L’Observatoire de la parité et de l’égalité F/H (OPE) assure, comme son nom l’indique, une observation, une surveillance, un monitoring des progrès de la parité en RDC (consacrée par l’article 14 de la Constitution) dans tous les secteurs de la vie sociale, économique, culturelle et aussi politique. Les résultats de cette observation sont rendus publics par des « états des lieux de la parité » établis dans certaines Provinces et dans leurs Territoires. L’augmentation de la « participation politique de la femme » ou sa présence dans les institutions politiques sont donc évidemment au centre des préoccupations de l’Observatoire de la parité pour qui les élections sont un des moyens les plus essentiels pour faire progresser cette participation. Il était donc normal que l’Observatoire … observe le processus électoral en cours et concentre son observation sur l’évolution de la parité (progression, régression, statu quo) dans les institutions politiques (Assemblée nationale, Assemblées provinciales, Conseils communaux) suite aux élections nationales, provinciales et communales du 20 décembre 2023.
Pour d’autres domaines de l’observation électorale (les violations des droits de l’homme, les infractions à la loi électorale, les incidents le jour du scrutin, les fraudes, etc.), l’Observatoire de la parité préfère renvoyer le lecteur à des rapports (déjà publiés ou à venir) par des Missions d’observations électorales (MOE), des ONG internationales et nationales de défense des droits de l’homme, etc.[1]
NOMBRE ET % DE FEMMES ELUES
Election présidentielle
La seule candidate femme, Marie-José Ifoku a obtenu 27313 voix soit 0,14%. Ce score extrêmement faible conduit à s’interroger sur les causes de cet échec. Primo, il est évident que la polarisation du scrutin présidentiel sur quelques hommes « grands » candidats (Fayulu,Tshisekedi, Katumbi, etc. ) conduit à marginaliser tous les autres « petits » candidats et donc aussi la candidate Ifoku. Deusio, le slogan « Voter une femme » n’a visiblement pas fonctionné. Pourquoi ? Parce qu’il n’a pas été suffisamment communiqué aux électrices et électeurs ? Parce que « les femmes ne votent pas pour les femmes » ? A ces explications traditionnelles, on peut en préférer d’autres. Lorsque l’enjeu de l’élection est la victoire de l’opposition et la défaite de la majorité présidentielle, les électrices veulent certainement « voter utile » et ne pas gaspiller leur voix en la donner à un.e candidat.e qui n’a guère de chance d’être élu.e. Certain.e.s peuvent aussi craindre que la candidature de Marie-José Ifoku ne soit perçue, comme celle de beaucoup de « petits » candidats, que comme une « candidature de positionnement », posture très fréquente en RDC, dans laquelle le candidat ou la candidate n’espère pas vraiment être élu.e mais plutôt se positionne pour monnayer son désistement ou encore négocier sa nomination dans un gouvernement, une entreprise publique ou une autre institution.
Cela conduit inévitablement à s’interroger sur la validité du mot d’ordre proposé par certain.e.s : « Voter femme ».
Est-il raisonnable, pour les organisations qui luttent pour la parité et l’égalité H/F, d’appeler l’électrice (et l’électeur) à donner sa voix à une femme uniquement parce qu’elle est une femme ? Surtout lorsqu’on examine attentivement le mode d’émergence de certaines candidatures féminines. On constate malheureusement que beaucoup de candidates sont « la femme de… » ou « la sœur de… » ou la « fille de… ». De plus, lors de ce dernier cycle électoral, il est devenu évident que des femmes n’ont été placées sur la liste d’un parti ou d’un regroupement politique que pour y faire de la figuration ou surtout pour éviter de devoir payer le cautionnement, puisque l’article 13 al.3 de la loi électorale stipulait que « La liste qui aligne 50% au minimum de femmes dans une circonscription est exempte du paiement du cautionnement ». On lira plus bas une analyse critique de cette disposition qui a malheureusement été présentée par certaines organisations et réseaux de femmes comme une « innovation » apportée à la loi électorale.
Doit-on continuer à encourager les femmes (et les hommes) à voter pour ce type de candidates. S’il faut bien sûr combattre les stéréotypes, les préjugés, les coutumes rétrogrades, etc. qui nuisent à la participation politique de la femme, il est tout aussi urgent de faire émerger, notamment en vue des élections locales (de conseils communaux, de secteurs et de chefferies qui sont toujours programmées pour 2024), des candidatures de femmes solidement implantées à la base, compétentes et ayant fait preuve de capacités de leadership et qui auront vraiment à cœur la défense des intérêts de leur communauté.
Elections législatives nationales
Le tableau ci-dessous fournit, dans les 26 provinces de la RDC, le nombre de femmes élues par rapport au nombre de sièges à pourvoir à la députation nationale, ainsi que le pourcentage de femmes élues députées nationales pour chacune de ces provinces. Il permet de faire la comparaison avec les résultats des mêmes élections législatives nationales de 2018 et donc de vérifier quelle évolution il y a eu en matière de parité : progression (+), régression (-) , ou statu quo (=) , dans cette institution politique majeure qu’est l’Assemblée nationale. Ces chiffres et pourcentages sont susceptibles de légères variations en raison des élections reportées dans plusieurs Territoires (Rutshuru, Masisi, Kwamouth) et des recours en contestation des résultats introduits devant les tribunaux. Sans ces circonscriptions, le nombre de sièges à pourvoir était 481. Sur ce total, les femmes élues députées nationales sont au nombre de 61 , soit 12,68% %.
TABLEAU 1 : Femmes élues à l’Assemblée Nationale (AN).
Signification des couleurs : le noir pour les provinces ayant 0% de femmes élues à la députation nationale, rouge pour moins de 10% de femmes élues à l’AN dans cette province, orange pour 11 à 20% de femmes élues, vert clair pour plus de 20%, vert foncé pour 30% ou plus.
6 provinces ( ITURI, MONGALA, NORD-UBANGI, SANKURU, TSHOPO, KASAI) n’ont envoyé aucune femme à l’Assemblée Nationale (AN) .
6 provinces (HAUT-UELE, SUD-KIVU, SUD-UBANGI, KASAI CENTRAL, KWANGO, LOMAMI) n’ont envoyé qu’une seule femme à l’AN, ce qui les situe en-dessous de 10 % de femmes dans le groupe ou le caucus des député.e.s de chacune de ces provinces.
8 provinces ( MAI NDOMBE, MANIEMA, NORD-KIVU, TANGANYIKA, TSHOPO, KASAI-ORIENTAL, KONGO CENTRAL, KWILU), sont les plus nombreuses à n’envoyer que 2, 3 ou 4 femmes à l’AN, ce qui les amène à un score médiocre situé entre 11 et 20% de femmes dans le groupe ou le caucus des député.e.s de chacune de ces provinces.
4 provinces seulement (EQUATEUR (4 F élues), HAUT-KATANGA (7F) , HAUT-LOMAMI (4), KINSHASA (13F) ont atteint le score toujours faible de 20 à 30% % de femmes envoyées à l’AN.
2 provinces ( BAS-UELE (3F/10 sièges), LUALABA (4F/13 sièges) avec atteignent de justesse le seuil de 30% de femmes envoyées à l’Assemblée nationale.
Y a-t-il un progrès du nombre de femmes élues et donc de la parité par rapport aux élections à la députation nationale de 2018 ?
Le nombre de femmes passe de 50 (sur 500 sièges à pourvoir) soit 10% de l’AN à 61( sur 481 sièges à pourvoir, en raison du report des élections au Masisi, Rutshuru, Kwamouth) soit une augmentation très faible de 2,68%, qualifiée par certains de ridicule. Ce pourcentage pourrait légèrement varier à la hausse ou à la baisse en fonction des futures résultats des élections dans les trois territoires où elles n’ont pas eu lieu. Il est donc difficile de parler de réel progrès, mais plutôt d’une stagnation, ce qui amènera toutes celles et tous ceux qui avaient mis leur espoir en une progression significative vers la parité à l’Assemblée nationale à être fortement déçus mais aussi à s’interroger sur les raisons de cet échec et surtout à réfléchir à de nouvelles stratégies susceptibles d’en empêcher la répétition à l’avenir.
Elections législatives provinciales
Le tableau ci-dessous fournit, dans les 26 provinces de la RDC, le nombre de femmes élues par rapport au nombre de sièges à pourvoir à la députation provinciale, ainsi que le pourcentage de femmes dans chacune des 26 assemblées provinciales.
Signification des couleurs : le noir pour les provinces ayant 0% de femmes élues à la députation nationale, rouge pour moins de 10% de femmes élues à l’AN dans cette province, orange pour 11 à 20% de femmes élues, vert clair pour plus de 20%, vert foncé pour 30% ou plus.
TABLEAU 2 : Femmes élues dans les Assemblées provinciales.
*Ces chiffres et pourcentages sont susceptibles de légères variations en raison des élections reportées dans 3 territoires et des recours introduits devant les tribunaux et de la cooptation des chefs coutumiers. Sans ces circonscriptions, le nombre de sièges à pourvoir était de 689. Sur ce total, les femmes élues provisoirement députées provinciales sont au nombre de 64, soit 9,28 %
5 provinces sur 26 ( MAI-NDOMBE, MANIEMA, MONGALA, SUD-UBANGI, TCHUAPA) n’ont aucune femme élue dans leur Assemblée provinciale.
11 provinces (HAUT-UELE, ITURI, NORD-KIVU , SANKURU, SUD-KIVU, TSHOPO, KASAI, KASAI CENTRAL, KONGO CENTRAL, KWANGO, KWILU) sont les plus nombreuses à n’avoir envoyé qu’une, deux ou trois femmes (4 pour l’Ituri) à leur Assemblée provinciale (ASPRO), ce qui les situe en-dessous de 10 % de femmes dans ces assemblées.
8 provinces ( BAS-UELE, EQUATEUR, NORD-UBANGI, TANGANYIKA, KASAI-ORIENTAL, KINSHASA, LOMAMI, LUALABA), n’auront que 2, 3 ou 4 femmes dans leur assemblée, ce qui les amène à un score médiocre situé entre 11 et 20% de femmes dans l’ASPRO de chacune de ces provinces.
Deux Provinces (HAUT-KATANGA (12F/44 sièges à pourvoir = 27,27%), HAUT-LOMAMI (5F/24 = 20,83%)) dépassent les 20% (ce qui mériterait de réaliser une étude sur ces résultats que l’on ne peut cependant pas qualifier d’ exceptionnels puisqu’ils n’atteignent même pas le « seuil » de 30%).
Aucune province n’atteint le pourcentage de 30% de femmes élues considéré par l’OPE comme une première marche ou seuil à franchir pour avancer vers la vraie parité à 50%.
Y a-t-il un progrès du nombre de femmes élues et donc de la parité par rapport aux élections à la députation provinciale de 2018 ?
Le nombre de femmes passe de 75 sur 715 sièges à pourvoir, soit 10,48% de femmes dans les Assemblées provinciales en 2018 à 64 sur 689 sièges à pourvoir, (en raison du report des élections au Masisi, Rutshuru, Kwamouth) soit 9,28% ce qui signifie un recul de – 1,2%. (Ce pourcentage pourrait légèrement varier à la hausse ou à la baisse en fonction des futures résultats des élections provinciales dans les trois circonscriptions où elles n’ont pas eu lieu).
Il faut donc parler de régression et d’un grave échec, ce qui amènera toutes celles et tous ceux qui avaient mis leur espoir en une progression significative vers la parité dans les Assemblées provinciales à être fortement déçus mais aussi à s’interroger sur les raisons de cet échec et surtout à réfléchir à de nouvelles stratégies susceptibles d’en empêcher la répétition à l’avenir.
Elections communales
Le tableau ci-dessous fournit, pour les 113 communes dans lesquelles se sont déroulées les élections communales, le nombre de femmes élues par rapport au nombre de sièges à pourvoir dans le Conseil communal, ainsi que le pourcentage de femmes élues conseillères communales pour chacune de ces communes.
TABLEAU 3 : Femmes élues dans les Conseils communaux
Nombre de femmes élues dans les Conseils communaux
32 communes sur 113 n’ont aucune femme élue dans leur Conseil communal.
33 communes sont les plus nombreuses à n’avoir envoyé qu’une seule femme dans leur conseil communal
21 communes n’en compterons que deux.
12 communes compteront 3 femmes dans leur conseil.
7 communes en compteront 4
6 communes en compteront un plus grand nombre : 5
2 communes font figure d’exceptions puisque les femmes y seront majoritaires en étant au nombre de 6 conseillères communales.
Pourcentage de femmes élues dans les conseils communaux
En visualisant la colonne de droite du tableau, on s’apercevra immédiatement que le noir et le rouge prédomine très largement :
32 communes, comme on l’a vu ci-dessus, n’ont aucune femme élue dans leur Conseil communal, en pourcentage donc 0%
61 communes ne compteront qu’une ou deux conseillères communales et seront donc en dessous du seuil de 30% de femmes au sein de cette institution politique locale. En y ajoutant les 32 conseils communaux sans aucune conseillère communale, on totalise 93 conseils communaux avec une représentation nulle ou très faible des femmes. Il n’en reste que 20 où cette représentation est satisfaisante dont 2 qui atteignent la parité.
13 communes seulement dépassent le seuil de 30% de femmes élues.+
7 communes font exception et atteignent ou dépassent le seuil de parité (50%) et les femmes y sont donc majoritaires.
Le désastre du « seuil électoral »
Un problème très grave, passé largement inaperçu, est celui du seuil légal de représentativité et de son application lors des élections communales débouchant sur des situations aberrantes, conflictogènes et antidémocratiques : des conseils communaux à parti unique !
Le seuil légal de représentativité est un préalable à toute attribution des sièges après les scrutins (Il n’est pas applicable aux candidats indépendants et aux candidats à la présidence de la République). Après le travail de dépouillement et de compilation des résultats, la CENI doit calculer le seuil légal de représentativité pour identifier les regroupements ou parti politique qui ont atteint le seuil et qui sont éligibles au calcul de répartition des sièges. Conformément à l’article 118 de la loi électorale, au niveau des élections législatives nationales, le seuil de représentativité est fixé à 1% des suffrages exprimés sur l’ensemble des suffrages valablement exprimés, alors qu’au niveau provincial le seuil est de 3% et 10% au niveau local. Seuls les partis ou regroupements ayant atteint ce seuil participent à l’attribution des sièges. Ceux ne l’ayant pas atteint sont écartés[2].
Cette règle du seuil (incompréhensible pour le commun des mortels et productrice de multiples effets dévastateurs que nous ne pouvons détailler tous ici) a entrainé un effet pervers et inattendus (par la CENI) : la constitution de conseils communaux composés d’élus d’un seul parti ou regroupement politique. Lors de la proclamation des résultats sur les antennes de la RTNC, les Commissaires de la CENI ont répété à plusieurs reprises « Dans cette commune, un seul regroupement politique a atteint le seuil électoral et tous les sièges ont donc été attribué à ce regroupement ». Il en résulte qu’une quinzaine de communes seront dirigées par un conseil communal intégralement composé de conseillers et conseillères membres du même parti ou regroupement politique ! C’est l’arrivée au pouvoir communal d’un parti unique. L’opposition sera inexistante. Le contrôle des actes de l’exécutif et du bourgmestre sera inexistant. C’est pire que de la particratie, c’est l’invention de la « particratie monopartite ». Il faut imaginer des grandes communes de plusieurs dizaines voire centaines de millier d’habitants comme les communes de Kenya, Kasavubu, Ngaba, Maluku, Kalemie, Kamina, etc. gérées par un seul parti ou regroupement politique. La quasi-totalité de la population n’accordera aucune confiance et légitimité à de tels conseils communaux, ce qui engendrera inévitablement des conflits locaux. Il faut aussi imaginer ce que l’application de cette règle du seuil électoral va donner lorsqu’il ne s’agira plus, comme le 20 décembre 2023, d’élire 113 conseils communaux (uniquement ceux situés dans le chef-lieu de chacune des 26 provinces), mais d’élire plusieurs centaines de conseils communaux dans les communes où les élections locales n’ont pas été organisées en décembre ainsi que dans plusieurs centaines de secteurs et plusieurs centaines de chefferies.
Modifier d’urgence la loi électorale pour éviter la répétition à grande échelle de ce fiasco
Il n’est pas concevable de rééditer des élections locales à grande échelle dans ces centaines, voire milliers d’ETD (Entités Territoriales Décentralisées) avec cette règle absurde qui conduit à de telles aberrations anti-démocratiques et conflictogènes. Ne faut-il pas, dans la perspective de ces élections locales toujours programmées en 2024, mettre en débat les propositions suivantes de l’OPE :
- Modifier d’urgence la loi électorale en ce qui concerne l’élection des conseils communaux, conseils de secteur, conseils des chefferies ;
- Supprimer la règle absurde du seuil électoral ;
- Introduire des mesures temporaires spéciales (comme les sièges réservés aux femmes ou le scrutin binominal ou en duo H/F[3]) ;
- Abandonner la quasi obligation de se porter candidat.e sous la casquette d’un parti ou regroupement politique (inexistant en réalité dans la plupart des ETD)
- Favoriser les candidatures d’indépendant.e.s (malheureusement très peu nombreuses lors du scrutin du 20 décembre)
- Modifier la loi électorale afin que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies » soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres élus du Conseil de chefferie, comme c’est le cas pour les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « Communes » et les Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « Secteurs », qui sont, eux, élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections locales
CONSTATS :
A l’Assemblée nationale, le nombre de femmes passe de 50 (sur 500 sièges à pourvoir), soit 10% de l’AN, à 61 (sur 481 sièges à pourvoir, en raison du report des élections au Masisi, Rutshuru, Kwamouth) soit une augmentation très faible de 2,68 %, qualifiée par certains de ridicule. Ce pourcentage pourrait légèrement varier à la hausse ou à la baisse en fonction des futures résultats des élections dans les trois territoires où elles n’ont pas eu lieu.
Dans les Assemblées provinciales, le nombre de femmes passe de 75 (sur 715 sièges à pourvoir), soit 10,48% de de femmes, à 64 (sur 689 sièges à pourvoir, en raison du report des élections au Masisi, Rutshuru, Kwamouth) soit 9,28%. Ce qui signifie un recul de – 1,2%. (Ce pourcentage pourrait aussi légèrement varier à la hausse ou à la baisse en fonction des futures résultats des élections provinciales dans les trois circonscriptions où elles n’ont pas eu lieu). Ce recul pourrait même être accentué si l’on tient compte de l’ajout dans ces assemblées de députés provinciaux, non pas élus mais cooptés au titre de chefs coutumiers, qui sont quasi exclusivement de sexe masculin. Ainsi, par exemple, pour l’Assemblée provinciale du Sud-Kivu, au 44 députés élus, dont seulement 2 femmes (= 4,54%) viennent s’ajouter 4 députés provinciaux cooptés, les bamis, ce qui donne deux femmes non plus sur 44 mais sur 48 (= 4,1%). Une autre légère variation pourrait aussi se produire lorsqu’un homme élu député provincial opte pour siéger à l’AN où il a été également élu et décide de se désiste en faveur d’une suppléante qui est de plus en plus fréquemment … sa femme, sa fille, sa sœur, etc.. C’est ce qui s’est effectivement produit dans certaines provinces comme par exemple celle du Sud-Kivu. Ainsi la plénière du 8 mars 2024 de l’assemblée provinciale a validé les mandats de suppléant.e.s. Plusieurs députés, élus et à l’Assemblée nationale et à l’assemblée provinciale ont choisi de se désister en faveur de leur suppléant.e. Ainnsi Ndigaya Ngezi La Fantaisie a céder sa place à l’Assemble provinciale à sa première suppléante, Furahisha Mukuyano, qui est aussi sa femme. Et Olive Mudekereza à Jeanne Nismire, qui est aussi sa femme et première suppléante. Ce qui donne une assemblée provinciale comptant 48 députés provinciaux dont trois ont été élues et deux devenues députées par le biais de la suppléance et … par les liens du mariage. Voilà comment en RDC progresse la participation politique de la femme.
Il est évident pour l’OPE qu’il faut tirer les leçons et les conséquences de telles pratiques qui décrédibilisent le régime démocratique et parlementaire et transforment la politique en une affaire de famille. Le cumul des candidatures à plusieurs élections (nationnales, provinciales, communales) doit être interdit. La suppléance par un membre de sa famille doit l’être également. En tout état de cause, 5 femmes sur 48 membres de l’assemblée ne donne toujours que 10,4% , un pourcentage d’autant plus ridicule qu’il est obtenu par des moyens scandaleux.
Dans les Conseils communaux, institutions locales « de proximité » et donc généralement considérées comme plus propices à l’élection de femmes, le nombre de femmes élues conseillères communales est aussi très limité : 32 communes n’ont aucune femme élue; 61 communes ne comptent qu’une ou deux conseillères communales. On totalise donc 93 conseils communaux sur 113 avec une représentation nulle ou très faible des femmes. Il n’en reste que 20 où cette représentation est satisfaisante dont 2 seulement qui atteignent le seuil de parité de 50% .
Il est donc impossible, de manière globale, de parler de progrès, d’avancée, etc. mais plutôt de stagnation, d’absence de progrès ou même de régression et donc d’un grave échec dans la marche vers la parité, telle que prévue et même imposée par l’article 14 de la Constitution. Toutes celles et tous ceux qui avaient mis leur espoir en une progression significative vers la parité à l’occasion des élections du 20 décembre 2023, ne peuvent qu’être fortement déçu.e.s , mais pas découragé.e.s, et doivent s’interroger sur les raisons de cet échec et surtout réfléchir à de nouvelles stratégies susceptibles d’en empêcher la répétition à l’avenir.
IDENTIFICATION DES VERITABLES CAUSES DE L’ECHEC
Au lendemain des publications successives par la CENI des résultats provisoires de ces trois élections (nationales, provinciales, communales) l’on ne s’est pas bousculé au portillon ni pour les analyser ni pour avancer des explications des causes profondes de cet échec cuisant ou même de cette défaite dans le combat pour la parité.
D’où vient l’échec des femmes aux élections ?
Quelques articles font évidemment le constat d’échec. Extraits : « Les associations de promotion des droits des femmes déplorent déjà le visage fortement masculin que présentent ces Assemblées provinciales qui font reculer le combat de la femme sur sa représentativité dans les institutions » ; « Plaintes et colère, contestations et indignations des femmes au lendemain de la publication des résultats des élections législatives nationales et provinciales » ; « Un échec pour le combat de la représentation de la femme que personne ne veut, pour l’instant, assumer. »
Quelques autres évoquent, en passant, des causes de l’échec : le « manque de mobilisation des femmes, le manque de moyens financiers, le poids des stéréotypes, des préjugés et des normes socio-culturelles : « Les organisations de la société civile sont invitées à travailler encore plus afin de briser les pesanteurs socioculturelles qui empêchent aux femmes d’exercer pleinement la politique » ; « Au-delà de ce manque de mobilisation des femmes pour les femmes, les préjugés et les barrières culturelles prennent encore le dessus ». « « L’argent a beaucoup circulé au cours de cette campagne et de nombreuses candidates ne pouvaient pas se le permettre. Le plus grand frein, reste, selon moi, le problème financier auquel les femmes sont confrontées ».
Lors d’un « dialogue communautaire » organisé par l’Association des Femmes des Médias (AFEM), le jeudi 7 mars 2024 à Bukavu, les participants.es, acteurs et actrices de la société civile et des institutions étatiques, évoquent aussi ces mêmes causes de l’échec et soulignent que plusieurs facteurs socio-culturels, économiques et sociétaux continuent de décourager les femmes à se présenter aux élections. Une des intervenantes identifie et présente succinctement ces principaux obstacles : « la faible adhésion aux partis politiques (Les femmes sont moins nombreuses que les hommes à adhérer aux partis politiques et à s’impliquer dans leur fonctionnement) ; la peur et le manque de confiance en soi (Les femmes ont souvent peur de se lancer en politique et manquent de confiance en leurs capacités) ; les clichés et stéréotypes sexistes (La société continue de véhiculer des clichés et des stéréotypes qui associent les femmes à la sphère privée et les hommes à la sphère publique) ; le manque de soutien financier et familial (Les femmes candidates manquent souvent de soutien financier et familial pour mener une campagne électorale efficace)« .
Quelle stratégie et solutions mettre en œuvre pour obtenir une meilleure participation politique des femmes et progresser vers la parité ?
Suite à cette analyse des principales causes de l’échec et face à ces principaux défis, il s’agit donc d’identifier les solutions, les stratégies pour surmonter ces obstacles et pour améliorer la représentativité des femmes dans les instances décisionnelles.
Quelles sont les solutions préconisées ? L’adhésion massive des femmes aux partis politiques et implication dans leur leadership ; la participation aux formations sur le leadership féminin et la communication politique ; les campagnes de sensibilisation pour briser les clichés et les stéréotypes sexistes, le soutien financier et matériel aux femmes candidates. L’on y ajoute, sans trop préciser de quoi il s’agit, l’adoption de mesures incitatives par les partis politiques et le gouvernement. Une autre intervenante va dans le même sens et propose également un renforcement des capacités des femmes par « la multiplication des séminaires, des conférences et des formations sur le processus électoral et les stratégies pour remporter les élections, l’appui financier et logistique aux femmes candidates ainsi que le mentoring et coaching.
En résumé, ce qui est proposé et recommandé n’est rien d’autre que la poursuite de ce qui s’est toujours fait depuis les élections de 2006, de 2011, de 2018, jusqu’à celles de 2023, c’est-à-dire une stratégie et des solutions ne reposant presqu’exclusivement que sur le « renforcement des capacités » des femmes et sur les campagnes de « sensibilisation ».
Il n’est évidemment pas question pour l’Observatoire de la parité et de l’égalité F/H (OPE) de nier l’existence de ces causes et le poids de tous ces facteurs socio-culturels, économiques et sociétaux qui continuent de décourager les femmes à se présenter aux élections et donc de tous ces obstacles qui freinent la participation politique des femmes. L’OPE a été une des premières organisations féministes congolaises à les mettre en évidence et à combattre les stéréotypes liés au genre, les normes socio-culturelles rétrogrades, les coutumes et les traditions patriarcales qui sont effectivement les causes principales des inégalités F/H et de l’absence de parité dans les institutions et dans les instances de prise de décision.
De nombreuses études, notamment celles commandées par l’Union Interparlementaire (UIP), ont mis en évidence tous ces facteurs institutionnels et socioculturels qui empêchent les femmes de participer à la politique sur un pied d’égalité avec les hommes. Par exemple, un récent Rapport d’expert réalisé pour le compte du Programme du partenariat entre hommes et femmes de l’UIP (dans le cadre de sa coopération avec l’Assemblée nationale nigériane) cite parmi ces facteurs ou ces obstacles « le verrouillage au niveau des partis politiques, les importants droits d’enregistrement des candidats, les horaires peu commodes des réunions politiques, le coût élevé des campagnes électorales, les actes de violence et de harcèlement sexuel, le clientélisme (et, par voie de conséquence, la dépendance vis-à-vis d’un petit nombre de réseaux masculins), l’interdiction des candidatures indépendantes et les normes sociales patriarcales ». Cette analyse, aujourd’hui bien connue et largement partagée, des « facteurs de blocage » de la participation politique de la femme ne s’applique pas seulement qu’au Nigeria. Elle s’applique presque partout dans le monde, aux pays africains et bien évidemment à la RDC. Il est indéniable que les femmes qui se présentent (ou voudraient se présenter) aux élections se heurtent à de nombreux problèmes, dont la discrimination ou les croyances culturelles qui limitent le rôle des femmes dans la société. Elles se heurtent aussi à la difficulté à concilier la vie privée, familiale et la vie publique, politique, à recueillir le soutien des partis politiques et à financer des campagnes. Elles peuvent de plus être victimes de violence, de harcèlement et d’actes d’intimidation qui peuvent les dissuader de se présenter aux élections, laissant ainsi aux hommes les postes de pouvoir.
Il est donc nécessaire de déterminer quelle stratégie et quels moyens doivent être adoptés et mis en œuvre pour surmonter tous ces obstacles et favoriser une représentation plus égalitaire et plus inclusive des femmes dans les institutions politiques
Deux approches radicalement différentes sont en présence. L’une que l’on pourrait qualifier de « stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation ». L’autre que l’on pourrait qualifier de « stratégie des mesures temporaires spéciales »
La stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation : une approche « perdante »
La stratégie de la plupart des partenaires techniques et financiers (bailleurs de fonds, agences UN, coopérations, ONG internationales, etc.) et des organisations de la société civiles congolaises a été et est toujours quasi exclusivement orientée sur le « renforcement des capacités » et la « sensibilisation ». Comme si la « capacitation » des femmes candidates et l’organisation de campagnes de « sensibilisation » des électeurs-trices suffisaient pour que les femmes soient élues et siègent en plus grand nombre dans les institutions.
On trouve une illustration très claire de cette stratégie dans une note d’orientation, traitant des « défis probables pour les élections de 2023 », intitulée « RDC : les réformes électorales et la participation politique des femmes », dans laquelle ONU-Femmes énumère une liste de « prochains pas » à franchir. Il n’y est question que de renforcement des capacités et de sensibilisation : « Renforcer les connaissances et les compétences des femmes dans la société civile, afin de renforcer leur confiance pour se présenter à des postes politiques… Fournir un soutien et une formation professionnelle aux partis politiques dirigés par des femmes et des jeunes …, Organiser des campagnes de sensibilisation dans les villes… Renforcer la confiance, les compétences et l’autonomisation des femmes élues … Organiser des campagnes de sensibilisation sur la parité des sexes pour les partis politiques, afin de s’assurer que les stéréotypes et les normes de genre ne se répandent pas dans les élections de 2023 … Créer des campagnes de sensibilisation sur la masculinité positive pour changer l’état d’esprit du domaine politique.
Malheureusement, au vu des résultats catastrophiques en matière de parité des élections de décembre 2023, il faut bien reconnaître que la stratégie et les solutions adoptées, reposant sur le renforcement des capacités et la sensibilisation, ont démontré leur inefficacité pour renverser tous ces obstacles, toutes ces « causes » de la faible représentation des femmes dans les institutions politiques congolaises
La solution à l’obstacle « manque de moyens »
Puisque pour les femmes candidates, particulièrement celles qui ont échoué, et pour de nombreuses OSC qui les soutiennent, la cause principale de l’échec est « le manque de moyens », la solution du problème se trouve donc évidemment, comme on l’a vu plus haut, dans le « renforcement des capacités financières ». L’OPE considère que cette demande de soutien financier est non seulement irréaliste mais aussi inefficace et surtout non respectueuses des valeurs éthiques qui doivent être respectées dans une campagne et une compétition électorale[4].
La solution à l’obstacle « manque de formation, de compétence, d’expérience » des femmes candidates
Puisque les femmes souffrent de plusieurs « manques » (de formation, de compétence, d’expérience, etc.) la réponse à mettre en œuvre pour espérer obtenir une représentation plus égalitaire et plus inclusive des femmes dans les institutions élues (AN, Assemblées provinciales, Conseils communaux, etc.) est de procéder au renforcement des capacités des femmes candidates à ces élections. Cela consiste, depuis de nombreuses années, essentiellement à mettre en œuvre des formations, du coaching ou du mentorat à l’intention des candidates. Cela se réalise depuis longtemps à travers des activités « en présentiel » qui malheureusement, le plus souvent, ne permettent d’atteindre qu’un nombre très limité des femmes candidates, celles qui habitent dans les grandes villes et/ou celles très rares qui ont les moyens de s’y déplacer[5]. La diffusion de Guides et Manuels en version papier est elle aussi très restreinte pour les mêmes raisons. L’Observatoire de la parité a tenté de renverser ces obstacles liés aux activités « en présentiel » en utilisant les technologies et les outils numériques (l’Internet et les appareils mobiles, laptop, tablette et surtout smartphone) pour atteindre potentiellement toutes les candidates aux élections, y compris dans les circonscriptions rurales[6].
Il faut bien se rendre à l’évidence et reconnaître que ces activités de renforcement des capacités, organisées « en présentiel » ou « en distanciel », si elles ont pu contribuer au succès ici et là de quelques rares candidates, n’ont pratiquement eu aucun impact significatif en termes de progression vers la parité au sein des diverses institutions élues depuis les élections de 2006 jusqu’à celles du 20 décembre 2023.
La solution à l’obstacle « manque de mobilisation des femmes pour les femmes »
Puisque selon certain.e.s, le manque de soutien et/ou de solidarité entre les femmes est un des facteurs explicatifs de l’échec des femmes candidates aux différentes élections, la réponse à apporter se trouve dans la sensibilisation à travers des campagnes visant à convaincre les femmes de voter pour les femmes ou encore invitant les hommes à faire preuve de masculinité positive en apportant leurs suffrages aux femmes candidates.
Ici aussi, il faut bien l’avouer, les résultats de ces multiples campagnes de sensibilisation, développées à grand renfort de financement par les PTF lors des quatre cycles électoraux, ont été insignifiants
La solution à l’obstacle « manque d’intérêt pour la politique et les partis politiques »
Puisque les femmes souffrent d’un manque d’intérêt pour la politique et plus particulièrement pour les partis politiques, certain.e.s ont misé sur un autre moyen qui aurait pu permettre d’espérer une représentation plus égalitaire et plus inclusive des femmes dans les partis politiques et sur les listes de candidat.e.s aux différents scrutins électoraux. Il s’agit de la seule « mesure législative » qualifiée « d’incitative » inscrite dans la loi électorale à son article 13. Selon ONU-Femmes, cet article « a ouvert la voie à l’égalité dans la politique congolaise, avec de nouveaux mécanismes incitatifs volontaires pour encourager la participation politique des femmes ». L’article 13 se distinguerait « par sa déclaration claire sur l’importance d’une représentation politique 50/50 » par la suppression des frais de cautionnement pour les partis politiques alignant au moins 50 % de femmes sur leur liste.
Ce nouvel article 13[7], présenté par la CENI, par ONU-Femmes, par le Mouvement Rien sans les femmes (RSLF), etc. comme une des grandes « innovations » de la loi électorale s’est révélé n’être qu’une énorme duperie puisqu’il n’a en rien contribué à l’élection de femmes. En réalité, il a été instrumentalisé par les partis politiques, presqu’exclusivement dirigés par des hommes, qui ont invité des femmes à figurer sur leur liste de candidat.e.s., notamment aux élections communales. Résultat : les candidats hommes ont été dispensés du paiement du cautionnement et les femmes qui s’étaient portées candidates n’ont pas reçu du parti le soutien que l’on avait fait miroiter à leurs yeux.
Conclusion : Toutes ces activités, projets, programmes qui s’inscrivent dans cette stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation ne sont pas inutiles. Mais les résultats décevants des 4 cycles électoraux – et plus particulièrement du dernier – démontrent le caractère inefficace de cette stratégie et ses grandes insuffisances pour que la participation politique des femmes progresse et pour que l’exigence constitutionnelle de parité se concrétise dans une composition de plus en plus paritaire des institutions.
Cette stratégie de « capacity building » et de « sensibilisation » a depuis longtemps montré ses limites. Il est évident, en se fiant aux conclusions des experts dans le domaine, mais aussi en faisant le triste constat de l’absence totale de progrès en matière de parité depuis les élections de 2006 jusqu’à celles de 2023, que le « renforcement des capacités » et les « campagnes de sensibilisation », activités de loin préférées et privilégiées par les PTF et bailleurs de fonds intervenant en RDC (et par leurs partenaires OSC congolaises…) n’ont qu’un impact très limité, voire nul, sur l’augmentation de la participation politique des femmes.
Pour progresser résolument et effectivement vers la parité, il est plus que temps que toutes les parties prenantes du combat pour la parité et la participation politique de la femme reconnaissent les faiblesses – pour ne pas dire la faillite – de la « stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation » et se tournent vers la « stratégie des mesures temporaires spéciales » (ou de discrimination positive) adoptée dans de nombreux pays, y compris les pays voisins de la RDC, et qui ont permis de faire des progrès significatifs vers la parité.
La « stratégie des mesures temporaires spéciales » : l’approche « gagnante » y compris en Afrique
Certains politiciens HOMMES sont souvent d’opinion que l’accès des femmes aux assemblées élues ne peut être basé sur des quotas mais seulement sur la « méritocratie ». Cet opinion est à la fois très prétentieuse et très insultante. Opinion très prétentieuse, car qui peut croire un seul instant que tous les membres des assemblées élues y sont arrivés par la vertu de leurs seuls mérites. Opinion très insultante aussi pour les femmes, parce que cela veut dire, dans l’esprit de ces messieurs, que si les femmes ne sont pas nombreuses au Parlement, dans les assemblées provinciales ou dans les conseils communaux c’est parce qu’elles n’ont pas les mérites nécessaires pour y arriver ! Pour, l’Observatoire de la parité, la faible présence des femmes dans ces institutions n’a rien à voir avec un manque de mérites. Des dizaines d’études ont mis à jour les vrais obstacles à la présence des femmes dans les institutions et les organes de décisions. Les raisons pour lesquelles les femmes n’accèdent pas facilement aux responsabilités sont bien connues : ce sont tous les obstacles à leur candidature à un mandat politique exprimés souvent par les femmes en termes de « manques » : Le manque de formation à la vie politique, le manque d’information. Le manque de confiance en soi, lié à la peur d’être incompétente, à l’absence d’encouragement familial ou à la crainte de conflits avec l’entourage familial. Le manque de moyens, d’argent tout particulièrement, et de soutien de tous ordres. Le manque d’intérêt ou de motivation aussi, souvent lié à une image assez négative de la vie politique relayée par les médias et dans les mots utilisés pour décrire la vie politique : « combat, campagne électorale, lutte, arène, affrontement, gagner, perdre, victoire, défaite ». Ce sont des mots guerriers qui sont plus familiers à la culture et à l’éducation masculine que féminine. D’où chez beaucoup de femmes le sentiment qu’elles feront un travail plus efficace dans une autre milieu que la politique. Mais surtout et avant tout, c’est le manque de temps à consacrer aux activités publiques qui constitue le handicap principal freinant très fortement la participation politique des femmes et plus généralement leur accès aux instances de prise de décision dans tous les secteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle. La vie quotidienne des femmes dans des pays comme la RDC est souvent si difficile, pour seulement assurer le « travail de soin » et la survie de la famille, si bien que la question de leur participation à la vie politique ne se pose même pas. La question du manque de temps est évidemment liée aux responsabilités familiales : les femmes manquent de temps à consacrer à la vie publique , au militantisme politique, à l’exercice d’un mandat, à cause des responsabilités familiales et de la « charge mentale » qui y est liée : éduquer les enfants, nourrir la famille, accomplir les multiples tâches de la vie quotidienne, etc. Bref, devoir prester une double journée de travail. C’est l’obstacle le plus important, surtout au Congo où les hommes ne prennent le plus souvent qu’une faible part dans toutes les tâches ménagères. La cause principale de l’absence des femmes dans les institutions et les organes de décisions ce sont donc les préjugés, les stéréotypes traditionnels sur les rôles sociaux masculins et féminins du type : « Les femmes ne doivent pas participer à la vie politique, elles n’ont qu’à s’occuper des enfants, de la cuisine et de l’église ». Malheureusement, ces schémas traditionnels rétrogrades sur les rôles dévolus à l’un et l’autre des sexes sont parfois intériorisés et transmis par les femmes elles-mêmes.
Ce sont tous ces manques, toutes ces discriminations , tous ces stéréotypes sexistes, qui sont les barrières dans l’accès à la vie politique pour les femmes mais nul part au monde ces obstacles n’ont pu être surmontés par la mise en oeuvre de la stratégie et des solutions basées sur le « renforcement des capacités » et la « sensibilisation ».
Le meilleur moyen que l’on a trouvé dans de très nombreux pays, dont des pays africains et ceux limitrophes de la RDC, pour enlever ces barrières, c’est le système des mesures temporaires spéciales comme, par exemple, les quotas électoraux de femmes[8].
L’Observatoire de la parité considère donc que LA cause principale de la faible participation politique des femmes en RDC, et plus largement de leur faible présence dans les organes de décision, se trouve dans le refus des dirigeants et hommes politiques congolais de mettre en place les diverses formules de mesures temporaires spéciales et de quotas obligatoires de femmes qui se sont révélés être la stratégie et les moyens les plus efficaces et incontournables pour progresser vers la parité [9].
Partout dans le monde, ce sont les « mesures temporaires spéciales » (autrefois dites de discrimination positive) inscrites dans la Constitution ou dans la Loi (électorale) qui ont permis de faire passer le nombre de femmes siégeant dans les institutions à plus de 30 ou même de 50%. Or, en RDC, ni la Constitution, ni la loi électorale, ni la loi sur la parité, etc. ne contiennent aucune mesure imposant des quotas électoraux obligatoires de femmes qui sont pourtant la principale clé du progrès vers la parité.
L’Observatoire de la parité, depuis sa création, au lendemain des élections de 2006, n’a jamais cessé de prôner cette stratégie[10] : les mesures spéciales temporaires et plus particulièrement les quotas électoraux obligatoires de femmes sont les moyens prioritaires et les plus efficaces pour arriver à une représentation plus égalitaire et plus inclusive des femmes dans les institutions politiques (et plus généralement dans les instances de prise de décision de tous les secteurs, économiques, sociaux, culturels, etc.).
Il a été démontré, grâce aux travaux de l’Union Interparlementaire et notamment par son dernier rapport « Les femmes au parlement en 2023, Regard sur l’année écoulée », que la participation des femmes à la vie politique augmente grâce à l’application de quotas bien conçus.
Lire : Comment les quotas obligatoires de femmes font progresser vers la parité en Afrique
« Certains pays du continent ont atteint un niveau élevé de représentation des femmes en recourant au concept des mesures temporaires spéciales, ce qui en fait des précurseurs et une source d’inspiration pour les autres pays.
Sur 54 pays africains, quarante ont introduit des politiques visant à promouvoir les femmes dans la vie politique au niveau local ou national. Les mesures elles-mêmes varient, allant des lois sur la parité aux quotas réglementés au niveau législatif, en passant par les sièges dits réservés et les quotas volontaires pour les partis politiques.
Les lois sur la parité (comme celles que l’on trouve en Afrique du Sud, au Togo et au Sénégal) réglementent la désignation alternée d’un nombre égal de femmes et d’hommes sur les listes de candidats.
Les quotas établis au niveau législatif (comme ceux que l’on trouve au Burkina Faso et en République centrafricaine) obligent les partis politiques à désigner un certain pourcentage de femmes sur leurs listes.
Les sièges réservés (comme ceux que l’on trouve en Tanzanie, en Mauritanie, au Burundi et en Ouganda) sont souvent réglementés par la constitution ; ils stipulent que les femmes doivent être représentées au Parlement dans un certain pourcentage.
Les partis politiques optent souvent pour les quotas volontaires (comme c’est le cas en Namibie, au Cameroun, en Afrique du Sud, au Mozambique et au Botswana). Ils stipulent dans leurs statuts que les listes de candidats doivent être composées à parts égales de femmes et d’hommes.
En Afrique de l’Ouest et du Centre, dix pays sur douze disposent désormais de lois sur les quotas électoraux[11] ».
La carte la Carte UIP-ONU Femmes en politique présente les derniers classements et la répartition régionale des femmes occupant des postes exécutifs et dans les parlements nationaux au 1er janvier 2023. Les données montrent que le nombre de femmes occupant des postes de direction politique, tant au gouvernement qu’au parlement, a globalement augmenté, mais certaines régions et certains pays sont à la traîne, loin derrière.
La RDC est 155ème sur 186
Elle est derrière tous les 9 pays voisins : Rwanda à la 1ère place (61,3%), Burundi 34ème (38,2%), Tanzanie 38ème (37,4%), Ouganda 50ème (33,8%), Angola 51ème (33,6%), Soudan du Sud 55ème (34,4%), Zambie 141ème (15%), République du Congo 144ème (14,6%), République Centre-Africaine 154ème (12,9%), RDC 155ème (12,8%). D’autres pays africains font des scores meilleurs encore : Afrique du Sud 11ème (46,3%), Sénégal 14ème place (46,1%), Namibie 17ème (44,2%), Mozambique 19ème (43,2%), Cap Vert 22ème (41,7%), Ethiopie 25ème (41,3%).
Pour ceux qui ne seraient pas encore persuadés de l’efficacité des mesures temporaires spéciales, le chapitre du rapport LES FEMMES AU PARLEMENT intitulé Afrique subsaharienne : deux pas en avant, un pas en arrière devrait suffire pour les convaincre. Il se penche sur les élections de 2023 qui ont concerné 18 chambres de 13 pays en Afrique subsaharienne. En moyenne, 19,1 % des parlementaires élus dans la région étaient des femmes, soit une augmentation de 3,9 points par rapport aux résultats du renouvellement précédent des mêmes chambres. Il s’agit de la plus forte progression régionale enregistrée en 2023. La représentation des femmes a augmenté dans 11 chambres, avec des gains importants en Eswatini (à la chambre haute), au Bénin et en Sierra Leone. Dans quatre chambres elle est inchangée (ou accuse une variation ne dépassant pas 1 point), tandis qu’elle a baissé dans trois chambres : en Guinée-Bissau, au Libéria (à la chambre basse) et au Nigéria (à la chambre haute).
Parmi les 13 pays sub-sahariens concernés par les renouvellements de 2023, les plus fortes proportions de femmes élues au parlement ont été enregistrées dans les chambres hautes du Zimbabwe (45 %) et d’Eswatini (43,3 %). En revanche, le Nigéria a élu le parlement le plus éloigné de la parité de cette région, avec seulement 2,8 % de femmes parlementaires à la chambre haute et 3,9 % à la chambre basse à l’issue des scrutins de 2023. Début 2024, la représentation des femmes dans les parlements des pays d’Afrique subsaharienne atteignait 27,3 %, en hausse de 0,8 point par rapport à l’année précédente. Ce chiffre classe la région en troisième position à l’échelle mondiale.
Le Rapport de l’UIP examine plus en détail « Des avancées décisives en Sierra Leone et au Bénin » et en explique la cause : l’adoption de mesures temporaires spéciales (quota obligatoire de femmes et sièges réservés)
En janvier 2023, la Sierra Leone a adopté une loi sur l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes introduisant un quota obligatoire de 30 % de femmes parmi les candidats aux élections[12]. Quelques mois plus tard – en juillet 2023 – ont eu lieu les premières élections pour lesquelles le quota était applicable. Sur les 135 sièges concernés par l’élection, 41 ont été remportés par des femmes, soit 30,4 % des sièges soumis à un renouvellement au suffrage direct. Par ailleurs, en 2023, une seule femme a été élue à l’un des 14 sièges réservés aux chefs traditionnels élus au suffrage indirect. Au bout du compte, les femmes constituaient 28,2 % de l’ensemble des 149 parlementaires, soit une augmentation de 15,9 points par rapport aux résultats issus des élections précédentes antérieures à la nouvelle loi.
Au Bénin, 28 femmes ont été élues au parlement, un record historique pour ce pays. Elles représentent plus d’un quart (25,7 %) de l’ensemble des parlementaires, ce qui marque un bond de 18,5 points de pourcentage par rapport à la situation antérieure. Cette importante augmentation est le résultat d’un amendement constitutionnel et de l’adoption subséquente, en 2019, d’un nouveau code électoral réservant 24 sièges parlementaires à des femmes. À la suite de cette réforme, fruit d’un dialogue encouragé par l’UIP entre les dirigeants parlementaires et les parties prenantes concernées, les femmes ont constitué 26,3 % des candidats aux élections de 2023 – contre seulement 8,4 % au scrutin précédent. Le Bénin, qui début 2023 pointait en 169e position dans le classement mondial de la représentation parlementaire des femmes, s’est ainsi hissé à la 87e place en fin d’année.
Le Rapport de l’UIP se penche ensuite sur les « Déceptions au Nigéria » et en explique aussi la cause : l’absence de mise en place de quotas électoraux par sexe
Au Nigéria, la représentation des femmes au Sénat (chambre haute), qui était déjà très faible, a encore reculé de 3,7 points en 2023. Trois femmes seulement ont été élues, soit à peine 2,8 % de l’ensemble des sénateurs. Les femmes restent également très sous-représentées à la Chambre des représentants (chambre basse) : en 2023, les 14 femmes qui ont remporté l’un des 358 sièges de cette chambre constituent 3,9 % des membres de cette chambre – en légère hausse par rapport aux 3,4 % enregistrés à l’issue des précédentes élections.
En 2023, les femmes constituaient 8,4 % des candidats à un siège au Sénat et 9,2 % des candidats à un siège à la Chambre des représentants. Dans 5 des 36 États qui composent le Nigéria, il n’y avait aucune femme parmi les candidats à un siège de sénateur. Les femmes avaient très peu de chances de figurer sur une liste de l’un des principaux partis politiques. Une étude montre en effet que 90 % des candidates aux élections de 2023 représentaient de petits partis.
Le Nigéria, qui figure parmi les cinq pays les plus mal placés dans le classement mondial de la représentation des femmes dans les parlements, a toujours eu une très faible proportion de femmes parlementaires. Depuis 2020, l’UIP intervient auprès de l’Assemblée nationale du Nigéria pour l’aider à déterminer les moyens à adopter pour favoriser une représentation plus égalitaire et plus inclusive des femmes au parlement. Toutefois, aucune des mesures envisagées, parmi lesquelles l’adoption de quotas électoraux par sexe, n’avait été mise en place en amont des élections de 2023.
L’on ne peut pas s’empêcher de comparer la situation du Nigeria à celle de la RDC qui figure aussi parmi les pays les plus mal placés dans le classement mondial de la représentation des femmes dans les parlements et a toujours une très faible proportion de femmes parlementaires. Et l’on ne peut s’empêcher de constater que les mêmes causes produisent les mêmes effets : la non mise en place en amont des élections de décembre 2023 de mesures temporaires spéciales, parmi lesquelles l’adoption de quotas électoraux par sexe, a pour conséquence une très faible représentation des femmes dans le parlement, les assemblées provinciales et les conseils communaux et une très faible proportion de femmes députées nationales, députées provinciales et conseillères communales
Le tableau « Représentation des femmes dans les chambres uniques et basses après les renouvellements de 2023 » vient achever la démonstration.
Presque tous les pays qui ont organisé des élections en 2023 et qui sont en tête du palmarès de la représentation des femmes sont des pays qui ont adopté un quota législatif (quota de candidates ou sièges réservés) et/ou des quotas volontaires de partis (le parti politique a adopté des mesures volontaires pour accroître le nombre de candidates). On trouve parmi ces « gagnants » ou « champions » le Zimbabwe (30,8%), la Sierra Leone (28,2%), le Bénin (25,7%), la Mauritanie (23,3%) et Djibouti (23,1%).
A l’inverse, les pays africains qui n’ont adopté aucune de ces mesures temporaires spéciales, se retrouvent parmi les « perdants » ou « les derniers de la classe » avec parmi eux le Nigeria (3,9%) et … la RDC (12,8%).
La conclusion est claire : la situation ne peut donc évoluer que si un engagement politique et des cadres juridiques et politiques adéquats sont mis en place pour garantir l’égalité des chances aux femmes et aux hommes. L’Observatoire de la parité et de l’égalité F/H soutient les politiques et les réformes électorales visant à la mise en place de mesures temporaires spéciales telles que les quotas obligatoires de femmes, les sièges réservés ou d’autres formules efficaces garantissant une augmentation effective de la participation politique des femmes[13].
LES 10 CONCLUSIONS ET PRECONISATIONS
- Les élections du 20 décembre 2023 ont été une catastrophe en ce qui concerne la parité dans les institutions politiques élues et la participation politique de la femme.
- La « stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation » a montré ses limites et s’est révélée perdante puisqu’aucun progrès réel vers la parité n’a pu être constaté.
- Toutes les parties prenantes au combat pour la parité et la participation politique de la femme doivent en tirer les conséquences et réorienter leurs activités, projets, programmes, politiques dans le cadre de la stratégie gagnante des mesures spéciales temporaires qui a fait ses preuves lors des élections dans de nombreux pays y compris africains et voisins de la RDC.
- Dans l’élaboration de cette stratégie gagnante, les parties prenantes au combat pour la parité et la participation politique de la femme (OSC féministes congolaises, partenaires techniques et financiers, bailleurs de fonds, etc.) pourront avoir recours au précieux outil publié par l’ONU-Femmes « PROMOUVOIR LA PARTICIPATION DES FEMMES À LA VIE POLITIQUE : DES QUOTAS À LA PARITÉ , un guide des options juridiques pour la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre » (voir en annexe)
- Les partenaires techniques et financiers devraient revoir leur « stratégie de renforcement des capacités et de sensibilisation » et réorienter leur appui et leur financement vers des OSC qui développent des activités, projets, programmes susceptibles de conduire aussi en RDC au succès de la stratégie d’adoption des mesures spéciales temporaires[14]
- Les partenaires techniques et financiers devraient appuyer la réalisation et la publication des états des lieux de la parité, un outil indispensable pour faire le suivi/évaluation régulier des progrès de la parité dans les instances de prise de décision des institutions politiques et des autres institutions des secteurs sociaux, économiques, culturels, etc.
- Le contexte de la RDC est défavorable puisque depuis deux décennies les autorités en place (législatives, gouvernementales) ont refusé de mettre en place les diverses formules de mesures temporaires spéciales et de quotas obligatoires de femmes.
- Pour pouvoir établir une « stratégie de plaidoyer et de communication pour l’adoption de mesures temporaires spéciales en RDC », une étude des contextes, qui ont favorisé l’adoption des mesures temporaires spéciales dans différents pays, devrait être menée afin de déterminer quels sont les leviers, les alliés, les arguments, etc. à mettre en place.
- Une réflexion et un débat devrait être organisés pour définir parmi l’éventail de mesures temporaires spéciales celles qui sont le plus appropriées et à défendre dans le contexte de la RDC.
- Les futures élections locales, qui doivent encore être organisées dans l’immense majorité des entités territoriales décentralisées (ETD), les communes, les secteurs et les chefferies, devraient être une première occasion de mettre en œuvre la stratégie « gagnante » des mesures temporaires spéciales.
ANNEXE : « PROMOUVOIR LA PARTICIPATION DES FEMMES À LA VIE POLITIQUE : DES QUOTAS À LA PARITÉ , un guide des options juridiques pour la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre »
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NOTES DE BAS DE PAGE :
[1] A noter toutefois que l’OPE a expérimenté à Bukavu au Sud-Kivu une plateforme numérique d’observation citoyenne de la campagne électorale centrée sur la prévention et la dénonciation des discours de haine et d’incitation à la violence ainsi que sur les diverses formes de violences (psychologiques, physiques, sexuelles) envers les femmes (candidates) pendant les élections. Pour opérer cette observation électorale citoyenne de proximité de manière plus rapide et efficace l’Observatoire de la parité a fortement préconisé le recours aux technologies et aux outils numériques, mettant ainsi en oeuvre l’exercice de la « citoyenneté numérique » et l’utilisation des « civic tech » en faisant appel à tout électeur et à toute électrice, à tout citoyen et à toute citoyenne soucieux de la transparence et de l’intégrité du processus électoral.
[2] En savoir plus sur le seuil légal de représentativité :
En savoir plus sur comment la CENI procède à l’attribution des sièges :
[3] Dans le « scrutin binominal » (ou en duo H/F), les candidat.e.s aux élections se présentent en binôme, chaque binôme étant composé d’une femme et d’un homme après avoir souscris une déclaration conjointe de candidature. Chaque candidat.e du binôme doit impérativement se présenter avec un ou deux suppléant(s) de même sexe qui sera ou seront appelé(s) à le remplacer en cas de vacance. Une fois élus, les deux membres du binôme exercent leur mandat indépendamment l’un de l’autre.
[4] L’Observatoire de la parité et de l’égalité F/H (OPE) a clairement entendu cette demande lorsqu’il a réuni, dans l’urgence, le jeudi 30 novembre 2023, une quinzaine de femmes candidates aux élections communales dans les trois communes de Bukavu (Bagira, Kadutu, Ibanda) dont certaines envisageaient de se désister faute de moyens pour mener la campagne électorale. Lors du tour de table de présentation des participantes, les candidates, toutes inscrites à la Clinique électorale en ligne mise en place par l’OPE, ont exprimé la même préoccupation : le « manque de moyens » pour battre campagne dans leur commune. La demande unanimement exprimée par les candidates était donc de pouvoir disposer des moyens financiers pour imprimer des tracts, des affiches et affichettes, des calicots, des t-shirts, des képis, etc. Aussi pour pouvoir distribuer à leurs potentielles électrices et électeurs des « motivations » : un peu d’argent, des boissons ou « à manger », le « transport », un t-shirt, etc. Leur conviction profonde était qu’avec ce genre de moyens à leur disposition, elles pouvaient gagner les élections. L’OPE a clairement répondu que ces demandes sont non seulement irréalistes mais aussi inefficaces et surtout non respectueuses de l’éthique qui doit être respectée dans une campagne électorale.
Demandes irréalistes parce que, à quelques jours du démarrage de la campagne électorale des élections communales (le 4 décembre) aucun partenaire technique et financier (PTF) ne déliera les cordons de sa bourse pour accorder à un grand nombre de candidates des moyens aussi considérables. Demandes inefficaces parce que ces moyens « traditionnels » de campagne électorale (les tracts, affiches, affichettes, calicots, etc.), sont déjà massivement déployés par les candidats aux autres élections (présidentielles, nationales et provinciales), vont rendre totalement illisibles ou invisibles ces mêmes moyens (de communication) utilisés par les candidates aux élections communales. Demandes non respectueuses de l’éthique électorale puisque la distribution par les candidats aux électeurs et électrices de « motivations » sous la forme de quelques $ ou francs congolais, de « transports » ou encore de boissons, de repas, de t-shirt, etc. constitue une mauvaise pratique d’ « achat des consciences » dénoncée par tous ceux qui sont soucieux du respect de l’intégrité du processus électoral. L’OPE, et les PTF également, ne peuvent évidemment se faire les promoteurs de ces pratiques qui , selon les mots employés par une participante, « abîment » le processus électoral et le débat démocratique. Il a été ajouté que ces mauvaises pratiques d’achat des consciences ne sont même pas efficaces ou performantes pour gagner les votes des électeurs et électrices : les « bénéficiaires » de ces « largesses » acceptent et reçoivent ces « motivations » non pas d’un seul candidat mais de 5, 10, 20 candidats différents. Une fois dans l’isoloir, l’électeur-trice ne choisira librement qu’un seul candidat et pourra très bien apporter sa voix à une candidate qui n’a pas fait partie de ces « faux bienfaiteurs », de ces « acheteurs de conscience ».
[5] Seules quelques privilégiées peuvent y prendre part, laissant les candidates issues de circonscriptions dans les Provinces et les Territoires les plus reculés dans l’incapacité de bénéficier de ces formations et de ces renforcements de capacité.
[6] Il devient ainsi possible de conseiller la candidate, de la former, de renforcer ses capacités, etc. « en distanciel » en lui permettant d’accéder en ligne à des modules de formation, à des exercices, à des fiches techniques, etc. accessibles sur le magazine féministe www.deboutcongolaises.org dans la rubrique « Clinique électorale ».
[7] « Nouvel article 13 » puisque l’OPE avait déjà critiqué une version précédente de cet article scélérat de la loi électorale qui, après avoir défini ce que l’on entend par liste électorale, précisait, à l’alinéa 2, relatif à sa présentation, que « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation de la femme et de la personne avec handicap ». Mais il ajoutait immédiatement à l’alinéa 3 que « La non représentation de la femme ou de la personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ».
[8] Le terme de quota électoral fait référence à des pourcentages obligatoires ou contraignants de femmes candidates aux élections. Le quota électoral peut s’appliquer au nombre de femmes candidates présentées par un parti politique aux élections ou prendre la forme de sièges réservés à l’assemblée. Les sièges réservés réglementent le nombre de femmes tandis que les quotas de candidats fixent un pourcentage de femmes (par exemple 30ou 50 pour cent) figurant sur les listes de candidats aux élections, assortie le plus souvent d’un système d’alternance des noms des femmes et des noms des hommes sur les listes et de l’obligation de placer les femmes en position d’éligibilité. Il est en effet important de préciser le rang des candidats sur la liste, afin que les candidates ne soient pas tout simplement reléguées tout en bas de celle-ci. Les sanctions en cas de non-respect revêtent aussi de l’importance. La législation ou la réglementation appliquée dans le cadre de la mise en œuvre des quotas doit évidemment prévoir des sanctions en cas de non-respect des dispositions relatives aux quotas. Ce que ne fait pas l’actuel article 13 de la loi électorale.
[9] Depuis 2006, la loi électorale la loi n°06/006 du 9 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales a été modifiée cinq fois : par la loi n°11/003 du 25 juin 2011, la loi n°15/001 du 12 février 2015, la loi n°17/013 du 24 décembre 2017, la loi de juin 2018 et enfin la Loi n°22/029 du 29 juin 2022. Aucune de ces modifications de la loi électorale n’a apporté d’améliorations significatives favorables à la participation politique de la femme congolaise. Au contraire, ces modifications n’ont fait qu’accroître les obstacles à cette participation. [9] Voir les nombreux articles sur ce sujet dans le magazine féministe www.deboutcongolaises.org édité par l’OPE : https://deboutcongolaises.org/quotas-electoraux-la-cle-du-progres-vers-la-parite/ ;https://deboutcongolaises.org/grace-aux-quotas-le-nombre-de-femmes-deputees-a-presque-double-au-senegal/ ; La Sierra Leone adopte une vaste loi sur l’égalité des sexes. ; Pour une loi électorale conforme à la Constitution
[11] Cabo Verde a adopté sa loi sur la parité en 2019 et l’a largement mise en œuvre lors des élections locales d’octobre 2020 ; en conséquence, 45 pour cent des membres de l’assemblée municipale sont des femmes. Le Mali a adopté un système de quotas qui a été appliqué pour la première fois dans le cadre des élections législatives de mars 2020 ; 27,9 pour cent des députés élus étaient des femmes12. Toutefois, en août 2020, à la suite d’un coup d’État militaire, le Parlement a été dissous. Au Burkina Faso, en République centrafricaine et au Libéria, l’application des quotas est entravée par l’absence de sanctions juridiques efficaces en cas de non-respect.
[12] En amont du scrutin, l’UIP a organisé une série d’ateliers de promotion de la nouvelle loi. À cette occasion des recommandations ont été données sur une série de questions, notamment la façon d’apporter un soutien optimal aux candidatures féminines. Des parlementaires – hommes et femmes – ainsi que les membres du forum parlementaire des femmes ont bataillé au sein de leurs partis pour que davantage de femmes figurent sur les listes de candidats.
[13] En partenariat avec International IDEA et l’Université de Stockholm, l’UIP gère une base de données mondiales sur les quotas électoraux de femmes, laquelle fournit des données par pays sur les différents mécanismes existants pour assurer la représentation des femmes dans les parlements.
[14] L’Observatoire de la Parité et de l’Egalité H/F (OPE), créé en 2008, est une des organisations féministes en RDC ayant milité activement pour l’accroissement de la participation politique de la femme et préconisé une stratégie d’adoption de mesures temporaires spéciales et de quotas obligatoires de femmes. L’OPE a publié (lorsque les moyens ont été disponibilisés par des PTF tels que International Alert, Cordaid, PNUD, etc.) des « Etats des lieux de la parité » au niveau national, provincial et local. Il a introduit par deux fois devant la Cour suprême une requête en inconstitutionnalité de la loi électorale. Il a réalisé une analyse genre de la loi électorale dont se sont inspiré de nombreuses organisations de défense des droits des femmes. Il a publié de nombreux articles sur ces questions dans le magazine féministe en ligne qu’il édite www.deboutcongolaises.org . Au regard de cette solide expertise, l’OPE, basé à Bukavu mais ayant un impact au niveau national, regrette de ne pas être davantage accompagné par les partenaires techniques et financiers et de ne pas être plus fréquemment invité à transmettre son expertise lors des activités consacrées à la réflexion et au débat de stratégie sur les questions de participation politique de la femme et de l’intégration de la dimension de genre.
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