Tania est mère de deux enfants. Elle est âgée de 27 ans et habite Wawaza dans le territoire de Kabambare. Elle se rappelle le jour où elle été violée et garde encore un souvenir douloureux.

« J’étais au champ. Vers 9 heures, j’ai vu un homme armé venir vers moi. J’ai eu trop peur. Il a braqué son armé sur moi en me disant : si tu cries, je te tue. Je commençais à trembler de peur, il m’a dit de me coucher. Il s’est couché sur moi. Il m’a fait tellement mal », témoigne Tania (nom d’emprunt).

Comme Tania, Asante a subi les mêmes atrocités du viol par un milicien Malaika de la faction Souverain selon les témoignages sur place.

« Il était 16h vers le soir, je suis allé à la source pour puiser de l’eau. Du coût je vois deux hommes armés. Un m’appelle et me force de coucher avec lui. Voulant refuser et crier, il a remis son arme à son collègue. Il m’a étranglée et m’a obligé de me coucher au sol. Il m’a enlevé les habits et a commencé à faire ses choses… Je criais mais en vain. Je n’ai pas reçu d’aide. Je suis rentrée à la maison avec des douleurs au ventre et des pieds qui tremblent »

Si à Salamabila, le viol est généralement commis par les groupes armés, il sied de dire que d’autres groupes d’agresseurs sont à mentionner. Dans son étude « Violences sexuelles en République démocratique du Congo : « Mais que fait la police ? » publiée en 2013 dans la Revue interdisciplinaire d’études juridiques, Florence Maertens de Noortdhout souligne trois grandes catégories d’agresseurs dont les milices rebelles, les Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ainsi que les officiers de la Police Nationale Congolaise (PNC) et les citoyens eux-mêmes. En 2012, précise l’étude, ces différentes catégories ont respectivement commis les violences sexuelles à 34 %, 8 % et 58 %.

Violence sexuelle, un crime « plus » grave

Selon le CICR, le viol et les autres formes de violence sexuelle sont interdits par le droit conventionnel (la quatrième Convention de Genève, le Protocole additionnel I et le Protocole additionnel II) ainsi que le droit coutumier applicable dans les conflits armés tant internationaux que non internationaux. Malgré cette interdiction des instruments internationaux et nationaux, le viol reste répandu et constitue une arme de guerre.

Prix Nobel de la paix 2018 pour ses efforts dans la lutte contre l’utilisation des violences sexuelles en tant qu’arme de guerre, le docteur Dénis Mukwege regrette de voir que ces genres de violences soient répandues dans les conflits modernes.

« Le viol et la violence sexuelle sont de plus en plus répandus dans tous les conflits modernes et, malgré la reconnaissance des actes de violence sexuelle comme élément constitutif des crimes les plus graves, l’impunité reste la norme et la justice l’exception », regrette Mukwege.

Le viol, un secret de famille qui tue la victime à petit feu

Être violé est perçu par la communauté comme une malédiction. Dès lors, la victime devient un sujet de moquerie. Pour éviter la stigmatisation, les femmes qui ont été victimes de ces atrocités préfèrent ne pas en parler.

« Je souhaiterais changer de milieu et j’envisage d’aller vivre chez mes parents, à Kasongo. Je sais que les gens vont me demander pourquoi je suis revenue. S’ils me posent trop de questions, je crois que je préférerais mourir. Physiquement, l’acte est passé et je n’ai plus de douleurs. Ce qui est le plus difficile aujourd’hui, c’est le rejet », regrette, d’une voix pleine de souci, Asante (nom d’emprunt).

« Mon mari m’a abandonnée et ne veut plus entendre parler de moi », regrette pour sa part Tania.

Face à cette situation, des organisations et acteurs sociaux locaux tentent de sensibiliser les groupes armés à cesser de faire des femmes leurs cibles et les familles à ne pas stigmatiser les victimes. Kaozi Sango Marcelin, président de la société civile force vive du Maniema fait savoir qu’à l’espace de 2 mois, sa structure a documenté 31 cas de viols.

« La zone de Salamabila est à haut risque. Les femmes y sont violées régulièrement. Nous avons documenté 31 cas de viols entre janvier et février 2022. Ces cas sont orientés aux structures de prise en charge à l’Hôpital général », renseigne Marcellin.

Des agressions dévastatrices

Au quotidien, les victimes de viols et violences sexuelles font face à plusieurs difficultés. Certaines se retrouvent avec des lésions graves, des infections sexuelles transmissibles, des fistules compliquées, des grossesses non désirées, la perte totale des ressources, le traumatisme et d’autres sont exclues de leurs familles.

Face à cette tragédie, des organisations se mobilisent pour dire non à ces viols et violences sexuelles considérées comme des armes de guerre. Parmi ces organisations, on note la présence du Comité international de la Croix-Rouge, CICR, une organisation humanitaire présente au Maniema, il y a plus de 4 ans. Cette organisation, qui travaille pour l’assistance et la protection des victimes des conflits armés, milite pour la protection et la prise en charge des victimes de viol.

« Le CICR a une approche intégrée dans sa réponse à la problématique de viol. Nous travaillons avec des Maisons d’Ecoute qui s’occupent de la prise en charge psychologique des victimes de violences armés. Elles accueillent les victimes des violences armées parmi lesquelles les victimes de viol. Nous sommes aussi dans la prévention et la protection de ces victimes », renseigne Pascal Nepa, agent terrain Communication.

Et d’ajouter : « en 2021, 830 personnes dont 573 victimes de violences sexuelles ont été reçues en maison d’écoute. Parmi elles 285 ont reçu des soins médicaux gratuits dans les structures de santé soutenues par le CICR »

Ces 72h qui sauvent la victime

Equipe du CICR avec une fillete
Equipe du CICR avec une fillete

Après une agression sexuelle, la victime doit immédiatement se rendre dans une structure médicale pour une prise en charge d’urgence. Cette prise en charge d’urgence doit être faite dans les 72 heures suivant l’agression pour permettre notamment à ce qu’il soit administré à la victime des traitements préventifs contre les maladies sexuellement transmissibles (prophylaxie post-exposition) telles que le VIH, la syphilis et la gonorrhée. Dans certains cas, des vaccinations contre l’hépatite B et le tétanos peuvent également être fournies. La prise en charge comprendra aussi des contraceptifs d’urgence qui permettent d’éviter les grossesses non désirées chez la victime.

Ce que dit la loi

Le Statut de la Cour pénale internationale intègre le viol et d’autres formes de violence sexuelle dans les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité.

Chaque viol commis durant un conflit armé et en lien avec celui-ci constitue un crime de guerre, qui doit donner lieu à des poursuites.

L’esclavage sexuel, prostitution forcée, grossesse forcée, stérilisation forcée ou toute autre forme de violence sexuelle de gravité comparable » apparaissent à l’article 7 g) du statut de Rome parmi les actes constitutifs du crime contre l’humanité.

Les attentes des victimes

Les victimes des violences sexuelles commises en périodes de conflits réclament justice et réparation.

Pour mettre fin au cycle de violence et obtenir des garanties de non-répétition, le docteur Denis Mukwege, préconise l’effectivité de la justice transitionnelle.

« Après des décennies de guerres à répétition et d’instabilité, nous ne pouvons plus tolérer que le quotidien de la population congolaise soit jalonné d’atrocités de masse commises par des acteurs étatiques et non étatiques, congolais et étrangers, dans un climat d’impunité totale », regrette Mukwege. Celui qu’on surnomme l’homme qui répare les femmes, espère que toutes les forces vives de la nation vont s’impliquer dans le processus de justice transitionnelle en gestation en RDC. « Ils doivent s’approprier le contenu de cette stratégie pour réclamer au gouvernement congolais et à la communauté internationale, l’instauration d’un Tribunal pénal international pour la République démocratique du Congo », conclu Mukwege.

 Par Murhula Nkumbarhi Justin

SOURCE : deboutrdc.net

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