Pour forger un avenir durable pour nous tous, les femmes et les filles doivent être au premier plan et montrer la voie, a déclaré lundi le Secrétaire général de l’ONU en lançant les travaux de la 66ème session de la Commission de la condition de la femme (CSW), placée sous le thème « changement climatiques – environnement – réduction des risques de catastrophe : l’égalité des sexes au centre des solutions ».

António Guterres a rappelé que « notre réponse collective » aux questions déterminantes de notre époque que sont les crises climatique et environnementale, ainsi que les retombées économiques et sociales de la pandémie de Covid-19, « tracera notre voie pour les décennies à venir ».

Des crises qui nous touchent tous, mais pas de façon égale

« Les situations d’urgence sans précédent causées par la crise climatique, la pollution, la désertification et la perte de biodiversité, associées à la pandémie de Covid-19, ainsi que les répercussions des conflits nouveaux ou en cours, se sont accélérées et intensifiées, donnant lieu à des crises généralisées et interdépendantes, qui nous touchent toutes et tous… mais pas de manière égale », a souligné le chef de l’ONU.

« Partout, ce sont les femmes et les filles qui font face aux plus grandes menaces et subissent les préjudices les plus graves. Partout, les femmes et les filles passent à l’action pour lutter contre les crises climatiques et environnementales. Et partout, les femmes et les filles continuent d’être largement exclues des lieux de prise de décisions », a-t-il précisé.

Aussi les femmes et les filles vivant dans les petites nations insulaires, les pays les moins avancés et les régions touchées par des conflits sont les plus touchées, a signalé M. Guterres.

Leur nutrition et leurs moyens de subsistance sont affectés de manière disproportionnée par les conditions météorologiques extrêmes, et elles souffrent le plus lorsque les ressources naturelles locales sont menacées.

Et avec l’augmentation des chocs climatiques, des preuves montrent un lien entre le mariage des enfants et l’exploitation. « Lorsque les catastrophes climatiques frappent, comme elles le font de plus en plus fréquemment, les recherches montrent que les femmes et les enfants ont jusqu’à 14 fois plus de risques de mourir que les hommes », a-t-il poursuivi.

Un millénaire de patriarcat

M. Guterres s’est dit profondément alarmé par l’augmentation des violences et des menaces à l’encontre des femmes défenseures des droits humains et des activistes dans le domaine de l’environnement.

La discrimination sexuelle fait que seule une infime partie des propriétaires et des dirigeants sont des femmes

« La discrimination sexuelle fait que seule une infime partie des propriétaires et des dirigeants sont des femmes », a-t-il expliqué, affirmant que leurs besoins et leurs intérêts sont « souvent ignorés et mis de côté » dans les politiques et les décisions relatives à l’utilisation des terres, à la pollution, à la conservation et à l’action climatique.

Le Secrétaire général a noté que seulement un tiers des rôles décisionnels dans le cadre de la Convention-cadre sur les changements climatiques (CCNUCC), du Protocole de Kyoto et de l’Accord de Paris sont occupés par des femmes, et qu’elles ne représentent que 15% des ministres de l’Environnement.

En outre, seul un tiers des 192 cadres nationaux dans le domaine de l’énergie intègre des considérations de genre, et celles-ci sont rarement prises en compte dans le financement du climat.

« Cela démontre une fois de plus que nous vivons dans un monde dominé par les hommes avec une culture dominée par les hommes », a estimé le chef de l’ONU, dénonçant « un millénaire de patriarcat qui exclut les femmes et empêche leurs voix d’être entendues ».

« Nous ne pouvons réaliser aucun de nos objectifs sans la contribution de tous […], y compris les hommes et les garçons […] qui œuvrent pour les droits des femmes et l’égalité des sexes », a-t-il également fait valoir.

Une femme travaille dans une usine de recyclage de plastique au Bangladesh.
©ONU Femmes / Mohammad Rakibul Hasa
Une femme travaille dans une usine de recyclage de plastique au Bangladesh.

Face à un « choix impossible »

L’Accord de Paris s’attaque à la perte de biodiversité, à la dégradation des sols et à la pollution – des éléments essentiels pour créer des vies dignes pour tous sur une planète saine.

Des millions de femmes ont été mises au chômage et confrontées à un « choix impossible » entre gagner un revenu ou apporter des soins de façon non rémunérée mais essentielle

Les femmes et les filles leaders, les agriculteurs, les décideurs politiques, les économistes, les juristes et les militants du climat sont essentiels pour construire les économies durables et les sociétés résilientes de demain.

« Mais nous n’y parviendrons pas sans la participation et le leadership pleins et égaux des femmes », a-t-il souligné.

Au cours des deux dernières années, les inégalités et les injustices entre les sexes ont été mises en évidence et exacerbées par la pandémie de Covid-19, a-t-il déclaré.

Des millions de femmes ont été mises au chômage et confrontées à un « choix impossible » entre gagner un revenu ou apporter des soins de façon non rémunérée mais essentielle, tandis que des millions de filles ayant quitté l’école « pourraient ne jamais y retourner».

« Pour s’attaquer à ces problèmes, il faut un front uni, protéger les acquis durement gagnés en matière de droits des femmes tout en investissant dans l’apprentissage tout au long de la vie, les soins de santé, les emplois décents et la protection sociale des femmes et des filles », a soutenu le chef de l’ONU.

« L’égalité des sexes et les droits des femmes doivent être au cœur d’un contrat social renouvelé, adapté aux sociétés et aux économies d’aujourd’hui », a-t-il affirmé.

Une femme trie des feuilles de Moringa dans les îles Tristao, en Guinée.
©ONU Femmes/Joe Saad
Une femme trie des feuilles de Moringa dans les îles Tristao, en Guinée.

Rééquilibrer le pouvoir

Au niveau mondial, le Secrétaire général a cité son plan ‘Notre programme commun’, qui propose un rééquilibrage du pouvoir par le biais d’un nouveau pacte mondial et d’un programme de paix visant à réduire toutes les violences – y compris la violence sexiste – et à placer les femmes et les filles au cœur de la politique de sécurité.

Il a également rappelé que l’ONU s’efforce de soutenir la participation et le leadership des femmes à chaque étape de la construction et du maintien de la paix, notamment par l’intermédiaire de ses envoyés et représentants spéciaux, qui conçoivent et soutiennent des stratégies pour des processus de paix plus inclusifs.

M. Guterres a ajouté que les conseillers en matière de genre dans les missions politiques spéciales de l’ONU encouragent la participation des femmes et veillent à ce que leurs priorités fassent « partie intégrante » de tous les efforts politiques.

Selon le chef de l’ONU « ce n’est pas seulement une question de justice ». Leur leadership et participation est essentielle pour créer des communautés et des sociétés « pacifiques et résilientes ».

« Nous ne pouvons pas séparer l’état périlleux de la paix dans notre monde des structures de longue date du patriarcat et de l’exclusion », a-t-il déclaré, citant l’invasion de l’Ukraine par la Russie comme « une autre démonstration claire de cela partout ».

La Commission de la condition de la femme est essentielle

Le Président du Conseil économique et social des Nations Unies (ECOSOC), Collen Vixen Kelapile, a rappelé qu’en tant qu’organe subsidiaire, la CSW continue d’assurer la supervision et le suivi de la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable et des objectifs de développement, notamment l’ODD 5 sur l’égalité des sexes.

« À cet égard, le travail de la Commission restera central dans le système de l’ECOSOC pour guider une reprise centrée sur les personnes et sensible au genre après la pandémie de Covid-19 », a-t-il déclaré, rappelant que le Forum politique de haut niveau de juillet examinera les progrès de la mise en œuvre de l’ODD 5, aux côtés d’autres objectifs mondiaux.

Le travail de la CSW reste « essentiel » pour renforcer le cadre mondial de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes, et pour conseiller les décideurs politiques sur « la manière de faire progresser ces objectifs importants de manière intégrée et transversale ».

Mise en œuvre de « normes d’excellence »

Le Président de l’Assemblée générale des Nations Unies, Abdulla Shahid, a pour sa part souligné qu’en 76 ans d’existence de l’ONU, seules quatre femmes ont été élues Présidentes de l’Assemblée et aucune femme n’a jamais été choisie comme Secrétaire générale.

« Cela doit être corrigé », a-t-il affirmé. « L’ONU ne peut pas appeler à la mise en œuvre de normes d’excellence dans le monde entier en ce qui concerne l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes, sans appliquer ces normes chez elle ».

M. Shahid a déclaré qu’il prendrait « personnellement » l’initiative de demander que le prochain Secrétaire général soit une femme.

« Rejoignez-moi dans cet appel à l’action », a-t-il invité les participants.

Prenant la parole, la Directrice exécutive d’ONU Femmes, Sima Bahous, a attiré l’attention sur « toutes les crises et tous les conflits », qui « font payer le prix fort aux femmes et aux filles » – du Myanmar à l’Afghanistan, du Sahel à Haïti, et de la Syrie à la Somalie, au Yémen et à l’Éthiopie, avec « l’horrible guerre en Ukraine », la dernière en date.

Faisant écho au Secrétaire général, elle a déclaré : « L’invasion de l’Ukraine doit prendre fin, la guerre doit cesser,  et la paix doit prévaloir».

« Nous voyons chaque jour qui passe les dommages causés aux vies, aux espoirs et à l’avenir des femmes et des filles ukrainiennes », a poursuivi Mme Bahous, réitérant sa solidarité avec les femmes d’Ukraine tout en rendant hommage à « leur courage et leur résilience ». « Et je prie pour qu’elles – et tous ceux qui vivent des conflits – connaissent bientôt la paix », a ajouté la cheffe d’ONU Femmes.

La Directrice exécutive du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE), Inger Andersen, a déclaré que le monde en avait « assez des solutions dominées par les hommes ».

Selon Mme Andersen, il est « essentiel » que les femmes soient placées « au cœur du processus décisionnel » pour redynamiser le multilatéralisme environnemental.

Les femmes, moteur de l’action climatique

La Présidente de la Commission, Mathu Joyini, a qualifié les jeunes femmes de « moteurs du changement en matière d’action et de sensibilisation au climat ».

« Nous devons veiller à ce que leur leadership et leurs contributions significatives dans ces domaines soient inclus dans les processus de prise de décision », a déclaré l’Ambassadrice sud-africaine.

« Les femmes et les jeunes filles du monde entier se tournent vers la Commission en tant qu’organe de premier plan en matière d’égalité des sexes et d’autonomisation des femmes pour obtenir des conseils », a-t-elle souligné.