A l’initiative du collectif des Guerrières de la paix, des militantes et personnalités du monde entier unissent leurs voix pour un appel à la solidarité
Partout sur la planète, nous assistons à une flambée dangereuse de toutes les formes de fascisme et d’obscurantisme. Le suprémacisme et l’identitarisme sont devenus des visions du monde largement partagées. Partout sur la planète, des autocrates prennent en otage l’avenir du monde, jouant avec les destins des peuples comme on joue au Monopoly.
Tous sont guidés par un virilisme violent fait de rapports de force, avec comme seule boussole politique le pouvoir et la prédation.
La haine des étrangers, la fermeture des frontières, la misogynie, toutes les formes de racisme, dont l’antisémitisme et la haine des musulmans, explosent et se banalisent. Chaque fois, il est question de se débarrasser des autres, de ne plus s’encombrer de leur existence et de leurs aspirations à l’égalité et la dignité.
Dans ce contexte, la remise en question des droits des femmes est un péril majeur pour notre monde commun. Cette guerre mondiale faite aux femmes nous rappelle que les droits, qu’elles ont arraché de longue haleine, ne sont jamais acquis.
Aux Etats-Unis et dans certains pays d’Europe, on s’attaque aux droits et aux libertés des étrangers ainsi qu’aux droits des femmes en restreignant l’accès fondamental à l’interruption volontaire de grossesse.
Partout les femmes paient le prix lourd des conflits armés et des guerres. En Ukraine, au Soudan ou au Congo, la violence qui les vise s’accompagne le plus souvent de violences sexuelles. Lorsque la vie des femmes, leur corps et leurs droits sont attaqués, lorsque leur dignité est bafouée, c’est l’avenir du monde qui est menacé.
A l’occasion de cette Journée internationale des droits des femmes, nous entendons élever nos voix et faire résonner celles qui, dans l’ombre et dans l’anonymat, continuent de résister.
A travers le monde, elles sont nombreuses ces héroïnes du quotidien qui se battent sur le seul front qui vaille, celui de la justice, de la dignité, de la vie. Nous, Les Guerrières de la paix, sommes convaincues que les femmes, lorsqu’elles s’unissent, forment le plus puissant bouclier contre la destruction du monde.
Nous refusons les assignations identitaires, les mises en concurrence ou la prétendue guerre des civilisations qu’on veut nous imposer. Nos droits n’ont pas de frontières, nos solidarités non plus. Face à ces menaces, notre sororité puissante et inébranlable est notre réponse, notre arme de construction massive. C’est ensemble et indéfectiblement unies que nous nous tenons débout. Solidaires et responsables, tissant ensemble les liens du seul avenir possible, notre avenir commun.
A l’image de nos sœurs palestiniennes et israéliennes qui, au cœur d’une guerre qui les endeuille, les déchire et les entrave, ne cessent de se battre pour la dignité. Des femmes qui continuent de militer pour la paix et la reconnaissance mutuelle. Ces femmes sont les derniers ponts qu’il nous reste pour reconstruire l’avenir. Leur pragmatisme et leur courage sont une leçon de dignité et d’humanisme qui devrait inspirer et faire rougir les prêcheurs de haine qui s’expriment en leur nom.
Nous sommes debout pour dénoncer ensemble les féminicides et les violences qui s’exercent contre les femmes, ici et partout. Et jusque dans ce qu’on appelle leur « foyer », où tant de femmes ont été maltraitées, abusées ou assassinées.
Comment ne pas saluer cette année la dignité et le courage de Gisèle Pelicot, qui a choisi de faire de son combat un combat pour toutes les femmes.
Nous nous tenons également aux côtés de toutes nos sœurs victimes de la haine des femmes partout sur la planète.
Jamais dans l’histoire, une guerre aussi violente n’aura été menée contre les femmes d’Afghanistan par les talibans. Elles sont privées du simple droit de vivre, de penser, de parler, d’étudier, de se soigner…
Nous sommes solidaires de nos sœurs iraniennes qui résistent héroïquement au régime des mollahs qui veulent les assujettir à des lois patriarcales, rétrogrades et liberticides. Nous admirons le courage de ces femmes qui refusent chaque jour de se soumettre, qui se dressent et résistent au péril de leur vie face à l’obscurantisme. Nous nous tenons à leurs côtés dans leur lutte pour l’égalité, contre l’apartheid de genre et pour la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes. Nous continuerons, ici, de faire résonner leur cri devenu slogan universel : « Femme, vie, liberté ».
Nous sommes aux côtés de nos sœurs ouïgoures victimes d’un génocide de genre, subissant des viols systématiques dans les camps chinois, victimes de stérilisation massive mais aussi de travail forcé dont bénéficie le capitalisme mondial. Nous pensons à nos sœurs arméniennes, aux violences qu’elles ont subies, à leur exil forcé. Nous pensons à nos sœurs ukrainiennes, à leur force et leur résilience, aux violences sexuelles que nombre d’entre elles ont endurées, à leurs enfants déportés en Russie. A la résistance et à la dignité de leur peuple qui lutte sans relâche pour sa souveraineté et sa liberté.
Et nous n’oublions pas les images terribles de ces femmes israéliennes prises en otage, victimes de violences sexuelles le 7 octobre, dont des corps exhibés et mutilés continuent de nous hanter. Tout comme nous hantent ces images insoutenables de femmes palestiniennes victimes d’une guerre meurtrière qui leur a tout pris, leur toit, leur famille, leur vie. Et dont l’avenir est aujourd’hui plus que jamais menacé.
Toutes ces souffrances, tous ces combats sont les nôtres. Nos douleurs sont communes, elles ne se divisent pas, elles ne s’opposent pas. Nous dénonçons toutes ces injustices, toutes ces violences, tous ces crimes.
La solidarité internationale des femmes est une force de résistance, elle est cette flamme obstinée qu’aucun mauvais vent ne pourra éteindre. Notre féminisme est une passerelle, le choix de l’universel. Notre féminisme refuse les assignations et les essentialisations. Notre féminisme exige la justice, l’égalité et la dignité pour toutes et tous. Notre féminisme est un humanisme qui prône l’égalité entre chaque être humain. Il est une révolution qui s’adresse à tous et toutes.
Car de toutes nos forces mais aussi de toutes nos fragilités, nous devons dénoncer ces masculinistes va-t-en-guerre qui nous mènent au chaos. Nous ne les laisserons pas gagner, nous sommes convaincues que la force des femmes pourra sauver le monde. Parce qu’ensemble et unies nous sommes indestructibles.
rédigé par Hanna Assouline et Leïla Slimani
Signé par :
Chirinne Ardakani, présidente d’Iran Justice ; Hanna Assouline, réalisatrice et fondatrice des Guerrières de la paix, un collectif de militantes palestiniennes, israéliennes, iraniennes, ukrainiennes, russes, ouïgoures et françaises engagées pour la paix, la justice et l’égalité ; Chekeba Hachemi, cofondatrice de Stand Speak Rise Up !, fondatrice d’Afghanistan libre ; Nava Hefetz, rabbine, militante israélienne des droits humains, membre des Guerrières de la paix ; Fatym Layachi, metteuse en scène et autrice ; Oxana Melnychuk, militante ukrainienne ; Dilnur Reyhan, présidente de l’Institut ouïghour d’Europe ; Hiba Qasas, militante pacifiste palestinienne ; Leïla Slimani, romancière et membre des Guerrières de la paix ; Zalina Steve, opposante russe.
Retrouvez la liste des signataires sur Lemonde.fr
Commentaires récents