« Le féminicide est le meurtre le plus prévisible » titre le quotidien belge Le Soir  qui explique ,dans un article qui intéressera certainement de nombreuses congolaises, la mécanique de ces meurtres et les conséquences parfois néfastes d’interventions non coordonnées. Le pôle de ressources spécialisées en violences conjugales et intrafamiliales (de la Ville et de la province de Liège) tire un constat préoccupant : l’expertise et les moyens ont beau se développer, le nombre annuel de féminicides stagne. De là est né le DIVIco, une cellule dont la mission est d’évaluer le risque létal et de coordonner l’action des différents services dans le cadre de violences critiques dans le couple : féminicide, suicide, meurtre ou enlèvement d’enfant.

Une approche qui témoigne aussi d’une double prise de conscience : d’abord le fait que les mesures, si bien intentionnées soient-elles, peuvent accentuer le risque si mal coordonnées, ensuite que « la sécurité des victimes passe aussi par la sécurité des auteurs », explique Joëlle Tetart, coordinatrice du dispositif pour la division de Liège.

Comment évaluez-vous le risque d’un passage à l’acte ?

On s’intéresse aux formes de violences – notamment les faits auxquels la justice a eu accès – et à toute la dynamique autour de la relation, sur base des informations que les services médico et psychosociaux peuvent nous partager. Le dénominateur commun de tous les féminicides, c’est un contexte de séparation. On essaie de comprendre ce qui, dans le calendrier du couple, peut être un élément déclencheur. En fait, le féminicide est le meurtre le plus prévisible.

Comment cela ?

Ce sont toujours les mêmes étapes qui précèdent le passage à l’acte. Dans le cadre de notre travail, on s’intéresse beaucoup au début de la relation, à la lune de miel qui a donné du sens à ce couple au début. Les auteurs mobilisent systématiquement ce mythe fondateur qui « romantise » leur geste : poignarder avec des couteaux achetés en vacances ensemble, par exemple. On essaie de comprendre ce qui pourrait être mobilisé dans la phase du risque. Un aspect des situations de violences conjugales, c’est que ce sont des histoires qui vont très très vite : le couple va se marier rapidement, avoir un enfant, emménager ensemble. La stratégie de « love bombing » vise à ce qu’il y ait un maximum d’engagement de la victime, parce qu’alors la capacité de contrôle sera plus forte. S’il y a des enfants, c’est un attachement à vie, dans la mesure où les gardes exclusives sont très rares.

Comment les violences arrivent-elles ?

Rapidement, les stratégies de contrôle se mettent en place : violences verbales, physiques, privations… Dans un premier temps, il y a généralement une réponse de victimisation en accord avec ce que demande l’auteur : la victime peut se subordonner, être dans le déni, négocier certaines choses, aller s’abriter de temps en temps chez des proches pour faire une pause. La violence n’est pas contrée, donc, le système fonctionne.

Il y a des positionnements de la victime pour se protéger et protéger les enfants – du risque létal –, jusqu’à ce qu’un élément déclencheur intervienne qui vienne menacer le système de contrôle. Soit parce que des tiers entrent dans le vase clos de la relation, avec une grossesse – qui implique un suivi médical, un rapprochement de la famille – ou une maladie, soit pour des causes de stress classiques : une dette, un déménagement, une période de chômage… On dit par exemple souvent qu’un auteur est devenu violent lorsque sa compagne était enceinte. Il y avait probablement déjà un système de contrôle insidieux, mais les violences sont exacerbées et deviennent physiques. Mais l’élément commun à tous les passages à l’acte, c’est la séparation. C’est un point de bascule où la volonté de contrôle peut muer en volonté de détruire. On va avoir une intensification des violences avec une phase d’escalade où l’auteur alterne entre séduire et faire peur, dans l’objectif de faire revenir la personne : harcèlement téléphonique, passage dans la rue devant le domicile, menaces de mort, strangulation… C’est souvent là qu’on est contactés.

 Le passage en prison accentue-t-il le risque ?

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