Dans le cadre des 16 jours d’activisme contre la violence à l’égard des femmes commencés le 25 novembre et terminés le 10 décembre, l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F (OPE) a choisi de faire campagne sur le thème « STOP AU HARCELEMENT SEXUEL » et a conçu, avec l’appui technique et financier de la GIZ, une exposition itinérante qui a été installée, et continuera d’être installée, dans plusieurs lieux : écoles, universités, églises, etc.
Après avoir été placée, le 25 novembre, à la salle Concordia lors de la cérémonie d’ouverture des 16 jours d’activisme, l’exposition a été installée dans la cour de récréation du lycée Cirezi à Bukavu.
Plusieurs centaines d’élèves du secondaire ont ainsi pu être sensibilisées en regardant les dix panneaux qui composent l’exposition. Les premiers expliquent ce qu’est le harcèlement sexuel. D’autres décrivent les lieux où les femmes et les filles risquent d’être confrontées à cette manifestation quotidienne de violences basées sur le genre (VBG) : les milieux de travail, les lieux de loisirs, les écoles, etc. mais aussi, depuis le développement du numérique et de l’Internet, les smartphones ! D’autres encore exposent pourquoi et surtout comment combattre le harcèlement sexuel : en brisant le silence, en libérant la parole, en cherchant de l’écoute et du soutien auprès de personnes de confiance.
Pour découvrir tous les panneaux de l’EXPOSITION ITINERANTE « STOP AU HARCELEMENT SEXUEL », cliquez ICI ou sur l’image ci-dessous :
A la fin des cours, la direction de l’école a rassemblé les élèves de 7ème et 8ème année dans la salle de conférence et a souhaité que leur soit remis le « Violentomètre ».
Le Violentomètre
Un outil pour sensibiliser les jeunes femmes aux violences basées sur le genre et pour « mesurer » si sa relation amoureuse est basée sur le consentement et ne comporte pas de violences.
Lire : Le violentomètre : un outil pour mesurer la violence dans le couple
Recto
Verso
Des « VBG oubliées », le harcèlement et les violences sexuelles intra-familiales
Après quelques explications données aux élèves sur le sujet du harcèlement sexuel ainsi que sur le Violentomètre, la parole a été donnée aux élèves qui n’ont pas manqué de s’exprimer et ont soulevé plusieurs questions très pertinentes.
L’une a interpellé en disant : « Vous nous encouragez à briser le silence, à libérer la parole, mais à qui pouvons-nous dénoncer les actes de harcèlement sexuel ? A la police ? Nous risquons de nous retrouver face à un harceleur ! ». D’autres ont attiré l’attention sur ce qui pourrait bien être une lacune de l’exposition : l’oubli d’un des lieux où une fillette, une jeune fille risque malheureusement le plus d’être victime de harcèlement sexuel, le milieu familial ! Et où il est terriblement difficile de briser le silence tant ce phénomène des violences sexuelles intra-familiales, pouvant aller jusqu’à l’inceste, est l’objet d’un tabou très pesant. Deux leçons tirées de ces échanges par l’équipe de l’OPE. La première est qu’il faut briser le silence qui règne sur le « harcèlement sexuel intra-familial » qui a des conséquences extrêmement graves pour celles et ceux qui en sont victimes.
La deuxième est qu’il est plus que nécessaire de mettre en place au sein des écoles un « dispositif d’écoute », une personne de confiance, un.e « point focal harcèlement sexuel », à laquelle les enfants et les jeunes victimes de harcèlement sexuel, non seulement à l’école mais aussi en milieu familial, puissent se confier, se référer, pour envisager les solutions à apporter à ce phénomène caché et mettre fin à l’hypocrisie régnante. La conférence s’est terminée par la proposition faite aux élèves de rejoindre le groupe WhatsApp « Parlons sans tabou » dans lequel seront abordés non seulement les VS&BG, dont le harcèlement sexuel, mais aussi les droits à la santé sexuelle et reproductive et toutes les questions – et les réponses – sur la problématique de l’éducation complète à la sexualité, trop souvent peu abordées dans le milieu familial et le milieu scolaire. Beaucoup d’élèves ont déclaré posséder un smartphone (qu’elles ne peuvent pas emporter à l’école) mais semblent en difficulté pour rejoindre le groupe par le moyen proposé : scanner le QR code figurant au verso du violentomètre. Il faut donc trouver autre chose.
Avoir plus de temps
La seconde école à accueillir l’exposition est le lycée Nyakavogo situé dans la commune beaucoup plus populaire de Bagira.
Là aussi, les élèves du degré secondaire découvrent l’exposition accrochée dans la cour et suivent un bref exposé sur le harcèlement sexuel et sur le violentomètre. Grande différence par rapport au lycée Cirezi, très peu d’élèves et peu de parents possèdent un smartphone ce qui rend plus difficile d’établir une communication durable via les réseaux sociaux et via un groupe WhatsApp. Autre leçon tirée : il faudrait disposer de plus de temps pour échanger avec les élèves, par ex. en pouvant passer de classe en classe pour entendre leurs questions et leurs préoccupations et pouvoir y apporter des réponses, tout cela en collaboration avec les enseignants les plus concernés et aussi les mieux formés pour traiter ces problématiques de la santé sexuelle et reproductive.
Une autre « fracture numérique », la fracture villes/campagnes
Troisième école, troisième installation de l’exposition, au lycée Canya, dans le territoire rural de Kabare.
Ici aussi plus de 400 élèves écoutent attentivement la présentation de l’exposition par l’équipe de l’OPE. Vont s’y ajouter une centaine d’élèves de 6ème année de l’école primaire voisine à qui leur professeur d’éducation à la vie va servir de guide. Toutes les élèves du secondaire reçoivent le Violentomètre que la plupart d’entre elles vont ramener à la maison, faire voir à des grandes soeurs et grands frères, à leurs parents, multipliant ainsi par 3 ou 4 le public touché par cet outil de sensibilisation au phénomène très répandu de la petite et de la grande violence au sein du couple.
Autre leçon apprise : la « fracture numérique » n’est pas seulement celle qui peut marginaliser les femmes et les filles par rapport aux hommes et aux garçon dans le domaine des nouvelles technologies numériques. C’est aussi la fracture numérique entre les villes et les campagnes, le milieu urbain et le milieu rural. Les femmes et jeunes filles de Kabare et des autres territoires ruraux sont ainsi victimes d’une double fracture numérique qu’il devient urgent de combattre avec vigueur, en « numérisant » les écoles rurales comme le lycée Canya à l’instar de ce qui commence timidement à se faire dans la 4ème école visitée, le lycée Wima.
Une école plus « branchée »
Le lycée Wima, la plus grande école de filles de Bukavu, est en effet l’école la plus « branchée » en matière de technologies digitales.
Une « classe numérique » est en cours d’installation, sponsorisée par Vodacom, qui, à travers la plateforme numérique Vodaeduc , donnera accès aux élèves et aux enseignants du primaire et du secondaire à un ensemble de ressources éducatives en ligne. Les élèves sont aussi assez nombreuses à déjà posséder un smartphone. Difficile pourtant de leur expliquer comment rejoindre le groupe WhatsApp « Parlons sans tabou » en scannant le QR code au verso du Violentomètre.
Pour parer à cette difficulté, l’on fait circuler dans les classes de dernière année, des listes sur lesquelles les jeunes filles inscrivent leur numéro WhatsApp, leur permettant ainsi de rejoindre le groupe WhatsApp et ainsi de pouvoir continuer à être informée sur les questions de santé sexuelle et reproductive et d’obtenir dans la durée des réponses aux nombreuses questions qu’elles se posent en matière, par exemple, d’éducation à la sexualité. Le passage trop rapide de l’équipe de l’OPE dans les classes ne permet pas de répondre aux questions des élèves que l’on sent un peu frustrées par ces échanges beaucoup trop courts.
Dans les universités
Une autre installation de l’exposition a lieu cette fois à l’UOB, l’Université Ouverte de Bukavu.
Ils sont des centaines à voir l’expo, des centaines à recevoir le Violentomètre, des centaines à scanner le QR code ou à s’inscrire sur des listes leur permettant ainsi de rejoindre le groupe WhatsApp Parlons sans tabou. Cette fois, avec la collaboration d’une petite équipe d’étudiant.e.s du Collège des étudiants et de la Brigade estudiantine, qui se sont aussitôt regroupés dans un petit groupe WhatsApp UOB sans tabou.
Cerise sur le gâteau, ils se mobilisent aussitôt pour faire installer prochainement l’exposition chez les voisins de l’ISTM, l’Institut Supérieur de Techniques Médicales qui compte pas moins de 4000 étudiantes et étudiants.D’autres contact sont pris pour installer prochainement l’expo à l’ISDR, l’Institut Supérieur de Développement Rural qui compte une option Genre et développement. D’autres établissements scolaires ont déjà souhaité recevoir l’exposition en cette fin d’année ou au début de 2024.
Au delà des établissements d’enseignement, l’OPE a aussi installé l’exposition et distribué le violentomètre à l’occasion des messes du premier dimanche de l’Avent à l’église de la paroisse Saint Pierre Claver de Bukavu, activité malheureusement un peu perturbée par les pluies abondantes tombées sur la ville durant cette matinée.
Enfin, l’OPE s’efforce aussi de faire adopter dans les établissements scolaires, les entreprises, les administrations, etc. un Code de conduite pour prévenir le harcèlement sexuel. Un tel Code de conduite est déjà en voie d’être adopté par certaines entreprises de presse et médias congolais, sur le modèle de ce qui se fait déjà au Burundi.
Lire :Un code de conduite pour prévenir le harcèlement sexuel dans les médias
La « transition numérique » au service de la lutte contre les VBG
La visibilité et la durabilité de cette campagne « Stop au harcèlement sexuel » sont considérablement renforcées par le recours aux technologies numériques, entre autres, par la création de groupes WhatsApp ainsi que par la réalisation d’une Boite à outils numériques sur le harcèlement sexuel.
Cette boite à outils contient, comme son nom l’indique, une panoplie d’«outils numériques» : articles, vidéos, cours en ligne ou MOOC (Massive Online Open Course), exposition itinérante, podcasts, etc. qui peuvent aider à alimenter la réflexion et le débat sur le harcèlement sexuel, cette forme très répandue de VBG. Ils peuvent aussi contribuer à en parler ouvertement et à libérer la parole des victimes et des témoins. Ils peuvent aussi servir pour la sensibilisation et la formation, individuelle ou collective.
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