L’Afrique n’est plus invisible sur la carte mondiale de la mobilisation pour le climat. L’appel à participer à la grève mondiale, ce vendredi 20 septembre, a été relayé dans vingt-cinq pays du continent. Des marches y sont également prévues, le lendemain, en écho à la manifestation organisée à New York en marge du sommet convoqué par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Gutteres, du 21 au 23 septembre pour demander aux pays d’accroître leurs efforts contre le changement climatique.
« Les jeunes seront devant car c’est de leurs vies qu’il s’agit. Ils prennent conscience que la crise climatique va bloquer leur avenir si les gouvernements n’agissent pas comme ils le devraient », expose Landry Ninteretse, coordinateur du mouvement 350.org pour l’Afrique. « 182 événements sont prévus à travers le continent. C’est trois fois plus que lors de notre dernière mobilisation du 25 mai à l’occasion de la journée de l’Afrique. Cela donne de l’espoir ».
350.org est une campagne mondiale contre la poursuite de l’exploitation des énergies fossiles. Le mouvement parti des Etats-Unis, il a dix ans, se diffuse progressivement sur tous les continents. Trois bureaux ouverts à Cotonou, Johannesburg et Nairobi assurent le relais en Afrique. Son nom fait référence au seuil de 350 parties par million (ppm) de concentration de CO2 dans l’atmosphère défini comme dangereux par plusieurs scientifiques. La concentration actuelle dépasse 400 ppm.
De « grands projets inutiles »
La pauvreté et le manque d’accès à l’électricité qui touchent encore plus de la moitié de la population ne peuvent justifier que l’Afrique construise ses capacités énergétiques sur les ressources les plus polluantes en particulier le charbon. « L’Afrique dispose d’un potentiel d’énergies renouvelables tout à fait suffisant pour satisfaire ses besoins. Nous ne voulons pas être le dernier eldorado des multinationales du pétrole et du charbon qui par leurs projets portent atteinte à notre santé, au climat et à la biodiversité. Nos gouvernements doivent entendre ce message », poursuit le militant écologiste.
Comme en Europe ou aux Etats-Unis, quelques « grands projets inutiles » menés contre la volonté des populations locales symbolisent désormais ce combat. Ils s’appellent Bargny au Sénégal, Lamu au Kenya, San Pedro en Côte d’Ivoire, Virunga en République démocratique du Congo ou Kasese en Ouganda. « Il faut fermer la centrale à charbon de Bargny construite au milieu de villages de pêcheurs qui n’ont que la mer pour gagner leur pain. Le discours qui consiste à dire que nous pouvons polluer parce que nous sommes pauvres et pas responsables du réchauffement climatique n’est plus acceptable. Le Sénégal a signé l’accord de Paris qui donne à chaque pays sa part de responsabilité même si elle est différenciée », rappelle Mamadou Barry, directeur de l’ONG locale Action solidaire international et membre de 350.org.
De grandes voix du continent appellent aussi les dirigeants à abandonner cette attitude qui consiste à dépeindre l’Afrique comme la grande victime du dérèglement climatique tout en menant des politiques qui ne peuvent qu’alimenter la catastrophe. Dans une tribune publiée le 12 septembre par le magazine américain Time, Graça Machel, l’ancienne ministre de l’éducation du Mozambique, exhorte les responsables africains « à être plus volontaires dans le développement des énergies renouvelables. A refuser d’être les récipiendaires passifs d’une aide extérieure assortie de conditions ».
« Une question de survie »
« Les leaders politiques doivent écouter la société civile et les militants de la cause climatique », poursuit-elle, en dénonçant également « la responsabilité des multinationales de l’énergie, des bailleurs et des investisseurs qui font pression pour continuer à financer des projets fossiles en Afrique ». Au cours des cinq dernières années, plus du tiers des nouvelles découvertes de gisements de gaz et de pétrole ont eu lieu en Afrique subsaharienne, selon l’Agence internationale de l’énergie.
Le cyclone Idai qui a balayé le Mozambique au début de l’année, faisant plus de 600 victimes, rayant quasiment de la carte Beira, l’une des principales villes du pays, a une nouvelle fois montré la violence des catastrophes naturelles dans les pays dépourvus de moyens pour s’y préparer et en réparer les dégâts. « Les conséquences du dérèglement climatique sont une question de survie pour des millions d’Africains. Nous sommes la région du monde la plus vulnérable. Qui mieux que nous pouvons plaider pour la justice climatique ? », s’interroge Landry Ninteretse, en rappelant le sort des populations en majorité rurales, dont les revenus de subsistance sont déjà affectés par l’élévation des températures et l’instabilité des régimes pluviométriques.
Sur le point de rejoindre New York, le Mauritanien Ibrahim Thiaw, secrétaire exécutif de la Convention des Nations unies contre la désertification, ne peut que lui donner raison : « Les jeunes Africains devraient être les premiers à s’inquiéter et à se mobiliser pour le climat. Ils sont la nouvelle génération qui va souffrir de ces quantités excessives de gaz à effet de serre que nous avons laissé s’échapper dans l’atmosphère. Nulle part dans le monde autant d’hommes dépendent autant d’une fine couche de terre et de la pluie pour les nourrir. »
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