Dans de nombreux pays en développement, accéder à un ordinateur ou à une connexion internet relève du privilège. Dans ces contextes, la fracture numérique n’est pas seulement une question de technologie, mais aussi d’inégalités sociales profondes. Les infrastructures sont souvent limitées, les coûts d’équipement élevés, et l’accès à l’électricité lui-même est parfois instable.

Mais au-delà des problèmes économiques, il existe une autre réalité : les femmes sont les premières exclues du monde numérique. Que ce soit par manque de moyens, par pression sociale ou par absence de formation, elles sont moins nombreuses à utiliser les technologies de l’information et de la communication (TIC). Or, dans un monde de plus en plus connecté, être privé de numérique, c’est être privé d’opportunités, de connaissances et de pouvoir.

Dans leur article  : « Les compétences numériques et les inégalités dans les usages d’internet , Comment réduire ces inégalités ? » ,

montrent que l’accès aux TIC n’est pas neutre : il reflète et amplifie les inégalités existantes. De son côté, Nanjira Sambuli, spécialiste des politiques numériques, affirme que si les femmes ne sont pas incluses dans la révolution technologique, elles seront exclues des décisions qui façonnent l’avenir.

Dans ce contexte, comment faire du numérique un outil d’inclusion plutôt qu’un facteur d’exclusion ?

Ces dernières années, nous avons vu comment les technologies peuvent être un moteur de changement. Des campagnes comme #MeToo, #BalanceTonPorc ou #BringBackOurGirls ont démontré le pouvoir du digital dans la mobilisation et le plaidoyer. Grâce aux réseaux sociaux, des voix longtemps étouffées ont pu s’exprimer, dénoncer et réclamer justice. Comme nous l’avons démontré dans notre étude sur portée sur  » L’apport des technologies de l’information et de la communication dans la prévention des violences sexuelles et basées sur le genre », dans la province du Sud-Kivu, le projet  » #Femme au Fone » de l’association des femmes des médias contribue significativement à la prévention des violences à travers un système d’alertes précoces.  Mais cette puissance est à double tranchant. Si les femmes n’ont pas accès aux outils numériques, elles sont exclues de ces nouvelles formes d’activisme et de participation citoyenne.

Selon un rapport de l’Union internationale des télécommunications (UIT), il y a 250 millions de femmes de moins que d’hommes qui utilisent internet dans le monde. L’écart est encore plus frappant en Afrique subsaharienne et en Asie du Sud, où seules 30 % des femmes possèdent un smartphone contre 43 % des hommes. Plusieurs raisons expliqueraient cela :

Le coût élevé des équipements et de l’accès à internet

Dans des pays où le revenu moyen est faible, investir dans un smartphone ou un abonnement est un luxe que peu peuvent se permettre.

Les barrières culturelles et sociales 

Dans certaines communautés, l’idée que les femmes n’ont pas besoin de technologie persiste. Leur accès aux outils numériques est parfois contrôlé par des membres masculins de la famille.

 » j’attend que mon mari paie un nouveau smartphone pour qu’il me laisse celui qu’il utilisait, je n’ai pas le droit de m’en payer seul » 

Les cyberviolences

Lorsque les femmes accèdent aux espaces numériques, elles sont souvent confrontées au harcèlement en ligne, ce qui les pousse à limiter ou abandonner leur présence sur internet.

Comment réduire cette fracture numérique de genre ?

Dans mon travail en communication pour le changement de comportement, j’ai constaté que le numérique ne peut être un véritable levier de transformation que si tout le monde y a accès. Cela implique de repenser les stratégies d’inclusion digitale en tenant compte des réalités locales. Voici quelques pistes :

1. Rendre l’accès au numérique plus abordable : des politiques publiques doivent encourager la réduction des coûts d’accès à internet et au matériel informatique, en particulier pour les femmes. C’est l’idée du centre de ressource numérique des femmes : Force des femmes au sein de l’Observatoire de la parité https://deboutcongolaises.org/

2. Renforcer la formation et l’éducation numérique des femmes : Lutter contre l’analphabétisme digital est essentiel. Des initiatives locales de formation aux outils numériques, comme celles menées par l’ONG World Wide Web Foundation, montrent qu’un accompagnement adapté peut faire une réelle différence, ou celle de la classe numérique comme celle que Vodacom Congo a implantée au sein du lycée Wima à Bukavu.

3. Lutter contre le cyberharcèlement : la peur des violences en ligne ne doit pas être un frein. Des mécanismes de signalement efficaces et des lois plus strictes sur le cyberharcèlement doivent être mis en place.

4. Encourager la production de contenus numériques par les femmes : Il ne suffit pas que les femmes consomment du numérique, elles doivent aussi y jouer un rôle actif en tant que créatrices de contenu, entrepreneures ou influenceuses engagées au sein des leurs milieux respectifs.

Alors que nous célébrons la Journée internationale des droits des femmes, il est temps d’élargir nos combats. L’égalité numérique doit être un objectif central du féminisme moderne, car elle conditionne l’accès des femmes à l’information, à l’éducation, à l’emploi et à la participation citoyenne.

Dans un monde où le digital façonne notre avenir, nous ne pouvons pas laisser les femmes hors ligne. L’accès aux technologies n’est pas un privilège, c’est un droit. Et c’est ensemble que nous devons œuvrer pour qu’il soit garanti à toutes.

Que pensez-vous de cette fracture numérique ? Quelles actions pourraient être mises en place pour y remédier ? Je serais ravi d’échanger avec vous en commentaire.

Joseph Lubunga

SOURCE : https://josephlubunga.blogspot.com/2025/03/ne-pas-laisser-les-femmes-hors-ligne.html