L’Afrique se prépare à subir de plein fouet l’impact sanitaire et économique du COVID-19 sur un terrain déjà fragilisé par la permanence d’autres épidémies.
A son tour, l’Afrique subit l’assaut de la pandémie. Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 130 cas et 20 morts ont été enregistrés. Quinze pays sont affectés. Plus de la moitié des cas se trouvent en Egypte (67 dont 8 morts) et un cinquième en Algérie (25 cas dont 5 morts). Suivent l’Afrique du Sud (13 cas dont 6 morts), la Tunisie (6 cas), le Maroc (5 cas), le Sénégal (4 cas), le Burkina-Faso, le Cameroun, la RDC et le Nigeria avec 2 cas chacun, suivis avec un seul cas par la Côte d’Ivoire (mais le patient est décédée), le Togo, le Ghana, le Gabon et le Kenya.
Selon Marc-Alain Widdowson, directeur de l’Institut des maladies tropicales d’Anvers (IMT), un virus épidémique comme le COVID-19, peut se comporter de façon très imprévisible. « Cela dit, il est pratiquement certain, qu’il y a plus de cas que ceux qui ont été diagnostiqués et rapportés car les tests prennent du temps, coûtent cher et les symptômes peuvent être légers ou même non apparents« , confie-t-il à la Libre Afrique. « Pour les prochains mois, j’anticipe que davantage de pays vont rapporter des cas« , poursuit le directeur de l’IMT. « Il important de réaliser que les maladies respiratoires comme le COVID-19 se répandent tout au long de l’année dans les climats tropicaux », ajoute-t-il.
« En Afrique, où il y a des taux élevés de maladie sous-jacente non traitée, de tuberculose par exemple, il y a un risque réel de maladie plus sévère. Néanmoins, la population africaine est plus jeune, aussi il est possible qu’il y ait moins de morts dans la mesure où la plupart des décès surviennent chez les personnes âgées », analyse le directeur de l’IMT.
Face au défi, certains pays sont mieux préparés que d’autres. « Les pays à revenu plus élevé sont mieux préparés au total grâce à des systèmes de santé plus fort. Pour les maladies sévères, on a souvent besoin de lits pour soins intensifs avec ventilation mécanique et approvisionnement en oxygène. Or, ils ne sont pas disponibles en nombre dans la plupart des pays et leur capacité serait rapidement débordée. Par ailleurs, les contrôles d’infection ne sont souvent pas complètement appliqués à cause du manque de ressources et de capacité, si bien que de grandes épidémies dans les hôpitaux constituent un risque très réel », poursuit le professeur Widdowson.
Aspect positif, selon le directeur de l’IMT : les pays qui ont connu l’expérience du H1N1 (grippe A) ou d’Ebola, comme la RDC, sont mieux préparés que d’autres à des épidémiess. « Á ce jour, nous n’avons pas vu de points chauds de la pandémie en Afrique mais il est clair que tout pays ne disposant pas d’un bon système de surveillance, d’une infrastructure de laboratoires et de services de santé, court le risque d’une forte expansion« . Il ne faut pas oublier non plus que dans certains pays, les maigres ressources des systèmes de santé sont déjà absorbées par la lutte contre les épidémies existantes (choléra ou ebola), comme au Congo ou HIV ailleurs. Selon le professeur Pierre-Marie Girard, directeur du Réseau international des Instituts Pasteur, tout concourt à ce que le virus circule en Afrique, où un million de ressortissants chinois font des allers-retours depuis leur pays.
Pour le professeur Widdowson, dans un tel contexte la meilleure contribution que l’on puisse faire est de soutenir financièrement et techniquement le Centre africain de contrôle des maladies, (Africa CDC) d’Addis Abeba pour juguler les épidémies et renforcer les systèmes de santé publiques. L’Africa CDC a formé des laboratins de 43 pays pour procéder aux tests du coronavirus. Ils ont permis aux pays africains de prendre une série de mesures comme le dépistage par l’Ethiopie ou la RDC de voyageurs provenant des pays les plus infectés et leur mise en quarantaine.
Sur le continent, la réponse se développe. Les voyageurs débarquant à l’aéroport de Kigali, sont systématiquement contrôlés. Dans la capitale rwandaise, les terminaux d’autobus mettent à disposition des voyageurs des kits pour se laver les mains. A l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, les voyageurs arrivants sont aspergés d’un désinfectant de la tête au pied.
Le Nigeria et l’Afrique du Sud ont créé des centres d’appel pour donner des conseils de prévention et informer de l’évolution de la pandémie. Le Kenya et la Tanzanie ont ouvert des centres de quarantaine, Le Kenya a délimité plusieurs zones à haut risque dont la capitale, Nairobi. La Fédération tanzanienne de football interdit l’échange des poignées de mains entre les joueurs. Le Ghana et le Gabon ont imposé une interdiction temporaire de voyager à leurs ressortissants. Et la Tunisie a interrompu la circulation des ferries vers l’Italie.
Nombre d’événements sont annulés, dont la conférence ministérielle de la Commission économique pour l’Afrique de l’ONU, prévue du 18 au 24 mars à Addis Abeba et la saison inaugurale de la Ligue africaine de basketball, qui devait commencer le 13 mars à Dakar. Le Maroc a instauré le huis clos pour les matchs de football. Au Nigeria, le Parlement s’est mis en congé pour deux semaines. Et le Zimbabwé menace d’expulser les voyageurs dépourvus de certificat médical.
Les conséquences commencent à se faire sentir sur l’économie du continent. En raison de la récession générée par la pandémie en Asie, 70% des cargaisons de pétrole nigérian et angolais ne trouvaient pas preneur début mars. Et déjà, le 10 mars, les pertes des compagnies aériennes africaines suite à la fermeture des lignes vers l’Asie dépassaient les 400 millions de dollars.
Par François Misser dans afrique.la libre.be
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