Il s’agit d’un événement qui arrive tous les mois, pendant plus de trente ans, à la moitié de la population. Et pourtant, cela reste encore d’un sujet tabou au sein de nos sociétés. Les femmes n’expriment la situation qu’à demi-mot et dissimulent leurs protections. Analyses croisées des règles et de leur perception par les hommes et les femmes.
Les règles, une honte ?
« Les Anglais débarquent », « j’ai mes ragnagnas » ou encore « je suis indisposée » (QUELQUES EXPRESSIONS EMPLOYEES EN RDC ?) : la multitude d’expressions employées par les femmes au sujet de leurs règles montre qu’il s’agit d’un sujet encore tabou dans notre société. Décryptage.
Une étude réalisée par la Coalition Internationale pour la Santé des Femmes montre que la quasi-totalité des femmes utilisent des euphémismes pour parler de leurs menstruations. Il existerait ainsi plus de 5.000 expressions pour évoquer cette période ou le sang des règles. Françoise Girard, présidente de la Coalition, explique au Washington Post : « En utilisant ces termes, on intériorise la honte, cela suppose que c’est quelque chose de mauvais, quelque chose dont on devrait avoir honte. La société vous dit que les règles sont quelque chose que les femmes devraient cacher ». Pourtant, rien de plus naturel que cette expérience millénaire, vécue par des millions de femmes chaque mois.
Les protections intimes : un train de retard ?
« Pourquoi en 2017 dans les pubs pour serviettes, le liquide est-il toujours bleu ? », se demande, entre autres questions, Camille Emmanuelle dans son ouvrage Sang tabou. Ne plus jamais rougir de nos règles. En effet, les fabricants de protections intimes, dans leurs publicités, contribuent à minimiser ou à imager la chose qui n’en devient que plus gênante pour les femmes.
D’après une étude menée par le groupe SCA(1) (qui possède notamment la marque Nana), 44 % des femmes françaises éprouvent toujours de la gêne lorsqu’elles ont leurs règles, et 43 % sont gênées lors de l’achat de produits d’hygiène féminine. Le groupe SCA souhaite pourtant « briser le tabou des règles », et « inciter les femmes à être elles-mêmes ».
Osons un peu de scepticisme vis-à-vis de ces beaux objectifs des grands groupes industriels. Pourquoi, en 2017, nous propose-t-on encore des solutions aussi archaïques, toxiques, productrices de déchets et peu confortables telles que les serviettes hygiéniques jetables ?Rappelons que les substances contenues dans celles-ci et dans les tampons peuvent être toxiques pour notre organisme, alors qu’elles côtoient le plus près de notre intimité. Il existe pourtant des solutions alternatives aux protections jetables encore peu démocratisées, comme la coupe menstruelle.
Peut-être est-ce une question profondément inégalitaire et que la recherche autour de l’amélioration du confort pendant les règles n’est pas une priorité des cabinets de recherche et développement, composés en majorité d’hommes. Pour Elise Thiébaut, journaliste et auteure de l’ouvrage Ceci est mon sang, « beaucoup de questions médicales sur le bien-être des femmes ne sont pas suffisamment traitées ». On peut ajouter en outre que jusqu’en décembre 2015, avant l’affaire de la « taxe tampon » les protections intimes étaient injustement surtaxées, non considérées comme des produits de première nécessité. Une inégalité de plus pour les femmes.
Sexe et règles : le poids du tabou
Un article paru dans le magazine Elle en janvier 2017 enquête sur ce « dernier tabou » qu’est le sexe pendant les règles. De nombreux couples font une croix sur les rapports sexuels pendant les règles, par habitude ou par gêne. Or l’article rappelle qu’il n’y a aucun risque ni contre-indication à avoir des rapports sexuels pendant ses règles. Au contraire, les femmes ressentant souvent une hausse de la libido pendant cette période.
Toutefois, les interdits liés à la religion ou aux coutumes restent forts et on s’est habitués à considérer cette période comme un moment sale. Quelques astuces permettent toutefois de ne pas salir les draps et d’avoir une sexualité tout à fait normale au moment de ses règles.
Il est important donc pour les femmes de ne pas cacher ni dramatiser ce moment pour éviter d’en faire un sujet tabou ou honteux. Apprenons à apprivoiser notre corps et nos cycles pour mieux les comprendre. Parlons-en en termes simples en société aux femmes et aux hommes, et à nos filles qui ne les verront pas avec terreur. Faisons comprendre aux hommes ce qui nous arrive tous les mois, et que ce n’est ni sale ni diabolique. Faisons de nos règles un sujet public !
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