Au Sud-Kivu, sur une vingtaine d’universités que comptent la ville de Bukavu, seuls les comités d’étudiants de trois universités sont dirigés par des filles. Un nombre réduit qui inquiète de nombreuses femmes dans la province.
L’Université catholique de Bukavu (UCB), l’Institut supérieur de la pastorale familiale (ISPF) et l’Institut supérieur des techniques médicales, ISTM sont les seules institutions dirigées par des filles dans la province du Sud-Kivu. Pourtant, plus de vingt universités y sont opérationnelles. Peu d’entre elles se font aussi élire dans le collège provincial des étudiants, une forme de syndicat des étudiants au niveau de la province. L’étude montre que la représentation féminine est estimée jusqu’à présent à 25% dans les collèges des étudiants.
Peur, méfiance et préjugés
Malgré différentes qualités que peuvent avoir des jeunes filles étudiantes, elles n’accèdent pas à des postes électifs pour la représentation des étudiants au niveau de leurs institutions. Certaines sont sous estimées par la communauté estudiantine, d’autres ont peur de postuler par peur d’être jugées, estimant que ces postes ne sont réservés qu’aux hommes.
« Je n’ai jamais vu là où la direction de l’institution ou les hommes refusent à une fille de postuler quand il y a élection. Il faut que la fille d’abord découvre ce quelle est pour arriver à déposer sa candidature. Lorsqu’on découvre en soi la capacité, facilement on peut se lancer pour être porte-étendard des autres comme tout homme peut le faire. Quelque part, c’est le manque de courage et de volonté aussi qui sont à la base”, lance Thérèse Ayoline, porte-parole des étudiants de l’ISPF Bukavu.
“ Moi je m’étais lancé une fois et je suis passée aux élections dans mon institution. Bien évidemment puisque selon l’histoire, l’institution a plus de 10 ans mais je ne suis que la deuxième fille à prendre la tête du collège des étudiants de cette institution. Je ne peux pas laisser signaler qu’à un certain degré, les hommes aussi nous minimisent et continuent à croire que nous sommes incapables”, indique-t-elle.
De son côté Binti Julienne, nouvelle représentante des étudiants de l’université Catholique de Bukavu fait savoir que cette sous-estimation est le fruit de l’égoïsme des hommes qui ne veulent pas aider la femme à s’approcher de la gestion. Ayant été candidate malheureuse aux élections du nouveau comité des étudiants du Sud Kivu, elle demande que les autorités établissent un calendrier à tour rotatif qui permettra aux filles de diriger aussi.
«Je me suis portée candidate juste pour concrétiser la parabole des talents dont il est question dans la Bible. Il ne fallait pas que l’on cache son talent alors que nos qualités peuvent aider les autres à avancer. Moi je ne suis pas de ce genre de filles qui se sous-estiment alors quelles ont des compétences. Les filles ont la capacité de faire mieux même plus que les hommes de fois si seulement, elles croient en elles même », révèle-t-elle.
La représentante des étudiants de l’UCB pense que les filles ont seulement peur à cause des multiples tâches quelles ont à la maison qui les limitent souvent.
« Le premier problème se retrouve à l’intérieur même de ces comités lors des élections. C’est comme par exemple dans le collège provincial des étudiants où pour qu’une fille soit à la tête de ce collège, il faut des acrobaties. Nombreuses filles pensent que ce comité est juste là pour les activités para-académiques et c’est là que peut être, les femmes craignent de s’y plonger de peur d’être trop prises et rentrer souvent tard à la maison. Le deuxième problème est qu’on considère généralement la femme comme n’étant pas à la hauteur de briguer un poste. Selon les hommes, là où on peut travailler, il faut que la femme fournisse deux fois plus d’efforts que lhomme. On croit toujours que lorsque la femme est aux commandes, les retombées seront toujours négatives. Il est important d’aider donc la femme à mieux intégrer les postes électifs», renchérit-t-elle.
Pour plus d’engagement des autorités
Une certaine opinion estime que la représentativité des filles dans le comité des étudiants relève de la compétence des autorités académiques et du ministère de l’enseignement. L’implication des filles dans la gestion de leurs pairs étudiants est indispensable pour relever le défi.
« Avoir des filles représentantes des étudiants est un pas vers le développement du secteur de l’éducation. Et aujourd’hui nous appelons les jeunes filles à travailler dur à l’université pour y arriver. L’Etat congolais devrait plus s’atteler sur les mécanismes de promotion des femmes scientifiques. Bien plus, les filles ne devraient également pas s’inspirer de leurs aînées qui restent passives pour résoudre ce problème du leadership féminin. Plusieurs d’entre elles ne s’engagent pas c’est pourquoi elles sont oubliées. Nous avons essayé à notre époque et nous sommes arrivés même au bout. Si on ne commence pas à bousculer à partir de l’université, on ne saura jamais faire pression quand on sera aux affaires. C’est ici l’occasion pour la jeune fille de prouver ce quelle est. Si nous sommes à cette place aujourd’hui c’est parce que nous avons commencé la lutte étant étudiante aussi. Elles ne doivent pas rester comme spectatrices mais se tailler aussi une place», a déclaré Bibiche Masoka, Directrice générale de l’Institut Supérieur de Commerce de Bukavu.
Des femmes interrogées indiquent aussi que cela est occasionné par la mauvaise politique de recrutement des agents et cadres des comités de gestion de ces établissements du secteur de l’éducation, qui ne promeut pas la femme scientifique.
«La non application des textes relevant de la constitution sur la parité dans les institutions est l’une des causes de la sous représentativité des femmes dans les différentes institutions à Bukavu, et d’ailleurs dans tous les secteurs. On observe que les filles sont oubliées à tous les niveaux malgré l’existence des textes sur les droits des femmes», fustige la directrice de l’observatoire national de la parité Espérance Mawazo.
Madame Madeleine Diatezwa DIAMBU,ancienne porte-parole des étudiants de l’Institut Supérieur de Management de Bukavu, parle du relativisme des filles et recommande la souplesse pour relever ce mal.
«Nous pensons que le problème n’est pas forcément lié aux autorités ou aux hommes qui sont dans les institutions, c’est plutôt le manque de souplesse chez les filles avec leur relativisme. Quand elle se considère elle-même comme inapte, personne d’autre ne peut faire ça à sa place. Moi j’avais pris le risque de postuler pour montrer aux garçons que la femme est capable. Tout commence par-là, celles qui sont ministres aujourd’hui ou députées, elles ont commencé par être doyennes, portes paroles et aujourd’hui elles se distinguent parce qu’elles ont bravé la peur. La fille doit être souple quand il y a élection dans son institution pour déposer sa candidature et motiver sa campagne. C’est très facile», pense Madeleine, porte-parole honoraire de l’Institut supérieur de management, ISM Bukavu.
Jean Moreau Tubibu, animateur communautaire au sein du groupe Jérémie reconnaît que les femmes sont faiblement représentées dans différentes institutions dans tous les secteurs dans la ville de Bukavu.
« Pour le développement de ce pays et le bien-être de tous ; j’invite les parents à encourager les jeunes filles à poursuivre les études, à chercher à se tailler la place dans le comité des étudiants car elles seront des gestionnaires de ces universités demain. Les choses de coutumes on en a dépassé, d’où il faut maintenant une lutte sérieuse pour que la fille intégre les instances de prise de décision », conseille Jean Moreau Tubibu.
Me Néné Bintu précise que l’État congolais garantit la chance aux filles de briguer les postes électifs. Elle cite des traités et des conventions auxquels la RDC prend part pour promouvoir la jeune fille en égalité avec l’homme.
«Sur le plan légal, il n’y a plus des barrières car les lois ont été établies pour promouvoir la femme. L’article 14 de la constitution de la RDC consacre la parité homme-femme et c’est dans toutes les instances de prise de décision et à tous les niveaux que cela doit être observé. Cet article a donné la brèche au vote et à la promulgation de la loi organique sur la mise en œuvre de la parité homme-femme», a-t-elle fait savoir.
Elle poursuit en disant qu’en dehors de cette loi, il existe d’autres traités et conventions qui protègent les droits de la femme.
«Loin de là, il existe le code de la famille, le code du travail qui protègent aussi les droits des femmes sur tous les plans. En milieu académique, ces lois et traités s’appliquent quand il y a élections des représentants des étudiants. Nous pouvons citer par exemple la constitution, le code de la famille, les conventions et les traités internationaux ratifiés par la RDC, le plan d’action de Beijing, le protocole de Maputo, la convention pour l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme », a conclu Me Néné Bintu.
Disons que lors des élections récentes du collège provincial des étudiants, il s’était remarqué une faible représentation des filles à cette compétition où sur les 4 candidats, il n’y avait qu’une seule fille sur le poste du Porte-parole provincial P3. Et sur les 54 électeurs, il n’y avait que 4 filles qui représentaient leurs universités comme portes paroles. Ce qui a conduit à l’échec de la jeune fille Binti Julienne à prendre la tête de ce collège au niveau provincial.
SOURCE : La Rédaction JamboRDC Pacifique Mulemangabo, JDH
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