A l’heure où les ateliers, forums, etc. se multiplient pour réfléchir sur les réformes électorales, l’Observatoire de la parité craint que n’en sortent que des réformettes trop timides et insuffisantes pour faire progresser résolument la RDC vers la parité H/F et vers la démocratie participative. Dans une étude approfondie, « Pour une loi électorale conforme à la constitution », l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F se penche sur les dispositions contraires à la Constitution inscrites dans cette loi et qui sont donc à supprimer ou à modifier. Il formule aussi des propositions très novatrices à introduire dans la loi électorale – voire dans la Constitution – pour faire progresser la RDC vers la parité ( les candidatures en binômes) et pour augmenter considérablement la participation politique des citoyens et surtout des citoyennes (le tirage au sort des membres de nouveaux dispositifs de participation citoyenne).
Supprimer des discriminations négatives
Premièrement, tous les articles imposant le payement de « frais de dépôt de candidature non remboursables » comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections violent la constitution en son article 5 qui fixe de manière limitative 4 conditions d’éligibilité : – être Congolais, – de l’un ou l’autre sexe, – être âgé de dix-huit ans révolus, – jouir de ses droits civils et politiques. Il ne peut être envisagé de voir une loi ajouter des conditions d’éligibilité supplémentaires à celles qui ont été fixées, de manière volontairement limitée, par le Constituant.
Ces articles doivent donc être supprimés ou modifiés en ne prévoyant que le payement de frais administratifs modestes accessibles à tous les citoyens.
Deuxièmement, les articles exigeant la possession d’un titre académique ou scolaire comme condition pour être éligible à différents niveaux des élections violent eux aussi la constitution pour la même raison (article 5) et doivent être supprimés de la loi électorale révisée.
Troisièmement, le mandat public de Chef de l’Entité Territoriale Décentralisée « Chefferie » n’est pas soumis à l’élection, ce qui constitue une grave violation de plusieurs articles de la constitution et une atteinte au droit de prendre part à la direction des affaires publiques de son pays. La loi électorale ne prévoit pas que les chefs des Entités Territoriales Décentralisées (ETD) « Chefferies » soient élus dans cette fonction au scrutin indirect par les membres du Conseil de chefferie élus, alors que leurs homologues, les Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « communes » et les Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « Secteurs » sont eux élus au scrutin indirect par les Conseils communaux et les Conseils de Secteurs issus des élections. Il résulte de cette discrimination que le chef de chefferie exercera des attributions comparables à celles des bourgmestres et des Chefs de secteur. Toutefois, énorme entorse au principe de redevabilité, le Chef de Chefferie, « désigné selon la coutume locale », exercera ces attributions, tout en ne répondant pas de ses actes devant le Conseil de chefferie, et sans devoir passer comme le feront les autres responsables d’ETD Communes et Secteurs par la sanction périodique des élections, puisque le Chef de Chefferie est nommé à vie.
Les articles de la loi électorale organisant uniquement l’élection des Bourgmestres et leurs adjoints des ETD « communes » et celle des Chefs de secteur et leurs adjoints des ETD « »Secteurs » doivent être complétés par des dispositions organisant également l’élection des Chefs de chefferie et leurs adjoints des ETD « Chefferies » au scrutin indirect par les Conseils de Chefferies issus des élections. Une autre option proposée par certains constitutionnalistes est de supprimer purement et simplement les ETD « Chefferies » pour les remplacer par des ETD « Communes rurales ».
Introduire des discriminations positives
Toutes ces modifications de la loi électorale sont nécessaires et même indispensables, mais elles ne sont pas suffisantes pour que la loi électorale prennent en compte l’exigence constitutionnelle de parité. Pour avancer résolument dans cette direction, il est plus que temps que le législateur congolais adopte les mesures spéciales temporaires (ou de discrimination positive) comparables à celles adoptées dans de nombreux pays, y compris les pays voisins de la RDC, qui leur ont permis de faire des progrès significatifs vers la parité[1].
Afin de rattraper le honteux retard pris par la RDC et de ramener le pays d’une position de dernier de classe à une position de premier de classe en matière de participation politique de la femme, l’OPE propose deux réformes novatrices, ayant toutes deux un impact immédiat et radical en matière de parité et de participation politique de la femme.
La première est l’introduction d’un système de candidatures, aux élections, nationales, provinciales et locales, en BINOMES ou DUOS HOMME/FEMME.[2]
La seconde est l’instauration de dispositifs institutionnels de démocratie participative au côté des assemblées élues.
Instaurer le scrutin binominal (ou en duo H/F)
Dans ce mode de scrutin, les candidat.e.s aux élections se présentent en binôme, chaque binôme étant composé d’une femme et d’un homme[3].
Pour l’Observatoire de la parité, les élections nationales, provinciales et locales devraient être organisées en RDC en utilisant le mode de scrutin binominal.
Les élections de 2023 (ou les élections locales plus proches) seraient ainsi les premières élections qui permettraient de procéder au renouvellement général de l’ensemble des élus en instaurant directement la parité 50/50, sans attendre 2030 ou plus tard encore. La conséquence directe de ce mode de scrutin est en effet que le nombre d’hommes et de femmes serait égal dans chaque assemblée élue que ce soit une Assemblée Nationale, une Assemblée Provinciale ou un Conseil Communal, de Secteur ou de Chefferie.
Instaurer la démocratie participative en RDC
L’actuelle crise de légitimité qui frappe la représentation politique impose de revenir aux sources de l’expérience démocratique et d’analyser avec précision les dynamiques contemporaines les plus prometteuses, particulièrement les dispositifs institutionnel de démocratie participative recourant au tirage au sort. Pour l’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F (OPE) l’idée de réintroduire le tirage au sort en politique constitue en effet une voie prometteuse pour renforcer la démocratie congolaise et pour faire progresser fortement la parité et la participation politique de la femme. L’OPE est convaincu que la démocratie participative (dans un contexte marqué par le recul du rôle des partis politiques) avec ses dispositifs fondés sur le tirage au sort, peut et doit occuper une place importante dans le système démocratique congolais qui doit se montrer capable de se nourrir des dynamiques civiques existantes pour s’attaquer résolument aux défis auxquels la RDC doit faire face. En réaction à cette crise de légitimité, on assiste depuis plusieurs années à la multiplication des dispositifs institutionnalisés de « démocratie participative »[4].
Les jurys citoyens.
Le jury citoyen est le premier des dispositifs fondés sur le tirage au sort à avoir vu le jour, et c’est celui qui, de loin, a été le plus expérimenté. Son coût est relativement modeste. Dans le modèle de base, le jury est constitué d’un groupe réduit de citoyens et de citoyennes tirés au sort sur les listes d’habitants ou les listes électorales, qui doivent chercher des solutions à un problème particulier rencontré par les politiques publiques. Il s’agit le plus souvent de thèmes de planification urbaine, mais des questions sociales ou écologiques sont aussi fréquemment abordées. Si la procédure est prise très au sérieux, les résultats influencent directement les décisions publiques.
L’OPE préconise la mise en place de ce jurys citoyens, un dispositif de démocratie participative qui pourrait se révéler particulièrement approprié au niveau des Entités Territoriales Décentralisées (les Communes, Secteurs, Chefferies) et Déconcentrées (les Territoires, Groupements, Villages) et garantit presqu’à coup sûr une composition paritaire H/F (de par les vertus du tirage au sort).
Le budget participatif
Le tirage au sort peut être aussi utilisé pour convier les citoyens à des assemblées publiques du budget participatif où se discutent les choix et les priorités en matière de budget et finances communales et des services publics fournis par les entités territoriales décentralisées. Le recours au tirage au sort des participants à cet exercice vise à favoriser une représentativité sociologique des participants (qui serait plus difficile avec des assemblées ouvertes seulement aux volontaires, aux « habitués de la participation ») et favorise l’implication des citoyen.ne.s « ordinaires », y compris donc des femmes qui ont toutes les chances d’être présentes de manière paritaire.
L’OPE considère qu’en RDC, ce dispositif de démocratie participative pourrait également se révéler très approprié non seulement au niveau des Entités Territoriales Décentralisées et Déconcentrées mais aussi des provinces et garantirait une composition paritaire et une participation politique de la femme congolaise (de par les vertus du tirage au sort).
Les assemblées ou conventions citoyennes
S’inspirant de plusieurs expériences déjà réalisées (Les assemblées citoyennes tirées au sort de Colombie britannique, de l’Ontario, de l’Islande, de la Convention citoyenne pour le climat, etc.), l’OPE considère que tous ces dispositifs de démocratie participative, reposant sur le tirage au sort, s’inscrivent dans une vague plus large qui tend de façon croissante à placer la participation citoyenne, y compris la participation de la femme, sur le devant de la scène, mais leur originalité est de reposer sur des citoyens et des citoyennes « ordinaires ». Ces dispositifs employant le tirage au sort en politique ont dépassé le stade d’expérimentations isolées, ils offrent une gamme de techniques déjà éprouvées et bénéficient d’une certaine légitimité scientifique. Il est donc temps de les mettre en œuvre en RDC.
L’Observatoire de la parité et de l’égalité H/F préconise l’utilisation du tirage au sort en politique puisqu’il constitue une voie prometteuse pour répondre à la crise de légitimité démocratique, permet d’augmenter la démocratie participative et de progresser fortement vers la parité et la participation politique de la femme.
L’OPE considère qu’en RDC, ce dispositif de démocratie participative pourrait se révéler très approprié à plusieurs niveaux :
- Au niveau national, la suppression, réclamée par beaucoup, du Sénat pourrait ouvrir la porte à la mise en place d’une Assemblée citoyenne
- Au niveau provincial, des assemblées ou conventions citoyennes pourraient être mises en place de façon permanente ou temporaire (sur certaines thématiques) à côté des Assemblées provinciales élues en vue de formuler des propositions d’édit provinciaux ou de mesures à prendre par le Gouvernement provincial.
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[1] Selon les classements du pourcentage de femmes dans les parlements publiés par l’Union interparlementaire, au mois d’août 2020, le Rwanda occupe la 1ère place, le Burundi la 31ème, la Tanzanie la 33ème, l’Ouganda la 36ème, l’Angola la 50ème, le Soudan du Sud la 61ème, et la RDC … la 151ème !
[2] L’Observatoire de la parité se réfèrent ici à certaines des mesures spéciales temporaires (ou de discrimination positive) présentées dans le rapport « De la parité de droit à la parité de fait Rapport d’analyses participatives et inclusives de la loi no 15/013 du 1er août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité en République Démocratique du Congo » publié en Janvier 2017, par le Mouvement Rien Sans les Femmes (RSLF)
[3] Le scrutin binominal existe déjà dans plusieurs pays. Par exemple, lors des élections des Conseils départementaux en France, ce n’est pas un seul candidat qui s’est présenté dans chaque circonscription, mais un binôme composé d’un homme et d’une femme. Ce nouveau mode de scrutin a permis un renouvellement et une féminisation des candidatures.
[4] Il est frappant de constater à quel point l’imagination institutionnelle a pu fleurir sur ce terrain depuis vingt ou trente ans. Dans des contextes nationaux extrêmement divers, portées par des acteurs différents, des procédures souvent très élaborées ont vu simultanément le jour dans de nombreux pays. Depuis deux ou trois décennies, des centaines d’expériences ont eu recours à la méthode aléatoire (du tirage au sort) et ces démarches, souvent très pragmatiques, ont déjà accumulé de nombreux succès. Certains de ces « dispositifs de démocratie participative », comme le budget participatif, ont même déjà été adoptés, quoique de manière limitée, en RDC.
POUR L’ARGUMENTAIRE COMPLET SOUTENANT CHACUNE DE CES PROPOSITIONS DE REFORME DE LA LOI ELECTORALE, PRIERE DE LIRE l‘ étude approfondie, « Pour une loi électorale conforme à la constitution ».
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