Trente ans après le génocide des Tutsi, ce petit pays s’est hissé au rang de puissance africaine grâce à sa diplomatie militaire et un modèle de développement sous contrôle. Mais les ingérences chez son voisin congolais ternissent son image de marque, savamment travaillée.

 

A force d’investissements et d’imagination, le Rwanda, minuscule enclave d’Afrique centrale, a réussi en une dizaine d’années à se forger une image de marque mondiale sans commune mesure avec sa taille. « Visit Rwanda », son slogan marketing invitant les touristes à observer les gorilles nichés sur les pentes de ses volcans, s’affiche sur les maillots de clubs de football parmi les plus connus de la planète : ceux des Londoniens d’Arsenal, des Allemands du Bayern Munich, ou du Paris Saint-Germain pour les tenues d’entraînement.

Cette exposition médiatique va-t-elle finir par se retourner contre le Rwanda ? Des doigts accusateurs pointent le rôle de son armée dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC) depuis que les combats y ont repris, en novembre 2021. Est-il raisonnable d’investir à Kigali, vitrine scintillante d’un pays en mutation, et de visiter le pays, perle méconnue aux mille collines, quand, de l’autre côté de la frontière, le M23, un groupe de rebelles congolais soutenu par Kigali, jette des centaines de milliers de personnes sur les routes de la province du Nord-Kivu ?

Le 7 février, en demi-finale de la plus populaire des compétitions sportives du continent, la Coupe d’Afrique des nations, organisée cette année en Côte d’Ivoire, l’attitude des footballeurs congolais a marqué les esprits lors de l’hymne national. Une main en bâillon sur la bouche et deux doigts imitant le canon d’un pistolet sur la tempe, ils dénonçaient le silence de la communauté internationale face aux violences subies par les populations dans l’est de la RDC. Et dont Kinshasa attribue la responsabilité à son voisin rwandais, ce que ce dernier dément vigoureusement. Le 12 mars, c’est une équipe de basket du Burundi qui refuse, sur ordre de son gouvernement, de porter des maillots floqués du logo « Visit Rwanda », sponsor de la compétition. Burundais et Rwandais s’accusent mutuellement de mener des actions de déstabilisation.

A de rares exceptions près, les icônes du sport ne se sont pas emparées du sujet, et #boycottrwanda ne déchaîne pas les passions sur les réseaux sociaux. A ce jour, cette campagne dénonçant les ingérences du Rwanda ne se propage pas vraiment. Kigali surveille cependant avec attention ce phénomène qui, s’il prenait de l’ampleur, ternirait une réputation construite patiemment et systématiquement. D’autant que la RDC a lancé une offensive diplomatique en demandant aux Nations unies – et aux partenaires occidentaux du Rwanda au sein du Conseil de sécurité (Etats-Unis, France, Royaume-Uni) – d’adopter des sanctions contre son « agresseur » rwandais.

En 2012, Kigali avait déjà payé le prix de son implication dans les affaires de son voisin congolais. Cette année-là, « à la suite des révélations sur le soutien [du Rwanda] au M23, les donateurs [surtout américains et britanniques] suspendaient 240 millions de dollars d’aides, provoquant une stagnation de son PIB », écrit le spécialiste des Grands Lacs, Jason K. Stearns, dans son livre The War That Doesn’t Say Its Name (« la Guerre qui ne dit pas son nom », Princeton University Press, 2022, non traduit). « L’image de marque du Rwanda, sans doute son plus grand atout, avait également été mise à mal. »

La reprise des combats dans l’est de la RDC et leur intensité ne suscitent, pour l’instant, que des condamnations formelles. Londres poursuit avec Kigali son projet d’accord, lancé en avril 2022, visant à expulser les migrants arrivés illégalement au Royaume-Uni vers le Rwanda. Un service qui devrait valoir à ce dernier un versement de 370 millions de livres sterling (431 millions d’euros), soit dix fois le montant de l’aide au développement annuelle qu’accorde Londres à Kigali. « On n’entend plus parler du M23 outre-Manche », glisse un diplomate européen.

Habileté diplomatique du régime

Cet exemple illustre l’habileté diplomatique et le pragmatisme du régime rwandais, conduit d’une main de fer par le président Paul Kagame. En juillet 1994, alors qu’il était chef de guerre, c’est lui qui avait mis un terme au génocide perpétré contre « sa » communauté tutsi, avant de s’emparer des rênes du pouvoir – un rôle qu’il conserve jusqu’à ce jour. Mieux que personne, il est conscient du capital de sympathie que lui confère, sur la scène internationale, le « crime des crimes » qui fut perpétré dans son pays. Il sait forcer les alliances avec ceux que tiraille un sentiment de culpabilité vis-à-vis du massacre de 800 000 Tutsi par leurs compatriotes hutu fanatisés par un régime extrémiste.

La France est l’un de ceux-là, coupable d’avoir soutenu le régime du président Juvénal Habyarimana (1973-1994) qui préparait le pire, aux yeux de tous. Depuis l’arrivée au pouvoir d’Emmanuel Macron, en 2017, la France n’a pas ménagé ses efforts pour se rapprocher du Rwanda. Symboliquement, Paris a ainsi « offert », en octobre 2018, la présidence de l’Organisation internationale de la francophonie à Louise Mushikiwabo. Elle était ministre des affaires étrangères quand le Rwanda avait rejoint le Commonwealth en 2009, signifiant sa rupture avec la France. Le climat s’est, depuis, réchauffé.

Kigali est aujourd’hui loin d’être isolé – au grand dam de Kinshasa, qui dénonce l’inaction d’une communauté internationale pourtant prompte, fait-il remarquer, à condamner l’agression russe contre l’Ukraine. Les Etats-Unis demeurent le premier pourvoyeur d’aide au Rwanda. La Chine a construit la plupart de ses routes. En janvier, une délégation officielle des Emirats arabes unis s’est rendue dans le pays, alors que le Qatar rival en est le premier investisseur. Le même mois, Kigali déroulait le tapis rouge au chef d’état-major de l’armée algérienne, Saïd Chengriha, tout en poursuivant une étroite collaboration sécuritaire avec Tel-Aviv. Le Rwanda a d’ailleurs condamné fermement l’attaque terroriste du 7 octobre 2023 par le Hamas et affiche depuis son soutien à Israël. Enfin, une ambassade ukrainienne devrait être inaugurée prochainement à Kigali, sans que cela altère les relations du Rwanda avec la Russie. « La diplomatie est une question d’intérêts, Kagame sait en tirer profit », note un diplomate.

Derrière la vitrine clinquante des quartiers du centre de Kigali, l’économie rwandaise, aussi dynamique soit-elle – le PIB connaît une croissance moyenne annuelle d’environ 7 % depuis 2012 –, reste dépendante des prêts et dons internationaux, qui couvrent 45 % du budget. Une réalité qui ne suscite guère d’inquiétudes. « Le Rwanda demeure le “donor darling”, le chouchou des donateurs et des institutions financières », observe le représentant de l’une d’elles. Le siège du Rwanda Development Board (RDB) est l’endroit idéal pour mesurer la cote du « made in Rwanda ». Créée en 2008, cette institution « fournit un soutien tout au long du parcours d’investissement afin de s’assurer que le Rwanda reste l’un des lieux les plus compétitifs pour mener des affaires en Afrique et dans le monde », vante Nelly Mukazayire, directrice adjointe du RDB.

Et les voyants sont au vert, notamment pour le volet touristique géré par le Development Board. Le pari n’était pas gagné d’avance. Dans l’imaginaire collectif, le Rwanda, c’est avant tout le génocide de 1994. Les lieux de mémoire ont généré un tourisme marginal, pas de quoi attirer les foules. Le partenariat noué, en 2018, avec le club de football anglais d’Arsenal a tout changé. La petite histoire raconte que le président Kagame a personnellement choisi les Gunners de Londres, dont il est un fan. Le logo « Visit Rwanda » a fait une soudaine apparition sur les maillots rouge et blanc des célèbres footballeurs. Le branding Rwanda était lancé.

Partenariats avec des géants du foot

Le retour sur investissement de ce parrainage de 30 millions de livres sterling s’est révélé tellement positif qu’un accord similaire a été signé, l’année suivante, avec le PSG, puis avec le Bayern Munich, géant du foot allemand, en août 2023. « Nous avons noté une augmentation du nombre et de la qualité des touristes et c’est indubitablement lié aux partenariats », affirme Nelly Mukazayire. Le Rwanda s’est aussi rapproché de la Basketball Africa League, une compétition panafricaine financée par la prestigieuse NBA américaine et dirigée, depuis la fin 2023, par l’avocate rwandaise Clare Akamanzi. Kigali a obtenu que les phases finales se déroulent dans l’enceinte de sa BK Arena, installation sportive et culturelle modulable et ultramoderne. Enfin, la capitale rwandaise sera la première ville africaine à accueillir les championnats du monde de cyclisme, pour sa 92e édition, en 2025.

« Lancer tout d’abord la marque Rwanda en disant : “On s’occupera du reste après”, c’était risqué, mais ça a marché », observe un investisseur. « Fin 2023, le tourisme représentait 11 % du PIB, il a rapporté 650 millions de dollars qui pèsent positivement dans la balance des paiements », se félicite Nelly Mukazayire, la directrice adjointe du RDB. Les « touristes en jets privés », comme elle les qualifie, sont chaque année plus nombreux, prêts à dépenser des dizaines de milliers de dollars pour séjourner dans les lodges luxueux du pays.

De l’autre côté de la frontière, dans ce même espace volcanique rendu mondialement célèbre dans les années 1980 par les travaux de la primatologue américaine Dian Fossey, le parc congolais des Virunga est fermé aux visiteurs, victime de la guerre et du braconnage. Rien de tel au Rwanda, où, admet un ancien guide congolais, « les infrastructures et la qualité des services sont incomparables ». Ces efforts constants expliquent en partie le « miracle » rwandais, survenu dans un pays réduit en champ de ruines il y a trente ans et moralement traumatisé.

Car le tourisme ne se résume pas à des sites à visiter. Tout ici est pensé pour offrir le meilleur service : vols directs proposés par RwandAir (société détenue à 49 % par Qatar Airways), visas gratuits délivrés en un clin d’œil à l’aéroport de Kigali, construction d’hôtels de standing, connexion Internet, routes bitumées impeccables… Sans oublier la propreté des villes, la sécurité dans les rues et la probité des fonctionnaires, devenues images d’Epinal du Rwanda d’aujourd’hui.

Attirer les investisseurs étrangers

Fort de ces atouts, le pays s’est imposé comme le lieu de prédilection de conférences internationales en tous genres : sommet du Commonwealth en juin 2022, congrès de la Fédération internationale de football à l’été 2023… La capitale rwandaise est ainsi devenue la deuxième destination d’Afrique, Maghreb compris, pour l’organisation de ces grandes manifestations, derrière la ville sud-africaine du Cap. L’activité a généré environ 100 millions d’euros en 2023, pour un PIB annuel de 12 milliards d’euros. Elle participe surtout à la diffusion de l’image de marque et de la notoriété du Rwanda, attirant ainsi les investisseurs étrangers.

« La dématérialisation des procédures administratives ainsi que la bancarisation de l’économie sont l’une des clés de la lutte anticorruption », se félicite un homme d’affaires européen qui préfère la discrétion. « Ici, on crée sa société en quelques heures et les contacts avec les agents des différentes administrations sont réduits au minimum », renchérit un gros importateur : « Je fais toutes mes déclarations en douane par Internet. Si l’agent administratif ne traite pas mon dossier dans le temps imparti, son supérieur hiérarchique prend le relais et lui demandera des comptes. »

Ce fonctionnement n’est pas anodin dans ce pays où l’obsession du résultat se traduit par l’examen annuel des bilans d’activités des ministres et des fonctionnaires. « Les responsables locaux sont promus en fonction de leurs résultats », confirme David Benazeraf, fondateur de la société immobilière Imara à Kigali, qui salue au passage l’existence, rare sur le continent, d’un cadastre foncier accessible à tous sur Internet. « Ici, quand le pouvoir prend une décision, tout le monde se met en ordre de marche, poursuit-il. Cela, grâce à un sens très fort du respect de la hiérarchie et des lois. »

L’appel aux investisseurs étrangers est souvent une nécessité pour pallier le manque de capitaux locaux, de savoir-faire ou de technologies. Le régime rwandais s’y emploie avec méthode. « Notre ambition est de devenir une économie basée sur la connaissance scientifique », précise Nelly Mukazayire. Un campus médical, la Kigali Health City, a ainsi ouvert en 2023, comprenant un laboratoire de fabrication de vaccins à ARN messager, une antenne africaine de l’Institut français de recherche contre les cancers de l’appareil digestif (Ircad) – tous deux uniques sur le continent. Le même site accueillera l’hôpital universitaire de Kigali, en construction, un centre de traitement des maladies non transmissibles, ainsi que des laboratoires de pointe.

Un antidote au retour à la violence

Avec le traumatisme lié au génocide de 1994 et la nécessaire cohabitation entre anciens génocidaires et survivants de l’indicible, Paul Kagame a imposé sa vision : « Un projet de transformation [économique et sociale] conçu comme l’antidote sur le long terme au retour à la violence », explique Benjamin Chemouni, politologue à l’Université catholique de Louvain et coordinateur d’un dossier sur l’Etat rwandais depuis le génocide, publié en 2021, dans la revue Politique africaine (n° 160, Karthala).

En parallèle, Kigali conduit une politique de projection à l’extérieur des frontières, selon une stratégie bien établie. « Le régime de Kagame sait placer ses pions », commente, admiratif, un ambassadeur européen. L’influence croissante du Rwanda en Centrafrique (RCA) illustre l’offensive diplomatique que mène Kigali sur le continent. Dans ce pays affaibli par plusieurs rébellions, c’est une Rwandaise, Valentine Rugwabiza, qui dirige actuellement la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation en République centrafricaine (Minusca, créée en 2014).

En plus de fournir le plus gros contingent de casques bleus, Kigali a envoyé des troupes supplémentaires, à la demande de Bangui. Rapporté à sa population, le nombre de soldats déployés par le Rwanda dans l’ensemble des missions de la paix des Nations unies est d’ailleurs le plus élevé au monde. Cette coopération militaire a souvent des ramifications financières : des dizaines d’investisseurs rwandais se sont implantés en Centrafrique – y compris dans le secteur minier, où l’on retrouve une filiale de la holding Crystal Ventures, bras financier du Front patriotique rwandais (FPR), le parti de Paul Kagame.

« Nous investissons aussi dans d’autres pays d’Afrique, comme au Congo ou au Kenya », souligne la directrice adjointe du RDB. Et, bientôt, sans doute, au Mozambique. Dans l’extrême nord de ce pays, dans la province du Cabo Delgado, 3 000 militaires et policiers rwandais participent à la lutte contre une insurrection djihadiste locale. Les soldats du Rwanda, dont le déploiement bénéficie d’un financement européen, y sécurisent également les installations de TotalEnergies, qui tente de relancer les activités liées à son mégaprojet gazier, au large des côtes mozambicaines. « Kigali a développé une diplomatie en treillis, qui permet ensuite à des entreprises privées liées au pouvoir d’investir », résume un consultant dans le domaine de la sécurité.

Chouchou des institutions financières internationales au développement économique important, à la diplomatie conquérante et au souverainisme pointilleux… Cette image lisse devient plus contrastée, comme en photographie, au fur et à mesure que l’on étend la profondeur de champ. Le Rwanda, densément peuplé, reste pauvre et profondément rural. Plus de 70 % de ses 13 millions d’habitants vivent à la campagne, où ils exploitent, le plus souvent, de toutes petites parcelles de terrain. Sur les routes des collines boisées, les enfants en uniforme parcourent des kilomètres à pied pour aller dans des écoles qui pâtissent du niveau de formation médiocre des enseignants.

Entre « start-up nation » et collectivisme libéral

Un investisseur étranger, établi de longue date au Rwanda, raconte les différents stades de perception par lesquels il est passé : « D’abord, la propreté de la ville, la sécurité et l’absence de corruption sautent aux yeux : c’est “l’effet waouh !”. Dans un deuxième temps, on a l’impression de vivre dans une téléréalité, sous la surveillance permanente de caméras cachées. Finalement, on se demande quelle est la pérennité du système et s’il peut tenir sans Paul Kagame. » « On navigue entre la “start-up nation” et le collectivisme libéral », conclut-il.

Si la part des services dans l’économie rwandaise continue de croître (45 % du PIB en 2023), c’est aussi « une nécessité pour ce petit pays enclavé et sans profondeur stratégique », relève Christine Nkulikiyinka, directrice générale de la Rwanda Cooperation Initiative. « Nous appartenons à la grande famille d’Afrique de l’Est, fait-elle valoir. Venir au Rwanda permet d’accéder à un marché de 200 à 300 millions de personnes. » A la condition de vivre en bonne intelligence avec ses voisins. Or, le Rwanda mène une guerre non déclarée dans l’est de la RDC. Sa frontière avec le Burundi est fermée et ses relations avec l’Ouganda sont tumultueuses.

Il n’empêche, le modèle rwandais continue de faire rêver nombre de pays émergents. « Un système hyperdirigiste efficace, c’est aussi ce qui fait briller les yeux de tant de dirigeants, en Afrique et au-delà », avance un diplomate européen. En privé, un ancien président d’Afrique de l’Ouest exprime son admiration : « Kagame a supprimé la gabegie et la contestation. »

L’ancien chef de guerre a éteint toute opposition. « Lui et le FPR contrôlent tout parce que, disent-ils, s’ils ouvrent le système, il y aura un nouveau génocide », déplore Victoire Ingabire. Rencontrée le 13 mars à son domicile de Kigali, l’opposante venait d’apprendre que la justice rejetait sa demande de restauration de ses droits civiques. Elle ne pourra donc pas se présenter à l’élection présidentielle du 15 juillet. Cette économiste d’origine hutu a été déchue de ses droits après sa condamnation, en 2013, à quinze ans de prison pour « minimisation du génocide de 1994 ». Elle avait été graciée en 2018.

Avec ou sans la candidature de Victoire Ingabire, l’issue de la prochaine présidentielle ne ménage aucun suspense. En 2017, Paul Kagame, au pouvoir depuis 1994, avait été réélu avec 98,15 % des voix. Et une réforme constitutionnelle, adoptée en 2015, lui offre la possibilité de se maintenir au pouvoir jusqu’en 2034. « Le régime a coulé une chape de plomb sur les médias, les organisations de défense des droits humains et les opposants », dénonce Clément Boursin, responsable Afrique au sein d’Action des chrétiens pour l’abolition de la torture. L’ONG dénonce notamment des « détentions arbitraires d’opposants, l’arrestation d’activistes sur YouTube, les mauvais traitements subis dans les prisons et des morts suspectes ». « Tout le monde se sent surveillé au Rwanda », assure-t-il.

Les voix critiques ne se livrent pas facilement à l’étranger de passage. Assumpta Mugiraneza n’a pas cette retenue. « On n’a pas intérêt à l’ouvrir en politique, car ça peut aller très vite et très loin quand on s’oppose à Paul Kagame », expose cette universitaire diplômée en psychologie sociale et en sciences politiques de l’université Paris-VIII et fondatrice du Centre Iriba pour le patrimoine multimédia. « En conséquence, il n’y a pas d’offre politique alternative à celle du FPR et, sur le plan démocratique, c’est un échec », ajoute la sociologue, qui se considère toutefois comme « FPR de cœur ». « Après ce que nous avons vécu en 1994, il est compréhensible que le pays garde Paul Kagame au pouvoir et qu’il veuille mettre en œuvre son projet, dit-elle. Le chiendent de la haine revient sans arrêt, il faut à chaque fois l’arracher en profondeur. Tout le monde a approché la mort au Rwanda. Les bourreaux et les victimes. Il faut donc accepter de ne pas se venger pour grandir. » « Avec le risque, prévient-elle, de se retrouver avec un parti unique qui nous écrase tous. »

 

L’illustration de titre n’est pas du journal Le Monde.

 

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