Activiste des droits de l’homme depuis près de 30 ans, mariée – elle a été cofondatrice de l’Azadho (ndlr actuellement Asadho) -, Sylvie Elenge a des ambitions politiques pour bien mener sa lutte pour la parité homme-femme en République démocratique du Congo. Actuellement Chef de Travaux à l’Ifasic, et consultante dans plusieurs projets d’Ongd en RDC et à l’extérieur du pays, elle estime que sa participation dans la politique pourrait apporter un plus dans le combat que continuent à mener toutes les femmes. Non affiliée dans un parti politique, elle veut mener son combat pour l’émergence réelle de la femme en toute indépendance.
Candidate déclarée aux prochaines élections législatives provinciales, Sylvie Elenge refuse d’être embrigadée dans le carcan des partis politiques. « J’ai des ambitions politiques mais jusque là je ne suis affiliée à aucun parti politique parce que, j’estime que la configuration de la scène politique aujourd’hui, n’encourage pas la participation politique de la femme », dit-elle pour justifier son choix. Et d’expliquer : « La stabilité même des leaders politiques est sujette à caution. Aujourd’hui, ils sont dans l’opposition et demain au pouvoir. C’est une atmosphère qui ne crédibilise pas les partis politiques et ne permet pas non plus à la femme d’évoluer en toute assurance », dénonce cette femme de caractère qui veut bouleverser les choses.
Très jeune, elle a commencé son combat au sein de l’Azadho (Association zaïroise des droits de l’homme), la seule femme à l’époque et alors que la dictature mobutienne est très forte. C’est ce qui lui a donné le profil qu’elle a aujourd’hui.
Ambitions
Vu sa formation universitaire, son expertise et ses compétences, Sylvie Elenge dit être prête à assumer tous les postes qu’on lui proposera. « Je suis fatiguée d’entendre chaque fois les autres parler de nous. Quelques uns dirigent, prennent des décisions au nom de tout le monde et souvent ce sont des décisions que j’estime impopulaires. Pour avoir géré des fonds importants au niveau micro, je me dis qu’avec l’expérience que j’ai, si on me donne des responsabilités au niveau macro, je ne ferai que dupliquer mes compétences telles que je les ai acquises. Pour elle, le moment est propice pour se jeter dans l’arène. « Pourquoi aujourd’hui, ne pas prendre des responsabilités importantes ? Ce n’est pas pour dire que je suis la meilleure, mais parce que j’ai fait mes preuves ailleurs et aujourd’hui, je peux me mettre au service de la nation », rassure-t-elle.
Obstacles
Sylvie Elenge est tout de même consciente que la tâche est ardue et que des embuches peuvent se dresser sur son chemin. Outre l’environnement politique instable et non rassurant, elle appréhende d’autres difficultés à cause de son statut de femme. « Non seulement parce qu’on est femme et qu’on a peur de cette insécurité qui règne dans le monde politique, il faut y ajouter le cadre lui-même qui ne permet pas à la femme d’évoluer, de participer pleinement à la gestion de la chose publique », fait elle savoir. S’appuyant sur la Loi des lois qui est la Constitution, elle veut se montrer combative. « Nous avons la Constitution du pays qui nous garantit tout un espace. La loi sur la parité qui vient donner le cadre de mise en œuvre de l’article 14 de la Constitution qui stipule : «Les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits … Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation…». Il ne s’agit pas tout simplement d’avoir un cadre juridique, c’est déjà un pas, mais qu’en même temps, les hommes et les femmes comprenions dans quoi nous nous sommes engagés sur le plan juridique et légal, pour que nous franchissions le pas. Or, ce pas jusque là, n’est pas franchi », s’inquiète-t-elle. Et dénonce en outre que ces mêmes législateurs qui votent les lois, les violent également.
Pour conforter ses idées, elle aligne quelques exemples « Combien de femmes trouve-t-on au gouvernement actuellement ? Combien sont gouverneurs ou vice-gouverneurs, DG d’entreprise ? Les législateurs eux-mêmes biaisent la démarche. Le problème est que beaucoup de femmes veulent se mettre au service, mais l’espace n’est pas suffisamment ouvert », fustige-t-elle. « Il reste encore une lutte et une bataille que doivent mener les femmes pour que nous quittions la phase des textes pour celle de la mise en application de la réalité de ces textes pour nous ouvrir l’espace politique ».
Les listes électorales des partis politiques, un frein à la participation de la femme ? Sylvie Elenge a sa petite idée là-dessus. « Si vous jetez un coup d’œil sur les listes électorales des partis politiques, vous trouverez qu’il y a plus d’hommes que de femmes. Alors que la loi sur la parité recommande à ce qu’il y ait autant d’hommes que de femmes. Le problème est que le cadre ne rassure pas. Les femmes y vont, s’arrêtent et se découragent. Mais, il est vrai que d’autres y vont jusqu’au bout et méritent d’être encouragées », assure-t-elle. Elle regrette le fait qu’il y a des femmes qui sont aujourd’hui dans la politique non pas parce qu’elles sont elles mêmes actrices, mais parce qu’elles ont été sollicitées par des hommes pour faire partie du groupe. Et de souligner : « J’aimerais voir aujourd’hui des femmes qui ont des vrais partis politique qui sont réellement actifs, donc que la voix des femmes porte. Les femmes doivent se mettre en évidence et porter leur voix lorsqu’il s’agit de prendre des décisions ».
Sylvie Elenge déplore également que dans les groupes politiques les femmes veulent juste parapher des déclarations qui ont été écrites par les autres. C’est une contradiction avec la participation politique de la femme. « C’est ce qui fait qu’on rencontre des obstacles », dit-elle. Pour elle, les femmes doivent se lever et mener des actions équitables. Car, c’est un petit groupe qui amène le changement dans une société.
Lutte pour la parité
Le combat de Sylvie Elenge c’est de se mettre au service de la nation. Gérer une commune, une localité, un territoire… Elle ne vise pas Kinshasa. « Rentrer vers les gens qui ont besoin d’être soutenus, sera l’idéal pour moi ». C’est pourquoi, elle conseille aux autres femmes qui hésitent encore, de se mettre en tête que : « Nous avons un cadre politique et juridique qui nous donne l’espace. Il faut en profiter et revendiquer ces lois qui sont en notre faveur ». Elle lance un appel à toutes les femmes partout où elles se trouvent, de veiller à ce que l’article 14 de la Constitution soutenu par la loi sur la parité soit appliqué. « Si déjà, on commence dans son petit milieu de travail ou partout où on se trouve, à veiller à cet équilibre, on sera déjà avancé », pense-telle. La politique, selon elle, c’est agir dans sa communauté. « Nous disons aux femmes qu’il y a tellement de choses à faire. Il ne faut pas attendre de grands postes. Commencez par sensibiliser les jeunes contre les mouvements des violences par exemple. Et pourquoi ne pas chercher à avoir un fonds de femmes pour lutter contre l’insalubrité à Kinshasa… Tout cela, fait partie de la lutte que doivent mener les femmes », propose-t-elle.
Geneviève MULOBO, Correspondante Debout Congolaises, Kinshasa
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