« J’encourage le Gouvernement à adopter une stratégie nationale de justice transitionnelle, qui permettrait de lutter contre l’impunité et de rendre justice aux victimes »  a déclaré Antonio Gutteres  Secrétaire général des Nations Unies dans son Rapport sur la MONUSCO du 21 septembre 2020. Cela veut-il dire que la JT n’a pas existé  jusqu’à présent en RDC ? Evidemment NON ! La JT a déjà une longue histoire en RDC mais c’est une histoire d’AVORTEMENTS ou plutôt d’accouchements de MORTS-NES.

En 1991 déjà, il y a donc 30 ans, la Conférence Nationale Souveraine (CNS) a mis en place certains mécanismes de JT – au moment où la terminologie « Justice transitionnelle » n’existait pas encore – pour faire face à l’héritage des violations des DdH de plus de 25 ans de régime dictatorial de Mobutu. La CNS a accouché de nombreuses résolutions et de plusieurs rapports dont les rapports sur Les biens mal acquis (250 pages) et sur Les assassinats et les droits de l’homme (200 pages), que l’on peut comparer à des rapports sortis d’une Commission Vérité. Ce sont des rapports morts-nés puisqu’ils n’ont eu aucune suite.

En 1997 et 1998, à deux reprises, des équipes d’enquête de l’ONU se sont penchés sur l’existence ou non de crimes de génocide commis à l’égard des Hutu en RDC, lors de la première guerre, menée par l’APR Armée Patriotique Rwandaise, et le mouvement rebelle AFDL , créé à Kigali.

En juillet 1997, une première mission conjointe mandatée par la Commission des droits de l’homme  est chargée d’enquêter sur les allégations de massacres et autres atteintes aux droits de l’homme ayant lieu dans l’est du Zaïre depuis septembre 1996 et conclut que certaines de ces allégations [certains de ces massacres présumés] pourraient constituer des actes de génocide. Elle ajoute qu’une enquête approfondie sur le territoire de la RDC permettrait d’éclaircir cette situation ».

Peu de temps après, le Secrétaire général envoie une équipe d’enquête, chargée d’« enquêter sur les graves violations des droits de l’homme et du droit humanitaire international qui auraient été commises en RDC ». Bien que fortement entravée dans son enquête, l’équipe conclut que:  « Le massacre systématique des Hutus qui restaient au Zaïre a été un crime odieux contre l’humanité mais le motif à l’origine des décisions est important pour déterminer si ces meurtres constituent un génocide, c’est-à-dire une décision d’éliminer, en partie, le groupe ethnique hutu. Le Rapport conclut aussi que cela «nécessite une enquête plus approfondie » et recommande que : « Le Tribunal international pour le Rwanda (le TPIR) ou un tribunal criminel international acquiert compétence pour enquêter sur les violations graves des droits de l’homme et du droit humanitaire qui se sont produites en RDC durant la période allant du 1er janvier 1994 au 31 décembre 1997, quelle que soit la nationalité de leur auteur ». Cette 1ere demande de création d’un tribunal pénal international pour la RDC date donc d’il y a plus de 20 ans et est restée sans suite.

En 2002, le Dialogue Inter-Congolais appelle à la création d’un mécanisme judiciaire de justice transitionnelle, un « Tribunal pénal international pour la RDC ». Cette création est évoquée dans un Discours du président J. Kabila à l’ONU MAIS cette demande n’a jamais fait l’objet d’une requête officielle. Nouvel avortement provoqué.

La même année 2002, le DIC décide de la création d’un des mécanismes de recherche de la vérité : une CVR.

De 2003 à 2006, cette CVR, verouillée par les anciens belligérants, n’a accompli aucun travail de recherche de la vérité.

En 2010, le Rapport Mapping détaille longuement les différentes options en présence pour la mise en place des mécanismes de la JT. Juste après sa parution, il est mis dans un tiroir à New York et à Genève. C’est un rapport mort-né, enterré, jusqu’au moment où il est ressuscité et exhumé par le Prix Nobel de la Paix.

En 2012-2013, des projets de chambres spécialisées mixtes au sein des tribunaux congolais sont conçus par le Ministère de la justice. Nouvelle IVG, interruption volontaire de grossesse : Le parlement jette l’embryon de tribunal mixte aux poubelles.

Depuis 15 ans, en matière de réparation, des procès devant la justice militaire, aucun pour les auteurs présumés des crimes documentés dans le rapport mapping mais essentiellement pour des militaires auteurs de viols, qualifiés comme crimes contre l’humanité, procès qui accouchent de dommages et intérêts pour les victimes, MAIS qui ne leur sont jamais versés.

En matière de garanties de non-répétition et de réformes institutionnelles : Un secteur de sécurité qui, au lieu d’être assaini et réformé, est pourri et déformé par l’incorporation – l’infiltration disent certains – de nombreux auteurs présumés des crimes. Un système judiciaire qui depuis près de 20 ans connaît des audits, des ateliers, des colloques, des Etats Généraux qui accouchent de multiples résolutions et recommandations dont la plupart ne connaissent même pas un début de mise en application.

Triste bilan de la mise en œuvre de la JT en RDC . Un bilan qui nous amène 25 ans après la commission des crimes, à devoir encore nous réunir pour élaborer une stratégie nationale holistique de justice transitionnelle

Pourquoi la RDC, près de 25 ans après la survenance des 617 « incidents » – comprenez crimes contre l’humanité, crimes de guerre, ou même crimes de génocide – est un des seuls pays au monde, ayant connu des conflits armés, et donc en transition de la guerre vers la paix et la démocratie, qui n’a connu la mise en place effective d’aucun des 4 mécanismes de la Justice Transitionnelle ?

Qu’est-ce qui explique ce véritable déni de justice, ce déni de justice transitionnelle ?

Cela tient à une grande particularité de la situation congolaise : les crimes documentés par le Rapport Mapping n’ont pas été commis uniquement par des congolais ou entre des Congolais, lors de conflits armés internes. La majorité de ces crimes ont été commis par des groupes et des forces armées étrangères, lors de conflits armés internationaux ou internationalisés.

Le Rapport Mapping identifie clairement, et c’est là probablement la raison de sa  mise au tiroir à Genève et à New York, des « Etats tiers », des pays « qui peuvent être tenus responsables de violations graves des droits de l’homme commises par leurs armées nationales pendant la période sous considération en RDC, notamment l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi et l’Angola ».

Cette forte implication des pays tiers, dont la responsabilité internationale est engagée pour violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire, explique la conspiration du silence autour des crimes internationaux qui ont ensanglantés la RDC. Elle explique aussi la conspiration du silence autour du Rapport Mapping qui documente ces violations, conspiration que le Dr. Mukwege a courageusement dénoncé lors de son discours de réception du Prix Nobel de la Paix.

Cette implication des Etats tiers, et donc d’auteurs présumés de nationalité étrangères, doit être prise en compte lors de l’élaboration de la stratégie nationale de justice transitionnelle puisqu’elle entraine des répercussions très importantes sur tous les 4 mécanismes de JT à mettre en œuvre pour la RDC et la région des Grands lacs. Des répercussions évidentes non seulement pour les mécanismes de  poursuites pénales, mais aussi pour les mécanismes de recherche de la vérité, de réparations, de garanties de non-répétition.

Mécanismes judiciairesDroit à la justice

La demande la plus souvent entendue ces derniers temps, dans les marches, les médias, les webinaires, etc., en matière de poursuites judicaires des auteurs présumés est celle de la création d’un Tribunal Pénal International pour la RDC. Paradoxalement, cette demande n’est pas préconisée par le Rapport Mapping, qui dit ceci : « L’Équipe Mapping considère qu’un mécanisme de poursuites mixte – composé de personnel international et national – est nécessaire pour rendre justice aux victimes étant donné le manque de capacité des mécanismes existants et les nombreux facteurs qui entravent l’indépendance de la justice ». Il  détaille ensuite les deux formules de juridictions mixtes  utilisées dans le passé :

  • les tribunaux spéciaux mixtes internationaux ou internationalisés qui ne font pas partie de l’ordre juridique interne et fonctionnent à l’extérieur du système national (Sierra Leone, Liban) et 
  • les chambres mixtes et spécialisées qui sont intégrées dans l’ordre juridique interne et font partie du système judiciaire national (Cambodge, Bosnie Herzégovine, RCA, etc.).

Dans le contexte spécifique des conflits armés internationaux qu’a connu la RDC, et si un TPI n’est pas accordé à la RDC, c’est une combinaison et une répartition des tâches entre ces deux types de juridictions mixtes qui serait la formule la plus appropriée à adopter. Afin de ne plus perdre de temps dans des controverses et des débats sans fin sur le type de juridiction à mettre en place, la stratégie en matière de mécanismes judiciaires pourrait s’articuler comme suit :

  1. La RDC devrait adresser sans tarder une requête au Conseil de Sécurité des Nations Unies en vue de l’institution d’un Tribunal Pénal International pour la RDC
  2. Si le Conseil de sécurité, qui n’a plus créé de Tribunal Pénal International ad hoc depuis 25 ans (TPIY 1993, TPIR 1994), ne répond pas favorablement à cette requête, la RDC pourra solliciter l’aide des Nations Unies en vue de créer un mécanisme de poursuites mixte sous la forme d’un Tribunal pénal spécial pour la RDC,  Quipeut être créé, non par une Résolution du Conseil de sécurité, mais sur base d’un Accord entre le Gouvernement congolais et les Nations Unies. Ce Tribunal spécial, de caractère international et fonctionnant à l’extérieur du système judiciaire congolais, siégerait dans le pays, et appliquerait le droit international et, si approprié, des dispositions de droit interne congolais. Les acteurs internationaux joueraient un rôle prépondérant dans les décisions du tribunal afin de renforcer la perception d’indépendance et d’impartialité. Le Rapport Mapping décrit plusieurs des avantages de la mise sur pied d’une telle juridiction mixte  dont certains pourraient se révéler très importants dans le contexte régional des conflits qui ont frappé la RDC. Un tel tribunal pourrait poursuivre des nationaux mais aussi des ressortissants d’Etats tiers, qui portent « la responsabilité la plus lourde » dans les crimes internationaux commis en RDC. Exemple de Charles Taylor, un libérien, condamné par le TSSL.
  3. Un tel Tribunal pénal spécial ne pouvant traiter qu’un nombre limité de cas, en se focalisant sur les plus hauts responsables des crimes, se pose alors la question du sort judiciaire réservé aux nombreux auteurs présumés de rang moyen ou inférieur. Pour qu’ils ne puissent échapper à la justice, la deuxième formule de tribunaux mixtes préconisée par le Rapport Mapping pourrait les prendre en charge judiciairement parlant. La RDC devrait soumettre une demande pour l’adoption de « mesures spéciales temporaires » au président du Conseil de sécurité de l’ONU suivie de la signature entre la MONUSCO et le Gouvernement congolais, d’un Mémorandum d’entente sur la mise en place de chambres spécialisées mixtes au sein de Cours d’appel, composées de juges nationaux et internationaux . Ces juridictions spécialisées mixtes peuvent être créées en tant qu’institution nationale, au moyen d’un acte de droit congolais, conformément à l’article 149 de la constitution : « La loi peut créer des juridictions spécialisées ».
  4. Un autre mécanisme PREJURIDICTIONNEL est un prérequis URGENT et même PRIORITAIRE : le déploiement d’une équipe d’enquêteurs. Même si un  TPI ou un Tribunal pénal spécial et des Chambres spécialisées mixtes sont créés – ce qui, au mieux, peut prendre quelques mois, et, au pire, quelques années -, il s’avère urgent de procéder à la collecte et à la préservation des preuves qui pourront servir devant ces juridictions. Ces preuves, et plus particulièrement les nombreuses fosses communes inventoriées en partie par le Rapport Mapping, sont essentielles pour établir la responsabilité pénale des auteurs des crimes internationaux commis en RDC. Les fosses communes, dont certaines ont déjà été nettoyées, restent parmi les preuves les plus décisives qui pourraient permettre à un tribunal indépendant de qualifier certains des actes de violence documentés dans le Rapport Mapping de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et aussi de crimes de génocide.

Mécanismes de recherche de la vérité – Droit à la vérité

Il y a plusieurs raisons pour que ne soit pas remise en place une nouvelle Commission nationale de vérité et réconciliation.

La première est que les Congolais.es n’ont pas besoin d’une CVR qui soit une solution « faute de mieux » ou « par défaut », compensant l’absence de poursuites judiciaires. Une CVR ne doit pas, comme cela a été le cas dans de nombreux pays post conflits, venir faire obstacle à une application du droit et à l’incrimination des auteurs présumés des crimes internationaux commis en RDC.  On peut craindre  qu’une nouvelle Commission Vérité et Réconciliation OFFICIELLE soit utilisée comme la seule réponse à l’impunité, flouant les victimes et reportant aux calendes grecques les mesures de justice pénale.

La deuxième raison est que le Rapport Mapping a en très grande partie déjà  fait le travail d’une commission vérité nationale et a rempli la plupart des fonctions d’une commission de vérité.  Ces fonctions sont décrites par l’International Center for Transitional Justice (ICTJ) :

  • Préparer un rapport établissant un bilan historique précis et impartial des violations des droits humains ;
  • Collecter des informations ;
  • Protéger l’intégrité et le bien-être des victimes ;
  • Mener des activités de sensibilisation pédagogique ;
  • Offrir des propositions politiques pour garantir que les violations ne se répètent pas ;
  • Soutenir le travail du système judiciaire ;
  • Promouvoir la réconciliation communautaire et nationale.

Outre cette dernière fonction de « réconciliation », une seule des autres tâches d’une Commission vérité n’a malheureusement pas été réalisée par le Projet de Mapping : « Mener des activités de sensibilisation pédagogique ».  On ne voit  pas l’intérêt qu’il y aurait à recréer une CVR officielle pour combler cette carence et remplir cette fonction. En effet, ces activités de communication et de sensibilisation sont aujourd’hui réalisées par les Eglises notamment. Elles prennent aussi aujourd’hui la forme d’activités d’un « travail de mémoire » qui permettent l’expression publique des victimes (si elles le souhaitent bien sûr) et qui sont aussi de véritables mécanismes non officiels de recherche de la vérité, le plus souvent mis en œuvre par des associations de victimes et des organisations de la société civile : les marches de lutte contre l’impunité, la construction de monuments, les journées et cérémonies commémoratives des victimes des massacres, la construction d’un Mémorial en ligne www.memorialrdcongo.org, les demandes d’ouverture et d’exhumation des fosses communes, etc.

Pour une 3ème raison enfin : une réflexion critique sur la notion même de « réconciliation », notamment en raison de la nature internationale des conflits qu’a connu la RDC et sur lesquels la tâche d’une Commission Vérité et Réconciliation devrait porter. On l’a vu, la RDC  a connu des conflits internationaux ou internationalisés durant lesquels les forces armées de plusieurs pays ont été engagées. Il n’est pas évident que, dans un tel contexte international de commission des crimes, une CVR purement congolaise avec un mandat de «réconciliation nationale» permettrait de contribuer à une réconciliation entre Congolais alors qu’il s’agit plutôt de contribuer à une « réconciliation internationale » entre Etats qui ont été engagés dans ces conflits. Dans cette perspective, ne faudrait-il pas songer plutôt à la mise en place d’un mécanisme de recherche de la vérité de dimension internationale ou régionale. 

En matière de mécanismes de recherche de la vérité, la stratégie de justice transitionnelle pourrait s’articuler en 3 points :

  1. Apporter un soutien aux mécanismes non officiels de recherche de la vérité et à toutes les initiatives mémorielles mises en œuvre par les communautés et organisations de victimes, par les OSC, par les confessions religieuses, etc.
  2. Mettre en place une « Commission de vérité et réconciliation  de la région des Grands Lacs», instance régionale qui se consacrerait à l’établissement des faits sur les crimes internationaux et autres graves violations des droits de l’homme commises pendant les conflits armés internationaux dans la région des Grands Lacs et qui ont impliqués la RDC et plusieurs Etats tiers.
  3. Mettre en place plusieurs Commissions Vérité et Réconciliation provinciales centrées sur plusieurs des conflits armés internesqu’a connu (et parfois connaît encore) la RDC. Ces CVR « provinciales » pourraient traiter les graves violations commises au Kasaï central,  Shaba (Katanga), au Nord-Kivu, en Ituri , dans les Hauts plateaux / Minembwe, etc.

Mécanisme de réparation – Droit à la réparation

Le Rapport Mapping met bien en évidence quelques-unes des questions qui se posent mais aussi la difficulté d’y apporter des réponses satisfaisantes.

1.Qui sont les victimes ? La question la plus importante, et aussi des plus difficiles à résoudre pour tout mécanisme de réparation est celle de la détermination des bénéficiaires d’un tel programme. Le Rapport Mapping évoque des « centaines de milliers de victimes ». D’autres parlent de millions de victimes : 6, 9, 12 millions. Quelles seront les victimes bénéficiaires des réparations en RDC ?

2.Qui doit payer ? Pour le Rapport Mapping « Le Gouvernement congolais devrait être le premier contributeur à un programme de réparations. Mais des États tiers ont été aussi impliqués dans les violations et peuvent donc être tenus responsables de violations graves des droits de l’homme commises par leurs armées nationales.  L’ arrêt du 19 décembre 2005 de la Cour internationale de Justice (CIJ) a condamné l’Ouganda au paiement de réparations à la RDC pour les violations graves des droits de l’homme et du droit international humanitaire commises par ses forces armées sur le territoire congolais.  Où en est-on aujourd’hui ?

3.Quels types de réparations mettre en oeuvre ?

Les réparations judiciaires ?

Malgré plusieurs condamnations judiciaires des auteurs, militaires, policiers, etc. tenus civilement responsables à des réparations civiles au bénéfice des victimes, ces décisions ne sont pratiquement jamais exécutées. Le danger est de les abandonner au profit d’autres formes de réparations comme les programmes de réparations collectives, qui ont très souvent la faveur des intervenants humanitaires occidentaux, mais qui ne satisfont pas toujours les victimes qui demandent des réparations individuelles, particulièrement celles qui ont eu le courage d’aller demander justice devant les tribunaux.  Cela peut engendrer de graves effets pervers, notamment décourager les victimes d’aller en justice. : à quoi bon affronter toutes les grandes difficultés de l’action en justice si ce n’est que pour ne rien obtenir en termes de réparation judiciaire individuelle et finalement n’être que la bénéficiaire d’une réparation collective.

Les réparations individuelles ou collectives ?  

Le Rapport Mapping considère que  » Dans le contexte de la RDC où des dizaines de milliers de victimes ont subi un préjudice, un vaste programme de réparations individuelles est difficile à envisager » et il en conclut que «des réparations collectives semblent être particulièrement appropriées » tout en précisant que « le principe même des réparations collectives est très controversé, parce que, si elles sont de type matériel, leur nature réparatrice n’est pas toujours très claire » . Par exemple « certains projets de développement au profit des communautés victimes pourrait être vue comme une mesure de réparation« . C’est aller un peu loin. Sur cette base, la réhabilitation d’axe routiers prioritaires du Kivu pourrait tenir lieu d’un programme de réparations au profit des victimes à l’Est du pays, et l’exonérer d’autres efforts plus spécifiques en faveur des victimes dans ce domaine des réparations. Le Rapport Mapping précise d’ailleurs qu’un ciblage plus précis des communautés victimes est possible : « « En consultation avec les victimes elles-mêmes, certaines mesures collectives bénéficiant spécifiquement aux victimes peuvent être identifiées. Un projet communautaire ayant pour but de localiser les restes des individus portés disparus ( en d’autres mots : identifier et exhumer les fosses communes ) ou de construire un centre médical avec des structures spécialisées de réhabilitation pour les victimes spécifiques, comme celles de viol ou de mutilations, ne sont que deux exemples de mesures collectives qui s’adressent directement aux besoins des victimes ». Le Rapport Mapping pourrait constituer une base utile pour déterminer les communautés particulièrement touchées et pour, en consultation avec les victimes elles-mêmes, identifier certaines mesures collectives bénéficiant spécifiquement aux victimes.

Faut-il aussi des Réparations symboliques ?

OUI ! Selon le Rapport Mapping, des réparations symboliques « impliquent un processus de reconnaissance publique et officielle de la violation et de ses conséquences pour les victimes. On peut penser par exemple à des excuses publiques par le Gouvernement ou le chef de l’État au nom de la nation, voire même par les gouvernements étrangers parties aux conflits.

D’autres initiatives qui visent à préserver le souvenir, la mémoire,  comme des musées ou des mémoriaux, peuvent être envisagées, certaines à faible coût comme l’institution d’une journée de mémoire dédiée aux victimes.

Ce type de mesures de réparation « contribuent également à freiner toute tentative de réviser l’histoire, ou de la laisser sombrer dans l’oubli ». Bien qu’une telle reconnaissance publique soit réalisable sans moyens importants et sans faire l’objet d’un long processus, le silence de l’État sur les violations perpétrées en RDC au cours de la période concernée demeure presque total, ajoute le Rapport Mapping.  « Le besoin de reconnaissance qu’ont les victimes est pourtant indiscutable et des initiatives sincères et publiques de reconnaissance et d’excuse pourraient jouer un rôle important dans le processus de reconstruction du tissu social et de la confiance des victimes dans les institutions étatiques. Le besoin de conserver la mémoire est prégnant en RDC » et il s’exprime ces deux dernières années par la multiplication des activités mémorielles comme les cérémonies commémoratives à la date anniversaire de massacres, la construction de monuments, les marches contre l’impunité (celle du 1er oct. À Bukavu), le lancement d’un mémorial en ligne www.memorialrdcongo.org , etc.

Mécanismes de réformes institutionnelles – Droit des victimes à des garanties de non-répétition

Nous n’en sommes nulle part aujourd’hui en RDC en ce qui concerne les garanties de non-répétition et plus particulièrement le processus de réforme des forces de sécurité, notamment de la police, de l’armée et des services de renseignement ? Le processus de réforme des FARDC n’a jusqu’à ce jour aucunement intégré les préoccupations de la justice transitionnelle. Plutôt que faire sortir de l’armée les suspects de violations graves on les y a fait entrer. Le processus de désarmement, démobilisation et réintégration (DDR), visant à désarmer les combattants et à leur donner un choix entre le retour à la vie civile ou l’intégration dans l’ armée nationale, a conduit, en vertu du principe d’inclusivité consacré dans les accords de paix, à intégrer dans les institutions politiques mais aussi dans les services de sécurité de nombreux éléments de groupes armés présumés responsables de violations graves.

Il est primordial de réformer les institutions militaires, judiciaires et de maintien de l’ordre, ainsi que les services de renseignements et les institutions chargées de la lutte contre la criminalité, afin qu’ils puissent remplir leurs rôles constitutionnels tout en respectant l’état de droit et les droits fondamentaux. La réforme des institutions doit s’accompagner d’un assainissement du personnel (vetting), c’est-à-dire veiller notamment à ce que les personnes ayant commis de graves violations ne restent pas au sein de ces institutions, et que les antécédents droit de l’homme de ceux qui postulent à des postes dans de telles institutions soient vérifiés.