Les élections directes de fin décembre, suivies des élections indirectes (des sénateurs, des gouverneurs, etc.) et des nominations (des gouvernements provinciaux) clôturent le dernier « cycle électoral », à l’exception regrettable des élections locales, par la nomination d’un gouvernement dans lequel les femmes n’occupent pas plus de 17% des postes ministériels.

En attendant la publication prochaine d’un « Etat des lieux de la parité dans les institutions politiques de la RDC », l’Observatoire de la parité ne pouvait rester silencieux face à ce score de 17% de femmes dans l’exécutif national. Est-ce une petite victoire ou une nouvelle défaite ?

 

Avant d’analyser ce score de 17%, il faut d’abord formuler une importante remarque. Les quelques femmes qui ont voulu et obtenu d’entrer dans ce gouvernement ont posé un acte très lourd de conséquences. En effet, pour de nombreux analystes politiques, nationaux et internationaux ainsi que pour des millions de congolais.es, ce gouvernement est issu d’un processus électoral marqué par la fraude et la corruption et d’un accord secret de partage du pouvoir qui ont fait fi de la vérité des urnes et du désir de changement radical exprimé par les électeurs-trices. Nombreux seront donc ceux qui reprocheront aux hommes et aux femmes entré.e.s dans ce gouvernement d’avoir emprunté la voie de la « collaboration » avec des institutions privées de légitimité démocratique, permettant ainsi la survie et la poursuite d’un régime politique de plus en plus souvent qualifié de « démocrature ». C’est donc faire preuve de réserve, d’esprit critique et citoyen que de ne pas leur adresser trop rapidement des éloges et des félicitations.

Venons-en maintenant à l’examen de ce score de 17%. S’il constitue un léger progrès par rapport aux scores atteints dans des gouvernements nationaux précédents, ce petit pas doit être relativisé en regard de plusieurs constats.

Tout d’abord, il a fallu gonfler la taille du gouvernement pour atteindre le record  de 65 ministres pour pouvoir satisfaire les appétits féroces des nombreux « ventriotes »et réussir à    caser dans cette équipe pléthorique une douzaine de femmes, tout cela en multipliant les catégories des diverses « excellences » : 5 vice-premiers ministres (dont 1 femme), 10 ministres d’Etat (dont 3 femmes), 31 ministres (dont 4 femmes), 3 ministres délégués (dont 1 femme) et 17 vice-ministres (dont 3 femmes).

Ensuite, certain.e.s se consolent de cette petite « quantité » de nominations féminines qui serait, à leurs yeux, compensée par la grande « qualité » des postes ministériels obtenus : le Plan, l’Economie, la Fonction publique et les Affaires étrangères. Maigre consolation quand on s’aperçoit que des postes essentiels comme la Justice, l’Intérieur, le Budget, les Finances, la Défense nationale, , les Mines, l’Agriculture, l’ESU, etc. continuent à être réservés aux hommes, comme si les femmes étaient incapables de les occuper.

Une femme est évidemment nommée « Ministre du Genre, Famille et Enfant ».  Aux attributions liées au « Genre » (la parité, l’égalité entre hommes et femmes, etc.) sont accolées les attributions « Famille » et « Enfant » que les normes socio-culturelles des sociétés patriarcales réservent traditionnellement à la femme (s’occuper de la famille, prendre soin des enfants, etc.) et qui sont donc à la racine profonde de l’absence de parité et de l’inégalité des chances entre les sexes. Quelle incompréhension de la problématique du Genre !

Enfin, on ne peut que constater le grand écart entre ce score de 17% et l’engagement et la promesse du Chef de L’État le 8 mars 2019, à l’occasion de la Journée internationale des droits de la femme : « Comme je me suis engagé dans ma campagne présidentielle, je vais contribuer efficacement à la concrétisation et à la mise en œuvre autant que possible de la parité homme-femme dans les institutions de notre pays ». Le « autant que possible » a fait apparaître cruellement les limites de l’efficacité et des « possibilités » dont dispose le président Tshisekedi en matière de parité.

Conclusion : le faible pourcentage de femmes dans le nouveau gouvernement, très éloigné du seuil de 50% et même de celui de 30%, se situe dans la lignée des pourcentages désastreux qui ont caractérisé les élections législatives nationales et provinciales, les élections des sénateurs et des gouverneurs de provinces, etc. comme le démontrera l’ « Etat des lieux de la parité dans les institutions politiques de la RDC », que.  l’Observatoire de la parité publiera très prochainement.

Ces avancées minuscules dans de rares institutions politiques comme les statu quo et aussi les régressions de la parité observées dans beaucoup d’autres, doivent interpeller les organisations féministes congolaises qui ne peuvent se satisfaire et se féliciter de ces « petits pas », de ces « petites victoires », etc. de ce « processus » dont la lenteur de tortue ne conduira à la parité en RDC qu’au 22ème siècle. L’heure est à l’autocritique, à l’évaluation sans complaisance des stratégies élaborées et mises en œuvre par la plupart des organisations et consortiums de défense des droits des femmes depuis plus de quinze ans et qui n’ont produit que d’aussi maigres résultats.  L’Observatoire de la parité s’est engagé dans cette réflexion et entend bien apporter sa contribution et ses propositions à cet indispensable débat au sein du mouvement féministe congolais.

Espérance MAWANZO, Directrice de l’Observatoire de la parité

espe.mawanzo@gmail.com  /  +243(0)999941197

 

Ensemble nous sommes plus fort.e.s !

Partagez largement cet article avec vos ami.e.s, vos contacts, etc. en cliquant MAINTENANT sur les boutons Facebook, Whatsapp, etc. ci-dessous :