Votre position de privilégié peut vous rendre aveugle ou insensible à certaines expériences, qui peuvent vous être tout simplement inconnues. La peur du viol qu’une femme connaît le soir, la nuit, seule dans une rue déserte, par exemple. Mais cet exemple pris parmi tant d’autres justifie de privilégier la parole des femmes au sujet de bien des expériences inconnues des hommes. Le mépris, le dédain, l’insulte que l’on peut ressentir, par exemple, face au harcèlement de rue quotidien, aucune explication même bienveillante ne peut l’atténuer.
Un reproche souvent fait aux hommes qui parlent de féminisme, y compris ceux qui se revendiquent féministes, est de confisquer la parole des femmes. Bien sûr, l’idée n’est pas que les hommes n’ont pas le droit de parler, mais que lorsque l’on parle d’une oppression, les personnes oppressées sont souvent les mieux placées pour en parler.
Les hommes ont tendance à parler davantage et à couper la parole aux femmes — encore une fois, c’est une conséquence de l’éducation différenciée : on apprend aux filles à « être sage, discrète » et aux garçons à « s’affirmer », ces préceptes influencent nos comportements d’adultes. Apprendre à laisser la parole aux femmes est donc important pour devenir un allié.
Le principal écueil à éviter est de tomber dans le « mansplaining », terme emprunté au féminisme américain qui désigne une forme de condescendance propre au patriarcat. Cette idée est très ancienne et elle n’a rien de nouveau. En revanche, le terme qui le désigne est relativement jeune : il s’agit de la contraction de « man », pour homme, et d’« explaining », expliquer. C’est l’idée que lui, le mansplainer, sait mieux que son interlocutrice . C’est le fait de dire « Moi je sais. Toi, moins, ou pas ». « Est-ce que ça veut dire que les hommes n’ont pas leur place dans les conversations féministes ? Non, mille fois non. Évidemment que les hommes peuvent être impliqués, peuvent combattre aux côtés des femmes pour l’égalité des sexes et sont les bienvenus dans les débats. Mais à partir du moment où un, ou plusieurs hommes remettent en cause la parole des femmes sur ce qu’elles ont vécu, ce qu’elles vivent, ce qu’elles pensent et ce qu’elles étudient, ce n’est plus d’une discussion qu’il s’agit : c’est de paternalisme. »
Sachant que le but des féministes est d’atteindre l’égalité entre les hommes et les femmes, le mansplaining est une des preuves multiples qu’il reste du boulot à faire : alors que de nombreux hommes ont bien compris que des femmes pouvaient être plus calées qu’eux sur certains sujets, d’autres ont encore du mal à saisir cette idée pourtant toute bête.
Il va de soi que quelle que soit notre identité sexuelle et celle de la personne à qui on s’adresse, la condescendance est quelque chose de profondément insupportable. Ce qui différencie le mansplaining de la simple condescendance, c’est la notion de privilège : c’est un homme, qui a des privilèges par rapport à la femme à qui il s’adresse, qui fait une leçon de vie, persuadé — consciemment ou pas — d’en savoir plus qu’elle sur un sujet qui la concerne et qu’elle maîtrise. Ce serait comme si une personne blanche expliquait ce qu’on ressent face au racisme à une personne noire, par exemple.
Adapté de http://www.madmoizelle.com/mansplaining-explications-169296
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