Des milliers de Mexicaines ont répondu, mercredi 8 mars, à l’appel à la grève internationale des femmes. Les manifestantes ont défilé dans les rues de Mexico, et dans une vingtaine d’autres villes du pays, pour dénoncer une inquiétante vague de meurtres sexistes.
« Pas une de plus ! », ont scandé dans la capitale les manifestantes qui brandissaient des drapeaux mauves (la couleur du féminisme) à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. « Nous avons toutes peur d’être tuées un jour », peste Linda Lozada, webmaster de 42 ans, qui arbore de faux hématomes sur le visage. Chaque jour, six femmes sont assassinées en moyenne au Mexique, selon l’Institut mexicain des statistiques (Inegi). Ces crimes de genre, qui ont augmenté de 85 % en quinze ans, sont si répandus que la population les a baptisés « féminicides ».
Juste à côté, Inès Vazquez, 48 ans, directrice commerciale dans une agence publicitaire, explique que « l’hécatombe s’ajoute aux disparitions de jeunes femmes ». Quelque 6 725 adolescentes ont ainsi disparu entre 2006 et 2014, selon le réseau pour les droits de l’enfance au Mexique (Redim). Comme beaucoup d’autres manifestantes, Mme Vazquez a quitté son travail en début d’après midi pour rejoindre la mobilisation, lancée sur les réseaux sociaux avec le mot-clé #NosotrasParamos (Nous faisons grève).
« Si nos vies et nos corps n’ont pas de valeur, produisez sans nous »
Un peu plus loin, Lucrecia, 21 ans, manifeste seins nus, une écharpe enroulée autour de la tête. « Je masque mon visage pour des raisons de sécurité », confie cette étudiante en sociologie qui a été plusieurs fois victime d’attouchements dans le métro de Mexico. Comme elle, les deux tiers des Mexicaines de plus de 15 ans ont subi une agression à caractère sexuel, selon la Commission d’attention aux victimes (CEAV). La plupart ne portent pas plainte dans un pays, où seuls 2 % des délits sont jugés.
« Même des policiers violent des délinquantes présumées en toute impunité », dénonce Tania Reneaum, directrice d’Amnesty International au Mexique. Le gouvernement a pourtant lancé des alertes régionales contre les violences de genre dans les sept régions les plus exposées au fléau, obligeant les autorités locales à instaurer des politiques publiques dédiées. « Mais les actions ne sont pas appliquées et la justice classe sans suite la plupart des affaires », regrette Mme Reneaum, qui défile aux côtés de nombreux hommes.
A Mexico, le 8 mars. ALFREDO ESTRELLA / AFP
« Nous sommes tous concernés par les drames provoqués par une société qui ne respecte pas ses citoyennes », explique Sergio Rosas, commerçant de 53 ans. Sa voix est vite étouffée par celles d’autres manifestants qui crient : « Si les papas étaient des femmes, l’avortement serait légal. » Dépénalisée depuis 2007 à Mexico, l’interruption volontaire de grossesse reste interdite dans le reste du Mexique. Pis, les femmes qui avortent risquent des peines de prison dans 17 des 32 Etats du pays, où 80 % de la population est catholique.
« Si nos vies et nos corps n’ont pas de valeur, produisez sans nous », revendique l’affiche portée par Josefina Chavez, 63 ans. Cette directrice de la revue féministe, Cuadernos feminista, dénonce « les inégalités salariales qui atteignent 27 % entre les hommes et les femmes, alors que nous nous chargeons aussi des tâches ménagères ».
Quelques heures plus tôt, le président Enrique Peña Nieto a appelé la société « à combattre le machisme et les violences contre les femmes ». Parmi les manifestants, Layla Sanchez, 47 ans, professeur de communication à l’Université autonome du Mexique, reste sceptique : « C’est une récupération politique avant des élections locales, en juin, et le scrutin présidentiel, en 2018. J’espère que la mobilisation unira les femmes qui pourraient sanctionner ensemble, dans les urnes, les responsables politiques machistes. » Au Mexique, 52 % des électeurs sont des électrices.
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