L’état des lieux de la parité en RDC est catastrophique. C’est ce qui ressort clairement de l’état des lieux de la parité dressé par l’Observatoire de la parité dans une des provinces du pays, le Sud-Kivu, pourtant considérée comme à l’avant-garde dans beaucoup de domaines. Si les constats tirés de cet état des lieux peuvent être extrapolés à l’ensemble du pays, on peut affirmer que le célèbre Article 14 de la Constitution a été jeté à la poubelle.

On savait déjà que, dans le dernier classement publié   par l’Union interparlementaire  , sur 193 pays  classés par ordre décroissant du pourcentage de femmes dans la Chambre unique ou Chambre basse, la RDC occupe la 168ème position.

Le baromètre de la parité d’une province et de ses territoires

Au Sud-Kivu, comme dans presque toutes les autres provinces de la RDC, il n’y a pas de femme gouverneur.e ou vice-gouverneur.e. On compte 2 femmes sur 10 ministres; 3 femmes (2 élues, 1 cooptée) sur les 36 « honorables » de l’Assemblée provinciale.

Mais l’état des lieux de la parité de la Province du Sud-Kivu a poussé la récolte des données, désagrégées par sexe, jusqu’au niveau le plus bas et le plus proche de la population : le Territoire et les entités territoriales qu’il renferme.

La situation est pire encore au plan territorial et local. Le niveau de représentation de la femme dans les fonctions de responsabilité des différentes institutions des Entités Territoriales Décentralisées et Déconcentrées  – qui ont en charge le développement des Territoires – est de 0,4%.

Ce chiffre est extrêmement choquant et inacceptable : les femmes sont quasi totalement absentes des postes de responsabilité, à quelques rares exceptions près, ç’est-à-dire dans les fonctions de responsabilité de niveau plus limité (comme chef de cellule ou d’avenue, par exemple).

Les femmes ne sont présentes que dans les services administratifs mais de manière très minoritaire (sans avoir pu vérifier si elles y occupent des fonctions de responsabilité ou subalternes).

  • Dans les ETD Secteurs on remarque l’absence des femmes au niveau des autorités, car aucune femme n’est chef de secteur, chef de secteur adjoint, chef de groupement ou encore chef de village, sauf une exception.
  • Dans toutes les ETD Chefferies de la province, le monopole du pouvoir revient quasi totalement aux hommes, car aucune femme n’est chef de chefferie, chef de groupement ni même chef de village ! , sauf une exception.
  • Dans les ETD Ville et Communes de Bukavu, la représentation des femmes s’élève à 5,3 %. En effet, aucune femme n’a été désignée maire, maire adjoint, bourgmestre, bourgmestre-adjoint.

 

Dans les différents comités ayant en charge la gestion des marchés, de l’eau, du développement, de l’électricité, etc. dans les ETD de la province et dans certains quartiers des communes de Bukavu, on constate que les femmes sont sous-représentées alors que ces comités gèrent des secteurs dans lesquels les femmes sont pourtant trèsfortement impliquées.

SECTEUR PARTIS POLITIQUES

Quant à la participation  des femmes au sein des partis politiques et de leurs organes dirigeants, l’Observatoire a analysé uniquement le taux de parité au sein des instances décisionnelles sur un échantillon de 16 partis politiques actifs dans la province, en se limitant à examiner qui exerce la présidence : 3 femmes seulement.

Qu’en est-il des candidatures de femmes aux élections. Selon le dernier calendrier électoral déposé par la CENI, la date des prochaines élections provinciales est fixée au 23 décembre 2018. Une première opération de dépôt des candidatures pour les élections à l’assemblée provinciale a cependant déjà eu lieu en 2015 puisque les élections provinciales avaient été programmées par la CENI au 25 octobre 2015. II est donc possible de mesurer le pourcentage de femmes qui se sont portées candidates à ces élections à cette époque  (en attendant une nouvelle opération de dépôt des candidatures qui pourrait prendre place en juin 2018).

La moyenne totale des candidatures féminines à travers les territoires  du Sud-Kivu atteint 10,9 %, ce qui demeure fort bas et  risque d’entraîner l’élection d’un nombre très réduit de députées à l’assemblée provinciale.

SECTEUR DE LA JUSTICE

Le pourcentage des femmes juges au sein des cours et tribunaux de la province est de 12,3% et varie entre 0 % dans presque tous les Territoires et des pourcentages un peu plus élevés dans les zones urbaines de Bukavu et Uvira.

 

 1 seule femme  est magistrates (sur 40 officiers du ministère public) au sein des différents parquets.

Aucune femme n’est magistrate dans les juridictions militaires.

 Concernant les auxiliaires de justice, le Barreau des avocats du Sud-Kivu compte 22 femmes, soit 9,7 % des 226 avocats enregistrés ce qui est évidemment très insuffisant. Il convient de souligner que la plupart des avocats, y compris féminins, sont concentrés à Bukavu, ce qui limite donc tout autant l’accès à une avocate dans les territoires, surtout ruraux.

SECTEUR DE SECURITE : LA PNC

L’effectif des femmes policières est très faible, car sur le total des agents de la PNC, on ne compte que 6,6 % de femmes qui, de plus, ne sont que très rarement affectées à des postes de commandement.

C’est seulement dans les catégorie des sous-officiers de 2ème classe et  des agents de  police et agents sans grade que l’on retrouve un pourcentage un peu plus élevé de femmes mais qui ne dépassent même  pas 10 %.

SECTEUR ORGANISATIONS DE LA SOCIETE CIVILE

D’après les données recueillies, l’Observatoire a calculé que 21,6 % des organisations de la société civile (OSC) étudiées sont dirigées par une femme, soit 136 sur 628 organisations.  Une analyse plus approfondie montre que sur le total des 136 OSC dirigées par une femme, 86 sont en réalité des organisations féminines, soit 63 %. Cela veut dire que 50 femmes seulement occupent des fonctions dirigeantes au sein des 528 OSC « non féminines », soit moins de 10 %. Vu le rôle central que joue la société civile dans la lutte pour la parité et la réalisation de l’objectif intermédiaire de 30 % de représentation des femmes, il est essentiel que les organisations de la société civile donnent le bon exemple, ce qui est loin d’être le cas aujourd’hui. Cette marginalisation des femmes au sein des organes de décision des OSC peut en partie expliquer la faiblesse de l’action de la société civile congolaise dans les grandes luttes, notamment au niveau du Parlement,  pour faire progresser la parité et l’égalité entre femmes et hommes.

SECTEUR DES MEDIAS

La direction des médias – essentiellement des radios et télévisions – présents dans la province est féminisée à seulement 8,6%.   

Malgré une féminisation un peu plus élevée du personnel de ces médias, la présence des femmes à la direction de ces structures demeure donc très faible.

SECTEUR ORGANISMES DE PREVENTION, GESTION, RESOLUTION DES CONFLITS

Concernant la participation des femmes au sein des organismes de prévention, de gestion et de résolution des conflits, les données collectées indiquent que les femmes sont relativement bien impliquées, représentant  33,8% des membres de ces organismes.

Toutefois, les femmes n’y occupent pas souvent des fonctions de responsabilité contrairement à l’esprit de la Résolution 1325.

 SECTEUR DE LA SANTE

De nombreuses structures sanitaires dans la province sont assez fortement féminisées car on y trouve un taux d’utilisation de la main-d’œuvre féminine  élevé : sur le total de l’effectif des agents dans toutes ces structures de santé,  il y a plus de 30 % de femmes la plupart de ces femmes étant infirmières, accoucheuses ou fillesde salle.

Cependant, le secteur de la santé de la province compte seulement une femme decin chef de zone, à savoir dans la zone de santé de Bagira. Les autres zones de santé sont gérées par des hommes, soit 95,9%Aucune femme ne dirige un hôpital et une seule dirige un centre de santé.

 SECTEUR DE L’ENSEIGNEMENT

L’état de la parité au sein des conseils de gestion des universités et institutions d’enseignement supérieur est de presque 20%. La situation est pire – 11,5% seulement  –  dans la direction des écoles primaires et secondaires  alors que la présence des femmes dans le corps enseignant des écoles primaires et secondaires est de 26,3%.

SECTEUR DE L’AGRICULTURE

Alors que ce sont elles qui assurent souvent l’essentiel des activités d’agriculture, d’élevage et de mise en vente des produits agricoles, les femmes rurales semblent relativement peu nombreuses au sein du personnel des institutions et organisations d’encadrement de la paysannerie (36%) , et plus particulièrement encore au sein de leurs organes de direction (27%).

SECTEUR ENTREPRISES

Sur un échantillon d’entreprises privées du secteur  formel, c’est-à-dire celles qui se sont affiliées à la Fédération des Entreprises du Congo (FEC), sur 277 entreprises concernées, 57 femmes sont dirigeantes, soit 20,5 %. Il convient de signaler que le plus grand nombre de ces femmes dirigeantes se trouvent dans des entreprises de commerce général; elles sont très peu nombreuses à occuper une fonction de direction dans les autres secteurs économiques analysés.

Sur un échantillon de 8 grandes entreprises -Bralima, Pharmakina, etc.) examinées plus en détail,  les femmes représentent moins de 10 % du personnel (sans avoir  d’informations sur la nature des fonctions exercées par ces femmes). Il est important de constater qu’aucune de ces grandes entreprises n’est dirigée par une femme.

Une seule femme occupe le poste dirigeant dans l’échantillon de 12 entreprises ou établissements publics.  

SECTEURS ORGANISATIONS INTERNATIONALES

D’après les données analysées par l’Observatoire sur un échantillon d’ONG internationales et d’agence du système des Nations Unies, les femmes représentent une moyenne de 10,6 % des cadres dirigeants. Bien qu’elles soient parmi les premières à prôner la parité  hommes-femmes en RDC, ces structures  internationales ne donnent pourtant pas toujours un bon exemple à suivre en matière de représentation des femmes dans les instances décisionnelles.

CONSTATER, S’INDIGNER, C’EST BIEN …  AGIR C’EST MIEUX !!

Il ne faut pas se contenter d’observer et de constater que la parité est loin d’être mise en œuvre dans les organes de décision de presque tous les secteurs examinés. Encore faut-il mettre en œuvre les actions d’information, de sensibilisation, de plaidoyer, de mobilisation qui vont permettre de changer cette situation et vont faire progresser vers une plus grande égalité des chances H/F dans l’accès aux fonctions de responsabilités dont les femmes sont aujourd’hui largement exclues.

Pour atteindre cet objectif, le grand souhait de l’Observatoire de la parité est que soit organisé des Ateliers sectoriels (Justice, Santé, Société civile, Secteur de sécurité, etc.) ainsi que des Ateliers territoriaux (dans chaque Territoire) centrés sur l’état des lieux de la parité de chaque secteur ou de chaque Territoire  réunissant les acteurs principaux de tous les secteurs et Territoires examinés, afin de :

  • Restituer et faire valider les données statistiques qui ont été collectées et qui permettent de faire prendre conscience du grave manque de respect du droit constitutionnel des femmes à la parité et à une représentation équitable dans les institutions (article 14 de la Constitution)

  • Rechercher ensemble par quelle stratégie et par quels voies et moyens cette absence de parité, cette inégalité des chances dans l’accès aux instances de décision, peuvent être corrigées afin de progresser effectivement vers la parité.

Lors de tels ateliers, indispensables pour passer des paroles aux actes, après avoir examiné et validé les tableaux de constat statistique, les participants seront invités à remplir, pour chaque secteur une « Grille d’élaboration d’un Plan d’Action », permettant de définir les mesures, actions, projets, etc. à mettre en œuvre, principalement au niveau provincial et local, pour faire progresser la parité et l’équité de genre dans chaque secteur.

GRILLE D’ELABORATION D’UN PLAN D’ACTION AFIN DE FAIRE PROGRESSER LA PARITE ET LE GENRE

DANS LE SECTEUR :  ……………………………….

DE LA PROVINCE : ………………………………….

Description du constat de disparité   discrimination   inégalité de chances  

Actions à prendre :

plaidoyer   mobilisation sociale             sensibilisation  information    formation

Cible = la personne ou l’institution dont dépend la décision  

Alliés =

les personnes ou institutions qui peuvent vous appuyer

Responsable(s)         de la mise en œuvre des actions à prendre Echéance pour réaliser les actions Résultats attendus et atteints Echéance pour les résultats

Cette « Grille Plan d’Action » suit, dans les grandes lignes, les étapes de l’élaboration d’une stratégie de plaidoyer que l’on pourra trouver de manière plus détaillée dans le « Guide pratique d’élaboration d’une stratégie de plaidoyer » disponible sur le site www.observatoiredelaparite.org