Victime de viol, Marie a porté plainte. Elle a beaucoup hésité avant de franchir le pas, notamment à cause de tous les témoignages négatifs qu’elle a pu lire. Heureusement pour elle, son expérience s’est bien passée. Témoignage d’une victime de viol, en France, avec l’espoir que des victimes de viol en RDC puissent aussi communiquer de pareils témoignages positifs.
De nombreux témoignages m’ont appris qu’après le traumatisme d’une intrusion physique, les institutions supposées nous protéger nous accueillent trop souvent d’un œil suspicieux et méfiant. Personnellement, ces témoignages ont renforcé ma peur d’aller faire valoir mes droits, de faire appel à la justice. Quand j’ai pris ma décision, il m’est apparu important de m’attendre au pire, alors je me suis renseignée. Je me suis préparée à être harcelée de questions sexistes et sans rapport avec le préjudice.
Pour porter plainte, il faut d’abord oser y aller
Une amie qui travaille dans une association d’aide aux victimes m’a conseillée d’aller me présenter en début de matinée ou d’après-midi, dans un commissariat plutôt qu’une gendarmerie, en banlieue, et de prévoir un bon bouquin pour l’attente. Un des professionnels de santé qui me suit m’avait dit d’y aller un jour où tout allait bien, où mes idées étaient claires et d’adopter l’attitude que je voulais que les autres aient avec moi. Mais malgré tout le courage que j’ai rassemblé ce jour-là, les bons conseils et le soutien de mon amoureux, une fois garée devant le commissariat, ce sont ces histoires négatives qui ont fait monter la peur et les larmes. Je craignais les autorités qui devaient m’écouter, j’avais plus peur de me défendre que de l’auteur des violences qui m’ont été faites. C’est pourquoi j’ai voulu témoigner moi aussi. Car s’il faut se préparer au pire, il faut savoir que le mieux existe aussi.
Au commissariat, le face-à-face avec la police
Je me suis rendue dans un petit commissariat en banlieue d’une ville d’un peu moins de 60 000 habitants. Le genre de bâtiment dans lequel on vous fait patienter dans un sas pour qu’un des quelques policiers présents vous ouvre en sifflotant. Un commissariat dans lequel ma demande a été accueillie par un policier grisonnant et un « Ah oui, quand même » après un court silence. J’ai donc été accueillie en milieu de matinée pluvieuse par un homme en uniforme tranquille qui a tenu à ce que je sois reçue par sa collègue. Avant d’aller la chercher, il m’a expliqué : « C’est peut-être mieux pour vous. Oui, ça sera mieux, je préfère. » Les viols, dans cette banlieue aisée, ça n’a pas l’air d’être leur pain quotidien. Les policiers m’apprennent qu’il y a un service spécialisé — ou du moins mieux formé — à 2 rues de chez moi, mais comme j’avais fait 20 minutes de route pour les voir eux en particulier, ils se sont renseignés et ont accepté de prendre ma déposition. La femme officier m’a expliqué avant de commencer que ça allait certainement être dur, mais qu’elle aurait besoin du plus de détails possibles, même les plus désagréables. Je pensais que j’aurais une révélation quand je serais prête. Il n’y a pas de révélation : le jour où on se lance, c’est aussi un effort.
Une oreille attentive et patiente quand j’ai porté plainte
Et une fois assise en face de l’officière, je n’ai pas été capable d’épeler le nom de mon agresseur. J’avais son contact sous les yeux dans mon téléphone, mais les lettres dansaient et se mélangeaient. Je me suis excusée et la policière m’a simplement dit : « Ce n’est pas grave, vous allez y arriver, vous êtes déjà là ». Mon histoire, je la lui ai dictée. Parfois de manière très scolaire, parfois je me suis emportée, possédée par la soirée qui se déroulait à nouveau dans ma tête. Mon cœur ouvert, je lui ai décrit la première fois, la deuxième, et elle s’est étonnée qui je lui apprenne qu’il y avait une troisième fois. Elle m’a demandé, surprise : « Encore ? Mais il a recommencé ? » Oui, il a recommencé, et même elle n’a pas compris pourquoi. Je me suis sentie épaulée. Était-ce de l’empathie, de la solidarité féminine, du bon sens ? Elle a compris mon désarroi et ne m’a pas reproché mon impuissance. Elle ne m’a pas demandé comment j’étais habillée. Elle ne m’a pas demandé de me justifier quand je lui ai expliqué la manière dont j’ai géré les choses après, aussi surprenante et illogique soit elle, même pour moi aujourd’hui. À la fin de mon récit, en confiance, je lui ai fait part de mes doutes quant à ma présence ici. « C’est difficile de franchir le pas, mais vous y êtes arrivée. Ce sont des faits qu’il faut dénoncer, il y a matière. Vous avez eu du courage. Vous ne devez pas culpabiliser, ce n’est pas vous l’auteur des faits. » J’ai encore des doutes et des questions à l’intérieur de moi, mais grâce l’officière de police et au personnel du commissariat, cette étape n’a pas été une épreuve de plus.
Il me semblait important de partager avec vous mon histoire, dans l’espoir que ça aidera d’autres victimes à franchir le pas, en leur souhaitant d’être aussi bien reçues que moi.
Par
| |SOURCE : mademoiZelle
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