Il est possible d’être femme et officier militaire en RDC. C’est ce qu’aime à croire Magalie Lungungu, habitante de Matadi, admise à l’académie militaire d’officiers de Kananga au Kasaï-Occidental. Elle se bat pour faire changer la perception des gens.
Syfia Grands Lacs : Pourquoi avez-vous accepté d’intégrer l’armée ?
Magalie Lungungu : Depuis mon enfance, j’ai toujours rêvé de devenir militaire. Une envie que je tiens de mon oncle qui est colonel. J’étais émerveillée quand il recevait des honneurs militaires et je disais que j’allais devenir comme lui. En 2011, j’ai appris que le gouvernement avait besoin de jeunes pour intégrer l’armée en passant par l’académie militaire, j’ai vite sauté sur l’occasion. J’ai répondu aux critères (âge, être célibataire et sans enfants, être en bonne santé), mais surtout avoir réussi au test d’admission.
SGL. : Comment a réagi votre entourage ?
M.L : Ce n’était pas facile. D’abord mes parents, mes frères et sœurs n’ont pas supporté ma décision. A l’université où je faisais le marketing, mes amis n’en croyaient pas leurs oreilles. Ils se demandaient comment une belle fille comme moi pouvait accepter de s’enrôler dans l’armée. Mais, je suis restée tenace et déterminée.
SGL : Pourquoi les filles n’aiment pas intégrer l’armée ?
M.L : Il n’y a pas que les filles, les hommes aussi n’aiment pas trop intégrer l’armée au Bas-Congo. Si dans d’autres provinces, il y a plus de recrues et la plupart tiennent le coup, chez nous, il n’y en a eu que huit – dont une femme – dans la première phase de recrutement à l’école des officiers de Kananga (Kasaï-Occidental).
Tout le monde avait les yeux braqués sur moi. J’ai été motivée par plusieurs autorités militaires parce que, pour elles, j’étais différente. C’est le cas du général Tsasa, femme nouvellement nommée par le chef de l’Etat comme chargée de l’administration militaire, avec qui je parle souvent et qui m’a personnellement encouragée.
A l’académie militaire tout se passe très bien. Nous mangeons trois fois par jour et sommes bien logés. Je trouve que les études y sont mieux organisées que dans les universités civiles. Chez nous, aucun assistant n’enseigne. Il n’y a que des professeurs. A la fin de mes études, je décrocherai le diplôme de graduée en sciences sociales et militaires.
SGL : Vous n’avez pas peur d’être la proie des autorités militaires ?
M.L (rire) : J’étais dans une institution supérieure civile. J’ai vu des filles être abusées par des enseignants. Dans l’armée, il y aussi des filles légères. Je crois que tout est question d’éducation. En plus, cela dépend de comment tu t’y prends. Chez nous, nous avons un système de commandement par rotation. Quand c’est mon tour, je me fais obéir à la lettre. Et les gens savent que je suis une femme de caractère, ils ne peuvent pas oser me dire quoi que ce soit. Dans la vie militaire ce qui nous régit tous, c’est le règlement. Moi, j’ai franchi une étape importante de ma vie que beaucoup d’hommes ne peuvent pas faire. J’ai peiné pendant deux mois dans la forêt où j’apprenais le règlement militaire, l’armement, la tactique militaire… Je ne vois pas aujourd’hui qui peut abuser de moi.
SGL : Que dîtes-vous aux autres jeunes de votre province ?
M.L : Je leur demande de me rejoindre. Qu’ils profitent de l’occasion que le gouvernement nous offre. Nous avons besoin de défendre le territoire national et les habitants. Qu’ils ne pensent pas que l’armée est pour les ‘abrutis’ et que les femmes ne croient pas que les autorités militaires abuseront d’elles. J’ai constaté que nous (le Bas-Congo, Ndlr) sommes les moins représentés à l’académie. C’est le moment de me rejoindre.
SGL : Pensez-vous vous marier un jour ?
M.L (rire) : Pourquoi pas ! Je vois des femmes militaires mariées. Je commanderai mes assujettis et non mon mari.
Article emprunté à infobacongo.net
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