La frontière que nous dressons entre le monde animal et l’humanité relève d’une conception absolument artificielle de notre statut dénoncée par les militant·es comme spécisme. Nous sommes des animaux parmi d’autres, et notre statut prétendument supérieur est principalement le fait de notre violence à l’égard des autres espèces et de notre faculté, pour ne pas dire appétence, à la prédation du reste du monde. L’humanité elle-même a été en son sein imprégnée de cette conception hiérarchique, puisque les populations non blanches ont longtemps été classées comme appartenant au monde animal, le registre animalier investi par les insultes racistes en témoigne aujourd’hui encore.

L’autrice et réalisatrice Ovidie explore la manière dont, historiquement et culturellement, les femmes ont constamment été comparées aux animaux, notamment aux chiens, dans un mouvement visant à les rabaisser pour justifier leur domination. Ce parallèle s’inscrit dans une longue tradition sexiste et spéciste de dépréciation des femmes et des animaux. C’est dans le registre des insultes que les femmes sont fréquemment comparées à des chiens (ou directement qualifiées de « chiennes », d’ailleurs), dans un langage qui souvent fait implicitement référence à une vie ou une sexualité considérées comme dépravées et par conséquent indignes. Cet amalgame qui entérine l’infériorité prétendue des chiens permet de dépeindre les femmes comme des êtres soumis, serviles et peu respectables. Ce n’est pas un hasard si, comme l’écrivaine anarchiste Louise Michel, elles se sont placées aux avant-postes de la contestation de la cruauté envers les êtres animalisés. Comme le reste du monde animal, les femmes et les enfants sont exploités au bénéfice des êtres dominants, à savoir les hommes. Une forme de domestication qui s’étend sur tous les êtres relégués à une existence secondaire destinée à se mettre au service des humains dignes de ce nom.

SOURCE : Diallo, Rokhaya. Dictionnaire amoureux du féminisme (pp. 31-32).