyer les organismes publics clés du processus électoral afin qu’ils soient crédibles, efficaces, transparents et inclusifs.

Il s’agit à ce niveau de veiller au renforcement :

§  des capacités institutionnelles et professionnelles de la CENI pour la planification et l’exécution des opérations électorales ;

§  des capacités de toutes les juridictions impliquées dans le contentieux électoral ;

§  des capacités du CSAC dans le domaine du monitoring des médias et de la gestion des temps de parole durant la campagne électorale.

En contribuant à ce que les élections soient bien organisées et crédibles, cette action doit permettre d’atténuer le risque de violences électorales.

1.2 Appuyer la prévention et la gestion des conflits électoraux avant, pendant et après les scrutins au travers de la mise en place d’un système de monitoring/d’alerte précoce ainsi que de réponse rapide.

Les autorités, en coordination avec différentes parties prenantes aux scrutins (CENI, observateurs électoraux et des droits humains, acteurs politiques) sont ainsi prévenues et informées sur les événements susceptibles d’être porteur de troubles et elles peuvent ensuite entreprendre des actions afin de les prévenir. Basé au niveau central à Kinshasa, ce mécanisme d’identification et d’alerte précoce des violences électorales devra se décliner au niveau de chaque province du pays ainsi que dans les territoires identifiés comme particulièrement conflictuels. Il mettra ainsi à contribution les OSC partenaires ainsi qu’un réseau, à créer, de lanceurs d’alertes et de vigilance citoyenne, le tout travaillant en étroite collaboration avec le BCNUDH de la MONUSCO. Il devrait être en mesure d’identifier les protagonistes potentiels de violence et d’attirer l’attention des autorités politiques ou sécuritaires.

 

2. Soutenir les institutions, les médias et la société civile dans leur rôle de sensibilisation civique et électorale, d’information ainsi que de prévention de la violence électorale.
3. Offrir un appui politique au processus électoral et un soutien aux activités qui renforcent sa crédibilité, tout en gardant, pour la communauté internationale, une attitude ferme à l’égard des droits humains et des principes démocratiques.
3.1. Offrir un appui politique et faciliter l’organisation du processus électoral tout en les conditionnant au respect strict des droits humains et des libertés publiques ainsi qu’au caractère crédible dudit processus.

Il s’agir pour la communauté internationale d’agir de manière ferme, préventive et unie. Cette dernière devrait se coordonner afin de fixer les lignes rouges que le processus électoral ne devrait pas franchir tant avant, que pendant et après les élections, notamment en ce qui concerne :

§  les libertés fondamentales dans tout le territoire national (liberté de manifester, liberté de presse et d’expression, liberté de mouvement) ;

§  l’inclusivité des listes électorales et la non-discrimination des candidats  et des communautés;

§  la transparence dans les opérations de vote et l’établissement des résultats, notamment la publication détaillée des résultats au moment de l’annonce des résultats provisoires puis définitifs.

Enfin, une stratégie claire de retrait de l’appui au processus électoral et/ou de sa validation par la communauté internationale devra être envisagée en cas de violation graves des droits humains ou encore de non-transparence des élections.

3.2. Favoriser et appuyer la mise en place d’un mécanisme de médiation entre les différentes parties prenantes au processus électoral dans le domaine des violences et des conflits électoraux.

Il s’agit ici identifier une institution crédible pour éventuellement porter ce mécanisme de médiation entre les différentes parties prenantes. Le Conseil économique et social apparaît, à ce stade, être un candidat potentiel pour porter cette action. Le bureau du CES serait alors l’organe opérationnel en charge dudit mécanisme. Porteur uniquement de la médiation sur la prévention de la violence électorale, il conviendra de s’assurer que le CES ne joue pas de rôle politique de nature à fragiliser le caractère neutre de l’institution au sein du processus électoral mais aussi de voir sur quelle administration au niveau des provinces et des territoires le CES pourra s’appuyer afin de mener au mieux cette éventuelle mission.

L’intégralité de l’étude commanditée par le PNUD : 

CARTOGRAPHIE DES RISQUES DE CONFLITS EN RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO AVANT, PENDANT ET APRÈS LES ÉLECTIONS DE 2023 RAPPORT FINAL Juin 2022 PNUD