Beauvoir, Simone de (1908-1986)

Figure pivotale du féminisme, sa pensée a irradié le monde.

Issue d’une famille bourgeoise, elle a défié les normes de son milieu avant de bousculer les croyances ancrées dans la société française. Je l’ai découverte en lisant Mémoires d’une jeune fille rangée alors que j’étais adolescente, et j’ai été saisie par sa capacité à décrypter son éducation et les attentes familiales et sociales qui pesaient sur elle.

Pour elle, l’accès à l’instruction est le moyen salutaire lui offrant les outils indispensables pour questionner sa conformation aux normes traditionnelles. Certes, elle est une femme, mais elle le sera comme elle l’entend : sans mariage contraignant ni enfants.

C’est son ouvrage majeur Le Deuxième Sexe (1949), succès international, qui la place parmi les étoiles vives de la galaxie féministe. Sa célèbre assertion selon laquelle « on ne naît pas femme, on le devient » décrit la féminité non pas comme une essence innée, mais une construction sociale.

Le patriarcat, système oppressif, encadre les libertés des femmes en les réduisant à des objets dans des relations hétérosexuelles. Cette aliénation perpétuée par la culture dominante n’est pas définitive, les femmes peuvent la subvertir. Ses voyages aux États-Unis et sa découverte de l’expérience des Noir·es ont amplement nourri sa réflexion, notamment par le biais de l’écrivain Richard Wright qui lui enseigne le concept de « double conscience » élaboré par le sociologue W.E.B. Du Bois.

Elle dresse ainsi un parallèle entre la condition des femmes et celles des Noirs du fait de l’oppression systémique subie et de son ancrage dans des structures sociétales et culturelles. Elle analyse des mécanismes similaires définissant les Noir·es à travers des stéréotypes et les assignant à des rôles subalternes.

Toutefois cette lecture décrivant les femmes et les Noirs comme deux groupes étanches comporte un énorme angle mort. Quid des femmes noires ? Cette comparaison qui a nourri le slogan « Les femmes sont les n*gres des hommes » est le fait d’un féminisme blanc omettant la condition spécifique des femmes qui subissent à la fois le sexisme et le racisme.

Pour autant, Simone ne se contente pas d’être une féministe de salon, puisqu’elle passe de la parole aux actes en soutenant des mouvements pour les droits des femmes et en prenant part à des mobilisations politiques.

Farouchement anticolonialiste, elle dénonce l’oppression et l’exploitation des peuples colonisés et plaide pour leur droit à l’autodétermination. Durant la révolution algérienne (1954-1962), Simone se positionne en faveur des mouvements indépendantistes.

À une époque où le tabou était puissant, elle s’oppose avec d’autres intellectuel·les à la torture et aux violences sexuelles perpétrée par l’armée française contre les révolutionnaires.

Sa réflexion qui m’a semblé la plus moderne porte sur la vieillesse. Alors que l’âgisme en est toujours à ses balbutiements dans nos consciences collectives, Simone interpelle sa société quant aux stigmates associés à l’âge avancé. Son analyse de la vieillesse construite socialement comme une période d’inactivité et d’inutilité porte un regard étonnamment moderne et novateur sur la question. Abordant elle-même cette nouvelle étape de sa vie, elle perçoit dans ce temps la possibilité de moments de réflexion et créativité. Face à la transformation de son propre corps, elle décrit les pesanteurs spécifiques qui pèsent sur les femmes, piégées par les normes de beauté, et devant donc adopter un nouveau rôle social lorsqu’elles deviennent de vieilles femmes. Dans ses écrits, Simone se confronte à la mort avec une honnêteté brutale, réfléchissant à la peur et à l’acceptation de son inévitabilité. Vivre pleinement, même dans la vieillesse, tel était son credo.

SOURCE : Diallo, Rokhaya. Dictionnaire amoureux du féminisme (pp. 67-68).

 

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