La charge mentale peut mener à des ruptures. Emma, auteure de la BD qui a fait connaître le concept au plus grand nombre, est bien placée pour en parler ! La charge mentale, ce n’est pas tant le fait d’accomplir les tâches ménagères que le fait d’y penser, de les avoir toujours en tête. D’avoir la charge de l’organisation du foyer, de sa bonne tenue… Et cette charge, c’est principalement les femmes qui la portent. J’en ai discuté avec Emma, qui a fait connaître la charge mentale via sa BD Fallait demander !
En parlant de charge mentale, Emma a lancé un pavé dans la mare. De nombreuses femmes, y compris parmi les madmoiZelles, ont mis le doigt sur un problème qu’elles ne parvenaient pas à formuler. Diviser les tâches au mieux, c’est bien. Mais quand dans un couple formé par deux adultes, c’est toujours la même qui doit dire « Tu penses à la vaisselle ? » ou faire la liste de courses, alors que l’autre en est tout à fait capable…
Les inégalités sont présentes, et peuvent empoisonner la relation. Car avoir l’impression d’être la bonniche ou la mère, c’est pas HYPER épanouissant, sans surprise !
La charge mentale mène à des ruptures
J’ai contacté Emma suite à ce tweet savoureux :
L’auteure m’explique :
« Des hommes quittés, j’ai dû en avoir peut-être une vingtaine… et au moins une fois par semaine, je reçois un « pavé » d’homme se plaignant que ma BD met son couple en danger. »
Ah ben oui, ça doit faire bizarre que la réflexion autour de la charge mentale se déclenche, et que les habitudes (souvent confortables côté masculin) changent. De là à qualifier Emma de briseuse de couples… eh bien, si elle brise des couples dans lesquels les femmes sont injustement traitées, c’est peut-être pas si grave !
« J’ai eu des femmes « quitteuses » ! Beaucoup sont venues me voir en dédicace. Ma BD n’a pas totalement changé leur vie, mais ça a été une pierre de plus dans une réflexion déjà bien entamée. »
Ce n’est pas à Emma de sauver votre couple
Comment Emma répond-elle à ces hommes qui lui reprochent la fin imminente de leur couple ? Eh bien c’est très simple…
« Certains veulent me rencontrer pour comprendre ce qu’ils ont fait de mal, reconquérir leur partenaire, voire me rencontrer avec elle et les conseiller.
Je réponds que ce n’est pas dans mes compétences (ce qui est tout à fait exact). Ce n’est pas mon travail ! »
L’ironie de la chose, c’est que ces hommes qui ont du mal à partager la charge mentale font à nouveau peser sur Emma la charge… émotionnelle. Celle de gérer à leur place leur couple et les attentes de leur conjointe.
« Encore une fois, on attend de moi que je fournisse un travail émotionnel, et gratuitement. Que je puisse ne pas avoir le temps ou l’envie n’est même pas envisagé.
Je pense que le but de ces messages ce n’est pas tant de me faire réfléchir que de soulager leurs auteurs, un peu comme quand on va chez le psy (sauf que je ne suis pas payée). »
Et les hommes qui changent ?
Je me suis dit qu’Emma devait, j’espère, recevoir aussi des témoignages d’hommes qui ont vécu avec sa BD une prise de conscience, et adapté leur comportement.
Elle me le confirme… avec une nuance cependant :
« De très nombreux hommes m’écrivent pour me dire qu’ils ne sont pas comme ça, qu’ils passent l’aspirateur, me demandent de faire une BD sur eux…
Tu notes que là encore ce serait à moi de les aider à se sentir mieux ! Pour moi, ça ce n’est pas de la remise en question.
Cependant, admettre qu’on reproduit des biais sexistes, redresser le tir, et en informer des féministes pour les remercier, les encourager, c’est une belle preuve d’humilité et de bonne volonté. »
Exiger une médaille parce qu’on fait un truc normal (s’occuper de son foyer à part égale avec sa compagne), c’est en effet un peu fort de café.
Mais je suis contente de voir que des initiatives pédagogiques font avancer le féminisme et donnent des résultats dans la vraie vie !
L’importance des « petits gestes » féministes, à nuancer selon Emma
J’ai voulu savoir ce qu’Emma envisageait comme moyens concrets de réduire les inégalités en matière de charge mentale. Elle me répond avec franchise :
« C’est la réponse qui déçoit tout le monde : moi je ne crois pas à l’efficacité des « petits gestes », même cumulés.
Je pense que le changement le plus immédiat et efficace serait d’allonger la durée du congé paternité, mais il faut aussi qu’on se questionne sur le genre, et sur la façon dont on projette si jeunes nos enfants dans des rôles très limités.
Mon travail peut permettre des prises de conscience, mais j’aimerais qu’elles ne se limitent pas aux foyers, qu’elles se matérialisent en actions collectives visant à changer les structures dans lesquelles nous évoluons. »
Emma n’a pas peur de le dire : elle est révolutionnaire. Sensibiliser, à ses yeux, ce n’est pas suffisant.
Emma, une auteure à suivre longtemps
J’ai profité de cet échange pour faire un petit point avec Emma sur sa vie, sa carrière et ses projets.
Comme je m’en doutais, le succès de sa BD sur la charge mentale a changé bien des choses !
« J’ai quitté mon job salarié pour me consacrer à la lutte féministe révolutionnaire, du coup j’ai le temps de lire plein de bouquins, de donner des conférences et de mieux travailler mes BD. »
Mais la notoriété n’a pas que des bons côtés, comme Emma l’a appris :
« Je me suis retrouvée avec tellement de personnes qui attendent beaucoup de moi. Même à temps plein, c’est dur de tout gérer.
Sur Facebook, je lis tous les commentaires, je réponds autant que je peux… mais ça a tendance à se retourner contre moi.
Certaines lectrices, séduites par la BD sur la charge mentale, tentent en revanche de me décourager d’être révolutionnaire à grand renfort de chantage affectif :
« Tu me déçois, je préfère quand tu traites d’« histoires de femmes » (sic)… »
Je pense que je vais faire quelques BD pour éclaircir tout ça, expliquer que les histoires de femmes SONT de la politique (arrêtons de nous auto-dénigrer) et aussi pourquoi je suis révolutionnaire. »
Les projets d’Emma à venir
Emma vient de sortir La charge émotionnelle, le 3ème volet de sa série, et travaille déjà sur un 4ème.
Emma n’a pas fini de te faire réfléchir sur ta vie, tes choix, les inégalités et le respect que tu es en droit d’exiger, alors suis-la sur Facebook pour ne rien rater !
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