Nul n’ignore qu’en République Démocratique du Congo (RDC), le harcèlement sexuel des filles à l’école est un phénomène courant. D’après une étude sur l’apprentissage participatif entre élèves concernant des jeunes filles de 11-19 ans et des parents, 51% des élèves du primaire et du secondaire ont déclaré avoir subi des attouchements inappropriés, des pressions, avoir été contraints de supporter des blagues à connotation sexuelle ou ont été tout simplement témoins de ces attitudes.
Bien que les données livrées par l’Union Congolaise des femmes des médias (UCOFEM), au cours d’un atelier sur l’Education, la formation et le genre prouvent que la RDC n’a pas encore atteint la parité fille-garçon à l’école, à savoir 46% de filles contre 54% de garçons à l’école primaire ; 36% de filles contre 64% de garçons au secondaire ; et 32% de filles contre 68% de garçons à l’université, au moins, près de la moitié des petites congolaises sont scolarisées mais beaucoup arrêtent l’école avant la fin du cycle primaire ou secondaire en raison de ce genre des violences.
Au cours de la cérémonie du lancement des 16 jours d’activisme contre les violences à l’égard des femmes à Kinshasa, notre équipe a tendu le micro à quelques élèves invités à cette cérémonie. Ils ont affirmé que le harcèlement sexuel est un frein pour la scolarisation de la jeune fille.
Interrogée à ce sujet, Bénédicte, élève en 5ème Littéraire au Lycée Kabambare raconte : «J’ai déjà entendu parler du harcèlement sexuel en milieu scolaire. C’est une pratique qui n’est pas bonne pour les filles car, ces dernières perdent 50% de leur chance de poursuivre des études et cela, durant toute leur vie ». Elle a cité l’exemple de l’une de ses copines qui étudie dans une école de la place. Selon Bénédicte, sa copine qui a requis l’anonymat, a totalisé 15 ans d’âge. Elève en 4ème Littéraire dans un complexe scolaire de la commune de Matete,elle a connu un cas de harcèlement sexuel avec comme auteur, le directeur de ce collège. Il a commencé avec des avances que la fille a refusées. « Cela a été le début de tous ses problèmes dans cet établissement scolaire. Des rendez-vous sur rendez-vous donnés, des messages par personnes interposées, des enveloppes contenant de l’argent, ne cessaient de lui parvenir et tout cela dans le seul but que mon amie succombe à ses avances. Après les travaux dirigés, le soir, il demandait à lui parler et ce jusque tard pour des raisons toujours futiles. Ne sachant pas comment réagir, elle demande conseil à ses amies de classe. Quand le directeur a suqu’elle en avait parlé à certaines amies de classe, il a commencé à les faire payer. Et la fille a finit par céder. Aujourd’hui, elle est mère d’un petit garçon et le directeur vaque librement à ses occupations, s’inquiète-t-elle.
Pour sa part, Mima, élève de la 5ème Littéraire au Lycée Kabambare estime que le harcèlement sexuel à l’école, met fin aux études des élèves victimes de cette pratique, surtout si elles finissent par céder à ces avances. « La fille pourra avoir honte de sortir avec ses amies et se sentira abandonnée et rejetée par la société. Cela peut l’affecter durant toute sa vie. C’est pourquoi, la meilleure façon de mettre fin à ce phénomène, est celle de dénoncer les auteurs dès le début. Sinon, en acceptant de nouer des relations intimes avec ce professeur, la fille peut se retrouver enceinte ou atteinte du virus de sida, ne connaissant pas l’état sérologique de son partenaire », a-t-elle fait savoir. Comme conseil, Mima demande aux élèves qui cèdent aux avances des professeurs, d’arrêter et de les dénoncer auprès de la hiérarchie pour se protéger et garantir leur avenir.
Prince, du collège Bosembo, abonde dans le même sens. Il met un accent sur le fait de dénoncer les auteurs de cette pratique et lance un appel aux jeunes filles, de ne pas céder aux chantages.
Tunga, Enseignant à l’E.P.5/Lemba Nord, estime que le harcèlement sexuel en milieu scolaire est l’un des facteurs conduisant à la déscolarisation des filles. Il a par ailleurs cité d’autres conséquences de cette forme de violence qui peuvent être le dégoût pour la matière enseignée par l’auteur du harcèlement, la baisse dans les performances scolaires, la crainte et la peur d’aller à l’école et finalement l’abandon pur et simple des études.
Engagé dans la lutte contre les violences sexuelles et basées sur le genre en RDC et dans la Région des Grands Lacs, le Comité National Femme et Développement (CONAFED) avec l’appui de la COCAFEM/GL, s’est lancé depuis des années dans une sensibilisation sur toute forme de violence faite à la femme et la jeune fille. Sa Secrétaire Permanente, Jeanne Nzuzi affirme que son organisation s’est battue contre le phénomène de violences faites aux femmes, y compris contre le harcèlement sexuel, notamment en milieu scolaire. «La femme est un être humain à part entière à prendre en compte dans le développement national. On ne peut pas l’exclure du processus de développement national. C’est pourquoi, nous nous battons contre les violences faites aux femmes incluant le harcèlement sexuel qui pousse les jeunes filles hors de l’école,» précise Rodin Muvuyu, Chargé des Programmes au Conafed.
Signalons que cela existe non seulement à Kinshasa, la capitale de la RDC, mais aussi en provinces, témoignent quelques élèves interrogés à ce sujet. Ces témoignages recueillis de quelques élèves de la place, indiquent que les auteurs de ce harcèlement sexuel sur les filles scolarisées sont majoritairement des enseignants. Les jeunes filles victimes du harcèlement sexuel en milieu scolaire souffrent d’en faire l’objet.
Mener sa vie à l’abri de violence
Selon Mme Phumzile Mlambo-Ngcuka, Sous-secrétaire générale des Nations Unies et Directrice exécutive d’ONU Femmes, tout le monde a le droit de mener sa vie à l’abri de la violence. Ce droit, a-t-elle dit, concerne toutes les personnes, sans distinction de sexe, d’âge, de race, de religion, d’appartenance ethnique ou de classe sociale, et indépendamment de leur niveau de revenus, leur orientation sexuelle, leur statut sérologique HIV, leur citoyenneté, leur lieu de résidence ou toute autre caractéristique identitaire.
« Le fléau de la violence à l’égard des femmes et des filles n’est pas une réalité inéluctable. Les solutions pour la prévenir dès le départ et enrayer la répétition des cycles de la violence sont nombreuses. En tant que membres de la société, nous pouvons soutenir l’adoption et la mise en œuvre de lois visant à protéger les filles et les femmes contre le mariage d’enfants, les mutilations génitales féminines, la violence conjugale, les agressions sexuelles et les actes de harcèlement. Nous pouvons faire pression pour que l’évaluation et le suivi adéquats de l’impact de telles lois soient effectués », a-t-elle insisté.
En outre, l’Onu-Femmes estime que la prestation de services essentiels aux victimes de violence doit être complète, multisectorielle, impartiale, de qualité et accessible à toutes et à tous, sans exception. Ces services sont la première ligne d’interventions pour les femmes et les filles dont la vie vient d’être brisée et doivent se focaliser principalement sur la dignité et la sécurité des victimes.
Par ailleurs, la campagne #metoo a clairement montré que tout le monde a un rôle à jouer dans l’amélioration de la société. « Nous devons dénoncer le harcèlement et la violence dans nos foyers, nos lieux de travail, nos institutions et nos cadres sociaux, ainsi que dans les médias. #metoo nous a également montré que personne n’est à l’abri de la violence. Toutes les institutions doivent avoir conscience des risques de violence qui existent au sein de leurs effectifs. Sachant cela, nous devons prendre des mesures pour prévenir la violence tout en nous préparant à y faire face de manière appropriée ».
Il sied de signaler que dans ce vaste effort de lutte contre la violence à l’égard des femmes et des filles, les hommes ont un rôle crucial à jouer pour instaurer le changement. La remise en cause du sexisme, de la domination masculine et du privilège masculin en tant que norme dans la société démarre par l’illustration d’exemples de masculinités positives. Les parents peuvent insuffler les principes de l’égalité, des droits et du respect dans l’éducation de leurs fils, et les hommes peuvent dénoncer leurs pairs qui adoptent des comportements inacceptables –dont on comprend à présent qu’ils ne sont que la partie visible de l’iceberg du harcèlement.
Elle a lancé un appel à tous les acteurs impliqués dans cette lutte, d’agir dès maintenant pour mettre fin à la violence contre les femmes et les filles, changer les institutions et travailler ensemble en vue d’éliminer la discrimination, de rétablir les droits humains et la dignité et de ne laisser personne pour compte.
Quid des lois ?
Pourtant, des lois existent et des sanctions sont prévues pour le harcèlement sexuel mais aucun auteur de ce délit n’a été jusqu’ici sanctionné car les victimes n’ont pas le courage de porter plainte ou quand elles le font, elles subissent des menaces et finissent par retirer leur plainte. Les autorités des écoles étant impliquées dans l’affaire. Les Ongs engagées dans ce phénomène sont appelées à multiplier des séances de sensibilisation pour permettre aux victimes à dénoncer cette pratique et porter plainte si possible.
Signalons que cette campagne de 16 jours d’activisme prend fin le 10 décembre prochain, en marge de la journée mondiale des droits de l’homme. La couleur orange a été choisi pour symboliser l’avènement d’un avenir plus brillant.
Génie Mulobo
Au Congo ou ailleurs … même combat ! En lien avec votre article sur le consentement et en écho avec « un fait divers » irlandais de 2018 (#thisisnotconsent). Plasticienne, des femmes indignées par l’acquittement d’un violeur, ont accepté de prêter un string, ce petit bout de tissu, symbole de culpabilité supposé, que je dessine épinglé ?
A découvrir la série en cours de réalisation : https://1011-art.blogspot.com/p/thisisnotconsent.html
Cette série a été présentée à des lycéens, quand l’art contemporain ouvre le débat…
La série continue ! je fais un appel aux femmes qui souhaiterais me prêter un string pour participer au projet.