Mobilisons-nous contre cet espace durablement réduit de la femme dans la gouvernance post-électorale en RDC.
Sans pour autant verser dans un féminisme militant, il reste aisé d’établir un constat amer à partir de l’étude de la condition de la femme congolaise et de sa participation à la vie politique et à la reconstruction de son pays. Il est juste de féliciter sincèrement les 50 femmes qui se sont battues pour s’imposer aux législatives nationales et celles élues au niveau des provinces. Les femmes de la RDC ne peuvent qu’être fières d’elles et leur souhaiter pleins succès dans ce combat que les hommes et femmes ne mènent pas souvent à armes égales, en RDC.
Les résultats des élections présidentielles et législatives de cette fin d’année démontre, si besoin s’en faut, cette forte précarité de la situation de la femme congolaise et les inégalités criantes de genre notamment en matière de représentation politique et d’accès aux postes des décisions qui gangrènent le pays. Les résultats provisoires publiés par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI), sous réserve de leur confirmation par la Cour constitutionnelle, sont sans appel. La prochaine assemblée nationale comptera 50 femmes, soit seulement 10% de députés élus. Au niveau des assemblées provinciales, les femmes députés représenteront moins de 15%. Bref, dans les Assemblées provinciales et nationale, sous le nouveau mandat, il y aura 1 femme pour 9 hommes face aux décisions majeures impliquant l’avenir de toute la nation, et des femmes congolaises.
Ces chiffres (8 et 10) qui sont devenus une sorte de mauvais sort pour la femme congolaise.
Les femmes ont récemment représenté respectivement 10%, 12%, et 8% dans les gouvernements Tshibala, Badibanga, Matata et Muzito et ne seront décidemment pas mieux logées dans les institutions qui s’annoncent. A l’Assemblée nationale, les femmes ont occupé 8% des sièges en 2006 et en 2011 et aujourd’hui, ce taux est à 10%, soit une progression maigre de 2% sur plus d’une décennie. Vraisemblablement, la RDC ne réussit pas à dépasser durablement la part du dixième de sa gouvernance assurée par la femme. La participation quantitative de la femme tangue dans un environnement où les abus massifs de droits de celle-ci cherchent des porte-voix, des militantes et « leaders » femmes qui deviennent audibles dans la sphère politique. Les femmes n’ont presque pas été représentées à la tête des gouvernements provinciaux démontrant une facette de l’échec patent de la politique de genre dès le niveau local.
Quel que soit le niveau, une vérité est claire : des inégalités criantes de droits et de chances persistent entre les hommes et les femmes et font durablement perdre à la République l’utile contribution des femmes à la réalisation de ses objectifs de développement.
La RDC a pourtant ratifié plusieurs instruments juridiques internationaux, régionaux et sous régionaux relatifs aux droits humains et de la femme en particulier, notamment : (1) la Déclaration universelle des droits de l’homme, (2) le Protocole à la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples relatifs aux droits des femmes, (3) la Convention des Nations-Unies sur les Droits de l’Enfant, (4) la Convention sur l’élimination de toutes les discriminations à l’endroit de la femme, (5) le Protocole d’accord de la SADC sur le genre et le développement et (6) la Résolution 1325 des Nations-Unies. Ces instruments juridiques internationaux, régionaux et sous régionaux et les objectifs de développement durables (ODD) recommandent tous l’égalité de droits entre l’homme et la femme et appellent la RD Congo à prendre des mesures légales et administratives nécessaires à la jouissance de ces droits par la femme (extrait de la loi 15/013 ….). L’article 14 de la Constitution congolaise stipule, entre autres, que la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions. La loi n° 15/013 fixant les modalités d’application de l’article 14 de la constitution a été promulguée en 2015 par le Président de la République.
Le temps n’est-il pas venu d’évaluer nos engagements ?
Que dire de la domestication de ces outils et des efforts des uns et des autres pour une société réellement inclusive et « pro-femme » ?
Manifestement, la mise en œuvre des dispositifs concrets n’a pas été assurée par une gouvernance déjà largement tributaire de la volonté de l’homme, majoritaire dans toutes les instances décisionnelles. Des mesures affirmatives, innovantes et concrètes telles que la décision prise par la Commission Electorale Nationale Indépendante (CENI) d’accorder la chance aux candidats de certains partis politiques à travers le concept d’ »élus d’exception » pour ceux ne remplissant pas les critères de seuil exigé aurait dû être activées pour assurer une bonne participation de la femme et la fille congolaises aux sphères politiques à différents niveaux. Ce genre de mesures concrètes, incluant des « quotas de femmes » sur les listes de partis et autres plateformes politiques, en amont, devraient aider à améliorer la représentation de la femme en application des articles 4, 5, 6 et 36 de la loi n° 15/013. Telles mesures coulées en lois devraient accompagner la validation des listes électorales. Elles devraient être soutenues par des appuis en formation politique, leadership et réseautage mais aussi de campagnes de sensibilisation pour un « appui sociétal » à la participation de la femme.
On n’en est pas encore là ! Certains signes laissent comprendre que ce faible taux de femmes proclamées élues aux législatives (provinciales et nationales) du 30 décembre dernier est un non évènement pour beaucoup. En effet, on observe d’intenses agitations autour de la « vérité des urnes » et des majorités à dessiner. Il est choquant que personne ne fustige cette inégalité et injustice criantes et honteuses qui n’aura qu’assez durée et appeler à des mesures réparatrices affirmatives dans la composition des différents gouvernements, provinciaux et national, à venir. L’égalité des sexes n’est pas seulement un droit fondamental de la personne, elle est aussi un fondement nécessaire pour l’instauration d’un monde pacifique, prospère et durable.
Ces « mesures spéciales temporaires » indispensables peuvent bien s’inspirer de success stories issues d’autres pays africains ayant démontré que les diverses formules utilisables de quotas précises et contraignantes sont un des moyens les plus efficaces pour faire progresser la parité et la participation politique des femmes. Dans le classement mondial de 193 pays (en novembre 2018), des pays voisins comme le Rwanda, la Tanzanie et le Burundi occupent respectivement la 1ère, la 25ème et la 26ème place, alors que la RDC reste figée à la 167ème place.
Si le président élu porte à cœur la question de la femme et reconnait son apport précieux au développement de la RDC, une dernière carte reste encore à jouer : l’application de l’article 4 de la loi 15/013 qui prône une représentation équitable des hommes et femmes dans toutes les fonctions nominatives au sein des institutions nationales, provinciales et locales, en cela y compris les institutions d’appui à la démocratie, le conseil économique et social ainsi que les établissements publics et paraétatiques à tous les niveaux.
Et les compétences féminines existent…
Le Congo qui fait face à d’énormes difficultés et défis pour son développement a aujourd’hui besoin de mettre à profit toutes les compétences diversifiées de sa « matière grise », son capital humain.
En effet, il s’observe, depuis plusieurs années maintenant, une forte croissance du nombre des femmes et filles diplômées universitaires, de plus en plus de femmes professeurs d’Universités, des plus en plus de femmes engagées dans la vie sociale et communautaire, etc. Bref, les compétences féminines aux postes nominatifs ne manquent pas en RDC. Des promotions orientées « compétences féminines » en lieu et place des nominations basées exclusivement sur des critères subjectifs demeurent souhaitables afin que ces actions affirmatives ne deviennent contreproductives et dévalorisent davantage, au finish, la femme congolaise.
Ce chantier a besoin que des hommes de valeur se lèvent, à côté de la femme et de la fille de la RDC, afin que ces questions d’inégalités et injustices dans la gestion politique et économique de la RDC, de violences faites à la femme, cette quête continue de la parité fille-garçon à tous les niveaux de l’école, cette pauvreté dont le visage est resté celui de la femme paysanne et actrice de l’économie informelle urbaine, ce taux élevé de mortalité infanto-maternelle, ces difficultés « genrées » d’accès au marché de l’emploi, de crédit et autres ressources productives,…trouvent des voix portées par leurs « victimes » dans notre gouvernance. Ceci consoliderait la paix et la concorde et sera une des étapes précieuses vers un Congo « pro-femme » qui refuse des étiquettes négatives qui lui restent collées à la peau pendant les décennies, vers un endroit où il fait enfin beau vivre pour la femme !
Une opinion du Dr Germaine Furaha, professeur d’économie Rurale (UEA/Bukavu) et coordonnatrice de la Chaire Mukwege-UEA (1).
Je me suis permise de prendre une partie du texte de madame Furaha, pour enrichir mon mémoire au sujet des inégalités et injustices faites aux femmes congolaises.