Il n’y a aucun pays dans le monde dans lequel les hommes et les femmes sont égales. Aucun. Cette vérité, inévitable, s’introduit dans tous les aspects de nos vies publiques et privées. Pourtant, elle est souvent exclue des titres d’actualité.

Même moi, des fois, j’oublie.

C’est peut-être la nature universelle des conséquences des inégalités de genre – comme la violence masculine, la menace qui pèse sur les droits reproductifs, le déséquilibre dans la charge domestique, mentale et émotionnelle, les inégalités salariales et la sous-représentation politique – qui fait qu’elles sont presque totalement absentes des médias.

Une analyse de Luba Kassova a révélé que seulement 0,02 % des sujets d’actualité à l’échelle mondiale se concentrent sur l’inégalité entre les hommes et les femmes en matière de “salaire, pouvoir, sécurité, autorité, confiance, santé et âgisme”. Même pas 1 %. Pour un problème qui touche chaque personne dans le monde ! (Parce que oui, les inégalités de genre affectent aussi les hommes).

Comme si cela ne suffisait pas, les points de vue des femmes et des dissident·e·s du genre sont systématiquement exclus de la couverture médiatique : les hommes représentent jusqu’à 70 % des voix d’expert·e·s citées dans des articles. Les femmes racisées sont encore plus marginalisées, puisque, comme le remarque Luba Kassova, “plus de poids est donné aux informations pertinentes pour des audiences blanches.”

Comment se fait-il que la couverture médiatique des inégalités de genre soit aussi microscopique ? Pourquoi le fait que plus de cinq femmes ou filles sont tuées toutes les heures par une personne de leur propre famille est considéré moins important que d’autres formes de conflit ou de violence ?

Les réponses varient, allant d’un manque de diversité dans les rédactions à la cadence intenable de l’information en continu, en passant par des biais inconscients et de la discrimination ouverte.

Pourtant, tous les jours, partout dans le monde, des journalistes travaillent sans relâche pour raconter les expériences vécues des femmes et des dissident·e·s du genre. Alors même qu’elles ne font que très rarement la une. Et elles ont besoin de plus de soutien.

C’est pourquoi des collègues et moi-même avons créé La Rubrique Genre (en anglais The Gender Beat), une organisation qui plaide pour une couverture meilleure, et plus large, des questions de genre dans le monde.

Nous voulons soutenir les journalistes et les travailleur·euse·s des médias qui couvrent déjà des sujets féministes, et plaider pour que les rédactions investissent davantage dans des reportages de qualité autour des inégalités de genre.

De gauche à droite : Eliza Angyangwe, Megan Clement, Ankita Anand et Tan Hui Yee.

Ce mois-ci, La Rubrique Genre publie un sondage de plus de 100 personnes travaillant dans le monde des médias et qui s’intéressent aux sujets féministes ou liés au genre. Dans l’enquête, ces journalistes, rédacteur·ice·s en chef et leurs allié·e·s racontent pourquoi elles et ils couvrent les enjeux féministes et de genre, et ce dont elles ont besoin pour faire leur travail sereinement.

Les personnes interrogées nous ont partagé une immense passion pour les sujets féministes.

“Je crois en le journalisme comme outil d’éducation et de lutte contre les problèmes du monde, de dénonciation de ses torts. Cela ne sera pas possible tant que l’attaque contre les femmes et leurs droits persiste et si nous ne laissons pas la place à leur parole,” raconte un·e journaliste.

Mais ces journalistes souffraient de burnout à des taux alarmants – peut-être sans surprise si l’on se rappelle que leur travail même sur les thématiques féministes et de genre va à contre-courant. De nombreuses journalistes s’en sortaient avec très peu pour raconter les histoires qui leur tiennent à cœur. Une journaliste en Inde a déclaré :

“Travailler à la pige, c’est compétitif et il n’y a qu’un nombre limité de publications qui veulent commander des reportages autour du genre. Souvent, ces médias sont petits, disposent de peu de moyens et n’ont pas de budget pour
les reportages sur le terrain. Cela signifie que toutes les dépenses sortent de ma poche. Je suis sous-payée et surmenée. Aucun média ne paie les séances de thérapie pour les journalistes de genre.”

Pourtant, nous avons plus que jamais besoin de ces journalistes. En ces temps de retour de bâton contre les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ – des interdictions d’avorter en Pologne aux attaques contre les droits des personnes trans aux États-Unis en passant par la loi anti-gay en Ouganda – notre monde a besoin d’enquêtes féministes de qualité. Parce que nous n’arrêterons pas la domination masculine sans la comprendre.

Chaque lundi, la newsletter Impact ajoute une dose de journalisme féministe dans l’univers. Mais nous ne pouvons pas rattraper les 99.98 % de couverture médiatique qui ignorent les inégalités de genre toutes seules. Nous avons besoin de plus de rédactions qui investissent dans du journalisme féministe. Parce qu’avoir conscience d’un problème est la première étape pour y remédier, qu’il s’agisse de l’accès à l’avortement, de la pandémie de féminicides ou de l’écart de salaires tenace entre les genres.

Comme nous l’a écrit une participante à l’enquête :

Les récits sont écrits, cela ouvre les yeux, et c’est comme ça que le changement s’enclenche.

La newsletter d’aujourd’hui est un extrait édité du nouveau rapport de La Rubrique Genre, “Le genre fait partie de chaque article” : Le paysage mondial du journalisme de genre et féministe.  

Nous lançons le rapport lors d’un événement en ligne le jeudi 27 juillet à 14h00 (heure de Paris). Vous pouvez vous inscrire ici. Parce que la langue partagée par les autrices du rapport est l’anglais, l’événement se déroulera dans cette langue.

Megan Clement

 

Première fois par ici ?

Impact est une newsletter hebdomadaire dédiée aux droits des femmes et des minorités de genre dans le monde entier. Chaque mois, nous publions les dernières nouvelles sur les droits des femmes et des personnes LGBTQIA+, un entretien, un reportage et un édito écrit par notre rédactrice en chef.

Ceci est la version française de la newsletter ; vous pouvez lire la version anglaise ici.

 

Megan Clement est la rédactrice-en-chef de la newsletter Impact. Anna Pujol-Mazzini a relu et corrigé la traduction. Agustina Ordoqui prépare le bulletin mensuel et rédige les posts d’actualité sur les réseaux sociaux.

La newsletter est financée par New Venture Fund et produite par Gloria Media, basée à Paris. Gloria Media est dirigée par sa fondatrice, Rebecca Amsellem.

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