« Tu veux que je te paie ton argent, viens à l’hôtel » ou encore « Tu viens à l’hôtel et tes marchandises seront dédouanées gratuitement. »
Ces paroles sont monnaie courante pour les femmes qui exercent le commerce à Kasumbalesa, poste frontalier entre la Zambie et le Haut Katanga.
Selon une enquête menée par Action contre l’Impunité pour des Droits Humains (ACIDH) et le programme « ESSOR : Pour un environnement propice à l’investissement en RDC », le harcèlement sexuel figure parmi les difficultés que les femmes commerçantes rencontrent auprès de certains agents qui exercent au poste frontalier de Kasumbalesa , une commune située à 90 km de la ville de Lubumbashi. Cette étude démontre que, bien qu’en nombre réduit, 2 femmes sur 10 interrogées ont reconnus avoir été victimes du harcèlement sexuel.
Maitre Vianney Kanku, avocate au Barreau de Lubumbashi et enquêtrice d’ACIDH , explique : « Quand les femmes vont acheter, il y a plusieurs taxes à payer pour dédouaner. Certains agents leur font des avances pour dédouaner leur marchandises à moindre frais ou gratuitement .
Il faut dire que le harcèlement n’est pas l’apanage des seules femmes qui font le commerce transfrontalier. Les commerçantes basées à Kasumbalesa dénoncent aussi un autre phénomène.
Celles qui donnent des marchandises a crédit sont souvent victimes du harcèlement sexuel. Marie Akwabela est l’une d’entre elle. « J’ai vécu cette situation . Les cas où les hommes vous disent « Vous me plaisez » sont très courants. Et j’ai même vécu un cas ou un homme m’a dit un jour, « Si tu veux que je te paie, rejoins moi à l’hôtel. »
Pour madame Kabanga Kabemba Virginie présidente de la fondation « Maman Kibawa », basée à Kasumbalesa , une fondation qui regroupe en son sein les femmes, le harcèlement est une monnaie courante .
« Des fois nous vivons ça, certaines femmes et même moi aussi avons vécus cela. Ce sont des cas que nous vivons souvent. » dit-elle. Et d’ajouter, « qu’une femme lui a expliqué qu’à Kasumbalesa, « pour progresser, il faut accepter les avances que certains ’ chefs ‘ vous font». Ceci pour dire que certaines femmes succombent et très peu d’entre elles résistent à la tentation du harcèlement sexuel.
Il faut croire qu’à Kasumbalesa la loi n’a aucun effet. Et pourtant l’Article 174 d du Code pénal dit à propos du harcèlement sexuel :
« Quiconque aura adopté un comportement persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes soit en lui donnant des ordres ou en proférant des menaces, ou en imposant des contraintes, soit en exerçant des pressions graves, soit en abusant de l’autorité que lui confère ses fonctions en vue d’obtenir de lui des faveurs de nature sexuelle, sera puni de servitude pénale de un à douze ans et d’une amende de cinquante mille à cent mille Francs congolais constants ou d’une de ces peines seulement.
Les poursuites seront subordonnées à la plainte de la victime »
La grande difficulté est que cette infraction est difficile à prouver. Bien qu’en droit pénal, la preuve est libre, le harcèlement sexuel reste l’une des infractions difficile à prouver. Les femmes exerçant un commerce a Kasumbalesa le ressente ainsi et ont difficile à aller aux instances judiciaires. La seule arme qui leur reste c’est résister ou se résigner à le subir.
Cette cité mérite une attention particulière, une sensibilisation à grande échelle doit être menée auprès des services exerçant aux frontières mais aussi auprès des hommes en général. Car le harcèlement est une infraction mais aussi elle est un frein à l’épanouissement de la femme et à son autonomisation.
Godelive Nyemba, Correspondante de « Debout Congolaises » à Lubumbashi.
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