Propositions de l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F (OPE)

Beaucoup de partenaires techniques et financiers et d’ONG congolaises ont longtemps cru qu’il suffisait de « capaciter » les femmes et les candidates aux élections pour qu’elles soient élues et siègent en plus grand nombre dans les institutions. Or, il n’en est rien. Le « renforcement des capacités » n’a malheureusement qu’un très faible impact sur l’augmentation de la participation politique des femmes. Partout dans le monde, ce sont principalement les mesures spéciales temporaires (de discrimination positive, de quotas obligatoires, etc.), inscrites dans la Constitution ou dans la Loi (électorale) qui ont permis de faire passer le nombre de femmes siégeant dans les institutions à plus de 30 ou même 50%. Or, en RDC, la loi électorale ne contient aucune de ces mesures de discrimination positive. Au contraire, elle ne contient que des mesures de discrimination négative, à travers un certain nombre d’articles qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République, particulièrement de son article 14, ainsi que des traités internationaux ratifiés par la RDC. Ces dispositions sont autant d’obstacles à l’implication des femmes dans le processus électoral, à leur élection et donc à la participation politique de la femme.

Dans ce rapport, l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F[1] se penche sur ces discriminations négatives contraires à la Constitution en ses articles 5, 12, 13, 14, 60, 207, 215 et qui sont donc à supprimer ou à modifier. Il formule aussi des propositions novatrices de discriminations positives à introduire d’urgence dans la loi électorale – voire dans la Constitution – pour faire progresser vers la parité et augmenter considérablement la participation politique de la femme en RDC.

Supprimer des discriminations négatives

En date du 12 février 2015, a été promulguée la loi n°15/001 modifiant et complétant la loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée par la loi n°11/003 du 25 juin 2011.  De  nouvelles modifications ont été ajoutées par la Loi n°17/013 du 24 décembre 2017 modifiant et complétant la Loi n°06/006 du 09 mars 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales et locales telle que modifiée à ce jour.

Cette loi électorale contient un certain nombre de dispositions qui vont à l’encontre de l’esprit et de la lettre de la Constitution de la République. Il s’agit des articles qui portent sur :

  1. – la prise en compte de la représentation de la femme lors de l’établissement des listes
  2. – aux frais de dépôt de candidatures à différents niveaux des élections.
  3. – aux conditions d’éligibilité exigeant des candidats d’être détenteur d’un titre académique ou scolaire
  4. – au déni d’éligibilité au mandat public de Chef de l’Entité Territoriale Décentralisée (ETD) Chefferie

L’inconstitutionnalité que nous dénonçons consiste en la violation flagrante de plusieurs dispositions de la Constitution de la République, en l’occurrence ses articles 5, 12, 13, 14, 60, 207, 215.

  1. La non prise en compte de la représentation de la femme lors de l’établissement des listes

En ce qui concerne le droit de la femme à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales, la loi électorale actuelle viole manifestement l’article 14 de la Constitution relatif au principe de la parité homme-femme et l’article 215 consacrant le principe de la supériorité des traités et accords internationaux aux lois dans la hiérarchie des normes en République démocratique du Congo.

L’article 13 de la loi, en effet, après avoir défini ce que l’on entend par liste électorale, précise, à l’alinéa 2,  relatif à sa présentation, que « Chaque liste est établie en tenant compte de la représentation de la femme et de la personne avec handicap ». Mais il ajoute à l’alinéa 3 que « La non représentation de la femme ou de la personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ».

Outre la contradiction majeure à observer entre eux- car le premier affirme une obligation d’une part, et le second tolère son contraire, d’autre part – les deux alinéas successifs violent les articles 14 et 215 de la Constitution de la République.  En effet, en déclarant que « La non représentation de la femme ou de la personne avec handicap ne constitue pas un motif d’irrecevabilité de la liste concernée  », cet article non seulement : – consacre la discrimination prohibée à l’article 13 de la Constitution, – viole l’article 14 de la Constitution, – viole également l’article 215 de la Constitution qui accorde une place privilégiée aux traités et accords internationaux en ces termes : « Les traités et accords régulièrement conclus ont, (…) une autorité supérieure à celle des lois (…) ». Or, nombreux sont ces traités et accords internationaux ratifiés par la République démocratique du Congo qui interdisent formellement toute discrimination faite à la femme et, même, font obligation à l’Etat de prendre des mesures de discrimination positive en sa faveur.

L’article 14 sus-évoqué stipule que « Les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits.

 Ils prennent, dans tous les domaines, notamment dans les domaines civil, politique, économique, social et culturel, toutes les mesures appropriées pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation. Ils prennent des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée. La femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L ’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions. La loi fixe les modalités d’application de ces droits ».

De  ce point de vue, l’alinéa 4 de l’article 13 de la loi électorale n’est :

– ni une mesure appropriée par laquelle « les pouvoirs publics veillent à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurent la protection et la promotion de ses droits ».

– ni une mesure appropriée « pour assurer le total épanouissement et la pleine participation de la femme au développement de la nation », ce qui implique la pleine participation de la femme à la vie politique à travers les élections et l’accès aux fonctions publiques

– ni une mesure appropriée mettant en application le droit de la femme « à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales » ou garantissant  « la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions »

Par l’alinéa 3 de l’article 13, la loi électorale ne fixe pas « les modalités d’application de ces droits » dont le droit à une représentation équitable au sein des institutions ni ne garantit la mise en œuvre de la parité.  Au contraire l’alinéa 4 vide de son contenu l’article 13 et réconforte les partis et regroupements politiques qui violent constamment la disposition constitutionnelle de l’article 14. L’article 60 de la Constitution ne dit-il pas que « Le respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales consacrés dans la Constitution s’impose aux pouvoirs publics et à toute personne » ?

La loi électorale modifiée en 2015 et 2017 n’a pas pris en compte, en violation de l’article 215 de la Constitution, l’autorité supérieure des instruments juridiques internationaux soit pour s’y conformer soit pour traduire concrètement les obligations pertinentes qu’ils imposent à la RDC. Les uns interdisent toute discrimination à l’égard des femmes ; d’autres vont jusqu’à imposer des mesures de discrimination positive en leur faveur[2].

En conséquence, l’article 13 doit être modifié et l’alinéa 3 remplacé comme suit :

« La non-réalisation de la parité homme-femme ou la non-présence d’une personne vivant avec handicap constitue un motif d’irrecevabilité de la liste concernée ».

  1. Les frais de dépôt de candidature : Une condition d’éligibilité contraire  à la Constitution

Le payement de « frais de dépôt de candidature non remboursable » comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections violent les articles 5, 13 et 215 de la constitution.

Les articles : 104 alinéa 3 point 4 (pour l’élection présidentielle), 121 alinéa 3 point 3 (pour les législatives nationales), 132 alinéa 3 point 4 (pour les sénatoriales), 149 alinéa 3 point 4 (pour les provinciales), 177 alinéa 3 point 4 (pour les urbaines), 186 alinéa 4 point 3 (pour l’élection des maires et maires adjoints), 195 alinéa 3 point 4 (pour les conseillers communaux), 202 alinéa 3 point 3 (pour l’élection des bourgmestres et adjoints), 211 alinéa 3 point 3 (pour les conseillers de secteur ou de chefferie) et 218 alinéa 3 point 3 (pour le la candidature à l’élection des chefs de secteur et chefs de secteur adjoints) fixent les montants des frais que les candidats doivent verser « dans le compte du trésor public », au titre, tantôt de « caution non remboursable » (à l’article 218) tantôt de « frais de dépôt de candidature non remboursables » (à tous les autres articles visés).

Quelle que soit la hauteur des montants fixés, tous ces articles violent les articles 5, dernier alinéa et 13 de la Constitution de la République qui prescrivent respectivement que «Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente Constitution, sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de dix­huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques. » (art. 5) et qu’« Aucun Congolais ne peut, en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif, en raison de sa …condition sociale, … » (c’est nous qui soulignons).

L’article 5 de la Constitution, en effet, fixe de manière limitative 4 conditions d’éligibilité : – être Congolais, – de l’un ou l’autre sexe, – être âgé de dix-­huit  ans révolus, – jouir de ses droits civils et politiques.

Il ne peut être envisagé de voir une Loi ajouter des conditions d’éligibilité supplémentaires à celles qui ont été fixées, de manière volontairement limitée, par le Constituant.

Ce dernier n’a pas inscrit l’imposition d’un paiement de sommes d’argent, quel qu’en soit le montant, comme une des conditions d’éligibilité, ce qui aurait constitué une mesure discriminatoire instaurant un traitement différencié des Congolais selon qu’ils sont ou non fortunés. La loi électorale, en instaurant cette imposition, institue un système censitaire manifestement contraire au principe du suffrage universel décidé par la Constitution en son article 5 alinéa 4. En effet, le droit de suffrage est un droit fondamental du citoyen, il doit être préservé et respecté en tous ses éléments : il signifie que tout citoyen à le droit d’être électeur et d’être éligible sans d’autres conditions que celles fixées par la Constitution ou fixées par la loi électorale mais pour autant que celles-ci ne soient pas contraires à la constitution. Or, les articles attaqués n’instaurent pas en réalité une obligation de paiement de « frais de dépôt de candidatures » mais bien une discrimination digne d’un système électoral censitaire, celui qui « subordonne la capacité électorale des citoyens au paiement d’un impôt », à « la possession d’une certaine fortune ou d’un certain revenu », afin de « permettre de faire en sorte que la classe politique soit tout entière issue des classes les plus aisées » (Bernard Chantebout, Droit constitutionnel et science politique, Armand Colin, Paris, 1989, p. 97). La « condition sociale », en conditionnant le droit de vote ou l’éligibilité à l’état de la fortune des citoyens, au degré de leur aisance, apparaît ainsi comme la base de la discrimination propre au scrutin censitaire ; participant de la lutte des classes, elle dissimule l’intention de réserver la gestion du pays aux riches et d’en écarter les citoyens pauvres même méritants, elle va de pair avec la ploutocratie et ne saurait avoir de place en régime démocratique. Indépendamment des différents montants ainsi fixés, ces articles violent l’article 215 de la constitution consacrant le principe de supériorité des traités et accords internationaux régulièrement conclus ci-dessus longuement exposé en contenant des dispositions qui ne se conforment pas à ces derniers, en l’occurrence, la Déclaration universelle des droits de l’Homme du 10 décembre 1948 et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966 qui garantissent le suffrage universel et égal ainsi que la participation citoyenne et interdisent toute sorte de discrimination.

La Constitution intègre parfaitement ces dispositions conventionnelles dans l’arsenal juridique congolais et leur accorde une place privilégiée en disposant que « Les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont une autorité supérieure à celle des lois… » (Article 215) et que « Les cours et tribunaux, civils et militaires, appliquent les traités internationaux dûment ratifiés, … » (Article 153 alinéa 4).

La DUDH stipule, en son article 21, que « Toute personne a le droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays, soit directement soir par l’intermédiaire de représentants librement choisis. » (Souligné par nous) et que « Toute personne a droit à accéder, dans les conditions d’égalité, aux fonctions publiques de son pays » (souligné par nous). Cette disposition affirme le principe du suffrage universel aussi bien pour le droit d’être électeur que pour celui d’être éligible, en même temps qu’elle insiste sur la non-discrimination.

Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, étaye et explicite ces idées dans son article 25 ainsi libellé : « Tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l’article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement, soit par l’intermédiaire de représentants librement choisis ; b) de voter et d’être élu, au cours d’élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal et au scrutin secret, assurant l’expression libre de la volonté des électeurs ; c) d’accéder, dans des conditions générales d’égalité, aux fonctions publiques de son pays. ».

Ici, le lien est clairement établi entre suffrage universel et droit à la fois de voter et d’être élu ; de même qu’est affirmée les conditions d’égalité et de non-discrimination[3].

En adhérant à la Charte des Nations Unies, la République démocratique du Congo a ipso facto accepté la DUDH ; elle renouvelle par ailleurs, dans le préambule de sa Constitution, son adhésion et son attachement à la Déclaration. Même si cette dernière n’est pas une décision juridiquement obligatoire ni une convention internationale ratifiée par la RDC, elle a néanmoins, aux yeux de notre pays comme à ceux de tous les membres de l’ONU, une valeur et une force symboliques indéniables qui assurent l’expression par tous de leur attachement au contenu de la Déclaration. D’autant plus que celle-ci fut l’affirmation des principes que reprendra plus tard le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, convention internationale établissant des obligations juridiques dans le chef de ses parties.

Enfin, les montants importants exigés des candidats ne correspondent aucunement à des « frais de dépôt de candidature ». Est-il concevable de considérer que les frais occasionnés par le dépôt d’un dossier de candidature puissent se chiffrer au montant astronomique de 160.000.000 de francs congolais ? Dans ses explications et réponses devant les deux chambres, le représentant du gouvernement a implicitement reconnu qu’il ne s’agit pas en réalité de frais de dépôt de candidature puisqu’il a justifié cette imposition pour « décourager des candidatures fantaisistes ». De ce point de vue, il est de notoriété publique qu’il existe bien d’autres moyens de réduire le nombre de candidatures si des raisons pratiques l’exigent. De plus, est-il nécessaire de décourager les candidatures fantaisistes à d’autres niveaux que l’élection présidentielle ? Faut-il décourager « des candidatures fantaisistes » au niveau des élections provinciales et locales ? La réponse est évidemment négative. A ces niveaux, il conviendrait plutôt, au contraire, d’encourager les candidatures, y compris celle des femmes, et l’augmentation des soi-disant frais de dépôt de candidature  constitue bel et bien un obstacle, voire une discrimination, difficilement surmontable par certains candidats et surtout par les candidatEs dotées souvent de moyens financiers plus limités. En tout état de cause, ce genre de propos ne saurait avoir aucune valeur et ne mérite pas qu’ils soient pris en considération, car aucune raison ni cause de quelque nature que ce soit, quelle que soit son utilité ou sa nécessité pratiques, ne saurait justifier une violation de la Constitution, la loi des lois, la loi suprême de la République. 

A la lumière des arguments développés ci-haut, tous les articles qui imposent des « frais de dépôt de candidature non remboursable » comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections violent les articles 5, 13 et 215 de la constitution et doivent donc être supprimés ou modifiés en ne prévoyant que le payement de frais administratifs modestes accessibles à tous les citoyens.

  1. La possession d’un titre académique ou scolaire : une autre condition tout aussi contraire à la Constitution

La possession d’un titre académique ou scolaire comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections est une violation des articles 5, 13 et 215 de la constitution.

Les articles : 18 et 20 point 4 (pour la déclaration de candidature) , 104 dernier alinéa, point 6 (pour l’élection présidentielle), 121 alinéa 3 point 5 (pour les législatives nationales), 132 alinéa 3 point 5 (pour les sénatoriales), 149 alinéa 3 point 3 (pour les provinciales), 177 alinéa 3 point 3 (pour les urbaines), 186 alinéa 4 point 5 (pour l’élection des maires et maires adjoints), 195 alinéa 3 point 3 (pour les conseillers communaux), 202 alinéa 3 point 5 (pour l’élection des bourgmestres et adjoints), 211 alinéa 3 point 5 (pour les conseillers de secteur ou de chefferie) et 218 alinéa 3 point 5 (pour le la candidature à l’élection des chefs de secteur et chefs de secteur adjoints) fixent, sous peine d’irrecevabilité, l’obligation d’ être porteur d’un diplôme  d’études supérieures ou  universitaires pour le candidat à la présidence, pour les candidats députés et sénateurs, pour les candidats députés provinciaux , gouverneur et vice-gouverneur, conseiller urbain, pour les  candidats Maire et Maire adjoint, Bourgmestre et adjoint, conseiller municipal, de secteur et de chefferie et bizarrement d’un diplôme d’études secondaires pour les candidats Chef de Secteur et adjoint[4]. Il est prévu toutefois que l’absence de diplôme peut être remplacée par une attestation justifiant d’une expérience professionnelle d’au moins cinq ans (et dans certains cas deux ans) dans le    domaine politique, administratif ou socio-économique.

Tous ces articles violent  l’article 5, dernier alinéa de la Constitution qui prescrit que «Sans préjudice des dispositions des articles 72, 102 et 106 de la présente Constitution, sont électeurs et éligibles, dans les conditions déterminées par la loi, tous les Congolais de deux sexes, âgés de dix­huit ans révolus et jouissant de leurs droits civils et politiques. » (art. 5)

L’article 5 de la Constitution, comme nous l’avons déjà vu plus haut, fixe de manière limitative les conditions d’éligibilité. Répétons-le : Il n’appartient pas à la Loi ajouter des conditions d’éligibilité supplémentaires à celles qui ont été fixées de manière volontairement limitées par le Constituant. Ce dernier n’a pas inscrit la détention d’un diplôme, comme une des conditions d’éligibilité.

Le Parlement devrait donc, à la lumière des arguments ci-haut élaborés, considérer tous ces articles instaurant une condition d’éligibilité basée sur la possession d’un diplôme contraires à la Constitution et les supprimer de la loi électorale révisée.

  1. Des mandats politiques à vie et héréditaires

 Le mandat public de Chef de l’Entité Territoriale Décentralisée Chefferie n’est pas soumis à l’élection, ce qui constitue une grave violation des articles 12, 13, 14, 207 et 215 de la constitution, une atteinte au droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays.

D’autres dispositions qui figurent dans la loi électorale sont tout aussi contraires à plusieurs articles de la Constitution parce qu’elles ne prévoient pas que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies »  soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres du Conseil de chefferie élus,  alors que leurs homologues, les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « communes » (articles 199 à 202) et les Chefs de secteur et  leurs adjoints des ETD « Secteurs » (articles 215 à 218) sont eux élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections.

Il résulte de cette discrimination que le chef de chefferie exercera des attributions (dont certaines par l’entremise d’un premier échevin désigné par eux) comparables à celles des bourgmestres et des Chefs de secteur. Toutefois, énorme entorse au principe de redevabilité, le Chef de Chefferie exercera ces attributions, tout en ne répondant pas de ses actes devant le Conseil de chefferie, et sans devoir passer comme le feront les autres responsables d’ETD Communes et Secteurs par la sanction périodique des élections, puisque le Chef de Chefferie est nommé à vie.

Il gérera donc l’entité territoriale décentralisée (ETD) « Chefferie », avec quasi les mêmes attributions, sans avoir reçu un mandat électif mais en ayant été « désigné selon la coutume locale », c‘est-à-dire par un système archaïque de dévolution héréditaire du pouvoir coutumier qui génère déjà aujourd’hui de nombreux conflits, parfois sanglants, de succession et qui est fortement susceptible d’en engendrer davantage à l’avenir.

Cette discrimination, liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie, est contraire à la Constitution en son article 12 : «Tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une égale protection des lois.”  En effet, il n’y a pas égalité devant la loi lorsque un.e citoyen.ne électeur-trice dans une ETD « Commune » ou une ETD « Secteur » peut élire de manière directe des conseillers municipaux ou des conseillers de secteur et à travers eux de manière indirecte le ou la bourgmestre ou le ou la chef.fe de secteur, alors qu’un.e citoyen.ne électeur-trice dans une ETD « Chefferie »  peut élire de manière directe des conseillers et conseillères de chefferie mais est privé de faire élire à travers eux de manière indirecte le ou la chef.fe de chefferie. Selon la circonscription où il ou elle est électeur-trice, commune, secteur ou chefferie, les congolais.es ne sont donc pas égaux devant la loi et ne jouissent pas d’un droit égal à choisir leurs dirigeants par la voie de l’élection directe ou indirecte.

Cette discrimination dans l’élection des responsables des ETD est également  contraire à l’Article 13 de la Constitution :  « Aucun congolais ne peut en matière d’éducation et d’accès aux fonctions publiques ni en aucune autre matière, faire l’objet d’une mesure discriminatoire, qu’elle résulte de la loi ou d’un acte de l’exécutif en raison de sa religion, de son origine familiale, de sa condition sociale, de sa résidence, de ses opinions ou de ses convictions politiques, de son appartenance à une race, à une ethnie, à une tribu, à une minorité culturelle ou linguistique ».

En effet, un citoyen satisfaisant aux critères d’éligibilité fixé à l’article 5 de la Constitution et désireux d’accéder à la fonction publique de Chef de l’ETD chefferie fait l’objet d’une mesure discriminatoire résultant de la loi électorale puisque cette loi le prive de son droit à se porter candidat et donc de son droit d’accès aux fonctions publiques garanti par l’article 13.

Cette discrimination liée à l’impossibilité d’élire le Chef de l’entité territoriale décentralisée (ETD) Chefferie est aussi contraire à la Constitution en son article 14 qui affirme le principe de la parité et garantit le droit des femmes à une représentation équitable dans les institutions. Les femmes sont doublement privées de ce droit en ce qui concerne l’ETD « Chefferie » puisqu’elles ne peuvent non seulement accéder, par élection, à la fonction publique de Chef de l’ETD « Chefferie », mais aussi puisqu’elles ne peuvent accéder à l’autorité coutumière, « dévolue conformément à la coutume locale », qui, à de très rares exceptions dans quelques tribus ou ethnies de la RDC, ne prévoit la dévolution de cette autorité coutumière qu’aux personnes de sexe masculin.

La loi électorale modifiée ne prend donc pas en compte, une fois de plus, en violation de l’article 215 de la Constitution sus-évoqué, l’autorité supérieure des instruments juridiques internationaux soit pour s’y conformer soit pour traduire concrètement les obligations pertinentes qu’ils imposent à la RDC. Les uns interdisent toute discrimination à l’égard des femmes ; d’autres vont jusqu’à imposer des mesures de discrimination positive en leur faveur comme dans les exemples repris dans les points 9 à 13 déjà développés ci-dessus.

Enfin, la loi électorale est contraire aux dispositions de la Constitution qui, en son article 207 reconnaît aux chefs coutumiers l’autorité coutumière dévolue conformément à la coutume locale : « L’autorité coutumière est reconnue. Elle est dévolue conformément à la coutume locale, pour autant que celle-ci ne soit pas contraire à la Constitution, à la loi, à l’ordre public et aux bonnes mœurs » (c’est nous qui soulignons).

Ces deux premiers alinéas ne reconnaissent donc aux chefs coutumiers que l’exercice de l’autorité coutumière leur dévolue conformément à la coutume locale. L’exercice d’une autre forme d’autorité telle que celle découlant d’un mandat public électif oblige ainsi le chef coutumier à se soumettre à l’élection en vertu de l’alinéa 3 de l’article 207 : « Tout chef coutumier désireux d’exercer un mandat public électif doit se soumettre à l’élection, sauf application des dispositions de l’article 197 alinéa 3 de la présente Constitution »[5].

En conclusion, le mandat de Chef de l’ETD « Chefferie » ne doit être attribué, dans la loi électorale révisée, que sur base d’une élection indirecte par le Conseil de chefferie à l’image de ce qui se fait dans les autres  ETD « Communes » et ETD « Secteurs »[6].

Pour toutes ces raisons, l’Observatoire de la parité, à travers une requête introduite le 7 août 2015 par sa Directrice[7], a déjà demandé, cela fait plus de 5 ans aujourd’hui (!),  à la Cour Constitutionnelle, de déclarer recevable et fondée la requête introduite et d’ordonner le retrait de toutes les dispositions de la loi électorale contraires à la Constitution ainsi que leur correction.

La Cour Constitutionnelle (composée de 9 juges hommes), se refusant à statuer sur cette requête, le Parlement congolais doit prendre ses responsabilités et réviser la loi électorale pour en écarter toutes ces discriminations négatives.

Les articles de la loi électorale organisant uniquement l’élection des Chefs de secteur et  leurs adjoints des ETD « Secteurs » (articles 215 à 218) au scrutin indirect par les Conseils de Secteurs issus des élections sont contraires à la Constitution , et doivent être modifiés en les complétant par des dispositions organisant également l’élection des Chefs de chefferie et  leurs adjoints des ETD « Chefferies » au scrutin indirect par les Conseils de Chefferies issus des élections.

Toutes ces modifications de la loi électorale sont nécessaires et même indispensables, mais elles ne sont pas suffisantes pour que la loi électorale prennent en compte l’exigence constitutionnelle de parité.

Pour avancer résolument dans cette direction, il est plus que temps que le législateur congolais adopte les mesures spéciales temporaires (ou de discrimination positive) comparables à celles adoptées dans de nombreux pays, y compris les pays voisins de la RDC, qui ont permis de faire des progrès significatifs vers la parité[8].

Nous nous référons ci-dessous à certaines des mesures spéciales temporaires (ou de discrimination positive) présentées dans le rapport « De la parité de droit à la parité de fait Rapport d’analyses participatives et inclusives de la loi no 15/013 du 1er août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité en République Démocratique du Congo » publié en Janvier 2017, par le Mouvement Rien Sans les Femmes (RSLF).

Introduire des discriminations positives

Certains politiciens HOMMES sont souvent d’opinion que l’accès des femmes aux assemblées élues   ne peut être basé sur des quotas mais seulement sur la « méritocratie ». Cet opinion est à la fois très prétentieuse et très insultante. Très prétentieuse, car qui peut croire un seul instant que tous les membres des assemblées élues sont arrivés au Parlement par la vertu de leurs seuls mérites. Très insultante aussi pour les femmes, parce que cela veut dire, dans l’esprit de ces messieurs, que si les femmes ne sont pas nombreuses au Parlement c’est parce qu’elles n’ont pas les mérites nécessaires pour y arriver.

La faible présence des femmes dans les institutions n’a rien à voir avec un manque de mérites. Des dizaines d’études ont mis à jour les vrais obstacles à la présence des femmes dans les institutions et les organes de décisions. Les raisons pour lesquelles les femmes n’accèdent pas facilement aux responsabilités sont bien connues : ce sont tous les obstacles à leur candidature à un mandat politique exprimés souvent par les femmes en termes de « manques » :

Le manque de formation à la vie politique, le manque d’information. Le manque de confiance en soi, lié à la peur d’être incompétente, à l’absence d’encouragement familial ou à la crainte de conflits avec l’entourage familial. Le manque de moyens, d’argent tout particulièrement, et de soutien de tous ordres. Le manque d’intérêt ou de motivation aussi, souvent lié à une image assez négative de la vie politique relayée par les médias et dans les mots utilisés pour décrire la vie politique : « combat, campagne électorale, lutte,  arène, affrontement, gagner, perdre, victoire, défaite ». Ce sont des mots guerriers qui sont plus familiers à la culture et à l’éducation masculine que féminine. D’où chez beaucoup de femmes le sentiment qu’elles feront un travail plus efficace dans une autre milieu que la politique.

Mais surtout et avant tout, c’est le manque de temps à consacrer aux activités publiques qui constitue le handicap principal freinant très fortement la participation politique des femmes et plus généralement leur accès aux instances de prise de décision dans tous les secteurs de la vie politique, économique, sociale, culturelle. La vie quotidienne des femmes dans des pays comme la RDC est souvent si difficile, pour seulement assurer le « travail de soin » et la survie de la famille, si bien que la question de leur participation à la vie politique ne se pose même pas. La question du manque de temps est évidemment liée aux responsabilités familiales : les femmes manquent de temps à consacrer à la vie publique , au militantisme politique,  à l’exercice d’un  mandat, à cause des responsabilités familiales et de la « charge mentale » qui y est liée : éduquer les enfants, nourrir la famille, accomplir les multiples tâches de la vie quotidienne, etc. Bref, devoir prester une double journée de travail. C’est l’obstacle le plus important, surtout au Congo où les hommes ne prennent le plus souvent qu’une faible part dans toutes les tâches ménagères.

La cause principale de l’absence des femmes dans les institutions et les organes de décisions ce sont donc les préjugés, les stéréotypes traditionnels sur les rôles sociaux masculins et féminins du type : « Les femmes ne doivent pas participer à la vie politique, elles n’ont qu’à s’occuper des enfants, de la cuisine et de l’église ». Malheureusement, ces schémas traditionnels rétrogrades sur les rôles dévolus à l’un et l’autre des sexes sont parfois intériorisés et transmis par les femmes elles-mêmes.

Ce sont tous ces manques, toutes ces discriminations qui sont les barrières, les obstacles dans l’accès à la vie politique  pour les femmes et ce n’est certainement pas le manque de mérites. Le meilleur moyen que l’on a trouvé dans de très nombreux pays, dont ceux limitrophes de la RDC, pour enlever ces barrières, c’est le système des quotas électoraux de femmes.

Le terme de quota électoral fait référence à des pourcentages obligatoires ou contraignants de femmes candidates aux élections. Le quota électoral peut s’appliquer au nombre de femmes candidates présentées par un parti politique aux élections ou prendre la forme de sièges réservés à l’assemblée. Les sièges réservés réglementent le nombre de femmes tandis que les  quotas de candidats fixent un pourcentage de femmes (par exemple 30ou 50 pour cent) figurant sur les listes de candidats aux élections,  assortie le plus souvent d’un système d’alternance des noms des femmes et des noms des  hommes sur les listes et de l’obligation de placer les femmes en position d’éligibilité. Il est en effet important de préciser le rang des candidats sur la liste, afin que les candidates ne soient pas tout simplement reléguées tout en bas de celle-ci. Les sanctions en cas de non-respect revêtent aussi de l’importance. La législation ou la réglementation appliquée dans le cadre de la mise en œuvre des quotas doit évidemment prévoir des sanctions en cas de non-respect des dispositions relatives aux quotas. Ce que ne fait pas l’actuel article 13 de la loi électorale.

 Afin de rattraper le honteux retard pris par la RDC et de ramener le pays d’une position de dernier de classe à une position de premier de classe en matière de participation politique de la femme, l’OPE propose deux réformes novatrices, ayant toutes deux un impact immédiat et radical en matière de parité et de participation politique de la femme.

La première est l’introduction d’un système de candidatures, aux élections, nationales, provinciales et locales, en BINOMES ou DUOS HOMME/FEMME.

La seconde est l’instauration d’assemblées citoyennes au côté des assemblées élues.

Instaurer le scrutin binominal en RDC 

Qu’est-ce  que le « scrutin binominal » (ou en duo H/F)  ?

Les candidat.e.s aux élections se présentent en binôme, chaque binôme étant composé d’une femme et d’un homme. Les candidat.e.s se présentant en binôme doivent souscrire une déclaration conjointe de candidature. Cette déclaration est composée de deux formulaires : chaque membre du binôme doit remplir un formulaire individuel de candidature qui doit être signé par les deux membres du binôme.

Par ailleurs, chaque candidat du binôme doit impérativement se présenter avec un ou deux suppléant(s) de même sexe qui sera ou seront  appelé(s) à le remplacer en cas de vacance pour tout motif autre que la démission d’office ou l’annulation de l’élection. Chaque membre du binôme a donc son ou ses propre(s) suppléant.e.s qui ne pourra en aucun cas remplacer l’autre membre du binôme. Une fois élus, les deux membres du binôme exercent leur mandat indépendamment l’un de l’autre.

Un mode de scrutin révolutionnaire et paritaire

Pour l’Observatoire de la parité, les élections nationales, provinciales et locales pourraient ou plutôt devraient être organisées en RDC en utilisant le mode de scrutin binominal.   Les élections de 2023 (ou les élections locales plus proches) seraient ainsi les premières élections qui permettraient de procéder au renouvellement général de l’ensemble des élus – aujourd’hui illégitimes et massivement masculins – en instaurant directement la parité 50/50, sans attendre 2030 ou plus tard encore. La conséquence directe de ce mode de scrutin est en effet que le nombre d’hommes et de femmes serait égal dans chaque assemblée élue que ce soit une Assemblée Nationale, une Assemblée Provinciale ou un Conseil Communal, de Secteur ou de Chefferie.

Comment la loi électorale devrait-elle être modifiée ?

Il s’agit d’introduire dans la loi électorale le mode de scrutin binominal mixte majoritaire à deux tours. Deux candidat.e.s de sexe différent formant un binôme sont élus dans chaque circonscription (nationale, provinciale, locale) au scrutin majoritaire à deux tours. Une des formules utilisables est la suivante (inspirée de celle utilisée depuis 2015 pour l’élection des Conseils départementaux en France) :

Pour être élu au premier tour de scrutin, un binôme doit recueillir à la fois la majorité absolue des suffrages exprimés (50% des suffrages exprimés plus une voix) et un nombre de suffrages égal au quart des électeurs inscrits. Si aucun des binômes ne l’emporte au premier tour, un second tour est organisé.

Au second tour, sont autorisés à se présenter les binômes ayant obtenu au premier tour au moins 12,5% des voix des électeurs inscrits dans la circonscription. Si un seul binôme de candidats remplit cette condition, le binôme ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages après lui peut se maintenir au second tour. Si aucun binôme ne remplit cette condition, seuls les deux binômes arrivés en tête peuvent se maintenir au second tour.

Au second tour, la majorité relative suffit. Une fois élus, les deux membres du binôme exercent leur mandat indépendamment l’un de l’autre.

Avec ce mode de scrutin, les électeurs congolais désigneront tous les cinq ans, au scrutin majoritaire à deux tours, un binôme homme-femme pour les représenter dans les assemblées au niveau national, provincial et local. Actuellement, seulement environ 10 % des élu.e.s  dans ces assemblées sont des femmes. Avec ce mode de scrutin, 50% des élu.e.s  dans ces assemblées seront des femmes. Et l’article 14 de la Constitution sera enfin respecté !

Le scrutin binominal existe déjà dans plusieurs pays. Par exemple, lors des élections des Conseils départementaux en France, ce n’est pas un seul candidat qui sest présenter dans chaque circonscription, mais un binôme composé d’un homme et d’une femme. Ce nouveau mode de scrutin a permis un renouvellement et une féminisation des candidatures.

C’était une première dans l’histoire de la politique française. Les élections départementales des 22 et 29 mars 2015 ont vu des binômes homme-femme être élus. Il y a  donc aujourd’hui une parité absolue dans l’ensemble des conseils départementaux : 2054 hommes et 2054 femmes y siégent pour six ans, la plupart d’entre eux étant de nouveaux venus en politique. Ce nouveau mode de scrutin, ajouté au non-cumul des mandats, a en effet contraint les partis politiques à trouver de nouveaux candidats, et notamment des femmes. Car ces dernières, selon une étude Harris Interactive publiée le 18 février, ne représentaient que 22 % de l’ensemble des candidats aux élections cantonales de 2008 et 2011. « L’effet positif et indéniable de ce scrutin, c’est l’augmentation de l’accès des femmes à des mandats électifs, juge William Genieys, directeur de recherche au CNRS. « De nouvelles personnes, les femmes en priorité, peuvent désormais accéder à un début de carrière politique grâce à ce mandat de conseiller départemental. C’est une bonne chose pour le renouvellement de la classe politique. »

Certains partis politiques ont dû réaliser un effort de renouvellement plus important que d’autres. Alors que les femmes représentaient 35 % des candidats Europe Écologie Les Verts aux cantonales de 2008 et 2011, elles ne représentaient que 23 % des candidats du Parti socialiste et 17 % des candidats UMP.

 Pour autant, les partis politiques engagés dans la course n’ont pas eu de mal à trouver des volontaires. « C’est faux de dire que c’est compliqué de faire un binôme. Les candidates, on les a », affirme Virginie Duby-Muller, députée de Haute-Savoie également candidate aux élections départementales et secrétaire nationale UMP en charge de la parité, contactée par France 24. « Les dernières municipales ont amené de nombreuses femmes. Elles étaient déjà engagées dans le monde politique, simplement elles n’avaient jamais eu l’occasion d’être en position d’élues », ajoute-t-elle. Même son de cloche au PS où on souligne qu’il y a toujours eu des femmes engagées sur le terrain, mais qui n’étaient pas destinées par le passé à devenir candidates.

Comme pour toute nouveauté, il faudra du temps pour que le concept de binôme homme-femme trouve son mode de fonctionnement. L’expérience devra être observée sur le long terme, mais celle-ci a déjà le mérite, selon les experts, d’imposer un renouvellement des candidatures et de montrer que les femmes ont toute leur place dans la vie politique[9].

Instaurer la démocratie participative en RDC

L’actuel déficit de légitimité qui frappe la représentation politique impose de revenir aux sources de l’expérience démocratique et d’analyser avec précision les dynamiques contemporaines les plus prometteuses, particulièrement les dispositifs institutionnel de démocratie participative recourant au tirage au sort.

Pour l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F (OPE) l’idée de réintroduire le tirage au sort en politique constitue une voie prometteuse pour la démocratie congolaise et pour faire progresser fortement la parité.  La mise en place de dispositifs institutionnels de démocratie participative peuvent constituer en RDC une source de démocratisation, un grand progrès vers la parité et la participation politique de la femme, un point d’appui pour une opinion publique plus éclairée et pour une action publique plus responsable.  

La crise de légitimité qui frappe la représentation politique en RDC, comme dans beaucoup d’autres nations, a plusieurs causes.  La technique du tirage au sort, qui a joué un rôle crucial dans les démocraties antiques, dans les communes italiennes et dans la Couronne d’Aragon[10], et plus récemment dans de multiples expériences contemporaines de démocratie participative semble  aujourd’hui légitime aux yeux d’acteurs de plus en plus nombreux, comme en témoigne son retour actuel en politique dans les « assemblées ou conventions citoyennes », les « budgets participatifs » ou les « jurys citoyens ». Ce Rapport évoque plusieurs de ces tentatives et tâche d’en brosser un panorama, de manière très synthétique en s’inspirant fortement de l’ouvrage de Yves SINTOMER , Petite histoire de l’expérimentation démocratique, Tirage au sort et politique d’Athènes à nos jours.[11].

L’OPE est convaincu que la démocratie participative, dans un contexte marqué par le recul du rôle des partis politiques, avec ses dispositifs fondés sur le tirage au sort, peut et doit occuper une place importante dans le système démocratique congolais qui doit se montrer capable de se nourrir des dynamiques civiques existantes pour s’attaquer résolument aux défis auxquels la RDC doit faire face.

Les causes structurelles de la crise de légitimité de la représentation politique

La crise de légitimité de la représentation politique ou le « désenchantement démocratique » , comme on a parfois qualifié cette crise, a de multiples causes.

La politique impuissante.

Depuis plusieurs années ou décennies, la politique semble incapable de faire face à la « crise » socioéconomique vécue dans de nombreux pays. La RDC ne fait pas exception. Malgré ses richesses phénoménales,  qualifiée de « scandale géologique », des problèmes sociaux majeurs ne trouvent pas de solution satisfaisante et l’avenir est de ce point de vue extrêmement inquiétant.

Le décrochage politique des classes populaires.

Alors que chacun perçoit bien que les inégalités sociales s’accroissent, les identités de classe tendent, elles, à se dissoudre progressivement. Dans les pays développés et industrialisés, « Il y a bien sûr toujours des ouvriers, mais plus guère de classe ouvrière, au sens d’un groupe unifié autour d’un sentiment d’appartenance et structuré par un réseau organisationnel et institutionnel dense ». Dans les pays en voie de développement et restés fortement agricoles, il y a bien sûr des millions de paysans mais y-a-t-il une classe paysanne, « au sens d’un groupe unifié autour d’un sentiment d’appartenance et structuré par un réseau organisationnel et institutionnel dense ? ». La réponse est négative.

La crise de l’action publique bureaucratique.

Malgré les efforts des nombreux fonctionnaires dévoués à leur tâche, les services publics (système de santé, d’éducation, REGIDESO, SNEL, FONER, et autres entreprises publiques) sont de moins en moins au service du public et les classes populaires en sont les premières touchées, elles qui dépendent fortement des prestations de l’État dans leur vie quotidienne.

L’obstacle idéologique. 

La crise de légitimité du système politique a également des causes proprement idéologiques. En Europe, les idéologies traditionnelles (l’idéologie socialiste, démocrate-chrétienne, républicaine, etc.) ne sont plus aujourd’hui que l’ombre d’elles-mêmes. Elles ne se révèlent plus capables de soulever les énergies des masses. La situation est pire encore en Afrique et en RDC où ses idéologies mobilisatrices n’ont jamais pénétré en profondeur dans la société.

Les causes internes au système politique.

Une autre série de causes renvoie au fonctionnement du système politique. « La classe politique est de plus en plus marquée par des habitudes, un mode de vie et une expérience sociale propres, qui la constituent en groupe dont les intérêts et la vision du monde sont particuliers au regard de l’ensemble des citoyens ». C’est particulièrement le cas en RDC où la composition sociale de la classes politique est incroyablement restreinte.  10 %  seulement des députés sont des femmes (alors que les femmes sont majoritaires dans la population), la plupart des parlementaires sont âgés (alors que les jeunes congolais sont innombrables), les classes populaires ne sont pratiquement pas représentées (pas de paysan dans les parlements, alors que cette catégorie forme  la majorité de la population active). Ces données sont perçues comme des carences fortes par une large majorité des citoyens.

En ayant amplifié à l’excès les pouvoirs du Président, les Républiques successives, mobutiste et kabiliste, ont contribué sur la durée à discréditer la politique qui se résume en un exécutif présidentiel omnipotent et un Parlement croupion aux pouvoirs réels très réduits. Une structure de pouvoir similaire a été reproduite dans les provinces. Ajoutez-y le cumul des mandats, la corruption, l’enrichissement personnel, la longévité de nombreux responsables politiques, qui, traversent sans problème tous les régimes, mobutiste, afdélien, kabiliste, fatshiste … et chacun comprendra la méfiance pour ne pas dire le rejet de la classe politique par la population.

La perte de légitimité des partis politiques.

Leur affaiblissement est généralisé. La plupart d’entre eux – particules plutôt que parti – n’ont aucune implantation de masse. Bien sûr, ils ne sont pas près de disparaître et demeurent – malheureusement – les principaux canaux de sélection du personnel politique, surtout depuis qu’ont disparu les candidatures d’indépendants.. À l’occasion, les partis peuvent même recruter des membres, souvent par le débauchage et en utilisant des moyens douteux. Une époque semble révolue, en RDC comme dans de nombreux pays, celle où la démocratie s’organisait presque exclusivement autour d’eux. Ce scepticisme vis-à-vis des partis politiques se manifeste aujourd’hui en RDC à travers la floraison de « mouvements citoyens » dans lesquels les jeunes choisissent de s’engager plutôt que dans un parti politique. « À travers ces formes d’engagement, souvent extrêmement intenses et dont la capacité à faire évoluer l’agenda politique a été régulièrement démontrée, des milliers de personnes expérimentent une politisation qui n’est pas tournée vers l’occupation de mandats électoraux ou la prise du pouvoir d’État ».

Les nouveaux dispositifs institutionnalisés de « démocratie participative »

En réaction à cette crise de légitimité, on assiste depuis plusieurs années à la multiplication des dispositifs institutionnalisés de « démocratie participative ».

« Il est frappant de constater à quel point l’imagination institutionnelle a pu fleurir sur ce terrain depuis vingt ou trente ans. Dans des contextes nationaux extrêmement divers, portées par des acteurs différents, des procédures souvent très élaborées ont vu simultanément le jour dans de nombreux pays ».  Depuis deux ou trois décennies, des centaines d’expériences ont eu recours à la méthode aléatoire (du tirage au sort) et ces démarches, souvent très pragmatiques, ont déjà accumulé de nombreux succès. Certains de ces « dispositifs de démocratie participative », comme le budget participatif, ont même déjà été adoptés en RDC.

Les jurys citoyens. 

Le jury citoyen est le premier des dispositifs fondés sur le tirage au sort à avoir vu le jour, et c’est celui qui, de loin, a été le plus expérimenté. Son coût est relativement modeste. Dans le modèle de base, le jury est constitué d’un groupe réduit de citoyens et de citoyennes tirés au sort sur les listes d’habitants ou les listes électorales, qui doivent chercher des solutions à un problème particulier rencontré par les politiques publiques. Il s’agit le plus souvent de thèmes de planification urbaine, mais des questions sociales ou écologiques sont aussi fréquemment abordées. Les sujets se sont en tout cas beaucoup diversifiés. La discussion en petits groupes permet un face-à-face favorable à l’expression de toutes et tous les participant.e.s. Le jury travaille parfois en plénière, parfois en sous-groupes. Les jurys auditionnent des techniciens spécialistes des questions discutées et les parties intéressées (associations, responsables politiques, etc.). Leurs travaux s’étalent normalement sur deux ou trois jours. Si la procédure est prise très au sérieux, les résultats influencent directement les décisions publiques.

L’OPE préconise la mise en place de ce type de dispositif de démocratie participative qui pourrait se révéler particulièrement approprié au niveau des Entités Territoriales Décentralisées (les Communes, Secteurs, Chefferies) et Déconcentrées (les Territoires, Groupements, Villages) et garantit presqu’à coup sûr une composition paritaire H/F (de par les vertus du tirage au sort).

 Le budget participatif

Le tirage au sort peut être aussi utilisé pour convier les citoyens à des assemblées publiques du budget participatif où se discutent les choix et les priorités en matière de budget et finances communales et des services publics fournis par les entités territoriales décentralisées.  Le recours au tirage au sort des participants à cet exercice vise à favoriser une représentativité sociologique des participants (qui serait plus difficile avec des assemblées ouvertes seulement aux volontaires, aux « habitués de la participation ») et favorise l’implication des citoyen.ne.s « ordinaires », y compris donc des femmes qui ont toutes les chances d’être présentes de manière paritaire.

L’OPE considère qu’en RDC, ce dispositif de démocratie participative pourrait également se révéler très approprié non seulement au niveau des Entités Territoriales Décentralisées et Déconcentrées mais aussi des provinces et garantirait une composition paritaire et une participation politique de la femme congolaise (de par les vertus du tirage au sort).

Les assemblées ou conventions citoyennes

« Le 11 décembre 2004, une Assemblée citoyenne tirée au sort parmi les citoyens de Colombie britannique remet son rapport sur la réforme du mode de scrutin de cette province canadienne.  Le projet de loi sera proposé tel quel par l’Assemblée législative aux citoyens pour qu’ils le ratifient par référendum en mai 2005. L’expérience de la Colombie britannique n’est que la pointe la plus avancée des centaines d’expérimentations qui ont utilisé le tirage au sort en politique au cours des trois dernières décennies.

Deux ans plus tard, l’Ontario, le plus peuplé des États canadiens, imite à son tour l’exemple de la Colombie britannique.

En novembre 2010, l’Islande, ébranlée par la crise financière qui l’a mise à genoux, confie à une Assemblée citoyenne de mille personnes tirées au sort le soin de suggérer les points les plus importants en vue d’une réforme de sa Constitution – avant d’utiliser le suffrage universel pour choisir parmi la population, le 27 novembre 2010, une sorte de jury constituant composé de vingt-cinq citoyens ordinaires ayant pour charge d’élaborer la nouvelle loi fondamentale à partir de ce matériel ».

Très récemment en France (2019-2020) s’est déroulée la Convention citoyenne pour le climat.   Cette Assemblée citoyenne avait pour vocation de donner la parole aux citoyens et citoyennes pour accélérer la lutte contre le changement climatique. Elle avait pour mandat de définir une série de mesures permettant d’atteindre une baisse d’au moins 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici 2030 (par rapport à 1990) dans un esprit de justice sociale. Décidée par le Président de la République, elle a réuni 150 personnes, toutes tirées au sort ; elle illustre la diversité de la société française. Ces citoyens se sont informé, ont débattu et préparé des projets de loi sur l’ensemble des questions relatives aux moyens de lutter contre le changement climatique. Les séances plénières ont été retransmises sur le site de la Convention. Après plus de 8 mois de travaild’auditions et de débats, les 150 membres de la Convention Citoyenne pour le Climat ont rendu leurs propositions au gouvernement . Le Président de la République s’est engagé à ce que ces propositions législatives et réglementaires soient soumises “sans filtre” soit à référendum, soit au vote du parlement, soit à application réglementaire directe.

Autre projet novateur : l’Assemblée citoyenne du futur. En France, comme dans toutes les démocraties modernes, le politique n’est pas en mesure de défendre l’intérêt des jeunes générations et des suivantes. La nécessité dans laquelle il se trouve de répondre, souvent dans l’urgence, aux problèmes du présent lui fait perdre de vue la sauvegarde des grands équilibres de la planète (climat, biodiversité, acidification des océans, etc.). Pour remédier à cette situation, le président de la République a annoncé la création d’une « chambre du futur ». Une idée révolutionnaire, à condition de renouer avec la créativité institutionnelle de la France et d’oser inventer la démocratie du XXIe siècle. Il s’agit de la proposition la plus aboutie d’une chambre parlementaire garantissant le long terme. Pensée pour prendre en compte « ceux qui ne votent pas » (dont la nature et les générations futures), éclairer et enrichir le processus législatif, inciter à l’innovation et à la cohérence des politiques publiques, l’Assemblée citoyenne du futur est une révolution démocratique, tant dans ses pouvoirs inédits que dans sa composition[12].

L’OPE considère qu’en RDC, ce dispositif de démocratie participative pourrait également se révéler très approprié à plusieurs niveaux :

  • Au niveau national, la suppression, réclamée par beaucoup, du Sénat pourrait ouvrir la porte à la mise en place d’une Assemblée citoyenne du futur
  • Au niveau provincial, des assemblées ou conventions citoyennes pourraient être mises en place de façon permanente ou temporaire (sur certaines thématiques) à côté des Assemblées provinciales élues en vue de formuler des propositions d’édit provinciaux ou de mesures à prendre par le Gouvernement provincial.

Conclusion

Afin de rattraper le honteux retard pris par la RDC et de ramener le pays d’une position de dernier de classe à une position de premier de classe en matière de participation politique de la femme, l’OPE propose deux réformes novatrices, ayant toutes deux un impact immédiat et radical en matière de parité et de participation politique de la femme.

La première réforme est l’introduction d’un nouveau système de candidatures, aux élections, nationales, provinciales et locales, en binômes ou duos Homme/Femme, précédée de la suppression ou de la modification des articles de la loi électorale contraires à la Constitution et qui sont autant de barrières vers la parité et d’obstacles inacceptables à la participation politique de la femme.

La seconde réforme est l’instauration de dispositifs de démocratie participative (jurys citoyens, budget participatif, assemblées citoyennes) au côté des assemblées élues.

L’OPE considère que tous ces dispositifs de démocratie participative, reposant sur le tirage au sort, s’inscrivent dans une vague plus large qui tend de façon croissante à placer la participation citoyenne, y compris la participation de la femme, sur le devant de la scène, mais leur originalité est de reposer sur des citoyens et des citoyennes « ordinaires », et non sur une minorité de citoyens, mobilisés ou organisés, que l’on retrouve dans les démarches fondées sur la participation volontaire ou dans les OSC (organisations de la société civile), ou sur l’ensemble des citoyens qui sont consultés lorsque se tient un référendum. Ces dispositifs employant le tirage au sort en politique ont en tout cas dépassé le stade d’expérimentations isolées, ils offrent une gamme de techniques déjà éprouvées et bénéficient d’une certaine légitimité scientifique. Il est donc temps de les mettre en œuvre en RDC.

À la lumière de ce qui précède, l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F préconise l’utilisation du tirage au sort en politique puisqu’il constitue une voie prometteuse pour répondre à la crise de légitimité démocratique, permet d’augmenter la démocratie participative et de progresser fortement vers la parité et la participation politique de la femme.

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NOTES :

[1] L’Observatoire de la Parité et de l’Egalité H/F (OPE), créé en 2008, est une des premières organisations féministes en RDC à avoir milité activement pour l’accroissement de la participation politique de la femme. L’OPE publie régulièrement les « Etats des lieux de la parité » au niveau national, provincial et local. Il a introduit par deux fois devant la Cour suprême une requête en inconstitutionnalité de la loi électorale. Il a réalisé une analyse genre de la loi électorale dont se sont inspiré de nombreuses organisations de défense des droits des femmes. Il a publié de nombreux articles sur ces questions dans le magazine féministe en ligne qu’il édite www.deboutcongolaises.org . Au regard de cette solide expertise, il est permis de regretter que l’OPE, basé à Bukavu mais ayant un impact au niveau national, ne soit pas davantage accompagné par les partenaires techniques et financiers et ne soit pas plus fréquemment invité à transmettre son expertise lors des ateliers, séminaires, et autres activités, consacrés aux questions de participation politique de la femme et à l’intégration de la dimension de genre dans les lois, édits, budgets, etc.

[2] La Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard de la femme (CEDEF) adoptée le 18 décembre 1979 par l’Assemblée générale et ratifiée par la RDC en 1987 dispose à son article   3, que « Les États parties prennent dans tous les domaines, notamment dans les domaines politique, social, économique et culturel, toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour assurer le plein développement et le progrès des femmes, en vue de leur garantir l’exercice et la jouissance des droits de l’homme et des libertés fondamentales sur la base de l’égalité avec les hommes ».

Le Protocole à la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatif aux Droits des femmes, signé le 05/12/2003 et ratifié le 09/06/2008 par la RDC, à son article 2, révèle  que les Etats ont l’obligation de combattre « la discrimination à l’égard des femmes, sous toutes ses formes en adoptant les mesures appropriées aux plans législatif, institutionnel et autre. A cet effet, ils s’engagent à :

  1. a) inscrire dans leur constitution et autres instruments législatifs, si cela n’est pas encore fait, le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes, et à en assurer l’application effective (c’est nous qui soulignons) ; (…) ;
  2. b) prendre des mesures coercitives et positives (c’est nous qui soulignons) dans les domaines où des discriminations de droit et de fait à l’égard des femmes continuent d’exister ; (…) »

Enfin, le Protocole de la SADC sur le Genre et le Développement, signé en 2008 et ratifié en 2010 par la RDC, proclament  les mêmes droits en y pourvoyant même des délais. Cet instrument sous –régional dispose à son article 2 qui énonce les principes généraux, à son point 2, que « les Etats parties adopteront les politiques, stratégies et programmes nécessaires tels que la discrimination positive (c’est nous qui soulignons) pour faciliter la mise en oeuvre du présent protocole. Les mesures de discrimination positive seront mises en place avec référence particulière aux femmes et aux filles afin d’éliminer toutes les barrières qui les empêchent de participer de façon significative à toutes les sphères de la vie (c’est nous qui soulignons) ». Aussi, ajoute-t-il à son article 4, Point 1, que « les Etats parties s’efforceront de consacrer l’égalité et l’équité entre les sexes dans leurs constitutions au plus tard 2015 et s’assureront qu’aucune loi, disposition ou pratique ne porte préjudice à ces droits (c’est nous qui soulignons) ».

Dans cette perspective, le même Protocole à son article 5 enjoint-il les Etats à adopter et à mettre en oeuvre « des mesures de discrimination positive en mettant l’accent sur les femmes de participer de façon significative à tous les domaines de la vie et de créer les conditions nécessaires à une telle participation ». Autant, ils « assureront la mise en place à tous les échelons de toutes les mesures nécessaires, législatives et autres, accompagnées de campagnes de sensibilisation démontrant le lien essentiel entre, d’une part, la participation et la représentation égale des femmes et des hommes à des postes décisionnels et, d’autre part, la démocratie, la bonne gouvernance et la participation citoyenne » (Article 14) et « adopteront des mesures législatives et autres stratégies spécifiques afin d’assurer : (a)  l’égalité de participation entre les femmes et les hommes à tous les processus électoraux, y compris à l’administration des élections et au vote ; (b) l’égalité de participation des femmes et des hommes aux processus électoraux (…) » (article 15).

[3] Non pertinence de quelque justification ou motivation que ce soit. – Inconstitutionnalité absolue de ces articles. Il est établi que le législateur n’a pas, à tort, cru bon de motiver un si clair écart vis-à-vis du prescrit constitutionnel. A titre d’exemple, tiré du seul cas des cautions ou frais de dépôt de candidature, l’exposé des motifs, qui sert habituellement à justifier et à motiver des dispositions de la loi, se contente de mentionner, comme l’une des innovations opérées par la loi, la « majoration des frais de dépôt de candidature ». D’une part, il ne s’agit pas seulement de la majoration opérée par la loi mais du principe même de ces « frais de participations » ou « cautions » ; d’autre part, ces sommes « non remboursables », à cause de cela même, constituent bien un impôt qui ne dit pas son nom, alors que tout cautionnement est, par définition et par nature, remboursable. C’est dans le principe même que l’imposition de tels paiements est inconstitutionnelle.

Le fait que la caution existait déjà dans la loi de 2006-2011 et qu’elle n’a été que reprise mais majorée par celle de 2015 et de 2017 ici attaquées, ne saurait justifier ni excuser une violation si criante de la Constitution qui avait seulement échappé à l’attention du juge constitutionnel lors de l’élaboration de la loi de 2006. De fait, qu’une inconstitutionnalité soit passée inaperçue ou oubliée, ou qu’elle soit restée dans la loi électorale depuis 2006 ou quelle que soit la durée du temps dans lequel elle a survécu, n’en rend pas constitutionnelle la disposition viciée.

[4] Comme on le verra plus loin, il n’y a pas de candidature à déposer pour devenir chef d’une ETD « Chefferie » et donc pas de condition de diplôme. Un Chef d’une ETD « Chefferie » peut donc très bien être analphabète.

[5] Ils (les membres de l’Assemblée provinciale) sont élus au suffrage universel direct et secret ou cooptés pour un mandat de cinq ans renouvelable. Le nombre de députés provinciaux cooptés ne peut dépasser le dixième des membres qui composent l’Assemblée provinciale.

[6] Une autre option proposée par certains constitutionnalistes est de supprimer purement et simplement les ETD « Chefferies » pour les remplacer par des ETD « Communes rurales ».

[7] Requête en inconstitutionnalité de certaines dispositions de la loi n°15/00l du 12 février 20/5 modifiant et complétant la loi n »06/006 du 09 mans 2006 portant organisation des élections présidentielle, législatives, provinciales, urbaines, municipales etlocales

[8] Selon les classements du pourcentage de femmes dans les parlements publiés par l’Union interparlementaire, au mois d’août 2020, le Rwanda occupe la 1ère place, le Burundi la 31ème, la Tanzanie  la 33ème, l’Ouganda la 36ème, l’Angola la 50ème, le Soudan du Sud la 61ème, et la RDC … la 151ème !

[9] Source : Texte par Romain BRUNET France 24 http://www.france24.com/fr/20150312-elections-departementales-parite-absolue-binomes-femmes-ump-ps  Accessible aussi sur Debout Congolaises, le magazine féministe congolais mis en ligne par l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F. Le scrutin binominal existe déjà … en France

[10]  « La méthode aléatoire (le tirage au sort) fut régulièrement considérée comme une modalité possible du choix des gouvernants. Elle joua un rôle majeur à Athènes, Venise, Florence ou en Espagne du temps de leur splendeur. Son extension varia fortement entre les diverses expériences et elle fut combinée à différents degrés avec d’autres modalités de sélection, parfois dans le cadre de procédures extrêmement complexes. Ces quelques moments historiques révèlent que le tirage au sort eut des applications politiques assez variées. Ce n’est que depuis la fin du XVIIIe siècle, avec le triomphe du gouvernement représentatif, que les charges politiques sont de façon presque exclusive attribuées par l’élection et la cooptation (avec par exemple la nomination des ministres), tandis que les hautes charges administratives sont réparties à travers le mécanisme du concours et la cooptation par les supérieurs. Pendant longtemps, dans les systèmes républicains et démocratiques, le tirage au sort a été l’une des méthodes privilégiées.

[11] Presque tout ce qui suit est tiré des chapitres de l’ouvrage le plus complet sur la question : Petite histoire de l’expérimentation démocratique, de Yves SINTOMER , édition La Découverte.

[12] Pour en savoir plus, lire INVENTER LA DÉMOCRATIE DU XXIE SIÈCLE. L’ASSEMBLÉE CITOYENNE DU FUTUR, Dominique Bourg, Floran Augangneur, Loïc Blondiaux, Marie-Anne Cohendet, Jean-Michel Fourniau, Bastien François et Michel Prieur, Les Liens qui libèrent – Fondation pour la Nature et l’Homme, 2017.