« L’effacement des frontières entre le vrai et le faux, le déni très organisé des faits scientifiques, l’amplification de la désinformation et des conspirations – tout cela n’est pas né sur les réseaux sociaux. Mais, en l’absence de régulation, ils y prospèrent bien mieux que la vérité », a prévenu Audrey Azoulay dans son discours d’ouverture.
« Ce n’est qu’en prenant la pleine mesure de cette révolution technologique que nous pourrons faire en sorte qu’elle ne sacrifie pas les droits de l’homme, la liberté d’expression et la démocratie. Pour que l’information reste un bien commun, nous devons réfléchir et agir maintenant, ensemble », a-t-elle insisté.
La conférence constitue un temps fort dans le cadre d’un dialogue mondial lancé par l’UNESCO en vue d’élaborer les premières lignes directrices mondiales pour la réglementation des médias sociaux afin d’améliorer la fiabilité de l’information et de promouvoir les droits de l’homme en ligne. L’agence onusienne a impliqué toutes les parties prenantes : gouvernements, régulateurs indépendants, entreprises numériques, universités et société civile. Les lignes directrices seront lancées par l’UNESCO en septembre 2023.
« Sans faits, il n’y a pas de vérité »
« Les mensonges se propagent plus rapidement que les faits. Pour une raison quelconque, les faits sont vraiment ennuyeux. Les mensonges – surtout lorsqu’ils sont empreints de peur, de colère, de haine, de tribalisme – ‘nous contre eux’, se répandent. Ils mettent le feu aux poudres », a déclaré la journaliste Maria Ressa, lauréate du prix Nobel de la paix.
Elle a souligné que si nous continuons à tolérer les algorithmes des médias sociaux qui récompensent les mensonges, les générations futures hériteront d’un monde dans lequel la vérité a été dangereusement dévaluée. « Sans faits, vous ne pouvez pas avoir de vérité, sans vérité, vous ne pouvez pas avoir de confiance, et nous n’avons pas de réalité partagée », a-t-elle dit.
Dans son message à la Conférence, le Président du Brésil, Luiz Inácio Lula da Silva a rappelé les violentes attaques contre les institutions démocratiques au Brésil le 8 janvier dernier. « Ce qui s’est passé ce jour-là était le point culminant d’une campagne, initiée bien plus tôt, et qui a utilisé le mensonge et la désinformation comme munitions », a-t-il déclaré.
« Dans une large mesure, cette campagne a été nourrie, organisée et diffusée par le biais de plateformes numériques et d’applications de messagerie. Il s’agit de la même méthode utilisée pour générer des actes de violence ailleurs dans le monde. Cela doit cesser », a-t-il insisté.
Une réglementation coordonnée et ancrée dans les droits de l’homme
La cheffe de l’UNESCO a souligné la prolifération des initiatives réglementaires – au moins 55 pays y travaillent. Mais elle a plaidé pour une approche cohérente et globale, fondée sur les droits de l’homme. « Si ces initiatives réglementaires sont développées de manière isolée, chaque pays travaillant dans son coin, elles sont vouées à l’échec. La perturbation de l’information est par définition un problème mondial, nos réflexions doivent donc se dérouler à l’échelle mondiale », a-t-elle déclaré.
« Les discussions, comme celles que nous avons actuellement à Paris, sont très importantes », a expliqué la Première ministre islandaise Katrín Jakobsdóttir. « Il est important de définir un ensemble commun de lignes directrices sur la manière de réglementer cet espace numérique. La technologie ne peut pas être utilisée à mauvais escient pour supprimer des personnes, pour surveiller ou harceler, ou pour fermer l’Internet ».
Le Youtubeur, Felipe Neto, l’un des créateurs de contenu ayant le plus grand nombre d’abonnés au monde, a partagé son expérience face aux contenus extrémistes poussés par les algorithmes. « Bien sûr, nous ne voulons pas fermer les plateformes – nous ne voulons pas les combattre. Il s’agit de rendre des comptes, de mettre fin à l’impunité, de les amener à la table des négociations et de leur dire »vous devez être responsables des erreurs que vous avez commises et que vous allez commettre » », a-t-il déclaré.
La cheffe de l’UNESCO a conclu en exhortant tous les pays à se joindre aux efforts de l’UNESCO pour transformer l’Internet en un outil qui soit véritablement au service du public et qui contribue à garantir le droit à la liberté d’expression, un droit qui inclut le droit de chercher et de recevoir des informations.
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